Il est petit, frêle, bête, méchant. mais personne ne cherche querelle au cornac.
kronix - Page 145
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Système de défense
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A la source
Je poursuis l'écriture de mon livre sur Roanne, essai original qui mêle autobiographie, données historiques et géographiques, anecdotes méconnues, documents inédits, littérature, portraits de passionnés, etc. Pour la première fois dans la littérature locale, mon livre abordera l'histoire des immigrations à Roanne. J'ai besoin pour cela de témoignages, mais surtout de documentation chiffrée, de sources bibliographiques. Voilà, je lance un appel aux bonnes volontés, partout, et pourquoi pas sur Kronix ?
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les discrets
Au pied de l'escabeau où elle était grimpée, l'homme était selon elle, en très bonne position pour regarder sous ses jupes. Et même, elle avait remarqué le léger déplacement de son collègue pour mieux voir. Amusée, elle ne protesta pas. Mais elle se trompait : l'homme s'était un peu décalé de façon à ne pas risquer de voir. C'est ce mouvement qu'elle avait perçu et mal interprété. Dans la journée et dans les jours qui suivirent, ils ne pouvaient s'empêcher d'échanger un sourire complice quand ils se croisaient. Lui, persuadé qu'elle lui savait gré de son tact ; elle, délicieusement troublée par l'idée qu'elle avait pu, sans s'humilier, montrer son entrejambe à un homme qui désormais, vivrait dans le feu de la tentation.
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Les Pommarins
Moi non plus, j'aurais pas eu envie de passer ma vie à débiter des bouts de caoutchouc. Dans les années 70, le petit Bougel alors qu'il avait -combien ?- 17, 18 ans, s'est coltiné au boulot de l'usine. Assez pour apprendre la vie, pour savoir que, dans des coins du pays, dans des recoins de nos têtes, subsiste la lancinante nuit ouvrière. Et même si quelques boules de neige percent parfois la grisaille des jours incessamment pareils, on revient s'enchaîner au ventre des machines, respirer le noir de la gomme à pneu et de l'huile minérale.
Bleusaille, aux Pommarins, en Isère, tu commences dans l'atelier des femmes, tu plies tu déplies tu replies ; au passage tu saisis le joli sourire d'une petite arabe, le sourire s'éteint. Passent les cheftaines, t'es là pour bosser mon con. Après, tu rejoins les hommes, la consécration, les Machines, avec une majuscule virile. Les 3X8. Le vrai boulot dangereux qui sue, où tu peux à l'aise laisser une main. Les numéros des machines deviennent leur nom intime : 127, 90, 60... on les bichonne, on les sabote gentiment aussi, quand la journée tire à sa fin et qu'on s'octroie une petite réparation pépère.
Une plongée dans le monde ouvrier de l'époque ? Pas seulement : une traversée chez les lotophages abrutis de travail, dépourvus de lendemain. Et ce ne sont pas les grognes syndicales et les parties de foot qui vont changer les choses. Le vote ? Ça pourrait, mais combien de Français inscrits ? Le petit Bougel, oui, mais pas encore éveillé à la politique, il n'a pas voté. On l'engueule, il réalise, ça commence comme ça. En attendant le grand soir, les horaires vous rattrapent, la pointeuse vous ricane au nez. Gueule si tu veux, tu sais bien que tu vas y retourner, au taf. Le jeune homme va partir, il doit partir parce que ce train-train, cet aveuglement, ce racisme paternel, cet épuisement du corps et de l'intellect, il sait que ça va le bouffer ; il part. Il fait ce que les immigrés venus d'Italie, d'Algérie, de Turquie, du Portugal et d'Espagne ou de la vallée d'à côté ne peuvent pas faire, ne savent pas faire : il laisse tomber. (« Oh, qu'est-ce que tu fais, là ? » « Je m'en vais ». Pas plus compliqué). Veut vivre, point.
L'écriture de Bougel sonne, cogne, son argot passe à tabac ou donne des bourrades amicales dans les côtes. Les phrases sont des îlots secs aux parois abruptes. Et ça râpe, ça craque, ça regimbe, ça rigole, ça vit. « Les Pommarins » se lisent d'un coup, comme on siffle un canon, comme on pousse une gueulante, comme on lève le poing. Sans illusion, mais tout de même.
Les Pommarins. Hervé Bougel. Éditions Les carnets du dessert de lune, 2008. 10 €. -
Dolce Vita. L'Italie à Saint-Haon-le-Châtel
SAMEDI 4 JUIN
15 heures 30. Au Jardin de Solange
NAISSANCE DE VENUS de BOTTICCELLI (Les dessous d’un chef d’œuvre)
Daniel Arasse lu par Annie Bertrand
16 heures. Parvis de l’Eglise
Le Rossignol de BOCCACE
lu par Pascale Beau et Jean Mathieu
Traduction simultanée
19 heures. Manoir de la Fleur de Lys
Testament de Jean de LISSIACO
Lu par Nicolas Vaccaro et Jean Mathieu
22h30
FELLINI – ROMA
Un chef d’œuvre d’intelligence et de plaisir projeté dans les jardins de la Fleur de Lys à Saint-Haon-le Châtel !
DIMANCHE 5 JUIN
15 heures 30. Cour de l’Hôtel Pelletier
COSI FAN TUTTE de Lorenzo da Ponte
Lu par Odile et Bernard Casagranda
16 heures 30. Ruines des anciennes écoles
Les jumeaux de Naples
Spectacle Commedia dell’arte ; Compagnie Théâtre des Asphodèles
17 heures 30. Ancien cimetière
L’Enfer de DANTE (chants I à VI)
Lu par Christian Chavassieux, Jean Mathieu. -
Le Pénétrant
Si on a renoncé à baptiser les sous-marins avec les grands patronymes de l'Histoire (De-Gaulle, Jean-Bart, Clemenceau...) pour les affubler de noms terribles (Le Redoutable, Le Tonnant, le Foudroyant, le Vengeur, l'Indomptable...), c'est sans doute pour compenser leur aspect qui évoque, irrémédiablement, un suppositoire.
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Nos ennemies les bêtes
Le Calouca rouge, dit aussi Moqueur de Patagonie ou Oiseau crispant, a disparu en 1984 et personne ne s'en est ému, pas même les ornithologues qui, pour l'étudier, devaient subir sans regimber les attaques perfides de l'animal à longueur de journée et de nuit. Car le Calouca était infatigable.
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Hou ?
C'était un spectre plein de dédain. Il refusait d'apparaître à qui que ce soit, confortant la légende qui voulait qu'il n'existe pas.
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Regain
Quand grand-père formula pour la dernière fois son désir urgent de faire l'amour à sa femme, la famille réunie à table écarquilla les yeux. Père nous ordonna de finir la soupe, Mère s'empressa de faire du bruit en changeant les assiettes, et oncle Albert demanda à grand-mère si elle avait bien pris son laxatif, cela dans le seul but d'effacer le sourire béat apparu sur le visage de l'aïeule.
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Les dents de la nourrice
On expérimenta avec succès l'emploi, par des handicapés, des capucins, singes habiles et intelligents. L'expérience connut un seul échec. Le paraplégique qui s'était vu attribué Momo eut toutes les peines à expliquer que son putain de singe, cédant parfois à une lubie singulière, lui mordait les couilles.
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Pavé de bonnes intentions
En une fraction de seconde, il eut une révélation. Il réalisa que son habitude à porter secours aux autres, ne lui avait valu, toute sa vie, que des ennuis. Et là, aider cette vieille à se relever ne lui apporterait rien de bon, pensa-t-il, tandis que le camion fonçait sur eux.
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Toujours le même sale type
A cette réception, le voyant, je m'écris : "Oh non, il est là, lui ?" Il rigole, persuadé que je plaisante. Alors que pas du tout.
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Portrait d'un sale type (et prétentieux, en plus)
C'est entendu, il n'y avait aucune urgence à détromper cette dame qui se bombardait du titre de « philosophe » sur ce stand d'un salon du livre de village. Néanmoins, c'est avec une certaine satisfaction du devoir accompli que je suis retourné à ma place, tandis que, humiliée par mes questions, elle détachait le badge outrancier du revers de sa veste.
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Sondés à mort
En 1152, le premier sondage de l'histoire fut proposé aux populations arabes d'Antioche. Il s'agissait de leur demander leur avis sur la construction de clochers chrétiens dans la ville. Le résultat n'est pas connu, mais on jugea plus simple de les massacrer.
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Solution finale
Il y était sans doute allé un peu fort, mais le directeur de l'école tiendrait bon. Devant les parents d'élèves réunis, il expliquerait calmement les raisons qui l'avaient amené à fusiller ses écoliers les plus dissipés.
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Procrastination
- Bon, maintenant, vous allez écrire un truc rigolo, hein ! Et il faut que ce soit original, aussi. Et surtout bien écrit. Tout en ne vexant personne. Comme ça chaque jour. Alors, ce billet ?
- En ce moment j'écoute Arvo Part, que voulez-vous que je vous dise ? Il m'apaise, m'élève, m'émeut, mais il ne me donne pas envie de rigoler. Revenez plus tard.
- Demain ?
- Demain, d'accord. -
D'elle à nous
Du 1er au 30 juin, vous pourrez voir les originaux de l'album "De toits à moi" (ed. La Cabane sur le chien) de Léah Touitou exposés (et proposés à la vente) à la librairie A Titre d'Aile, 23 rue des Tables claudiennes dans le premier arrondissement à Lyon.
Et le 18 juin, L'auteure sera présente pour dédicacer l'album (elle soigne ses dédicaces, je vous les recommande).Léah, alias LiLou est une des talentueuses révélations de l'association Ikon & Imago. J'avais eu le plaisir et le privilège de ne pas être pour rien dans la publication de son premier album : Gris (et puis j'avais un peu écrit une préface pour son premier livre publié).
En attendant, vous pouvez toujours consulter son très délicat blog et réécouter, si le coeur vous en dit, la chronique "60 secondes" que j'avais consacrée à son album "de toits à moi".
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Tree of life
C'est étrange, l'effet apaisant d'une vaste bibliothèque. Comme peut l'être la présence murmurante d'un arbre très ancien et très sage. Est-ce dû à l'empilement de tant de savoirs et d'amour ? Leur disponibilité ? Mais je ne me sens pas pareillement serein devant une fenêtre internet... alors, peut-être faut-il considérer le volume de papier replié dans les codex, volume par lequel un arbre immense déploie sa ramure fantôme. Un arbre impossible, à l'écorce scarifiée par les pensées humaines, et sous l'ombre duquel, souriants, aimés, reconnaissants, nous venons nous reposer.
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Espèce menacée
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Ma vieille capitale, déridée par Yveline Loiseur
Sur Roanne comme sur toutes les villes qu'elle a déjà parcourues, Yveline Loiseur porte un regard bienveillant, parfois amusé, mais jamais tenté par la sublimation ou l'édification. Voici la ville, notre ville, ma ville. Je la reconnais dans ces visions parcellaires, malgré l'étrangeté des images ; étrangeté d'un autre regard, plus attentif, qui s'est posé sur ces lieux que nous fréquentons sans conscience. Où sont les gens ? Certainement pas dans le champ de l'appareil. Ils sont trop grands pour le cadre urbain. L'humanité déborde les marges, elle est trop vaste pour être confinée dans les « plis sinueux » de la ville. On les voit donc ailleurs, de la manière la plus appropriée qui est le portrait. La photographe présente les personnes qui ont bien voulu s'offrir une fraction de seconde à son objectif dans de larges portraits au format carré qui apportent la vie à la ville et au lieu que l'artiste a choisi d'investir.
Nous sommes dans une maison du 19ème siècle aux tapisseries et aux peintures fatiguées, une vaste bâtisse probablement hantée. Les grandes cheminées de marbre ou taillées dans le noyer, les corniches, les dallages, les miroirs racontent une splendeur passée. Dans cet environnement désolé où s'étiole une solennité un peu ridicule, les alignements de vues de Roanne sur de petits formats aux couleurs veloutées, font surgir un présent plein de vie. Ce sont des vues parcellaires : une déroute des lieux, une énonciation, dans le droit fil d'auteurs comme Ponge ou Pérec. Des images littéraires ; il n'était pas difficile d'écrire à partir de ce matériau. Énumérer, énoncer, mettre l'humain entre parenthèses puisque là aussi, les habitants sont plus grands que la description de leur ville*. Pour déceptives qu'elles aient pu être reçues par certains Roannais, les images urbaines rapportées par la photographe après des mois de déambulation et de rencontres avec ses habitants disent Roanne, parlent de son passé, de son quotidien, du temps particulier des « vieilles capitales » industrielles de la province. Il faut admettre que c'est notre ville.
Les portraits explorent ce même aspect avec autant de vérité et autant de subjectivité. Plus grands que nature, ils ponctuent le parcours de gestes, d'attentes, de méditations simples. Leur succession, sur les murs de la vieille maison, évoque les galeries d'ancêtres. Mais on a affaire à des Roannais du 21ème siècle, aucun doute là-dessus. Pour ceux qui les reconnaissent, on devine dans le choix de ces personnes, une préférence, une connivence de Loiseur avec une forme de pensée et une attitude dans la vie. Voici des Roannais qui, peut-être, voient la ville d'une façon similaire à la sienne. Voici notre ville, une certaine ville ; voici ses habitants, une certaine catégorie de ses habitants. Ces Roannais-là, comme je le dis par ailleurs dans le livre que je prépare, sont le sel de la terre, ceux par qui la vieille capitale deviendra autre chose, j'en suis convaincu. Comme tout artiste authentiquement sensible, Yveline Loiseur a su capter, en quelques mois passés ici, ce qui se passait de plus pertinent dans ma ville.
« Dans les plis sinueux des vieilles capitales », Photographies d'Yveline Loiseur. Maison « coeur de Cité » à Roanne, jusqu'au 25 juin 2011. On rentre par les jardins.*Le travail photographique d'Yveline Loiseur sur Roanne a donné lieu à la réalisation d'un livre d'artiste aux éditions jean-Pierre Huguet, pour lequel j'ai eu l'honneur d'écrire un texte.