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  • 2712

    L'Architecte dodelinait, à l'écoute de ses propres réflexions. Elles lui devinrent assez lisibles pour qu'il entreprenne de les énoncer à haute voix, mais d'un air abstrait, comme si Martin n'était pas là. « Ils ont fait de l'Homme le réceptacle de l'idéal dont ils avaient dépouillé le ciel. Je n'ai rien contre cela. Il fallait en découdre avec l'idée d'un Dieu monnayé par son clergé. Mais il n'y a d'idéal ni dans le ciel, ni dans l'Homme. Il n'y en a pas plus dans la nature rêvée par monsieur Rousseau, et encore moins dans les objets dont l'Homme fait commerce, qui l'enrichissent parfois au point qu'il les vénère. Il n'y a d'idéal nulle part. Nous avons cru qu'en œuvrant ensemble, l'Humanité dépasserait l'entreprise des hommes. Nous avons cru en un homme plus grand que l'Homme. C'est maintenant que je comprends pourquoi le seul monument élevé à cet idéal, et dont la postérité est assurée, n'est ni une grande tour, ni une puissante sphère de pierres, mais un creuset d'espérance, un vaste appareil de possibilités, l'espace vide du Champ-de-Mars. »

     

    La Grande Sauvage. Extrait. Écriture en cours. A paraître en 2017 chez Phébus.

  • 2711

    Pour masochiste maniaque. Le fil dentaire barbelé.

  • Les Nefs de Pangée - Nouvelle critique

    Une fois n'est pas coutume, une critique mitigée (ce qui, pour l'auteur qui a travaillé à s'en rendre malade équivaut à : une claque puissante dans le mufle), mais je m'étais promis de citer les bonnes comme les mauvaises. Alors voilà. Je réfute tous les points négatifs notés ici. Je ne me "débarrasse" pas de mes personnages et aucun n'a été créé pour meubler. Et la dernière partie, qui a déplu apparemment, est celle qui donne son sens à tout le bouquin. Je regrette que ça n'aie pas été perçu. Pour l'instant, c'est la seule critique de ce genre, j'en déduis que le livre a été très majoritairement compris. On se console comme on peut.

  • 2709

    LequipedeGilly_LF-Geneve_2015.jpgUn grand merci à la Médiathèque de Gilly-sur-Isère, dont le soutien ne s'est pas démenti depuis la sélection du Baiser de la Nourrice en 2009 pour Lettres-Frontière. Une des belles histoires d'amitié que ce prix a générées. L'occasion pour l'équipe d'affirmer qu'elle avait bien raison de "croire" en moi. C'est réciproque. Je crois en cette équipe et en l'énergie de sa responsable, Marielle. En bonus, la vidéo de mon discours, à la fin de l'article, où il est question, justement, de l'amitié.

  • 2708

    A l'annonce de la rupture des autres, l'étrange chagrin qui se blottit en nous, la part de ces petits deuils que l'on prend pour soi. Il y a des autres en nous, certainement. Et l'on s'interroge alors, parce que nous sommes égocentriques, sur la part de nous qu'il y a chez les autres.

  • 2707

    Sur leur gauche, quand la brume s'effilochait, que la lumière perçait nette jusqu'au sol, il voyait les hommes de Kellermann, guère mieux accoutrés qu'eux-mêmes, prolonger leurs rangées disparates sur un léger relief. Le tertre où patientaient les bataillons était dominé par un moulin à vent, monolithe aux parois sombres et mouillées, qui faisait un signal nu, isolé dans le paysage.

     

    La Grande Sauvage. Extrait. Roman en cours d'écriture.

  • 2706

    Savoir pourquoi on écrit est une question à peu près réglée. Mais pourquoi on exhibe ce qu'on écrit, pourquoi on montre son texte à tous les passants, c'est autre chose. Orgueil, mégalomanie, sûrement, prétention aussi, tout ça. Et puis parfois, un lecteur vous dit son enthousiasme, d'autres vous écrivent, une amie vous envoie la photo émouvante des mains de son père, parce que le passage d'un de vos livres les lui a irrésistiblement évoquées. Ou encore, le témoignage est indirect, particulièrement touchant. Un ami (je ne sais, à l'heure où j'écris ces lignes si je peux le citer), bénévole dans une association d'hébergement et d'aide aux sans-abris, discute avec un résident qui était venu voir Pasiphaé, en janvier, à Roanne. Voici l'anecdote qu'il me rapporte :
    « Le type que je connais assez bien me dit qu’il a depuis ce jour en tête une phrase de Dédale, phrase qui lui parle, qu’il reprend, il la cite sans sourciller, c’est important pour lui : « Pose ta vie sur la scène, assieds-toi en face, et regarde si le spectacle te convient ! ». Le gars doit avoir la cinquantaine, la barbe courte, les cheveux dans tous les sens, tu sens les années de galère, le nez trogne etc… Il y a des petits instants magiques parfois, c’est juste beau. »
    Ça n'explique pas tout, mais dans de tels cas, on se dit qu'on n'a pas eu complètement tort d'oser porter son écriture à la connaissance des autres.

  • Les Nefs de Pangée - Nouvelle critique

    Pas vraiment récente, la chronique de Phénix était passée sous les radars. L'article entame quelques secrets. Ne le lisez pas si vous voulez bénéficier de toutes les surprises du récit. J'avais rencontré l'auteur de cette chronique, qui m'avait déjà fait part de sa réticence sur l'idée d'une Pangée du futur. Je réaffirme ici qu'il s'agit d'une réalité scientifique. La Pangée future ne s'organiserait pas de la façon dont je la décris, mais l'accrétion des continents en un nouveau super-continent au terme de leur dérive, est une donnée. Les scientifiques l'appellent d'ailleurs "Amasia". Ce qui n'est pas mal non plus.

  • 2704

    Permettez-moi juste une pensée pour les populations civiles de Rakka, qui avaient réussi à se débarrasser du joug de Bachar Al-Assad, se sont retrouvées avec Daesh sur le dos, et prennent aujourd'hui des bombes coalisées sur la gueule.

  • 2703

    Il prit un exemple qui lui glissa des mains. Agacé, il jeta une idée en l'air que personne ne récupéra. Il voulut faire le tour de la question, mais c’est une fichue grosse question. Momentanément découragé, il se dit que ce n'était que partie remise. Puis il l'abandonna. La partie.

  • 2702

    A propos des insectes, toujours : un précieux ami relevait l'autre jour qu'il fut un temps où, après quelques kilomètres, il fallait nettoyer le pare-brise de la voiture, devenu opaque à cause du nombre d'insectes venus s'y écraser. Force est de constater que ce n'est plus le cas. A coups de pesticides et autres pollutions, nous avons pratiquement éradiqué le peuple insecte. Qu'avons-nous fait, misère, qu'avons-nous fait ?

    Ou bien avons-nous provoqué une mutation qui a rendu les insectes assez intelligents pour s'écarter de nos phares ? Qu'avons-nous fait, misère, qu'avons-nous fait ?

  • 2701

    La disparition programmée du panda, de l'ours, de la jolie gerboise nous émeut légitimement. Mais je n'entends personne défendre le morpion qui pourtant, à cause de la destruction de son habitat naturel par la mode de l'épilation intensive, menace de s'éteindre.

  • 2700

    Au cours de la table ronde de l'Usage des Mots, à Genève, l'excellent Mathieu Menghini, modérateur du débat où j'étais en présence de Slobodan Despot, subtil colosse auteur de Le miel (et que d'incises et que d'incises !), me demandait en substance pourquoi je me trouvais être auteur d'une littérature du « quelque chose », plutôt que d'une littérature « du rien ». Sans citer Barthes, qui supposait que la littérature est le moyen par lequel nous tentons de nous représenter le réel, je dis d'abord que je vivais quelque part et que j'avais conscience du concret (prisonnier du concret ? C'est possible, je ne le nie pas). Ma littérature, supposais-je, est la conséquence de ce constat. Je n'ai pas le talent d'écrire sur rien, ou en tout cas, de faire semblant d'écrire sur rien (ce rien, qu'en vérité on ne peut concevoir, disons que, passé au filtre des mots, ce serait le subtil aménagement des creux de la vie, un esthétisme du doute, enjeu que je respecte, et manque à cette définition l'exemple d'un auteur, vous compléterez - qui a dit Bobin ? ; je pensais Duras), mais surtout, me vint brusquement à l'esprit que ma possible littérature « de quelque chose », a pour cause le besoin, la nécessité d'élever mes récits à la hauteur des mythes. Pas une prétention, je le redis, mais une nécessité, pour ainsi dire le moteur de mon écriture. Que le but soit atteint ou pas, je ressens le besoin d'embrasser un thème et d'en cristalliser les aspects sous la forme d'un conte mythologique. Ce en quoi, Slobodan Despot m'approuva. Nous avons donc un point d'accord.



    Et c'était la 2700e note, les poteaux !

  • 2699

    La conversation se perdit avant d'atterrir sur le problème des radars automatiques. La tablée retint un soupir de soulagement : on avait réussi à éviter une discussion sur la météo. Grand-père avait entamé tardivement des cours sur le sujet et se prétendait un expert dans le domaine. Lancé, il ne lâchait plus son auditoire et pérorait des heures durant jusqu'à épuisement de son public. On s'inquiétait donc de la prolifération des appareils lorsque le petit dernier entra, un ballon sous le bras, et demanda à ses parents atterrés s'il pouvait jouer dehors, vu qu'il faisait très beau, avant d'ajouter sadiquement qu'il fallait en profiter parce que le ciel devenait menaçant. L'œil du grand-père s'alluma.

  • 2698

    La Grande Sauvage ne sortira finalement qu'en 2017, chez Phébus. Non pas que mon manuscrit ne soit pas prêt en temps et heure, soit début 2016 comme prévu, mais mon éditeur (venu me soutenir à Genève, les contrats sous le bras, je suis tout embarrassé par sa vraie gentillesse), ne veut pas gâcher la sortie du roman par une campagne précipitée. Je suis bien d'accord. Comme j'aborde la dernière partie de ce roman, je réfléchis avec plus de sérieux aux chantiers suivants. J'avais d'abord pensé tenir ma promesse à mon autre éditeur, Mnémos, en écrivant la préquelle (ou antépisode pour nos amis canadiens francophones) de Mausolées. Sauf que les événements qui conduisent à l'état de la société telle que décrite dans ce livre, nous sommes en train de les vivre. Relater le plein chaos dont nous vivons les prémices, m'ôte le plaisir essentiel d'un peu d'exotisme. Je suis donc partagé. J'imagine alors, plutôt, travailler sur l'après-Mausolées. Aller voir plus loin, explorer ce qui résultera de tout ça dans 200 ans, retrouver Set-Zubaï et le fantôme de Léo Kargo.
    Mon « actualité » de 2016 sera donc théâtrale, essentiellement, avec la reprise de Pasiphaé à Paris, et la création de Minotaure, à Roanne. Il faut bien continuer de se projeter. C'est la nature humaine, je suppose.

  • 2697

    - Vous n'avez pas peur de la maladie ? de mourir d'une leucémie, par exemple ?
    - Aucun Rilke !

     

    (brr hum...)

  • 2696

    Élève contre la bêtise ce rempart, apaise-moi, que je dorme contre toi. Et pour être certain que la muraille soit assez puissante, lis-moi Proust, s'il te plaît.
    (Ce qui fut fait, et je m'endormis)

  • 2695

    Après le 7 janvier, complètement abasourdi, je m'étais abstenu de tout commentaire. Tant de choses belles et intelligentes avaient été dites. Aujourd'hui, sans doute parce que je les ai vécus différemment, je me suis cru autorisé à ajouter ma petite pensée sur les événements de vendredi soir, au déferlement habituel de bons sentiments. Je me dis "tant pis", je me dis "je témoigne", je me dis "pourquoi pas ?". Ci-dessous, l'extrait d'une lettre à une amie chère :

    "Nous sommes des créatures d'intentions, je veux dire des êtres dont les actes sont limités. Pourquoi ? parce que nos intentions sont nobles et que le résultat vers lequel nous tendons, à savoir une paix universelle, le bonheur pour tous et la justice enfin équitable, est hors de portée, non seulement de nos modestes actes, mais hors de portée de l'humanité depuis son avènement. Ce qui nous épuise et nous abat, c'est que nous ne renonçons pas à un tel projet, contre toute évidence.
    Je ne sais pas s'il a pu venir à l'idée des commanditaires et de leurs sbires endoctrinés, que le nombre des morts, la menace de leur violence, pouvaient avoir le moindre effet sur notre détermination à améliorer le monde, je ne sais pas s'ils ont cru cela, mais si tel est leur but, ils ont déjà perdu.
    Peut-être viennent-ils nous rappeler à temps que nous avions un projet, né il y a deux siècles, et que nous avons, sinon trahi, au moins négligé : celui d'une société de progrès pour le plus grand nombre. Cette cause a désormais ses martyrs, hélas, elle n'en avait pas besoin. Ne les oublions pas."

  • 2694

    Nous étions, samedi, dans une bulle. C'était à Genève, nous savions pour Paris, et les livres et les mots semblaient à chacun l'esquif à quoi se cramponner. Nous pensions à tout le reste, assurément, mais nous restions frileusement dans l'entrelacs des textes, évitant les écrans et les journaux. Se croisaient dans les salles, conversations allusives, soupirs sans insistance, hochements de têtes disant l'impuissance. Il faudrait bien reprendre pieds, il faudrait bien réintégrer le harcèlement des douleurs et partager la sidération des nôtres. En attendant, nous réclamions un peu de répit ; il se trouve que la littérature nous l'offrait, et nous avons savouré ses bienfaits. Les plus audacieux pouvaient deviner dans les effets de ce baume, ce que la littérature, un jour, nous ferait comprendre de tout cela, et comment elle apaiserait les blessures.


    Il y eut ce moment où l'une des lauréates du prix Lettres-Frontière l'an dernier – laquelle était-ce ? Paola ou Bettina ?- ouvrit l'enveloppe et prononça mon nom. Ce fut un grand moment, un beau moment, qui me permit de parler de mon affection particulière pour ce prix, et les histoires d'amitié qu'il fit naître, en 2009, alors que je n'étais que sélectionné. Aujourd'hui, donc, j'ai le plaisir et l'honneur d'avoir été distingué. La surprise de voir déjoués mes propres pronostics. Je suis heureux et reconnaissant de ce choix, et des rencontres qu'il va engendrer.


    Me voici, de retour devant mon écran, peut-être lu par Paola Pigani, avec qui j'ai pu échanger hier et pendant le trajet en train tout-à-l'heure, et c'est le moment redouté où je vais devoir reprendre contact.

    Je ne sais pas encore précisément ce qui s'est passé, je n'ai perçu que les quelques bribes que nous autorisions à pénétrer notre isolement déraisonnable, mais je pense depuis hier à ceci : Bien sûr, nos armées ont porté la mort au delà de nos frontières, mais soldats contre soldats, balles contre balles, engagés contre engagés, dans  ce qu'on appelle des batailles. Vous, vous portez la mort, volontairement, parmi les innocents. Nous aimons la vie, vous aimez mourir. De vous et de nous, qui vaincra ? Je vous le dis, assassins, ceux qui vivront, ceux qui l'emporteront, sont les amoureux de la vie. Et les amoureux de la vie, c'est nous.

  • 2693

    Qui a inventé ce jeu insolent ? À qui devons-nous cela ? Tout cela. Est-ce que nous sommes obligés de jouer notre partie, jusqu'au bout ? Nous finissons par concevoir un tel dégoût pour les règles du jeu. Un jeu collectif. C'est bien ça le problème. Un jeu collectif où chacun joue sa partie. Comment voulez-vous que ça fonctionne ? On fait avec. Plutôt, on fait contre. Contre les autres. Contre les règles des autres. De tous les autres. Dès que nous nous sommes vus confier le rôle d'individu, il a fallu jouer ce nouveau combat. Et nous n'étions pas prêts. Nous nous sommes construits des cellules. Nous les avons baptisées. Nous avons fermé la porte sur nos petits rituels maussades. Nous nous sommes cramponnés à l'idée que les murs seraient assez solides. Les murs se fendent, les portes craquent. Le minotaure va passer la frontière.

     

    Dédale, "Minotaure". Extrait.