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Livres - Page 6

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    La semaine dernière, j'étais à Gilly. Marielle s'est, comme chaque fois qu'elle me fait l'honneur d'une invitation, prêté au jeu de l'introduction de la soirée en donnant sa lecture de mon dernier roman. Elle m'a fait le plaisir de me l'envoyer. Je le relaie pour vous, qui n'étiez pas là. Le hasard a voulu qu'à mon retour, la lettre d'un ami m'attendait, un ami écrivain, qui décrit son rapport à Martin Sourire. C'est aussi riche et plein d'enseignements. Mais celle-là, je la garde pour moi.

    Marielle, donc :

    "
    Introduction à la rencontre avec Christian Chavassieux, pour son roman « La vie volée de Martin Sourire », éditions Phébus, 2017 – Vendredi 3 février 2017
    Après l’affaire des vivants, voici un second coup de maître…
    « La vie volée de Martin Sourire » nous attrape par la manche dès les premières phrases : Plongée fulgurante dans le roman, dans le destin d’un gamin de 4 ans, Martin, nommé ainsi par Marie Antoinette qui l’arrache du ventre du village où il est né, quand le sien est désespérément vide. « un caprice de déesse », dira plus tard Marianne la femme de Martin. Dans la scène inaugurale du roman, nous assistons effarés à cet enlèvement : Le lecteur est un badaud qui essaie de se glisser entre les mots tourbillonnants de l’écrivain comme pour mieux voir…
    Pourquoi cet enfant, plutôt qu’un autre ? L’enfant est affublé d’un sourire, « abîmé de mélancolie », sourire figé comme une énigme, une ineptie, une désinvolture, une exaspération, un défi ou une invitation.
    La reine se lasse vite puisque son ventre grossit. Martin, enfant mutique,  va grandir dans un décor de théâtre : le hameau de l’autrichienne lui offre une vie de simulacre, hors les rencontres et les amitiés qui s’y déploient avec les figurants, et le réel qui vient à lui sous la forme d’une scène de pendaison.
    De giron en giron, passant même par l’état du « sauvage », aidé de sa placidité et de son sourire, il se retrouve  vacher sous la bienveillance de Valy Bussard, de Blaise, dont il  se délecte des histoires mystiques, puis de l’intendant et architecte Richard Mique. Au hameau, loin du « grondement océanique » de la révolution, les événements semblent glisser sur lui. Mais comme son sourire, c’est un leurre. Si « la vie lui enfile ses souliers chaque matin », « la compréhension du monde qui l’entoure infuse lentement » au fil des conversations entendues.
    Il projette de partir, remet toujours à plus tard. Et c’est la Révolution et la déroute à Versailles qu’elle provoque qui le mettent sur le chemin de Paris. Il se persuade que « Parfois les choix que l’on fait pour vous sont plus clairvoyants que les vôtres »
    En main, une lettre de recommandation de l’architecte de la reine : Et  le bonheur le cueille à l’aube  de ses 17 ans : il découvre un métier, dans les cuisines de Beauvilliers, la fraternité dans la rue pied de bœuf, l’amour avec Marianne. « C’est cela une vie, se demande Martin, c’est ce calme, cette simplicité, cette évidence ? »
    L’épanouissement, idée neuve qui n’appartient qu’à l’élite, il en fait la courte expérience chez Etienne-Louis Boullée le célèbre architecte utopiste et visionnaire. Il est à son service, avec Marianne, suite à un concours de circonstances qui décide encore pour lui. Boullée est un homme rare qui « sourit au monde » et accueille Martin et son mutisme - qui pour lui est une force-  avec « bénévolence ». Il « n’aime pas l’idée que les révolutions s’arrêtent au seuil des vies les plus modestes » et Il en prend la mesure. Il ouvre Martin au monde de l’art, de la littérature et des idées des Lumières.
    En même temps les amoureux fréquentent les tavernes, guinguettes cabarets et cafés qui fleurissent dans Paris et où s’exalte le peuple qui « se découvre une puissance de démiurge. »
     « Vive la Nation !  : Tant de rage dans peu de mots, c’était du goût de Martin ». Sous influences, il s’engage dans les gardes nationales. Le bonheur tourne court quand les mains qui caressaient Marianne et tournaient les pages de Diderot, Rousseau et Voltaire dans la bibliothèque de Louis Boullée, commettent l’irréparable : Ce sera Le champ de Mars, Valmy et les colonnes infernales de la guerre de Vendée, « La grande sauvage ».
    Dans un monologue intérieur déversoir, Martin n’a pas assez de mots pour décrire l’enfer de cette guerre que l’Histoire retiendra pourtant comme un épiphénomène de la révolution.
    « Si tu savais Marianne… »
    Épreuve que celle de la lecture en apnée, jusqu’à la nausée, du chapitre 8. Que dire de la souffrance certaine quant à son écriture ? Quant à son vécu, incommensurable est le seul mot qui me vient ...
    Pour Martin et des milliers d’autres : la sensation au retour de « glisser en fantôme dans un paysage plat », « les râles des mourants formant un sabbat » qui « mâchent la tête ».
    Christian Chavassieux, en écrivain bienveillant, nous délivre par un salvateur explicit : Deux phrases à la simplicité lumineuse qui portent en elles toute la grâce d’une possible humanité.
    Le roman offre un plan serré sur la petite histoire, sur les individus qui tentent de vivre voire de comprendre ; « le peuple » noyé  dans son nombre, et les événements qui viennent en contre-points sont en revanche de terribles perspectives.
    Plan serré sur Martin Sourire, économe en mots et en gestes, « réceptacle de la parole des autres » et dont la vie est  conditionnée par des choix non maîtrises : Il est l’enfant, l’adolescent puis l’adulte dans lequel on s’observe, à travers lequel se déplie La grande Histoire et qui fait se croiser les personnages réels ou fictifs. On lui vole son nom, son enfance, ses premiers émois intimes, son chagrin « qui ne sait à quoi se pendre »  et plus tard son humanité.
    Martin, c’est sans doute l’allégorie politique de l’avènement d’une opinion publique : les cuisiniers de l’histoire ont les idées qui bouillonnent quand celles des marmitons infusent lentement. Et on est tenté de voir dans la leçon de bouillon de Beauvilliers une métaphore.
    « La vie volée de Martin sourire » peut se lire aussi en écho de notre monde : les affaires, les médias qui détournent les vérités, les mouvements de foule et les enthousiasmes destructeurs et mensongers, le simulacre des parcs d’attraction, les marchands d’illusions en tout genre, le populisme, la guerre patriotique portée par « la mystique de la colère », le fanatisme guerrier et religieux, les mots des orateurs qui font pousser les « furies volcaniques », l’exaltation des peuples, la prophétie en lieu et place d’un idéal…
    Ce roman pose l’obsédante question de la possibilité d’une espérance, face à l’ignorance et la redondance de l’histoire, la possibilité d’un libre arbitre, d’une autodétermination hors du joug des puissants.
    Le roman est brillamment servi par une écriture précise, riche, puissante, au souffle ininterrompu : Tous les critiques s’accordent maintenant à le dire. Metteur en scène audacieux, portraitiste génial, fins de chapitres en tombées de rideau, Christian Chavassieux est toujours cet écrivain exigeant qui a le souci de la véracité de ses personnages, la cohérence du contexte dans lequel ils prennent vie. Il nous tire toujours par la manche, nous immerge et surtout nous fait prendre de la hauteur.
     « l’esprit qui marche plus qu’il ne court a un talent certain pour clarifier la vie » peut-on lire dans son roman.
    On ne le remerciera jamais assez de tenter de clarifier la nôtre."

  • 3137

    Et bien, c'était prévisible, hélas. L'extrême-droite (non, je ne vous mettrai pas le lien), réquisitionne La vie volée de Martin Sourire pour faire de mon roman un porte-voix de la reconnaissance du génocide vendéen. Je me vois donc obligé de réagir et de dénoncer une manipulation de mon propos (ou une lecture orientée et fautive). « Il (l'auteur), dit ce site, nous livre le monologue de Martin, revenu de Vendée, racontant sans ambages ce que fut vraiment cette expédition punitive, que certains esprits chagrins refusent de reconnaître comme un génocide pur et simple." Sachez, chroniqueur partial, que je fais justement partie des "esprits chagrins" qui refusent qu'on colle aux Guerres de Vendée le terme de génocide.
    Je craignais que des lecteurs partisans s'emparent de cette partie du récit pour y puiser cette morale. C'est fait. Mon ambition a été, en écrivant ces lignes, de rappeler sans fard que nous (les républicains, les révolutionnaires dont je partage les idées), avions fauté, et qu'il était nécessaire de le reconnaître. Mais le monologue de Martin dit aussi les conditions et les ambiguïtés de ces événements. Il renvoie dos à dos les belligérants, fanatisme contre fanatisme.

    J'emmerde les tenants du génocide vendéen, je n'ai rien à voir avec De Villiers et ses tourbeuses épiphanies catholiques où chaque paysan est vu comme un saint martyr.
    Que ce soit clair : je conchie la malhonnêteté révisionniste autant que l'impudeur de taire ce qui nous dérange !

    Il ne s'agit pas de minimiser l'ampleur et l'ignominie des massacres, mais l'idéologie génocidaire est très spécifique et ne correspond pas, selon moi, aux principes qui ont prévalu à l'époque. Je n'ai rien contre l'emploi anachronique d'un terme imaginé pour évoquer ce qui paraissait inédit aux juges de la solution finale nazie, en l'appliquant à des phénomènes qui l'ont précédée, mais il me semble que l'idée de génocide est liée par essence à la notion de race. Il faut que l'un ou l'autre protagoniste, ou les deux, soient convaincus de l'existence d'une race distincte d'une autre. C'est cette race qui est l'enjeu du génocide. La République n'a jamais considéré que les Vendéens constituaient une race, ou même un type physique remarquable (on objectera que Barère a parlé de « race rebelle » dans une de ses carmagnoles, mais le mot race ne recouvre pas ici le sens que nous en avons, on parlait aussi bien de race française). Il y avait probablement des Vendéens travaillant à Paris (c'était le creuset où se précipitait tout le pays). Je ne sache pas qu'on a pratiqué des rafles dans la capitale pour en finir avec tous les représentants d'une hypothétique race vendéenne. Il s'est bien agi d'éliminer localement une population réfractaire, et seulement elle, au début. Rappelons que le 20 février 1794, les représentants Hentz, Garrau et Francastel donnent l'ordre aux habitants de la Vendée et aux réfugiés de quitter le territoire insurgé et s'en éloigner de plus de vingt lieues sous peine d'être considérés comme rebelles et traités comme tels. Difficile de concilier ces précautions avec une démarche génocidaire méthodique. Il s'est agi d'éliminer les rebelles pour les remplacer par une population patriote. Un rêve de pureté, bien dans l'esprit d'un Robespierre, dystopie suffisamment grave et terrible pour ne pas faire appel à un concept allogène. Crimes de guerre, massacres de masse, crimes contre l'humanité, bien sûr, et le procès doit être fait. Il fut fait par ses artisans, d'ailleurs, en son temps. Pour moi, les massacres de Vendée connaissent au moins un précédent dans l'Histoire qui permet de mieux les situer : ils sont à rapprocher de la façon dont les Romains ont décidé, au terme des guerres puniques, de se débarrasser définitivement de Carthage. Population éradiquée, bâtiments détruits, jusqu'aux champs couverts de sel pour prévenir toute renaissance. Peut-être que Robespierre et ses affidés avaient cela en tête. Au delà des monstruosités d'un Carrier, ou des ateliers de tannerie de peau humaine, la cruauté délirante des colonnes infernales, leur goût pour le pillage, ont inhibé voire disqualifié pour longtemps toute tentative de prise de recul dans la compréhension des crimes perpétrés. Et l'impact du mot génocide n'aide pas à débattre rationnellement du phénomène.
    Et qu'on s'en tienne, s'il vous plaît, à tout ce que raconte le livre et qui le met en perspective, le monologue vendéen est inscrit dans un récit plus large, et on serait bien inspiré de le rappeler. J'ai espéré, mais je me suis peut-être planté, par la description des agissements des Colonnes, élever le récit à l'échelle de l'exemplarité humaine, dépasser les impératifs historiques pour dire ma peur de toutes les solutions finales.

  • 3135

    Comme chaque année, la médiathèque de Gilly-sur-Isère m'offre une carte blanche. Pour 2017, j'ai invité Jérôme Bodon-Clair, le musicien complice de la compagnie NU et des projets « Voir Grandir » et « Portraits de Mémoire » (entre autres). Jérôme (alias Godot) nous a concocté un aperçu de la variété de sa production, entre musiques de films, musiques pour la scène, compositions de chansons, et même commande publicitaire. De quoi savourer, apprendre, s'émerveiller. Ce sera une belle rencontre, je n'en doute pas. Surtout que, entre la présentation que Marielle fera de « La Vie volée de Martin Sourire » et la deuxième partie de soirée consacrée aux créations de Jérôme, l'équipe de la Médiathèque a préparé un petit buffet, inspiré en partie des recettes du Beauvilliers, le restaurant où Martin Sourire travaille, dans mon roman.
    Nous espérons vous voir nombreux goûter les saveurs de ces nourritures terrestres et spirituelles.

    Tous les détails, ICI.

  • 3134

    Lors d'une de nos premières longues discussions hors de nos rapports éditeur/auteur, Frédéric Weil (béni soit son nom) et moi étions tombés d'accord sur le fait que le premier roman de Fantasy au monde est français. Oui, parfaitement : c'est le Salammbô de Flaubert (1862). A l'époque, j'avais le projet d'un roman placé sous l'héritage assumé de ce grand ancêtre. C'était lors de la sortie de Mausolées, en 2013. Frédéric m'écoutait évoquer les grandes batailles, la sauvagerie, le baroque, le luxe barbare, je lui racontais les paysages, les senteurs, les couleurs… je lui vendais un péplum sur les eaux et sur la terre. Les Nefs de Pangée commençaient à appareiller dans nos esprits. Frédéric me dit alors son intention de publier Salammbô sous cet angle : rappeler ce que le genre lui doit, et donc le proposer aux lecteurs de Fantasy. C'est chose faite aujourd'hui. Le livre va exister, grâce à un financement participatif. (Vous pouvez vous aussi rejoindre les contributeurs) Il ne sera pas publié seul. Les Moutons électriques et Mnémos ont ajouté au roman Le voyage en Orient, célèbre récit qui inspira à Flaubert les premières pages de Salammbô (avant qu'il se décide à retourner en Afrique, plus précisément en Tunisie, dans les paysages qui virent se dérouler la Révolte des Mercenaires). De plus, sera édité un opuscule où plusieurs auteurs doivent évoquer leur rapport au roman épique de Flaubert. Et vous savez quoi ? On m'a demandé d'en être. Bon. Mon roman en cours va donc prendre un peu de retard. Pas grave, c'est pour Mnémos, il me pardonnera.

  • 3132

    C'est un des formats les plus brefs de la télévision. Comment parler d'un livre en quelques minutes ? Impossible, l'idée est donc seulement d'intriguer. Je vais découvrir avec vous le numéro de "Un livre un jour" avec Olivier Barrot, consacrée à "La vie volée de Martin Sourire". C'est sur France 3, à 16h05.

  • 3131

    Plusieurs billets de blogueurs permettent de patienter en attendant l'angoissant retour des critiques professionnels. En voici une, par exemple, que je trouve claire et pertinente. Alors, merci à Ys Melmoth qui a eu la curiosité de ne pas en rester à "L'Affaire des vivants".

  • 3129

    Il y a deux ans, la nouvelle librairie Baume de Montélimar m'avait fait le grand plaisir de m'inviter pour évoquer "l'Affaire des vivants". Cette année, François et son équipe ont beaucoup aimé "Les roses blanches" de Gil Jouanard, publié chez Phébus, et ont imaginé une rencontre croisée avec moi. C'est un grand honneur, évidemment, et puis il se trouve que j'ai lu et aimé le récit drolatique et tendre de la Juliette de Gil Jouanard, qui pourrait être un personnage de fiction mais dont on apprend l'identité et son lien avec l'auteur, à la fin du livre. Émouvant, riche, "picaresque" dit l'éditeur. Je plussoie.

    C'est ce soir, ce soir à 19 heures, et j'y serai autant comme auditeur que comme écrivain.

  • 3122

    Appréciation de monsieur Humbert, au sujet de son élève de 5e D, un certain Marcel Proust. Premier trimestre : « Cet élève fera beaucoup mieux quand il se laissera moins entraîner par son imagination déréglée ». Au deuxième trimestre : « Bon élève, absent et malade depuis la fin de janvier. » troisième trimestre : « A le plus vif désir de bien faire, mais se laisse trop entraîner par son imagination" (l'expression "peu ordinaire" qui suit est barrée).
    Appréciation de M. Darlu, en philosophie, 6 ans plus tard : « Travaille autant que sa santé le lui permet. » Au deuxième trimestre, le même : « Beaucoup de facilité et de goût. Travaille autant que sa santé le lui permet. »

  • 3119

    Ce soir, ce sera pour Martin Sourire la première occasion de partage avec un public. Les premiers mots pour dire, évoquer, expliquer peut-être, revenir sur ce moment mystérieux où je me suis dit "Tiens, et si je racontais l'histoire d'un enfant dans la Révolution ?", ou plutôt, dire comment et pourquoi, en vérité, ce moment initial n'a pas existé. Le mystère, c'est celui-là.

    A 20 heures, à la librairie du Centre, à Ferney-Voltaire.

     

  • 3113

    Fichtre de fichtre ! Quand il s'y met... J'étais loin de mon bureau quand ma douce m'a appelé. Elle m'a résumé l'intention de la chronique, m'a fait entendre au téléphone le dernier paragraphe du billet de Laurent Cachard à propos de "La Vie volée de Martin Sourire" sur son blog. J'avais hâte de le lire intégralement, sachant le travail de lecture dont cet auteur fait le cadeau aux autres auteurs, et combien il ne se contente pas de dire qu'il a aimé. Dès mon retour, je me précipite, je lis. Me voici servi ! Je vous laisse en sa compagnie, à la lecture de ce texte précis, complet, détaillé. Que dire d'autre ? Ajouter d'innombrables mercis ? Mais nous savons, lui et moi, qu'il n'y a là ni retour d'ascenseur ou bienveillance partisane (de la bienveillance, si, tout de même un peu ? mais pas de complaisance), nous suivons chacun le parcours de l'autre et, quand un des livres de notre ami nous plaît, nous mettons en œuvre les moyens qui permettront au plus grand nombre de partager notre découverte.

    Bon, autant dire que je suis très heureux et fier, surtout, que mon dernier opus ait plu à un écrivain et néanmoins ami.

  • 3112

    La premier à chroniquer mon dernier roman est un écrivain dont j'admire le travail, ça tombe bien. Nos livres sont -sinon aux antipodes- en tout cas, inscrits dans des registres très éloignés. Et il s'agit d'un auteur intègre, qui ne distribue pas ses bons points à l'envi, ou par souci de complaire à une amitié. Je suis d'autant plus sensible au retour de lecture que Jean-Pierre Poccioni, auteur de La maison du FauneLa femme du héros entre autres, a fait de La vie volée de Martin Sourire. Diffusé d'abord sur Facebook, son texte valait d'être relayé sur Kronix. Merci à lui.

    « Pourquoi lire La vie volée de Martin Sourire de Christian Chavassieux ?
    Parce que ce roman qui se présente comme historique l’est d’une façon particulièrement intéressante et originale.
    L’événement historique est ici perçu par le personnage principal et ceux qui le côtoient comme nous percevrions nous mêmes les convulsions de notre histoire si nous ne connaissions la médiation permanente des moyens de diffusion et de présentation de l’information.
    Une histoire à hauteur d’hommes simples, de gens du commun et non l’histoire des hauts faits de quelques grands noms plus ou moins dignes du Panthéon. L’histoire du peuple par le peuple et avec lui.
    Parce que ce texte est un roman et ajoute au genre une aura supplémentaire de noblesse. Ni auto-fiction narcissique, ni pseudo biographie, ni variations sur le thème sempiternel et vain de « l’histoire vraie ». Une fiction c’est-à-dire ce procédé d’illusion réaliste que George Semprun considérait comme le seul moyen d’approcher le réel. Une fiction avec ses plaisirs petits et grands, virevoltes, événements, surprises et rebondissements.
    Enfin parce que ce texte est une œuvre littéraire ce qui implique qu’elle ne prend vie que par et pour l’écriture. Cette écriture qui se déploie avec aisance et précision, qui joue subtilement sur les tournures et le lexique très riche et recherché pour figurer la distance temporelle qui nous sépare des protagonistes est sans défaut ce qui est à la fois la moindre des choses et pas si fréquent ! Et puis soudain, quand le lecteur mis en confiance et presque accoutumé à cette belle langue finirait par oublier le talent qu’elle implique c’est le choc d’un long moment lyrique, une évocation quasi hallucinée des exactions commises en Vendée, qui s’élève progressivement aux plus forts moments poétiques qu’un lecteur puisse rencontrer. Un flot, une lave de mots qui embrase, qui sidère, qui parvient enfin, car rien n’est ici gratuit, à dire l’absolu du mal, sa béance inhumaine et pourtant si humaine. Pour moi un grand moment littéraire.
    Pour faire bonne mesure j’ai cherché des raisons de ne pas lire ce roman. Désolé je n’ai pas trouvé ! »

  • 3110

    Il est publié et maintenant, il va falloir commencer à parler de ce roman. C'est-à-dire, enfin, tenter d'en avoir une idée claire. Qu'est-ce que j'ai bien voulu faire en écrivant cette histoire ?

  • 3106

    Chavassieux GLM.jpgJe ne me défais pas de mon côté province, voyez-vous. Impossible de jouer la désinvolture quand j'apprends que « La Vie volée de Martin Sourire » est dans la sélection du Grand Livre du Mois, par exemple. Je reste cet autodidacte, cancre avéré, publié pour la première fois à 48 ans, qui s'émerveille qu'on veuille bien le considérer comme un écrivain.

  • 3104

    Bon, je ne veux embêter personne mais, à toutes fins utiles je vous l'annonce : c'est aujourd'hui qu'il sort.

    Couv_VVdeMS.jpg(à acheter ou commander chez votre libraire le plus proche)

  • 3095

    L'Hippocampe atrabilaire

    Laurent Cachard

    Hippo-atra.pngÉcrire pour un blog, écrire pour un livre… existe-t-il une différence ? est-elle d'intention, de forme ? De forme, c'est probable quand on lit la version éditée de L'Autofictif de Chevillard par exemple, qu'on envisage le médium du papier comme une sauvegarde de ce qui nous a déjà paru tellement brillant sur le net et dont on craint l'évanouissement. C'est plus complexe si l'on considère la publication, par les toutes récentes éditions de l'Orin, des billets de Laurent Cachard pour son blog Le cheval de Troie (référence nizanienne obligée de la part d'un auteur qui s'en réclame et le clame). Plus complexe parce qu'il paraît bien, à la lecture de ces textes qui ont été écrits sur un an (entre mai 2015 et juin 2016 approximativement), que l'objet livre tenu entre les mains, propose une approche que l'Internet était dans l'incapacité de fournir. Hors la notion de sauvegarde déjà évoquée (et abordée par l'auteur dans son adresse « au lecteur » en préambule) La différence entre les deux écritures tient-elle dans un autre rapport au temps ? C'est possible. Les lectures de blog sont souvent concentrées sur le matin en ce qui me concerne (il faut s'organiser quand on suit plusieurs auteurs, plusieurs sites d'info, etc.) et cette habitude comporte un risque : on fait vite, on saute, on élude. On lit, on apprécie, mais trop superficiellement, hélas. On ne prend pas toujours la mesure exacte de l'entreprise littéraire qui est en jeu. La différence entre les deux écritures est-elle dans la façon dont on reçoit la seconde, son approche physique ? C'est évident. Le support papier est lourd des exigences de son histoire. On ne l'ouvre pas comme on se rend sur un blog, d'un clic sur un raccourci.
    Il y a donc pour celui qui fréquenterait, même assidûment, le blog de Laurent Cachard, un grand intérêt à revenir à ses chroniques publiées sous la forme d'un livre (élégant d'ailleurs, format, couverture, illustration...). Revenir sur ce qu'on croit bien connaître pour savourer, s'amuser, s'émouvoir, prendre le temps de la lecture attentive, et mieux percevoir ce qui relie ces textes adressés à la foule anonyme des passants de la Toile.
    En quatre saisons (plus une), Laurent Cachard énonce d'abord l'état sensible du voyageur entre-deux, entre départ et arrivée, balancements de l'âme, espoirs de vie (inquiets mais assumés), arrachements (pas forcément douloureux pour celui qu'on croit) et nostalgie (non « déceptive », qu'on se rassure). Puis le quotidien reprend ses droits. La nage, les amis, les rencontres, les lectures, les concerts, les collaborations artistiques (avec des peintres, avec des musiciens, autant d'histoires d'amitiés), l'écriture (les projets et les sonnets). Tout ce qui fait Cachard quand on le connaît. Beaucoup d'amis, pas mal de (restitutions de) lectures, beaucoup de concerts (les amateurs se régaleront car il y a un réel talent pour faire revivre un concert, dire les ressentis sur un album, une chanson, un interprète) et un joli passage sur la nage. Quelques plaisanteries. J'ai ri (mince, j'ai perdu le repère, il y avait un billet que je n'avais pas lu à l'époque… J'ai éclaté de rire). De là encore, j'insiste, l'intérêt de la version papier. Car j'admets que j'avais manqué des rendez-vous. Merci aux éditions de L'Orin pour cette occasion de rattrapage.
    Et donc, je reviens à cette notion de « mieux percevoir ce qui relie ces textes ». Elle a pu échapper à l'auteur, c'est dire que je tiens à la formuler ici (prétentieux que je suis) avant que, se retournant sur son travail, il ne lui apparaisse comme une évidence ce qui suit. Ce qui relie ces chroniques, l'ostinato qui tient l'ensemble et lui donne sa cohérence, c'est justement l'exploration du balancement, cet entre-deux évoqué plus haut. Sentiment inconfortable finalement assez rarement « rendu » par la littérature. Où se trouve Laurent Cachard ? Les repères sont multiples (familiaux, affectifs, érudits, géographiques, professionnels, mémoriels) mais ils semblent échapper, fuir, refuser la supplique de leur témoin qui serait : « arrêtez-vous, créez du sens, dites-moi où je suis ». J'extrapole. J'interprète. C'est le droit d'un lecteur. N'empêche, je vois bien l'incertitude inquiète qui sous-tend ce travail, cet acharnement à revenir aux signes de la vie pour qu'ils avouent enfin, par la grâce de l'écriture, ce qu'ils nous cachent, le secret qu'ils nous refusent. Pour que tout se décide, enfin, à basculer dans un sens ou l'autre. C'est dans cette attente, cette zone grise tellement stimulante (il serait sot de la croire déprimante ou stérile), que se situe l'enchaînement textuel donné à lire par E/O. On aura compris que la forme livresque n'est pas pour rien dans la prise de conscience de cette tension. Le codex a cette vertu de la vue d'ensemble, appréhension que ne permet pas Internet, encore une fois.
    Beaucoup s'attarderont et gloseront (dans le sens du commentaire admiratif) sur les émouvantes considérations universelles qui peuplent la partie Hors-saison, en fin d'ouvrage. C'est normal, le deuil nous hante tous (surtout à partir d'un certain âge), et ces textes sont sincères et justes, mais je voudrais souligner la beauté d'un billet de la partie Printemps : celui du 6 juin 2016. La lettre est un des textes les plus forts du recueil, sinon le plus fort, et l'un des meilleurs de son auteur, selon moi. Possiblement réelle (mais la réalité m'importe peu, quand je lis un beau texte), cette histoire de correspondance sur des années entre un homme et une femme, et sa fin élégiaque, tendre, vertigineuse, légitime à elle seule cette édition.
    Une autre série de billets inscrite dans cette période, qui concernait la relation au fils, a été détachée du corpus présent. Elle constitue, cette série, une des Lettres ouvertes des éditions Le Réalgar. Cela s'intitule Lettre ouverte d'un vieux nizanien à son fils de vingt ans, et cette lettre doit être ajoutée à celles qui ponctuent L'Hippocampe…, si l'on veut se faire une idée plus juste, quand tout disparaîtra, de ce qu'était le blog d'un véritable auteur, aux temps héroïques d'Internet.

    L'Hippocampe atrabilaire, Laurent Cachard. 216 pages, éditions de L'Orin. 13 €

  • 3094

    Je ne peux pas vous raconter, mais en ce moment, j'écris des scènes vraiment dingues et je me régale. Autrement, je lis « L'hippocampe atrabilaire » de Laurent Cachard, chez E/O. Je me régale aussi, et ça, je pourrais vous raconter (vais me gêner, tiens).

  • 3092

    Pour de complexes raisons dont je vous fais grâce, j'ai relu récemment certains passages de Le Psychopompe, un de mes premiers romans parus. C'était en 2009, dans une petite (mais rigoureuse) maison d'édition : J-P Huguet. Au début du récit, le personnage principal, Nathan Charon, vieil érudit alcoolique, écrit une lettre bien sentie à son éditeur. Le passage n'est pas forcément drôle par le ton donné, mais il l'est aujourd'hui grâce au recul que j'ai, ma connaissance actuelle de l'édition en France. L'extrait ci-dessous donne une idée de ma méconnaissance à l'époque du milieu et des revenus potentiels du travail d'écrivain. Voici : « J'attends une juste rétribution de plusieurs mois de recherche et d'écriture (...) et de la vente des 8000 exemplaires dont tu te targuais lors du salon de Croizan en février dernier. (…) Pour l'heure, je n'ai reçu en tout et pour tout que la moitié de l'enveloppe de départ, soit mille euros (pour mémoire toujours, cas échéant : mon contrat stipule que je devais recevoir deux mille euros pour commencer l'écriture et encore mille à la livraison du fichier corrigé, sans compter les droits sur la vente). Nous sommes donc loin du compte. » 8000 exemplaires… 3000 euros d'avance… Quel rigolo, ce Charon !

  • 3086

    D'un club de lecture de la FNAC, si j'ai bien compris, cette critique inaugurale de "La Vie volée de Martin Sourire". Un bon début, quoi.

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    Lors des rencontres Lettres-Frontière pour Le Baiser de la Nourrice, il y a quelques années, je m'inquiétais du coût énergétique de l'envoi de 80 kilos d'écrivain sur les routes pour qu'il évoque son travail. Quelques années seulement ont suffi pour aggraver la situation puisque, aujourd'hui, c'est 90 kilos d'écrivain qu'il faut promener à travers le pays. Je ne saurais donc trop vous demander de compenser ce désastreux bilan carbone en venant nombreux aux premières rencontres organisées pour La Vie volée de Martin Sourire, sur 2017 :

    La librairie du Centre, Ferney-Voltaire, le mercredi 18 janvier, 20 heures.

    Médiathèque de Gilly-sur-Isère, le vendredi 3 février, 18 h.

    Médiathèque de Saint-Denis de Cabanne, samedi 11 février, 16h30.

    Médiathèque de Romorantin,mardi 28 février, 18h30.

    Centre culturel de Riorges, jeudi 6 avril, 18h30.

    Bibliothèque de Fleury-la-Montagne, vendredi 9 juin, 18h.

    et aussi, à propos des Nefs de Pangée, au Salon du livre de Noirmoutier, samedi et dimanche 24 e 25 juin.