Les temps ne sont pas seulement durs, ils sont dégueulasses.
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Il traversait le jardin quand il suspendit sa promenade et regarda sa montre. « Le muguet est en avance », dit-il.
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Nous mourrons donc sans plus connaître la paix. Seuls les enfants de nos enfants auront peut-être la chance de savourer un moment où la fin du terrorisme sera avérée, dans 30 ans d'ici. Et encore, nulle capitulation, nulle grande ruée, dans les avenues et sur les places, assortie d'embrassades, nulle libération, juste la lente compréhension que le cauchemar est enfin fini.
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Pour me faire pardonner mes trois jours d'absence sur Kronix, trois notes d'un coup :
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Dieu nous préserve des religions.
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"Et voici la salle à manger du château", déclara le propriétaire qui nous servait de guide, il ajouta d'un ton morne : "vous remarquerez l'exceptionnelle hauteur sous plafond de cette pièce". Nos regards se levèrent : la salle était dépourvue de toit.
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L'idée d'épouser son tracteur avait valu au paysan une fugace médiatisation. A présent que les journalistes étaient partis et que le village avait retrouvé son calme, il devait bien s'avouer que les formes trapues de son Massey Ferguson 8600 ne méritaient peut-être pas cet accès d'enthousiasme.
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Saluons le clan préhistorique qui s'est acharné à jeter l'un après l'autre les membres de sa communauté dans l'eau, jusqu'à ce que l'un d'eux, s'agitant beaucoup, invente la nage. Et regrettons simultanément l'obstination de cet autre clan, rapidement anéanti, qui opéra de même pour tenter de voler.
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Planche 39.
Extérieur nuit.
1- La ruine d'un petit édifice envahi de ronces, au fond du parc. Tout près, le petit véhicule électrique qui a permis le transport. Au centre de la ruine, un puits, la grille qui le ferme est basculée. Renzo et Spathül balancent un cadavre dans le puits.
2- Spathül se penche pour saisir le corps de la femme, resté par terre. Renzo ne bouge pas.
3- Spathül : « Bon, alors, tu attends quoi ? »
4- Renzo est bouleversé. Spathül se redresse, mains sur les hanches : « Quoi ? »
5- Plan d'ensemble. Le puits, le corps de la femme, Renzo et Spathül. Spathül : « C'est comme ça, il faut t'y faire... » Renzo : « Monsieur... »
6- Renzo se met à vomir. Spathül : « Eh ! tu me connais maintenant, non ? Tu sais de quoi je suis capable, à force d'écouter mon histoire. Quelle sensiblerie ! »
7- Renzo, en pleurs : « Je comprends maintenant, ce qui reste, une fois la trace évaporée. » Spathül : « Ah ? »
8- Renzo : « Je suis maudit ! A cause de vous, je suis maudit. Les mots sont incrustés en moi à jamais. Vous m'avez empoisonné l'esprit. Même si on brûle tout, votre histoire fait partie de ma chair. »
9- Renzo s'agenouille, en pleurs. Spathül : « Ouais, bon. Aide-moi. »
10- Renzo : « Non, j'en ai assez, c'est horrible ! » Spathül, se précipitant sur lui : « Hein ? »
11- Spathül saisit Renzo par le col : « C'est ainsi que ça se termine, mon gars ! J'use le pouvoir jusqu'à sa dernière goutte. Cherche des rebelles autour de toi. Aucun qui me vaille. Je suis le dernier romantique. Aide-moi ou tu les rejoins. »Extrait du scénario d'une BD en cours de réalisation. Dessins Thibaut Mazoyer.
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"La vie volée de Martin Sourire" sur RCF, en compagnie de Jacques Plaine et Jean-Claude Duverger
L'émission "A plus d'un titre" est à écouter ICI.
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Force est de constater que le brontosaure était plus vif que le moustique. On n'en trouve aucun, pris dans l'ambre.
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Il y a un moment, dans l'écriture d'un livre, où vous comprenez enfin ce que vous êtes en train de faire, révélation plus ou moins tardive selon l'entreprise. Pas : quel est le sujet de votre roman, cela vous êtes censé le savoir, tout de même. Plutôt : De quoi je parle, au fond, qu'est-ce qui, viscéralement, m'a imposé de rester autant de temps concentré et isolé, à la recherche d'un rythme et d'une justesse d'expression, qu'est-ce que je cherche à travers mon texte ? Et ce n'est pas forcément clair à l'amorce du travail. On peut même postuler que l'écriture d'un livre a pour but premier de révéler aux yeux de son auteur, les raisons qui ont poussé à l'entreprendre.
Le moment que j'évoque se manifeste par une sensation particulière, une émotion assez indescriptible. Pour moi, elle est similaire à une autre sensation, guère plus commode à exprimer, qui naissait, à l'époque où je dessinais ou peignais des portraits d'après nature (jamais d'après photo, cet expédient vulgaire), quand, la personne en face de moi, je voyais, trait après trait ou coup de pinceau après coup de pinceau, s'affirmer une ressemblance. Le visage qui apparaissait sur la toile ou le papier, était bien celui de mon modèle. J'y étais. Je ne savais jamais par quel détour ce petit miracle se produisait mais c'était ainsi : j'avais saisi et traduit cet étrange motif qui crée l'illusion de la ressemblance. Cela venait brusquement, au hasard d'un trait anodin, par surprise. Soudain, quelque chose s'était éclairci. Je savais que, désormais, je passais d'un autre côté de la réalisation. C'est ainsi que, dans la pratique de l'écriture, à des moments variables dans la construction d'un récit, je perçois avec étonnement (et quelle satisfaction!) que « j'y suis ». Tout devient net, tout prend sens : les phrases qui m'ont amené à ce point, les prolongements que ce basculement implique, ce que sera le roman achevé.
La difficulté réelle se situe par conséquent au début de l'écriture d'un roman. Quand rien n'est fixé, que tout menace de se dérober à tout moment, que le sens ne s'est pas encore affirmé, quand rien n'est évident. Il y a quelque chose d'absurde d'entreprendre l'écriture avec le secret espoir qu'un but s'annonce. Vous pouvez travailler des mois, peut-être des années, avant que se manifeste la sensation évoquée plus haut. Et il y a cette hantise : est-ce que vous y parviendrez ? Ainsi, il m'est arrivé d'aller jusqu'au bout d'un texte, de travailler plus d'un an sur un roman, de poser le point final, sans avoir connu cette grâce (et dans l'état d'incertitude que vous pouvez deviner). Assez logiquement, il se trouve que ces romans-là ne provoquent qu'une réaction embarrassée de ma première lectrice, augure du refus de mes éditeurs. J'espère sincèrement que les autres écrivains ne connaissent pas ces affres et entrevoient clairement dès l'origine, l'ensemble de ce qu'ils ont entrepris de créer. Je crois avoir une bonne notion des sentiments de Sisyphe, quand il appuie ses mains contre la pierre, s'arc-boute et pousse son rocher, au pied de la pente incessante.Peut-être parlerons-nous de cela, à partir de 16h30, avec Jacques Plaine, à la Librairie de Paris, à Saint-Etienne...
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3201
Comment écrit-on un roman ? Comment ose-t-on commencer, par quels mots, par quelle scène et sous quel angle ? C'est toujours difficile, et de plus en plus difficile avec le temps, malgré l'expérience. Paradoxalement. Parce que chaque roman est un prototype. Comme l'amour vrai se réinvente et ne connaît que des premières fois.
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Grand rendez-vous pour moi, vendredi 14 avril, à la libraire de Paris, à Saint-Etienne, (6, rue Michel Rondet).
D'abord, avec une rencontre autour de mes livres, animée par Jacques Plaine, à 16h30 (une des rares fois où j'aurai l'occasion de m'exprimer sur mon travail d'écriture, de mettre en perspective les thèmes, expliquer les passerelles entre les textes, etc. Je vois ça comme un beau cadeau, cette chance d'évoquer assez longuement parcours et choix) puis, à 18h30, l'enregistrement public de l'émission « A plus d'un titre » (RCF), en compagnie de Jacques Plaine, toujours, et de Jean-Claude Duverger, cette fois autour de mon dernier roman « La Vie volée de Martin Sourire », paru chez Phébus cette année.
N'hésitez pas à venir goûter au lieu, à la parole bienveillante de ce grand amoureux de la littérature qu'est Jacques Plaine. -
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Il y aura donc toujours d'autres matins. C'est incompréhensible, c'est impardonnable. Rien ne devrait survivre à la mort des innocents. Il nous faut apprendre l'indifférence de l'univers. L'apprendre c'est-à-dire l'éprouver dans sa chair par la blessure fondatrice de l'injustice. C'est le prix.
Extrait de "Le Radical Hennelier" manuscrit en cours de lecture chez Mnémos. (Suspense...)
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Bruits de scie et de tenailles, coups de marteau, cris masculins, jurons, appels féminins à arrêter le bricolage. La saison des petits travaux extérieurs est commencée.
Et sinon, les hirondelles ont investi leur nid, hier. Bonheur.
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Suivons la trace de nos vieux étonnements qui dépendaient de l'enfant que nous étions. Arrivés au point de contact avec ces jours de merveille, évaluons la distance qui nous en sépare, réduisons-la. Et écrivons.
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La Maison du Faune. Jean-Pierre Poccioni.
André, un retraité aisé, grand amateur de vins et de musique sur disques vinyles, croise le chemin d'un jeune couple au hasard des ruines de Pompéi. On lui a déconseillé Venise sur la période désirée. Ce ne sera donc pas Mort à Venise, mais naissance du désir à Naples. De part et d'autre, parmi les ruines de la ville romaine, silencieuses lors des visites très matinales, ou dans les cafés bien choisis de Naples la bruyante, une sorte de séduction opère entre André et le jeune couple parisien, comme lui. Les touristes français se lient d'amitié et se retrouvent plus tard dans la capitale. Ces retrouvailles ne sont pas le fruit d'un hasard mais de la volonté d'André. Il a tergiversé, a considéré son âge, s'est finalement décidé à les retrouver. Le but de son obstination à renouer le contact pourrait être le désir, mais quelle finalité un désir de vieil homme peut-il espérer ? André, dont on devine qu'il fut un grand amoureux, un amant d'une authentique sensualité (n'est-ce pas aussi ce que confirme son goût pour les meilleurs vins et la musique de Schubert?), suit le cours de ce fantasme inconfortable, il en repousse confusément l’irrationalité. Peut-être pour se représenter à lui-même la part de fiction que comporte cette aventure, il se rebaptise Alexandre. Un nom de conquérant. Le couple, quant à lui, a décidé de baptiser cette nouvelle connaissance le Faune. A cause de Pompéi où il se sont rencontrés, à cause de la figure mystérieuse qu'il est à leurs yeux. André/Alexandre observe ces amis avec un mélange d'envie et de désespoir, un balancement constant entre respect et pulsions refoulées. Car, dans ce couple devenu proche, il y a Claudia. Et la beauté de Claudia est un spectacle. L'excitation érotique qu'il ressent à regarder le corps de Claudia lui inspire des élans, qui l'affligent aussitôt. Que faire d'un tel désir quand l'élue est jeune, délicate, vivante, et qu'elle aime profondément son homme, un Thomas brillant, chaleureux, bienveillant ?
L'enjeu du récit et, en conséquence, le pari littéraire de l'auteur, est l'évocation subtile des effets de distance : ce qui sépare un vieil homme d'une jeune femme, un célibataire d'un couple, un père de son fils, un ancien mari de son ex-femme, un fantasme de la réalité. Et l'écriture entreprend l'exploration de cet espace découvert en ménageant l'exacte tension requise. C'est un plaisir de fin gourmet que de savourer la mise en œuvre de ce dispositif. Une énergie constante architecture ce beau texte. L'écriture de Poccioni est raffinée, jamais précieuse, toute de retenue et d'élégance. On lit cet auteur comme on caresse du regard la couleur d'un grand vin ou une fresque érotique de la maison des Mystères.
La Maison du Faune est un court roman dont la narration alterne deux formes littéraires, dont chacune est exploitée pour ses possibilités dramatiques et avec ses caractéristiques : le journal d'André, ses introspections, son peu de pitié envers lui-même et en même temps, les leurres qu'il autorise ; et des chapitres distanciés, intitulés « Elle et lui », qui promènent le lecteur au fil d'un phrasé suave et réfléchi, délié, souple, ourlé d'appréciations riches et de descriptions extraordinairement fines. L'alternance des deux modes a aussi pour fonction d'exposer deux manières de penser la même scène, de revisiter les pensées d'André à la lumière de l'expérience du couple. C'est un jeu infiniment délicat auquel on se prend d'emblée, et qui met le lecteur dans un état constant de jubilation, jusqu'à la dernière page.
La Maison du Faune. 2006. Phébus. 188 pages.Une autre critique, signée Pierre Perrin, à lire ICI.
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En plus de tant d'épreuves, la petite sirène comprit vraiment sa douleur le jour de sa première épilation.
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L'écriture est une activité pousse-au-crime. Elle incite au dévoilement des secrets, à l'impudeur, elle se moque bien de la souffrance des autres et se nourrit de trahisons. Un écrivain est un traître. Il n'a aucune excuse, il n'a aucun remord, il charrie la boue insane des vérités pour les porter aux feux du questionnement universel. La bonne littérature ne s'encombre pas de complaisance et de détours, de morale. Et pourtant, je n'ai aucune envie de faire du mal. Quel projet littéraire vaut qu'on humilie quelqu'un, ou qu'on lui fasse du mal ? Il est rare (mais pas impossible) que je considère l'écriture avec assez de conviction pour lui sacrifier la sérénité des autres.
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J'espère que cette annonce (sur Kronix, où je fais quand même un peu ce que je veux), ne passera pas pour un effet de mon narcissisme (ce dont m'accuse une "amie qui me veut du bien"), mais sachez, lecteurs de ce blog (dont je n'ai pas la moindre idée du nombre vu que je n'ai pas d'outils pour mesurer votre affluence - autre reproche de cette "amie", qui me décrit à l'affût des statistiques et des prix (?) littéraires -allons bon !), que je serai (oui, moi, tout enflé d'orgueil et de prétention nombriliste), au Centre social de Riorges demain, jeudi 6 avril à 18h30, pour évoquer mon dernier roman "La vie volée de Martin Sourire". Ne venez pas trop nombreux, parce que mon "amie" pourrait y voir la preuve de la réussite de mon plan de carrière et de mon empressement à être un écrivain populaire.
Ses reproches n'ont pas été sans effet, je le reconnais. Je me suis interrogé sur la façon dont je "vends" mon travail sur le Net. Pour commencer, j'ai supprimé les photos de ma pomme, en bannière, là-haut, qui étaient, c'est vrai, la marque la plus manifeste de mon narcissisme. Au grand dam de ma douce qui se les passait en boucle en mon absence, ai-je su depuis. Mais je ne doute pas que ce gage de ma bonne foi (que, crétin influençable, je me suis cru obligé de donner), ne lui suffira pas.
Ses remarques hors de contexte (on échangeait simplement sur la façon dont j'avais traité la Révolution dans le roman), m'ont considérablement blessé et attristé.
Et puis, à la réflexion, je l'emmerde.
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Conte horrifique
Il n'avait jamais osé en parler, à qui que ce soit. Son souvenir le plus ancien et le plus net était une visite à des parents et plus précisément son entrée dans le salon, la télévision allumée et, tournée vers lui, une créature simiesque, énorme, au regard pénétrant. Cette image dérangeante était liée de façon inextricable à la voix de sa mère, le poussant vers cette sorte de singe : « Dis bonjour à ton oncle. »
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Il suffisait d'adresser une prière et puis, bon, soit tout s'arrangeait et merci Seigneur, soit ça allait de mal en pis et c’est qu'on avait mal fait quelque chose. Ce n'était jamais de la faute de l’Église ou du curé. Jamais la faute de Dieu. En fait, je me demande si vraiment les gens ont cru en Dieu un jour. Je me demande. Parce qu'on est bien vite prêt à l'absoudre, nous, les hommes. Comme s'il ne comptait pas ou pas plus qu'un enfant. Tiens, voilà, c'est ça : on s'adressait à Dieu comme on tente d'apaiser un enfant capricieux. « Si tu es gentil, tu auras droit à ça... » Je te construirai une chapelle, je partirai en croisade, je quitterai ma maison pour te servir. Marchandages sordides. Bien sûr, on lui donnait du « Mon Père qui êtes aux cieux », on le redoutait, mais quelque part, loin dans les ténèbres de l'âme, on rusait, on se le conciliait, on trichait, on espérait s'en faire un complice ou s'en rendre maître. Comme on discipline un enfant. Évidemment, on n'irait pas construire de chapelle, et on ne mènerait une croisade que parce que les terres traversées étaient riches. On n'y croyait pas vraiment. Sinon, s'il fallait y croire, alors, tous promis à l'enfer, pas assez d'indulgence pour tout le monde. Le moindre geste était douteux, la moindre pensée était suspecte, le péché est dans notre nature. Les prêtres ont une formule pour ça : la chair peccamineuse. Oui. Impossible d'y échapper. Cela nous est consubstantiel. Donc, quand ça échouait du côté du gamin caractériel tout auréolé de voie lactée, à qui s'adresser ? Au vrai pouvoir, au vrai mystère qui hante les nuits depuis que la mémoire est mémoire. Ce qui persiste à la lisière, au seuil compris entre Dieu et la vieille Nature. Ce qui était là avant Lui, avant les clergés et les cantiques. C'est là, entre chien et loup ou bien sous la clarté lunaire, aux franges des brumes des marais ou dans l'ombre des forêts. Rien n'est sûr, tout devient possible. Quand sourdent les idées emmêlées, à peine revenues des rêves, là où la terre se confond avec l'eau, là où les résolutions naissent des limbes, là où les pensées prennent un tour étonnant. Là où Dieu s'absente.
Extrait de "Le sort dans la bouteille". Théâtre. Écriture en cours.