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Ecrire - Page 29

  • Peindre, bon, et après ?

    On s'inquiète paraît-il, que Kronix ne parle pas de « Peindre ». Le signe que je ne serais peut-être pas satisfait du résultat. Oh que si, je le suis ! Heureux, comblé. Mais Laurent Cachard, délaissant pour quelques heures le savoureux supplice du PAL qu'il s'inflige à lui-même, traversant les frontières de nos pays, supportant même les afters russophiles (ne cherchez pas), s'est donné cette peine, et il en a dit tout ce que j'aurais aimé en dire. Sinon, un petit tour sur le site de la compagnie, avec revue de presse et voici qui me soulage d'avoir à dire du bien d'un travail auquel j'ai participé. La prochaine étape – en dehors de la mise en route d'une nouvelle création- est de distribuer la pièce dans d'autres structures. Je vous tiendrai au courant.

  • Retour à de petits riens

    Il me paraissait bien simple de reprendre l’écriture quotidienne de Kronix, une question d’emploi du temps me disais-je, les perturbations de ces derniers mois, causées par deux chantiers importants, l'un associatif et l'autre disons de création, ont réduit mes dispositions pour ce genre qu’est l’écriture de billet. Je reprends le livre en cours, un livre sur ma ville, avec l’idée aujourd’hui que je trouverai bien quelques heures à consacrer à mon blog. Le temps, maintenant, je l’ai. Mais l’envie, le besoin… Plus tellement sûr. Je vais tâcher d’appliquer ce principe que je défends tous azimuts : la discipline, la discipline. On se met au boulot et, fatalement, forcément, les phrases s’enchaînant, il se produit quelque chose, des éléments se mettent en place. On réalise soudain qu’on est en train d’écrire. Je vais tâcher. Je ne promets rien. Voilà : Kronix revient, Kronix est de retour, il va dérouiller sa verve, partager son humeur quotidienne, essayant de ne pas penser que, muet ou déclamant, personne n’attend son avis sur rien.

    A demain.

  • Tout en place

    Cet après-midi, pour un énième filage, François Podetti et Nathalie Vincent, les interprètes de "Peindre", ont tout simplement été exceptionnels. Tout était en place, tout était juste, pertinent. Nous étions bouleversés. Happé par ce qui se déroulait devant moi, je n'ai pas réalisé que j'écoutais mes mots. J'étais en train de regarder la vie des autres, j'étais remué par le destin de personnages que je venais de découvrir. Il y a des moments très forts, les relations entre les protagonistes fonctionnent, évoluent. Tout est en place. A partir de ce soir, je suis absolument confiant. Nathalie tiédissait mon enthousiasme tout à l'heure en disant modestement que le théâtre n'est pas une science exacte, qu'ils ne seront peut-être pas aussi justes samedi soir. Peut-être, en effet. Mais en tout cas, aujourd'hui, j'aurais vu la pièce que je voulais voir. Je sais que, malgré le temps qui manque, malgré les difficultés techniques et fniancières, le groupe que nous sommes peut accomplir des merveilles. je sais que samedi, ce sera bouleversant.

     

    En attendant, vous pouvez nous écouter, François et moi, tenter de parler de notre pièce au micro de Maryline Bayle-tête, sur Virgin radio.

  • Espace Promo

    Il va s'agir de "Peindre", bien sûr. La télévision locale est venue interviewer une partie de l'équipe (Jérôme Bodon-Clair, le musicien, n'était pas là) pendant une répétition. Rassurez-vous : aucune image de ces moments de travail qui ne sont pas destinés à être vus mais, pendant que nous répondons aux questions de la ravissante Virginie H, des photographies de Marc Bonnetin et, bien sûr, la musique de Jérôme. Nous sommes à moins d'une semaine de la générale. Le stress est indescirptible (la preuve, j'arrive pas à l'écrire : indcerdipti, inscreptibi, incerp... Ah Zut !).

  • Près de Peindre

    Le 2 avril, bon sang ! quelle accélération du temps ! les répétitions s'intensifient, la pression monte. Comme d'habitude, François Podetti s'empare du texte, interroge chaque mot, chaque intention, chaque tempo. Son travail est une des plus grandes satisfactions qu'un auteur puisse éprouver. Le voir ainsi non seulement apprendre les mots, mais incessamment déduire ce qu'il peut y apporter de sa propre existence, c'est un bouleversement dont je ne me lasse pas. Avec lui, face à lui, face à Pourbus, le personnage de la pièce, peintre installé dans le petit succès de ses toiles blanches, "E", jouée par Nathalie Vincent. Provocante, drôle, sévère, elle incarne ce que Pourbus a convoqué de lui-même pour s'obliger à bouger, à se trouver de nouveaux défis.

    Les images de Marc Bonnetin enrichissent les errements, concrétisent l'extérieur ou ébauchent les luttes intimes. La musique de Jérôme Bodon-Clair, enregistrée il y a peu dans un studio lyonnais (celui de l'ami Benoît Bel, complice de l'expérience théâtrale précédente) avec un contrebassiste, s'immisce dans les creux, joue la gamme des remuements, des urgences.

    Il y a encore beaucoup beaucoup de travail. Mais "Peindre" s'affirme, se révèle, jour après jour. Elle devient la pièce que nous avons rêvée sans la connaître, il y a plus d'un an. Elle existera bientôt et bientôt, devant un public qui, espérons-le, s'en nourrira, elle nous échappera.

  • La poncée du jour

    Quand on commence à trouver plus de plaisir à poncer un parquet qu'à écrire un livre, il faut commencer à s'interroger sur son statut d'écrivant. Ou en tout cas, sur l'intérêt de ce qu'on écrit.

  • Peindre NU

    Ce n'est pas une bande-annonce, ce n'est pas un extrait, c'est autre chose. Heureusement, l'anglais vient à notre secours pour nous proposer le mot "teaser". Voici donc le premier teaser de la pièce PEINDRE, présentée le 2 avril au Théâtre de Roanne (scène régionale). C'est sur le site (très beau) de NU laboratoire-Compagnie. On le doit à Jérôme Bodon-Clair et à Marc Bonnetin.

     

    Et c'était la 901ème note de Kronix, au passage.

  • Avant-propos

    En avant, le propos ! Le petit incipit de mon dernier livre en cours : "J'habitais Roanne". Suivront quelques extraits (rien envie d'écrire d'autre en ce moment).

    Le début est insaisissable. Le moment – au moins la période, l'âge – où il apparaît clairement que nous vivons à tel endroit. C'est-à-dire quand la simple expression « J'habite... (quelque part) » fait sens. Toute l'expression, chaque mot dans cette phrase : « J'habite (en l'occurrence) Roanne ». Ce que signifient clairement, intégralement le pronom « Je » et le verbe « habiter »,  ce que l'un et l'autre impliquent de conscience et de vécu ; et de même ce que signifie – dans la chair et dans la pensée – le nom du lieu où l'on vit. Avant de savoir penser cette affirmation, pendant le long processus qui mène à la comprendre, la ville a prolongé son ossature en moi, elle a imprimé ses formes, ses odeurs et sa musique dans mon identité en construction. « Tout cela est en moi » disait de Roanne Daniel Arsan dans un texte inédit. La ville, ma ville : Roanne, est en moi en effet. « J'habite Roanne ». La formule est trop familière pour qu'on s'y arrête sans l'effort de la méditation. Est-ce qu'elle ne prendrait pas toute sa mesure quand elle se formule au passé ? « J'habitais Roanne », comme l'identité se forge au feu de l'existence : ex sistere, être placé au dehors. Sortir, s'éloigner pour être compréhensible à soi-même. De la même façon, partir de sa ville pour la saisir et y saisir ce qu'elle fut pour nous. Ainsi, aujourd'hui que je m'en éloigne – si peu d'ailleurs – et que l'âge m'en offre une perspective construite sur un peu d'expérience, je crois comprendre ce que l'expression « j'habitais Roanne » peut signifier, pour moi en tout cas. Voici le récit de cette maturation, qui aura peut-être échappée à d'autres, plus précoces, moins méditatifs, et que j'envie parfois. 

  • La débarrassée

    Ah au fait : j'avais promis de signaler la sortie du livre de Christine Muller, dont elle m'a gentiment demandé d'écrire la préface (c'était moi ou Bernard Tapie. désolé, Nanard). Je ne me suis pas contenté d'un petit mot doucereux et engageant : je me suis fendu d'un condensé biographique et théorique sur son travail. Ce qui m'a valu un magnifique cadeau et la naissance d 'une belle complicité.

    "Christine Muller, peintre" est paru chez Thoba's éditions.

    D'accord, Noël est passé, ce sera juste pour vous faire plaisir en égoïste alors.

    En attendant, si vous habitez dans la Loire, vous pouvez visiter son exposition à la galerie Pikinasso, à Roanne.

  • Une question, au fond ?

    J'avais promis de revenir ici raconter une expérience récente. Qu'on me pardonne l'important délai qui sépare les faits de leur relation sur Kronix : c'est que je ne me suis toujours pas débarrassé de cette énorme limace, juchée sur mes épaules, qui s'appelle aussi bien « grosse flemme » que « procrastination », mot désagréable mais qui lui va bien finalement, eu égard à la gène mauvaise qu'elle occasionne. Voilà de quoi inspirer de justes sarcasmes aux élèves de monsieur Cachard, professeur au lycée de Dardilly, élèves à qui je m'étais vanté, comme je le fais à tout bout de champ, de mon infatigable discipline d'écrivain qui exige son lot scripturaire quotidien. Ce n'est pas devenu faux, malgré ma paresse actuelle, mais on ne peut pas dire que l'un de mes chantiers en écriture ait le moins du monde avancé depuis disons un mois. N'empêche, c'est bien en tant qu'écrivain que j'avais l'honneur d'être reçu par des secondes pendant plus de deux heures (heureux format, de quoi développer quelques idées), pour évoquer « le Psychopompe ».
    C'est intriguant pour un auteur d'imaginer comment il peut être perçu par des jeunes gens, qui se sont fabriqués certainement une image de lui (alcoolique et rogue ? Grand balaise rougeaud et jovial ? bellâtre à l'écharpe blanche aux longues mains délicates ? Certainement pas le petit chevelu à bretelles que le professeur a eu du mal à repérer sur le quai de la gare). Monsieur Cachard a fait travailler ses élèves sur le livre, les a laissés imaginer leurs questions selon trois grands axes de réflexion : le roman (l'action et ses personnages) ; le style ; enfin la « portée » du roman (message, valeur symbolique etc). La fin de l'entretien, après une pose, abordera les questions libres et sûrement, la condition de l'écrivain. C'est un beau programme. M. Cachard me confie, avant la rencontre : « Vous verrez, ils sont très gentils, assez impressionnés » (Oui, monsieur Cachard et moi nous vouvoyons) et en effet, je découvre plusieurs rangées d'enfants sages, manipulant leur liste de questions préparées avec un brin d'inquiétude. Je ne suis pas moins anxieux mais qu'en savent-ils ? On se jauge, on se sourit, à l'invitation du professeur, l'un d'eux se décide. La règle du jeu n'est pas celle des rencontres avec les adultes, sûrs de la finesse de leur lecture, de l'appréciation qu'ils ont d'un livre, et improvisant leurs remarques ; avec ces élèves, tout est préparé, et cette préparation produit des questions de tous ordres. Il y a les faciles, dont je viens à bout aisément (Que Lionel Gizant, chrétien, pratiquant, s’adonne lui-même au meurtre n’est-il pas paradoxal ? ; Le registre de langue utilisé dans le récit correspond-il au niveau social de chacune des victimes ? ; Quelle signification donner au bloc découpé dans la nuit et posé sur le ventre des cadavres ?) et il y a les questions plus ardues, ou dont les réponses demandent un tel développement (le roman a-t-il une moralité, ou transmet-il un message ? ; Quelle est la portée des références bibliques dans le roman ? ; Nathan Charon peut-il être perçu comme un justicier ou comme un criminel ?) que cela me semble insurmontable dans l'instant ; je livre quelques pistes, sans doute confuses. Je sais qu'on m'excusera. Et puis il y a les questions que je ne m'étais jamais posées (La description de la bibliothèque lors du meurtre de Gisèle revêt-elle un caractère particulier ? ; Comment interpréter le symbole du meurtre de Modeste Lebecq par ingestion de son propre roman ?) et là, il est temps d'annoncer qu'un auteur n'a pas de réponses, qu'un (bon) roman n'entend pas dénoncer, expliquer ou présenter de modèle, qu'il n'apporte aucune clé, qu'il est, justement, un questionnement et rien d'autre, et qu'à ce titre, lecteurs et auteur, sont à égalité « vous en savez autant que moi » leur dis-je. Et hop. Je m'en sors pas mal avec mon arme absolue.
    Pendant la pause, une jeune fille vient m'interroger sur l'édition ; je devine qu'elle écrit. Lui souhaite bien du courage, la pauvrette. Après la pose, il est question de l'écriture et de la lecture (dont M. Cachard et moi tentons de dire avec insistance quelle importance elle a. Comme s'il nous fallait convaincre). Oui oui, les enfants, faut lire, et lire si possible de bonnes choses. Je ne sais pas pourquoi, je lâche une gerbe acide sur Lévy et/ou Musso ; les enfants sourient, se regardent... M. Cachard m'expliquera qu'il a souvent eu l'occasion de désigner à ses élèves ces symboles de l'anti-littérature (s'il n'y avait que ceux-là !). On parle des mirifiques salaires d'écrivain, de relations avec l'éditeur, des rituels d'écriture (où, comment, quand ?). J'ai des réponses toutes prêtes parce que valables à 80%, mais la réalité est plus complexe, je le sous-entends en évoquant ce fait qu'en ce moment, avec eux, tandis que nous discutons, j'écris aussi. La rencontre glisse vers ses dernières minutes, les visages des élèves sont marqués par la fatigue et la lassitude (enfin, certains visages), et M. Cachard m'impose un exercice impossible : conseiller cinq livres, là, comme ça. Je cite « Hhhh » un de mes récents coups de cœur (pas si récent que ça, cela doit faire plus de six mois), je ne me résouts pas à leur conseiller Ellis, je pourrais parler de Jourde mais je n'y pense pas, je reviens à Choderlos de Laclos (une jeune fille s'exclame « Ouais », ce qui me la rend immédiatement sympathique -je veux dire encore plus immédiatement sympathique que ses petits camarades), je ne sais plus qui je cite encore, je leur conseille d'évoluer en lecture, de devenir chaque fois plus exigeant, je leur souhaite de découvrir un jour Proust, parce que, parce que Proust et puis voilà.
    Quand tout le monde s'en va, j'ai la surprise de voir un « Baiser de la Nourrice », glissé par un garçon qui souhaite une dédicace pour sa mère. Je suis vraiment entre de bonnes mains. Une classe bien préparée, attentive, sérieuse. On devine qu'un amoureux de l'écrit est passé par là, que le professeur sait où et avec qui il peut entraîner ses élèves. Un fin connaisseur, sûrement quelqu'un qui pratique. Sûrement. Sinon, ce M. Cachard devrait se mettre à l'écriture.

  • Pause

    Comme il arrive parfois, Kronix va espacer ses rendez-vous. D'autres chantiers d'écriture prennent le pas sur celui-là, pourtant aimé et important (je parle pour moi). De rares billets paraitront donc de temps à autre, comme au hasard, selon l'instant.

    Je laisse aussi quelques mots pour des proches dans l'angoisse en cette fin d'année.

    Sans aucun rapport, mais parce que j'ai promis de vous tenir au courant : Un nouveau refus d'une belle maison d'édition ("La Brune" au Rouergue) me donne paradoxalement de l'espoir : c'est un de ces refus argumenté, complet, agrémenté de vrais regrets, qui ne vous abat pas mais vous enfle d'orgueil.

    Je sais aussi que je reprendrai Kronix à au moins deux occasions prochaines : ma rencontre avec les élèves de Laurent Cachard et la sortie imminente de "Christine Muller, la débarrassée", premier livre important sur cette artiste qui, quel que soit votre état de morosité et de lassitude, vous ensoleille et vous dynamise en quelques minutes de présence.

    Enfin, il est évident que l'actualité politique pourrait alimenter des chroniques quotidiennes mais là, je suis fatigué de m'être égosillé à hurler au loup. Maintenant que le loup est entré et saccage tout, j'ai envie de dire : "démerdez-vous". Je sais, je n'ai pas bon fond.

     

    A bientôt. Courage.

  • Tari

    L'écriture est un puits artésien qui abonde alors qu'on y puise. Si on ne lui retire rien, il s'assèche. Il faut le réamorcer, alors. Combien de temps prend cette opération ? Est-elle rendue plus difficile après une période plus longue de sécheresse ? A cet égard, il est possible que les deux principes diffèrent. Le puits artésien ne dégorge pas sans peine, tandis qu'il suffit d'un déclic pour réenclencher la faconde de l'écriture. A ces lignes, vous aurez compris que le déclic, depuis certain temps, ne s'est pas produit pour moi.

  • Par force

    La tentation parfois d'arrêter d'écrire, comme il existe une tentation d'arrêter de penser, tandis que c'est une fonction vitale et irrépressible. Cela ressemble à une malédiction. Il y a ainsi ce texte amusant « Le livre fait par force », écrit par un anonyme au XVIIIème, et qui montre un écrivain kidnappé, enfermé dans une pièce, et obligé d'écrire (ce qu'il veut, n'importe quoi, n'importe comment, pourvu qu'il écrive). La condition de l'écrivant, l'absurdité de sa présence dans une société qui lui réclame une œuvre et simultanément s'en contrefiche, la vanité et en même temps la nécessité du geste littéraire. Un sujet que je me verrais bien reprendre, tiens.

  • Pas 50 %

    Bon, je n'ai pas la réponse officielle, mais ce ne sera finalement pas 50 %. Je refais une demande pour... 80 % (tarif conseillé). De quoi je parle ? De la possibilité de travailler moins pour écrire plus (et mieux, aussi). Voilà. L'aboutissement du prochain sera plus laborieux. Je vous dis ça...

  • Phrases en vacances -2

    Désolé pour les lecteurs de mes statuts facebook : je recycle, pour cause de vacances.

     

    Arrêtons de nous ébahir au spectacle de la voie lactée, ça fait des millions d'années qu'elle est comme ça. Maintenant, c'est bon.

    Les enfants du petit Poucet étaient d'une taille normale. C'est-à-dire que quand ils disaient "mon père, je lui chie dessus", ce n'était pas qu'une façon de parler.


    L'animal le plus malheureux de la terre : un castor hydrophobe allergique au bois.

  • Où sont mes racines ?

    A quel endroit est-ce que cela s'est passé, entre quelles lignes ? Je tente de me souvenir de mon premier contact avec la littérature. Quand ai-je compris pour la première fois que je lisais un texte, c'est-à-dire plus que des mots ou des phrases : une voix qui me disait quelque chose d'important ? J'avais lu beaucoup de cette littérature accumulée par mon père, du temps de sa jeunesse, après la guerre. Des romans traduits de l'anglais W.E. Jones (il me semble), avec le héros Biggles ou l'héroïne Worraghls (des mots imprononçables pour mon frère et moi, quand nous échangions à ce propos). Mais encore, ce n'était pas le choix littéraire dont je veux parler. Pagnol peut-être ? Ou bien ces « Signes de pistes » dont j'ignorais la nature prosélyte, ou encore  la guerre du feu, dès les premières lignes ? Plus sûrement chez Hugo. « La légende des siècles ». Je ne sais plus quel âge j'avais. Mais j'avais besoin d'emphase, de grandeur, d'un souffle qui me submerge. Je voulais (je suppose), un mode d'émotion qui me surpasse. Avec le père Hugo, comme vous imaginez, j'ai été servi. C'est peut-être bien là qu'il faut trouver la racine de mon goût pour le verbe, l'épique, le « plus grand que nature » que j'aime malgré mon intérêt pour la sobriété et contre quoi, naturellement, je lutte. Chaque phrase que je produis est un combat pour étouffer cet élan vers l'énorme, le surhumain, l'édifiant. Ne soyez donc pas surpris que j'y cède parfois.

  • Le détail qui fait vrai

    Le bouton perdu de la prose du transsibérien, c'est le détail qui fait vrai. Comment ça se construit, un détail qui donne de la vraisemblance à la fiction ? Un exemple : je marche dans ce chemin et cueille des mûres au passage. Je prends garde de les prendre un peu haut, parce qu'il est toujours possible qu'un promeneur avant moi se soit soulagé sur les fruits, en bas. Aussitôt, j'imagine un faux souvenir d'enfance où, grimpé sur les épaules de mon frère, je pisse sur les mûres les plus hautes ; j'y ajouterai des éclats de rire, l'anecdote du jet qui tressaute, secoué par l'hilarité, la rigolade qui se poursuit en rentrant. Pendant la balade du lendemain, nous suggérons innocemment à nos cousins de choisir les mûres qui sont au sommet de la haie. Celles du bas étant susceptibles d’avoir été arrosées par des promeneurs indélicats, précisons-nous. C'est plausible, je ne l'ai jamais fait (techniquement, à la réflexion, c'est un peu compliqué), mais c'est plausible. Avec deux ou trois détails de ce genre, on peut entraîner le lecteur où l'on veut - et jusqu'en Sibérie. Le récit crédible ne s'appuie ni sur l'imagination, ni sur la réalité, mais sur la légère torsion de la réalité que pose sur tout une logique à l'affût.

  • Chute de texte et chutes de vélos

    Pour meubler, en attendant que je produise les billets des jours à venir (oui, c'est les vacances et paradoxalement, j'écris moins pour Kronix), je colle ici un extrait d'un roman avorté "L'Husine", qui doit dater des années 2000, avant l'écriture du "Baiser de la Nourrice". Le petit Mido bosse dans l'Husine (avec ce "H" majuscule, qui évoque celui de l'Humanité) et rentre tous les soirs en vélo, mêlé à la migration monstrueuse de milliers d'ouvriers. Le nombre forme une sorte de fleuve bio-mécanique extraordinairement serré dont les cohortes de fourmis peuvent donner une idée. Ce soir-là, les vélos vont de plus en plus vite, lancés dans une course insensée. Soudain...

     

    Soudain tombe une averse démente. Un bombardement de flotte. Le rideau sombre percute le train des vélos lancé à toute allure. Les deux précipitations mêlées produisent un fracas d’armure froissée. On ne voit bientôt plus le groupe qui précède, puis les ouvriers devant Mido s’évanouissent, puis sa roue avant, enfin le faisceau de la lampe devient un halo chancelant, projeté contre un mur de paillettes argentées. Mido est trempé, brusquement glacé et terrifié. Autour de lui, on crie confusément, on essaie de s’arrêter, mais le flot des travailleurs est si dense et rapide que l’arrêt est impossible. La foule poursuit sa course étrange, fonce dans la nuit opaque, absolument perdue. Mido hurle avec d’autres, se retourne, supplie d’arrêter, mais continue d’appuyer sur les pédales, pour rester dans le rythme. Il ne perçoit de la cohue qu’une succession de gestes confus, de halètements mystérieux, de cris, hachés par le vacarme de la pluie. Brusquement, comme dans un cauchemar, Mido entend un bruit qui traverse l’écran de l’orage depuis l’avant du convoi ; c’est une bouillie de cris terrifiés et de tubes en valdingue, de corps qui rebondissent sur l’asphalte mouillé, puis de cris encore, et cela enfle enfle, grandit devant comme un souffle de loco et approche approche. Mido est d’un coup balancé en l’air, il a le temps de comprendre qu’il est projeté au-dessus d’un monstrueux carambolage, invisible sous la pluie. Il retombe brutalement sur une anarchie de corps et de vélos enchevêtrés. Un bout de métal vient le percuter immédiatement. « Mon vélo » se dit-il. Sa main le cramponne à tout hasard. Il cherche à se relever mais des dizaines de types lui sautent dessus, immédiatement suivis d’un vélo en perdition. Mido est heurté durement à plusieurs reprises. La pluie redouble de force, devient une sinistre avalanche de fouets gelés, une douche violente qui crucifie les hommes sur le sol. Mido est englouti sous des corps épais, trempes, inertes ; il essaie de se dégager en vain, renonce, épuisé. Le fracas des chutes s’éloigne légèrement, mais la mêlée frémit sous les chocs répétés, comme une masse sensible. Mido étouffe, gémit. Les corps partout s’immobilisent, des râles s’évanouissent dans le grondement torrentiel de la pluie. Une immense tristesse submerge le garçon. Il se voit mourir, il a froid. Les vélos continuent de tomber plus loin. Les tressautements faiblissent à travers la masse mobile des corps qui jonchent la route. Un des hommes qui le recouvrent remue enfin, grogne et se réveille. Mido l’encourage, rassemble ses dernières forces et ensemble, ils parviennent à soulever l’enchevêtrement des corps qui les écrasent. C’est une mêlée atroce de morts et d’agonisants, de tubes tordus, pédaliers déchirés, éclats de chaînes et chairs crevées, vestes gonflées d’eau, noircies de sang. L’homme s’éloigne, titubant, marchant au hasard sur les autres. Mido se traîne sur les corps agglutinés, s’agrippe aux haillons des gisants. Il rampe, les gestes alourdis par les fringues trempées. La pluie est comme un animal trapu, greffé aux épaules, Mido en perd le souffle à chaque mouvement. Il se dirige à l'aveugle, doigts plantés dans des membres indistincts, vers ce qu’il pense être le côté de la rue. Une lumière débile, chancelant dans la confusion de l’orage, semble indiquer un réverbère. Mido parvient en effet au pied d’un réverbère. Le garçon s’y adosse, il réalise alors que sa jambe est cassée, que ses côtes sont douloureuses et rendent difficile chaque inspiration.
    De loin en loin, malgré le vacarme de l’averse, Mido perçoit bousculade de fer et vociférations rageuses, le chaos de bataille qui se poursuit. Combien de centaines d’ouvriers, fonçant tête baissée, aveuglés par ce déluge, viennent s’écraser contre les précédents. Cela pourrait durer des heures. Pourtant, le bruit de course ne cesse pas : une portion de rue est donc encore libre et le flot s'y écoule sans encombre, comme un torrent indifférent. La pluie s’arrête enfin, aussi soudainement qu’elle était tombée. Une bruine tenace la relaie, embue le fatras de corps et de machines. Le train des ouvriers qui a pu poursuivre sa route est passé, a rejoint ses pénates. Les lumières de la rue gagnent à nouveau sur l’obscurité et soulignent l’amoncellement serré des victimes. Un silence apparent succède au grondement de l’orage. Bientôt, un râle, puis un autre, enfin une plainte continue s’élève de la rue. Des mains se dressent, on gémit, on appelle. Mido, dans un brouillard de douleur, devine des fenêtres allumées, de rares voisins qui descendent mais, pense-t-il, la plupart des habitants de ce quartier sont ici : masses grises qui encombrent la rue. Il voudrait bouger, au moins appeler, mais la douleur le paralyse. Tout à l’heure, la peur et l’instinct de survie lui ont permis de dépasser son handicap. A présent, les os brisés envoient des piques aiguës dans son cerveau et il ne veut que se reposer. La rue s’abîme dans le silence total. Les rumeurs de collisions sont éteintes. Quelques gémissements s’échappent, poussés par un chapelet de vapeur froide.

  • Le chant du Limule

    "Me défaire de tout" pour ma douce et moi, est la chanson symbole de la pièce "le rire du Limule" et de son propos. Mise en musique par Jérôme Bodon-Clair (dont on retrouvera le travail, sous la forme d'une symphonie, dans la prochaine pièce de la compagnie NU), "mimée" sur scène par Virginie Noël, interprétée par Amandine Correa et mise en scène par François Podetti sous la lumière de Dominique Dupin (quel monde il faut pour obtenir certain résultat...), elle est ici filmée par Yohann Subrin.

    J'ai découvert ce lien hier, j'ai trouvé bien de vous le faire partager. Comme la prise de son est parfois défaillante, je vous donne le texte, ci-dessous :

    Je n'avais pas de pistolet, mais des envies de fin du monde
    Je n'avais pas de guillotine, mais une soif pour mes petits
    Je n'avais pas de bombardiers et pas de pièges pour les colombes
    Je n'avais pas de sabre aux dents, pas de couteau, pas de fusil
    J'ai juste voulu, un jour, juste voulu
    Me défaire de tout
    Me défaire de tout


    On détruirait bien des bastilles, on referait souvent Paris,
    Si on avait pour seule fortune, la terre des tombes que je rejoins,
    J'ai pas voulu prendre les villes, et j'ai abandonné Paris
    La fin du monde est pour les autres, moi je m'en vais seul(e) dans mon coin
    J'ai juste voulu, un jour, juste voulu
    Me défaire de tout
    Me défaire de tout


    Je vais là où le vent a planté mes racines,
    grimper quelque rocher, troubler quelque ruisseau,
    Regarder le soleil verser le vin du soir sur les collines,
    Et repenser que j'y peux rien si les humains sont comme ils sont
    J'ai juste cru, une fois, j'ai juste cru
    Qu'on changerait tout
    Qu'on changerait tout.