Laisser un personnage suivre sa voie est souvent un bon moyen de faire avancer l'intrigue. Je ne fais pas de plan, et j'abandonne la plupart des décisions à mes héros. Le principe est de me surprendre moi-même, d'ajouter un jeu supplémentaire à la seule ambition du récit et au plaisir de manier la langue. Mais, depuis deux jours, j'ai un jeune garçon de onze ans, bloqué sur la terrasse d'un bâtiment, des gardes qui grimpent les escaliers pour le rejoindre et aucune aide extérieure possible. Comme lui, je suis cerné.
Si quelqu'un a une idée géniale, je promets de le faire figurer dans les remerciements.
Travaux en cours - Page 6
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"D'autres blindés approchent en grondant. Bimech sursaute et frémit. Ils sont nombreux, redoutables. Ce n'est pas rien, la réplique peut nous atteindre mortellement, nous le savons tous, nous partageons cette crainte. Bimech improvise et nous suivons ces gestes. Il fracture l'angle d'un bâtiment qui jouxte le plan incliné où s'avancent les véhicules. Il a raison. Nous l'aidons. Par nous, Bimech apprend instantanément à plonger ses membres au défaut de la structure, ainsi les racines des arbres s'immiscent dans la fêlure et l'élargissent, ainsi le lierre mène à la ruine les palais immortels, par Bimech, la sape du végétal est imitée et multipliée. Le béton craque, les fissures jettent des foudres noires le long de la façade. Les verticales vacillent. Sur un dernier effort, un pan du bâtiment bascule et s'effondre sur la route, pulvérisant les manèges pimpants et les parades dérisoires, écrasant le premier blindé dont la carcasse condamne l'accès à la colonne qu'il précédait. Au milieu du chaos et des geysers de poussière, les canons des suivants se redressent, des mitrailleuses crépitent aussitôt, si nombreuses qu'il est impossible de les éviter. Les balles entament profondément la masse élastique et dense qui nous soutient, le gel absorbe le choc de la pénétration mais l'acier s'enfonce loin, menace, vient affleurer nos corps embarqués. Bimech esquive, saisit des plaques de blindés démembrés qui étoilent le champ de bataille, des dizaines de pseudopodes les rapprochent comme des boucliers autour du ventre où nous sommes confinés, pour nous protéger du harcèlement des balles. Bâtiments, éboulis, obstacles de hasard, tout s'interpose, le haut de Bimech adroitement se déforme et s'étire, devient goutte, devient fil, s'insinue et contourne, serpente, est insaisissable, les obus se perdent, les impacts font exploser les immeubles ou s'abîment très loin, Bimech surgit alors, se cristallise, s'épaissit, s'arrondit et fonce, renverse un char, une auto mitrailleuse, déchire un soldat, en écrase un autre, s'amincit de nouveau pour égarer un tir, puis s'épaissit, se renforce et, puissant, soulève une machine, l'envoie percuter un groupe qui s'enfuit. Bimech se propage, abonde, devient mille, ses bras aux chairs de nacre sont partout dans la ville, l'ennemi effrayé disparaît dans les ruines, et le sang des soldats retombe au sol, en bruine. Le massacre achevé, le dernier homme succombe, un silence étonnant sur la ville retombe. Tout se fige et attend, la mort plane dans l'air. Qui croyait vaincre l'ogre au jour de sa colère ?"
Le Radical Hennelier - Reboot. Écriture en cours (ça va bien, psychologiquement, je me soigne)
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3094
Je ne peux pas vous raconter, mais en ce moment, j'écris des scènes vraiment dingues et je me régale. Autrement, je lis « L'hippocampe atrabilaire » de Laurent Cachard, chez E/O. Je me régale aussi, et ça, je pourrais vous raconter (vais me gêner, tiens).
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Un nouveau portrait et une nouvelle chanson : "La ville étonnée" sur le site "portraits de Mémoire(s)", la démarche entreprise sur la communauté de Communes Charlieu-Belmont.
Avec un texte de Jérôme expliquant la démarche de la composition musicale et le texte de la chanson (pour l'entonner avec nous, sous la douche ou au bureau, préparez vos aigus).
Bonne écoute, les amis. -
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Les navetiers
Des hommes autour de lui
L'enfant le voit, il se dit :
« Des géants, mon pèr' est le plus grand »
Dans l'usine, on le reçoit
Dans l'usine, il se tient là
Et ses yeux contemplent le spectacle
Des navetiers
Des navetiers
Des navetiers
Des navetiers
Sérieux, les hommes s'échin'
Aux rouages des machin'
La vapeur entraîne l'atelier
Les parfums du bois coupé
L'odeur du métal tourné
Les barr' tintent, les courroies animent
Les navetiers
Les navetiers
Les navetiers
Les navetiers
Là on donn' des coups de scie
On frai-se le fer ici
Le chêne et l'acier sont mariés
Son pèr' en riant lui dit :
« Prends les commandes, vas-y ! »
Il montr' à son fils ce qu'est le métier
Des navetiers
Des navetiers
Des navetiers
Des navetiers
L'enfant saisit les manett'
Il ébauche une navett'
Tant d'étap' encor' sont à venir
Dans l'usine qu'il visite
Son papa, tout, lui explique
Il se souviendra que son pèr' était
Un navetier
Un navetier
Un navetierParoles d'une chanson pour le projet "Portraits de Mémoire(s)"
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3073
Partir en vélo,
chercher du boulot
Je fais ni une ni deux, la jupe ramenée, sur la selle installée.
Sur les chemins de campagne, mon vélo accroche la lumière dans ses rayons de fer.
Je suis gamine encore,
et mes lèvres retiennent une pâquerette.
J'appuie sur les pédales, je vais à ma façon,
les grillons ouvrent des yeux ronds,
les garçons me saluent au passage.
Je pars en vélo, chercher du boulot.
Je vais et un et deux, la jupe ramenée, sur la selle installée.
Dans les rues par la cité, mon vélo accroche la lumière dans ses rayons de fer.
Je suis gamine encore,
et mes lèvres chantonnent un p'tit air de musette.
J'ai juste quatorze ans, je vais sur les chemins,
Y'aura pas d'école demain.
Mon père m'a dit : « ma fille sage
Tu prends ton vélo, chercher du boulot. »
Nous sommes bientôt deux, les jupes ramenées, sur nos selles installées.
Puis trois, puis une troupe, nos vélos accrochent la lumière dans leurs rayons de fer.
Toutes gamines encore.
Il y a dans nos têtes un petit air de fête.
Bien fort sur les pédales, plus vit' que les garçons,
On frappe aux portes des patrons,
Ils disent « oui, c'est de votre âge ».
On allait très tôt, trouver du boulot.
On allait très tôt, trouver du boulot.
Paroles de chanson pour le projet "Portraits de Mémoire(s)" -
3072
La ville étonnée
Le gosier de la rue éructait ses syllabes. Dans la cour de la ferme, jappaient les mécaniques. C'était pour le passant la rengaine des jours.
L'orchestre des métiers.
De la ville et des champs, la parole au labeur. Des hommes et des femmes, le pouls pris au poignet. C'était un rock alerte, c'était une berceuse.
La chorale des métiers.
Elle charriait des bonheurs, elle apaisait le soir. La marche, à l'écouter, accélérait son rythme. Les enfants, tout petits, apprenaient son refrain.
La valse des métiers.
Les départs et les crises ont suspendu le chant. Le tempo ralenti, le bruit s'est assoupi. Les rues n'ont plus vibré aux cadences des fils.
Les métiers se sont tus.
Elle vit encore ici, au détour d'une rue, elle perce des usines, elle glisse sous la porte. Elle envoie sa chanson sous la pente des sheds. Elle entonne un refrain, elle respire, elle reprend, elle n'a jamais cessé. Elle était un murmure, elle était un écho, aujourd'hui elle souffle, elle est une fanfare. Elle a changé le son de la ville étonnée.
C'est la voix des métiers.Paroles de chanson pour le projet "Portraits de Mémoire(s)"
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3062
Si le silence des espaces infinis effrayait Blaise Pascal, les abysses où les âmes sont précipitées jusqu'à l'heure lointaine du jugement nous sont plus familières (sans que cette proximité les rende moins angoissantes). Elles sont annoncées par la vérité tangible des cimetières. On s'y connecte paresseusement à la fin d'un lent naufrage initié dès l'enterrement, la chair corrompue est digérée par les vies minuscules qui s'en repaissent, les sucs formés se mêlent aux racines, s'y diluent, le corps ainsi préparé circule et s'enfonce par degrés comme un fluide entre les interstices des roches, pour sourdre au plafond de l'antre dantesque où ce vieux Lucifer, patient voisin du dessous, nous attend.
Le Promeneur quantique. En cours d'écriture.
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3055
Le travail que nous avons déjà effectué, Jérôme, Marc et moi, pour « Portraits de Mémoire(s) » a de quoi nous rendre heureux. Multiples rencontres, quelques chansons produites, beaucoup de sourires, d'attention, et de relais. Il se passe quelque chose autour de ce projet (qui n'est plus un projet, donc). Je note cependant une inquiétude. La mienne, bien sûr (qui d'autre s’inquiéterait quand une démarche rencontre le succès et l'estime ?) J'écris en ce moment, presque à la chaîne, des biographies croisées, des récits de vie, je synthétise des témoignages. Je dois en être à 15 ou 16 articles (mis en ligne ou en passe de l'être), et je crains au final d'affadir la forme stylistique que j'ai mis tant d'années à mettre (à peu près) au point - la peur de prendre de mauvaises habitudes, si je résume. De plus, le roman que je suis en train d'écrire pour Mnémos prend la forme d'un long monologue d'un garçon de dix ans. Ce n'est pas pauvre, quoiqu'il existe une sorte de réduction contrainte, c'est un exercice intéressant (comment habiter une pensée pertinente, dépourvue de beaucoup de mes propres références ?) mais cela risque de me conforter dans un mode de récit plus spontané. Voilà ce qui m'inquiète.
Il ne faudra donc pas être surpris de trouver dans le roman qui suivra, écrit pour Phébus, une inspiration poétique, riche, sophistiquée, extrêmement littéraire, frisant la sur-écriture. On écrit souvent en réaction au livre précédent. -
3027
Quand j'écrivais pour moi, abandonner un roman dont je voyais qu'il ne menait nulle part ou que l'angle choisi n'était pas le bon, n'était pas très grave. Cela m'est arrivé trois fois. Je m'en voulais, j'avais perdu du temps mais après tout, personne n'attendait rien de moi, qu'importait. Prendre cette décision aujourd'hui, alors que j'ai la confiance d'un éditeur (de deux éditeurs pour mes romans en fait, mais l'histoire ici ne concerne que l'un d'eux), n'est pas sans conséquences. Je viens d'écrire à mon directeur d'édition et à mon éditrice que je renonce au roman que je leur avais promis, dont je leur avais présenté les arcanes en avril, et qu'ils avaient accepté. Je devais rendre ma copie l'en prochain en février. Pour la première fois de ma vie d'auteur, je ne pourrai pas tenir parole. Le premier tiers du livre, remanié, réécrit, repensé, rien à faire, l'impasse. Rien ne fonctionne, c'est laborieux, compliqué, et surtout, surtout, mauvais signe : je m'y ennuie terriblement. Il faut avoir le courage de ne pas s'acharner. Bien sûr, j'ai d'autres flèches dans mon carquois, des projets menés assez loin, mis de côté pour me consacrer aux autres projets de romans. J'en ai deux, justement, qui me semblent une base correcte pour amorcer un nouveau chantier. Il faut seulement que j'assimile cet échec, que j'attende les mots de l'équipe éditoriale, mais j'ai confiance en eux comme, j'espère, ils ont confiance en moi. Malgré tout.
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3016
Samedi et dimanche, les 17et 18 septembre, de nombreuses personnes avaient bravé une météo peu amène pour visiter les sites charliendins à l'occasion des Journées du Patrimoine. L'équipe de « Portraits de Mémoire(s) » était invitée à participer à l'événement. Nous avions improvisé un assez joli stand dans la salle capitulaire de l'abbaye de Charlieu. Panneaux avec extraits du site internet, photos de marc Bonnetin, vidéo d'un maquette de chanson sur une musique de Jérôme Bodon-Clair, présence des auteurs… Nous avons pu expliquer notre démarche à une centaine de personnes. Des contacts nombreux, des anecdotes prometteuses, des encouragements, des réactions positives, des personnalités passionnantes… Le coup d'accélérateur dont le projet avait besoin.
Merci à l'équipe de l'abbaye de Charlieu pour son accueil diligent et chaleureux, merci à la communauté de communes pour la réalisation du stand, merci à la société des Amis des Arts de Charlieu pour son invitation.Photos Delphine Faquin.
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3015
Aujourd'hui et demain, vous pouvez venir rencontrer les auteurs du projet « Portraits de Mémoire(s) », à l'abbaye de Charlieu (Loire), dans le cadre des Journées du Patrimoine ; Entrée libre.
Marc Bonnetin, Jérôme Bodon-Clair et moi serons à votre disposition pour expliquer, raconter, montrer notre travail, ce qui a été fait et ce qui reste à faire. Venez, venez ! Pour ceux qui sont loin, n'hésitez pas à visiter notre site internet, qui s'étoffe généreusement, semaine après semaine.
Portraits de Mémoire(s) c'est la conservation de la mémoire industrielle de la communauté de communes, des lieux et des gens qui en ont fait l'histoire, par le biais de chansons originales.
Abbaye de Charlieu, samedi et dimanche, de 10h à 12h30 et de 14h à 18h30. -
3008
"tu ne reconnais pas en moi l'adulte que tu es devenu, et moi, je ne reconnais pas en toi l'enfant que j'étais. Nous sommes tellement différents, c'est à ne pas croire, deux individus qui n'auraient pas la même histoire. Et pourtant. Il a bien fallu qu'on converge un moment pour fusionner en moi, qui te parle. "
Lettre [entr]Ouverte. Extrait. Écriture en cours.
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2996
Je ne dis pas que je ne suis pas ambitieux. Je dis que les effets de ma possible ambition sont annulés par ceux de ma tangible paresse.
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2989
Le titre d'un roman est un enjeu véritable. C'est une alchimie complexe, cela doit sonner, dire (ou malicieusement refuser de dire) ce que sera le livre, donner la couleur, l'atmosphère générale. Il doit intriguer le lecteur qui n'a pas encore lu, hanter la lecture en cours (le lecteur est bien en train de lire un livre qui porte ce titre) et, le roman achevé, confirmer que c'est bien le livre dont le titre a séduit, que le lecteur referme.
Souvent, il s'impose avec netteté à l'amorce des réflexions, ou complète l'élan de l'écriture. Parfois, il semble une notion qui échappe, un rêve dont on ne parvient pas à clarifier le souvenir. C'est alors une pénible quête. Parfois encore, le titre initial, que l'auteur lui-même a trouvé excellent, qui a accompagné des années de chantier d'écriture, s'avère ne plus correspondre avec la réalité du roman terminé. Car l'écriture peut vous entraîner, sinon ailleurs, parfois vers un décalage par rapport au projet initial. Dans mon parcours, j'ai connu trois changements de titres.Le premier, parce que celui que j'avais choisi, avec lequel j'avais vécu pendant des années, fut, à quelques mois de sa sortie, rendu caduc par l'avènement d'un autre roman, dans le même genre, portant ce titre-là. C'était « A la droite du Diable » et je fus très heureux de trouver à cause de cette coïncidence, un titre bien meilleur (plus juste relativement au livre) : « Mausolées ».
Le second a posé d'autre problèmes. Pendant les trois années de sa fabrication, il était de ceux qui échappent. On lui trouvait des formes approchantes, on cherchait trop loin, pas assez loin, on paniquait, rien ne convenait. C'était « L'Affaire des Vivants », qui passa par toutes sortes de couleurs et d'approches avant de se voir attribuer, enfin, un nom convaincant. Dans ce cas, la difficulté de voir s'imposer un titre légitime venait du fait qu'il m'était impossible de comprendre clairement de quoi j'avais bien voulu parler, quel était le sujet de ce fichu roman. Ici, c'est le titre qui a en quelque sorte donné la clé, qui a éclairé l'essence du roman. Phénomène étrange.
La dernière occurrence est celle du prochain roman à paraître chez Phébus, en janvier 2017. A l'origine, je voulais écrire un roman brutal et radical, onirique, vaguement cauchemardesque, bizarre, sur la Révolution française. J'avais alors été très marqué par la lente dérive sanglante et sordide du roman de Cormac McCarthy, « Méridien de sang », et j'imaginais un livre de cette veine. Il était juste alors que ce roman s'intitule : « La Grande Sauvage ». Or le roman prenant sa propre tonalité, l'étude de la période m'apportant un nouveau regard, le récit a pris une autre ampleur, une autre direction. Le titre ne convenait plus. Mon éditeur m'a proposé qu'on y réfléchisse. Après quelques échanges, nous sommes tombés d'accord hier sur un nouveau titre, plus adapté. Je vous confie ici en avant-première cette idée nouvelle, avec cet avertissement : le titre est en ce moment en cours de test au sein de la maison d'édition. Il n'est pas encore absolument confirmé. Tout de même, je vous le donne, ce qui aura valeur de test aussi. Que penseriez-vous d'un roman intitulé : « Sa Majesté le peuple » ? -
2980
Écrire, quel bonheur. Ne plus écrire, quel soulagement. Entre les deux, une sorte d'enfer.
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2949
Le ballet comique de la Reine fut d'une grande modernité en son temps (soit il y a près de cinq siècles.) La première manifestation de ce qu'on nomme aujourd'hui la transdisciplinarité. Théâtre, musique, danse, tout cela mêlé en un récit continu de six heures… à quoi on peut ajouter le pragmatisme plus ancien qui fait d'une œuvre artistique un message politique et une réalisation de prestige. Ce "Balet de la Royne" et le livre qui en restitua le déroulement en détails est le sujet d'un texte de commande que je dois rendre le 1er septembre. Je funambule entre pression (que dire de pertinent ?) et sereine conviction (je sais que je vais m'en sortir).
Plus de pression que de sereine conviction, pour être honnête.
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2947
« Mirvel, aconte mun pèr, fut ville médite. Qunq temps, heul'soil vint pu dssu là, ne radia les genss, claira les arbes nonque. Rin ! C'tait grand jour beute tot' virait de noc. C'tait laube beute tot' de bscur and'froid. Els asters seu Mirvel cantaient des voix heud'glass. Els hums épeurés arcquaient dssou, san rin sachant. Al'meur l'vait sun mur de noc, tot' de beau, tot' de nar gercé d'asters. Même de feu qu'duns fesaient, que tassaient tant de boud'arbes, tant de feu ne clarait qu'seu deux marches. Heul'rest 'tait tot' de glass and'noc. Car l'meur montait dssou terr vec heud'gémissans, and'épeur glassait l'sang. Al'meur fesait de noc tote al'terr. C't'un temps que tomuche de vies pu d'beaut n'était. Heul'beaut'est dans l'rare. » Les changeurs méditaient. Il y eut donc un temps où l'humanité fut si nombreuse que la vie n'en eut plus de valeur. Et qu'on put se permettre de gaspiller les existences. Les anciens avaient été généreux de la mort des autres. « L'viet monde, c't'ainsi, de beauté, heud'vie, heud'mour, nonque. » Ils avaient la chance d'être nés dans un monde où la vie comptait.
Cryptes (titre provisoire). Prochain roman à paraître chez Mnémos. En cours d'écriture. (va encore être facile à vendre, çui-là, tiens).
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2935
Et donc, c'est officiel : La Grande Sauvage sortira en janvier chez Phébus. Cependant, le roman ne gardera probablement pas ce titre. On cherche.
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2924
C'est quoi, une chanson populaire ? (un aperçu du travail en cours sur Portrait de Mémoire(s)")
Après un de nos rendez-vous les plus touchants, celui où les mots de la vieille dame que nous avons rencontrée nous laissent deviner la fatalité d'un destin, nous nous retrouvons chez moi pour faire le point sur la suite. Le monologue de notre ancienne ouvrière, seule dans sa maison abîmée, nous revient. C'est typiquement un récit qu'une Berthe Sylva, une Piaf ou une Damia auraient interprété. La jeune femme tabassée par la vie, que les événements entraînent sur une voie non choisie. Des chansons de cette veine (en plus tragique tout de même) sont restées dans les mémoires. De petits contes affreusement tristes, des mélos insupportables aux couplets déprimants : « En haut d'la rue Saint-Vincent... », « Elle habitait la butte Montmartre... », « Moi j'essuie les verres... » Je cite Les Roses blanches, à cause d'un roman de Gil Jouanard que je viens de lire et qui s'achève par cette chanson célèbre. Le dernier couplet de cette histoire accablante est tellement tragique qu'il produit un effet comique, à voir les moyens mis en œuvre pour tirer les larmes des auditeurs.
Nous entrons aujourd'hui, en ce 19 juin 2016, dans une phase où se pose la question concrète de la forme de nos chansons. Nous convenons que chacune pourrait être une sorte de nouvelle, pas forcément attachée à une personne, mais un précipité des ambiances et détails que nous avons captés. Il faut échapper à la vision sociale trop manifeste, au « détail qui tue ». Dans nos créations précédentes, essentiellement écrites pour la scène, nous sommes d'une résolue modernité, nous avons souvent frisé le conceptuel le plus hermétique. Je ne peux pas écrire un petit mélo ou une historiette sentimentale. Il me semble que chaque mot regimberait, qu'il me faudrait maîtriser un rodéo de phrases révoltées. Pareillement, Jérôme ne se voit pas en train d'écrire une rengaine à la Vincent Scotto. Marc a le même souci avec les photos qu'il prend. Que ce ne soit pas un énième témoignage documentaire sur le passé industriel et les pauv'zouvriers qu'on tant souffert.
Bref, c'est quoi, une chanson populaire aujourd'hui ?
En fait, au terme d'un échange amusé et riche, nous concluons (provisoirement) qu'il nous faut être modestes. Les textes seront simples, la musique mélodique pour être facile à retenir et les images s'attacheront à évoquer la vérité d'une personne. Nous allons tenter de formuler l'impression que nous laisse chaque témoin rencontré, sans tomber dans le cliché. Nous inscrire dans une tradition sans la ressasser. Réinventer le récit chanté des vies minuscules. Nous serons des funambules, marchant entre le précipice de l'extrême modernité et celui du pastiche rétro. Difficile, et passionnant.