La deuxième fois qu'une femme m'a déçu, j'avais peut-être une vingtaine d'années. Elle descendait un escalier greffé à un immeuble, sans me voir. On se retrouve en bas, où je l'attends. Je ne veux pas l'aborder, juste la regarder parce qu'elle est très jolie et que, de tout son corps, rayonne une sensualité difficile à ignorer. Comme elle approche, je reconnais son visage : nous étions voisins dans le train, il n'y a pas si longtemps. Pendant tout le voyage, nous avions discuté agréablement. Je ne me souviens pas précisément de notre échange, mais j'en garde une impression de plaisir où, là aussi, entrait de la sensualité. Cela me donne un prétexte pour engager la conversation. Je lui dis bonjour, elle me dit t'es qui connard et je me réveille. Très désappointé.
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Je vénérais les femmes. La première fois que des représentantes du genre ont brusquement anéanti mon credo, je n'avais guère plus de dix ans. J'écoutais une conversation entre un monsieur et des collègues à lui, des petites fonctionnaires dont je ne savais qu'une chose : elles étaient jolies et gentilles. Il y avait une pose casse-croûte au mitan d'une journée consacrée à marcher dans la campagne. Notre groupe, dont mes parents, était attablé dans une auberge. Les conversations allaient, entre deux mastications et rires, j'étais entouré de femmes, j'étais bien. Entre alors un homme, massif, visage brûlé par la vie du dehors, semblable à mon père, une parenté de constitution en tout cas. L'homme salue mon père, justement, et le reste à la cantonade. Il s'en retourne après quelques mots anodins. A peine est-il reparti que le monsieur qui discutait avec ses collègues hoche tristement la tête : il connaît l'homme qui vient de passer « Un pauvre type, il vit comme un sauvage. Faut voir son jardin : il laisse les bêtes aller là-dedans. Même les hérissons... » Je ne comprenais pas, je trouvais ça très bien, moi…. Et là, je vois se contracter les frimousses des si jolies femmes en une moue laide et dégoûtée. « Beurk. » Décidément, c’est un rustre, ce péquenot, laisser des hérissons se promener dans son jardin ? (Je suppose qu'à l'époque on les pensait nuisibles. Je ne sais pas). Qu'un jugement aussi brutal et stupide fût reçu et conforté par celles qui, pour moi, étaient à la fois le substrat et la cime de l'humanité, qui alliaient la beauté, la douceur à l'élégance, à la bienveillance, provoqua en moi un cataclysme. La leçon que j'en tirai, après des années de réflexion autour de ce seul indice, fut que idéaliser qui ou quoi que ce soit, n'est rien d'autre que se préparer à la désillusion.
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En avant-première, un extrait du scénario de la BD "Cortés" pour Glénat. Dessin Cédric Fernandez, couleurs Franck Perrot. Histoire de montrer, en coulisses, comment c'est fait, un scénar de BD (en tout cas, comment je les écris, moi). Quand Cédric aura avancé sur la première planche, je reviendrai montrer les différentes étapes de réalisation, avec son accord. En attendant qu'on mette sur pied un site dédié. Les [] indique une vignette facultative (parce que le découpage est dense, ici).
Planche 3Légende : San Juan de Baracoa, Cuba. 1517.
Intérieur jour. Chambre de Leonor. Le soleil irradie un rideau de drap blanc, tendu devant une fenêtre. Quelques éléments précieux aux murs, tableau et tenture, des coffres sur le plancher, ouverts sur des robes pliées aux motifs complexes. Le reste est assez sobre.
1- Leonor (belle femme de type indien : c'est une Taïno de Cuba) nue étendue sur un lit défait. Elle fait jouer entre ses doigts un collier superbe : « Hernan… tu es complètement fou. » Un homme est assis près d'elle, il se rhabille. Il est à contre-jour sur l'écran de la fenêtre. C'est Cortés (il a 32 ans) : « Ne l'ébruite pas. On me croit le plus sage des hommes. »
2- Leonor : « Je suis sûre que tu offres les mêmes bijoux à ta femme. Exactement les mêmes. »
Cortés : « Tu es jalouse ? »
Leonor, moqueuse : « Non, je m'interroge sur ton sens moral. »3- Cortés : « Catalina me fatigue en ce moment. Elle veut me retenir. »
Leonor : « Si je t'aimais vraiment, moi aussi, je t'empêcherais de partir. »[4- Cortés : « Heureusement que tu ne m'aimes pas vraiment. »
Leonor : « Heureusement. Je serais folle d'inquiétude. »]5- Cortés : « Léonor… Je n'ai pas le choix. La proposition de Diego Velasquez ne se refuse pas. Une expédition à la gloire de la Couronne... »
6- Léonor : « Allons ! Je te connais. Tu ne peux pas résister à l'appel de l'aventure. Sinon, tu serais resté en Espagne. Un courtisan en vue, un ministre du roi, qui sait ? Rusé comme tu es. Avec le sens moral qui est le tien... »
Cortés : « Mon sens moral te préoccupe beaucoup, décidément... »7- Leonor : « … Mais son absence, chez toi, me rassure, hi hi. Allons, je sais bien que ton encomienda de San Juan n'est pas assez grande pour toi, ni La Havane, ni Cuba, ni l'Espagne. »
8- Cortés se regarde dans un miroir : « Je ferai mieux que Grijalva ou Cordoba. Je prendrai langue avec les autochtones, je marchanderai, je bâtirai un pays nouveau, avec eux. Je serai riche, affranchi de tous les gouverneurs et empereurs. Et alors, tu me rejoindras, avec notre fille. » Leonor : « … Et ta femme ? Aha, ton sens moral, Hernando, ton sens moral ! »
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La raison étant défendue avec fébrilité par des incapables, et les délires assénés d'un ton docte par des penseurs inspirés, celle-ci (la raison) s'en trouve aussitôt dégradée. Va rétablir un semblant de mesure dans ce merdier !
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Il y a des années de cela, j'ai signé une pétition pour la défense des droits des homosexuels dans je ne sais quel pays où leur vie est menacée. Depuis, l'association à l'initiative de la démarche m'envoie régulièrement des alertes sur les agissements de tel ou tel politique ou telle contrée, hostile (mortellement hostile) aux homos. Je pétitionne systématiquement. L'ONG m'adresse aussi, naturellement, des appels aux dons. La nature de ces appels m'intrigue : ils sont rédigés selon une terminologie et un ton qui sous-entendent que je suis, moi aussi, homo. Comme s'il leur était difficile de concevoir qu'un hétéro puisse compatir et s'indigner du sort fait aux autres, quels qu'ils soient. Femmes pour les féministes, noir pour les noirs, musulman pour les musulmans, juif pour les juifs, etc. Même là, les distinctions (implicites, non déclarées mais tout de même) opèrent. C'est à désespérer.
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Nous sommes comme des élèves assis sagement dans une classe, écoutant des professeurs connus ou inconnus, dont on ne peut distinguer le légitime de l'opportuniste, se disputant en meute la même estrade, tous vociférant, convaincus, dans un brouhaha indescriptible qu'il nous faudrait trier pour en déduire une leçon. Qu'on ne s'étonne pas de nous découvrir sourds, désemparés, inaptes, et plus attentifs à celui qui crie le plus fort.
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Un ami écrivain au superbe parcours me confie le constat qu'il fait de son impuissance littéraire. Sans effroi, sans tristesse, il voit simplement qu'il n'a plus rien à dire. Même, le refus de son éditrice sur son dernier manuscrit sonne pour lui comme une libération. Il ne se sent plus obligé de proposer des textes. Mon rôle serait de le contredire, de le pousser à écrire encore, il est impensable qu'un auteur comme lui 'sèche' soudain ou se complaise dans le mutisme. Mais je comprends si parfaitement son état d'esprit, que je me contente de compatir, de lui souhaiter ce si paisible silence, ce repos de l'âme que seules nos manies d'écrivant combattent et rejettent. Un écrivain refuse souvent d'admettre qu'il ferait mieux de se taire. Je rends hommage à ceux qui ont le courage et la modestie d'accepter ce verdict avant que ce soient les lecteurs qui le lui imposent.
A qui le tour ?
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« Et oui, soupira le maçon en considérant les débris épars dans la rue, la rambarde en fer forgé tordue autour de quelques victimes qui tenaient encore leurs casseroles, il aurait fallu aussi acclamer le réparateur de balcons... »
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Les notions d'histoire, la culture générale, ma foi, ça peut toujours servir. En cas d'épidémie, pour se souvenir de celles qui passèrent et des effets qu'elles eurent ; en cas d'attaque terroriste, pour mettre en perspective les données géopolitiques ; en cas de racisme, pour expliquer qu'il n'y a plus qu'une espèce humaine sur la terre, une seule. Par exemple. Par exemple, rappeler à ceux qui assimilent Charles Martel à la défense de l'occident chrétien, qu'au Moyen-Âge, le même était considéré comme maudit, grand pilleur sans scrupules des biens de l’Église, et qu'on dit que son tombeau s'ouvrit sur un dragon noir, puant, symbole du mal qu'il fit. Prenez, ça peut aider.
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24 heures après les déclarations de Trump, une trentaine de cas d'intoxication au détergent dans le pays (source : Le Canard enchaîné). Et dire qu'il ne croît pas au darwinisme…
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Pourquoi n'y ai-je pas pensé plus tôt ? voici ce que je dois faire ! j'ai tous les éléments, un dossier élaboré sur des années. L'histoire de cet allemand qui a changé d'identité en profitant du chaos de la guerre et s'est réinventé une vie. Mais oui ! Et là, je me réveille. Dans un état second, je réfléchis au sujet de roman que le rêve m'a rappelé, pour réaliser progressivement que je n'ai jamais eu le moindre dossier sur un tel personnage, que ce n'était qu'une illusion fabriquée dans mon sommeil. Soudain, ma douce entre dans le bureau, le visage crispé, elle est au bord des larmes. Il s'est passé quelque chose de grave. Et là, je me réveille. Pour de bon cette fois. Dans mon lit. Normal.
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« Je vous rappelle que la distanciation sociale n'est utile qu'entre nous ! Quand vous partez en mission kamikaze avec une ceinture d'explosifs, elle n'est plus nécessaire, voire déconseillée. Sinon, on se retrouve avec des scores minables comme celui de Kassim, ce matin, sur le marché. »
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Et, comme il se plaignait que les bruits de casseroles l'empêchaient de dormir, on lui fit comprendre que, infirmier de nuit ou pas, il devrait avoir un minimum de respect pour les hommages qu'on rendait à sa profession.
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Et voici donc la dernière partie du premier volume de "Demain, les Origines". Plusieurs éléments, déjà en place dans "Le premier livre des chimères" annoncent "Les Nefs de Pangée" et au final, on entre dans la période des Conflits qui, elle-même aboutira à "Mausolées".
Je récapitule l'ordre des livres :
1- Le livre de Malik
2- Le livre de Grace
3- Le livre de Syrrha
4- Le premier livre des chimères
5- Le second livre des chimères et le livre de Robur
6- Le livre des Genèses.
Pour le second volume qui emportera le lecteur des Conflits aux prémices de Nefs de Pangée, et bien, il faudra attendre quelques années...
Bonnes lectures.
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"Quand les Hommes disparaîtront, les abeilles se demanderont quoi faire de tout ce miel."
Gérard Einstein.
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Second livre des chimères et livre de Robur.pdf
Demain les origines, suite. Un gros morceau parce que constitué de deux livres : le second livre des chimères, et le livre de Robur, dont les chapitres alternent jusqu'à ce que, à l'instar de deux êtres mis en scène ici, ils fusionnent.
On s'approche de plus en plus de la période des Conflits, décrite dans Mausolées, et certains noms diront quelque chose aux lecteurs assidus (et qui ont bonne mémoire, aussi).
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Premier livre des chimères.pdf
Demain, les origines, suite.
Le premier livre des chimères introduit les perspectives de l'alliance du génie génétique avec le numérique. Et brosse un panorama des complexes mouvements industriels, religieux et politiques du monde d'après effondrement. C'est aussi le moment où Grace découvre et accepte son destin.
Bonne lecture.
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C'est donc le troisième livre de "Demain les Origines" volume 1. Celui-ci est à part, assez allégorique, étrange, dérangeant. C'est la partie la plus "cérébrale" du récit. Il pourrait être lu en dehors de l'ensemble qui l'englobe (d'ailleurs, si vous n'avez pas envie de vous taper toute la saga, je me permets de vous suggérer de ne lire que le livre de Syrrha, ici présent). Il s'agit d'une boucle, fermée sur elle-même, où tout est labyrinthe, leurre et trompe-l’œil. Il y est aussi question de livres, d'écriture, de peinture, de mythes, de cinéma, de fin du monde... des thèmes qui me sont chers.
Ce livre n'est évidement pas là pour rien : des éléments y sont semés pour la suite.
Bonne lecture.
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Second livre de la première partie de "Demain les origines", le plus violent et le plus sinistre du lot, je vous préviens. Le personnage de Grace, qui est le fil rouge de tout le roman, décide de se venger. Elle entre clandestinement dans les bas-fonds de Mérives (tiens, le nom de cette ville ?). Une étape dans son parcours exceptionnel. Où l'on apprend comment la poésie pourrait être une arme de combat, demain. Où un certain professeur Hennelier s'intéresse bigrement à Grace, pour des raisons qui s’éclairciront plus tard. Où les temps sont décidément durs (je veux dire, de plus en plus, ce qui semble pourtant difficile).
Je rappelle que le téléchargement est gratuit, libre de droits, etc. je vous demande juste de laisser un message ici, ou de m'adresser un mail, si vous avez téléchargé et, si vous évoquez ou citez ce texte, d'en signaler la source.
Bonne lecture.
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Confinement ou pas, c'est un geste que j'avais envie de faire, depuis que mon éditeur a retoqué ce roman.
Jour après jour (avec peut-être quelques éclipses dues aux relectures et modifications), j'ai résolu de vous faire partager le premier volume de "Demain les origines", texte inédit et qui devrait le rester, car je n'ai aucune envie de courir après un nouvel éditeur. Ce vaste panorama des 2000 ans qui viennent, et qui commence en 2042, est divisé en "livres". L'ensemble du premier volume, accrochez-vous, fait environ 700 pages. Autant dire que je ne vous en voudrais pas si vous ne téléchargez pas tout, et si vous n'arrivez pas au bout de l'expérience. C'est gratuit, évidemment. Je vous demande en échange de citer la source si vous voulez en exploiter un extrait, ou l'évoquer.
Pour ceux qui connaissent un peu mes livres, les deux volumes de "Demain les Origines", à terme, font un lien entre "Le Baiser de la Nourrice", "Mausolées" et "Les Nefs de Pangée", voire "L'Affaire des Vivants" (et oui). On commence avec "le livre de Malik", qui pose certaines bases et raconte la mort d'un célèbre philosophe, mort assez stupide, d'ailleurs, avant de lancer l'histoire.
Voilà, que tout ce boulot soit au moins un peu regardé, c'est tout ce qui m'importe.
J'espère que, techniquement, ça va suivre, et que le téléchargement du pdf va fonctionner.
Bonne lecture.
Ah oui, ajout du lendemain : ce serait sympa de laisser un petit message quand vous avez téléchargé, en commentaire du billet.