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Livres - Page 33

  • Psychopompe J-10

    La grille du cimetière n'avait pas grincé, et les pas de Charon, dans un souci d'harmonie, s'évertuaient au silence. Le gravier formait dans les allées une rivière minérale et il pénétra avec douceur dans ces eaux dormantes. Les tombes inclinaient vers lui l'ombre de leur croix rouillée et il perçut le premier écho des étonnements qu'il était venu chercher ici. Les visites aux cimetières ne le plongeaient dans aucune espèce de nostalgie, ou évocation attristée d'un temps inconcevable. Aucun romantisme non plus – du moins s'en défendait-il – ni cette émotion respectueuse qui étreint les vieillards quand les carrés des tombes s'ouvrent devant eux comme des fenêtres où pencher leur ennui. Non : face aux vanités funéraires, Charon ricanait.

     

    La suite dans "Le Psychopompe", signature le 24 avril à Roanne (Loire), librairie Lauxerois, rue Charles-de-Gaulle

  • Le Psychopompe - la couverture

    couv psycho.jpgJ'admets avoir connu une certaine impatience. Tout était prêt depuis longtemps : le roman, ainsi que l'illustration de Franck Perrot. J'attendais la maquette. La voici : la couverture de mon prochain roman. Je suis très heureux. Pas mal, non ?

    (Cliquer sur l'image pour l'agrandir)

  • Cette fois...

    C'est officiel : sortie de mon livre, "le Psychopompe", les 6-7 avril. Signature à la librairie Lauxerois, le samedi 24 avril, à Roanne (Loire). Qu'on se le dise !

  • J'ai beaucoup aimé

    Il faut que je vous dise : un auteur devine quand on n'a pas lu son livre. Par les propos du complimenteur ou du critique, il sait s'il a été lu et comment il a été lu : en diagonale, scrupuleusement, les premières et les dernières pages, seulement des passages, et quels passages, ou juste la quatrième de couverture et un peu de presse. Cela se voit, je vous assure. Dans de tels cas, bien sûr, l'auteur ne dit rien, sourit, poursuit la conversation, accepte le jeu de dupes. Parce qu'au fond, il y a, partagée, l'envie de parler du livre, et au terme du dialogue, il est bien possible que l'auteur ait donné à son faux lecteur l'envie de vraiment lire son bouquin.

  • Annecy, nuit électrique

    J'avais trouvé plus pratique, ce matin-là, de descendre l'escalier domestique sur le dos. Le temps gagné est pourtant négligeable, mais l'effet pour le réveil, garanti. Toute la journée ensuite, je grimacerai sur les mouvements qui solliciteront mes épaules et mes cervicales.

    On discerne la volonté gouvernementale de faire détester le service public par la population, dans toutes sortes de désordres, de l'enseignement à l'hôpital en passant par la poste. C'est aussi vrai sur le rail, quand le train à quai attend, et les voyageurs itou, son conducteur. Avec un peu de neige, joli prétexte, on peut facilement atteindre l'heure de retard. Il reste vingt minutes pour être accueilli par des bibliothécaires frigorifiées et patientes sur le quai, prendre ses marques dans la chambre d'hôtel, se laver un peu, découvrir qu'on a oublié brosses à dents et à cheveux, et revenir à ses hôtes, tête en bataille et haleine incertaine.

    N'empêche, elles avaient bien fait les choses, Marie et Anne-Marie, sous la houlette de Claire, leur nouvelle directrice de la Médiathèque d'Annecy -la centrale, Bonlieu, excusez du peu. Une vingtaine de personnes était là, et c'était une surprise pour moi, qui m'effrayait du temps (bourrasque, grand froid), des ours polaires en vadrouille et de la concurrence d'autres événements culturels dont, je le saurai en fin de soirée, la venue ailleurs, de Yasmine Char. Un cercle de lecteurs, ou futurs lecteurs, graves ou souriants, et moi, encadré par Anne-Marie et Michèle (belle retraitée au regard pétillant, grande lectrice, férue de littérature et de poésie), l'une et l'autre ayant sélectionné des passages du « Baiser... » et ponctuant la rencontre de leurs lectures, parfaitement rythmées.

    Quoi qu'elle en dise, la présentation de Marie, nerveuse et gênée quand il s'agit de parler en public, était impeccable. Bon, elle n'a pas pu poser toutes les questions préparées, mais la soirée au restaurant a su palier ces lacunes. Pour le reste, il me semble avoir assez dit à l'assistance, pour satisfaire la curiosité des visiteurs.

    Comme toujours, je ne sais pas trop ce que j'ai dit, et l'intérêt que ça avait. Je me souviens avoir davantage parlé que d'autres fois, de mes autres romans, de « A la droite du Diable », de mes thèmes récurrents, de la fascination que j'ai pour la séduction des dictatures. Finalement, une rencontre n'est jamais inutile. Elle oblige à reprendre son propre parcours, et à découvrir des choses sur soi.

    La nuit à l'hôtel fut épouvantable, merci. Enfin, sinon épouvantable, très pénible. C'est que, voyez-vous, j'ai besoin d'obscurité pour dormir. Le vasistas au dessus du lit, qui s'ouvrait sur la fausse nuit de la ville (comme sont fausses toutes les nuits citadines), répandait sur moi, sur ma pratique déjà établie de l'insomnie, une clarté rousse de ville enneigée. Je ne parle pas du groupe de goujats qui s'est interpelé dans le couloir à deux heures du matin. Vers trois heures, épuisé de ne pas trouver le sommeil, malgré le cépage local choisi pour le repas, j'entreprends de faire l'obscurité dans la chambre. J'ai attendu longtemps avant de prendre cette décision, parce que j'ai calculé l'effort et l'agacement que ne vont pas manquer d'engendrer l'escalade d'un fauteuil posé branlant sur le lit, l'ouverture du vasistas sur la nuit glacé et moi, nu, réchauffant mes muscles endoloris par la chute du matin dans l'escalier, pour étendre une couverture sur la face externe dudit vasistas, l'arrimer à la poignée, et refermer le tout, sans que la couverture se perde sur le toit, en contrebas.

    C'est évidemment sans le moindre problème et du premier coup que je réussis, et me recouche, pour me confirmer in petto que, si la pénombre a gagné sur la clarté, il subsiste encore trop de lumière pour mon organisme énervé. Je finirai la nuit, mon bonnet enfoncé sur le nez, dans l'espoir que sa laine ajoute à mes paupières assez d'opacité. C'est réussi. Il me reste maintenant deux heures et demie avant le réveil, que j'emploie à penser à tel ami qui n'a pas trouvé le lieu de son examen, si important, à ma douce que de nouvelles perspectives mettent en émoi, à ma fille qui, dans quelques heures, passe son permis, et à mes oreilles, échauffées par le port inhabituel de ce foutu bonnet.

    Dormir dans le train du retour m'étant impossible également, apparemment, j'ouvre l'ordinateur, et compose ce petit compte-rendu.

    Sinon, Annecy, c'était super.

  • Annecy

    Ce soir, à 18 h 30, vous pouvez me retrouver à la bibliothèque "Bonlieu", à Annecy.

    Lectures et débat autour du "Baiser de la Nourrice". Vous savez, un bouquin que j'avais écrit. Un truc rigolo, fait pour le divertissement, léger et un peu complaisant, il faut l'admettre.

    Voilà, si vous voulez venir me lancer à la face, devant un public surpris, que vous n'avez rien lu d'aussi superficiel depuis les considérations économiques d'Alain Minc, vous êtes quand même les bienvenus. Et puis si vous n'avez pas lu, pas grave : on vous racontera. C'est juste un mauvais moment à passer.

  • Rencontre à Bozel 2

    Le beau zèle de Marielle – 2

    Dans la petite bibliothèque, (visitée avant une courte sortie dans le village, histoire de jeter un œil à la tour « sarrasine » qui fut, semble-t-il, le lieu d'un bel ensemble de manifestations autour du thème de « la neige », naguère), je me prépare, rôde au milieu d'un cercle de chaises promptement installé. On entre, des plateaux couverts d'offrandes, posés sur les mains ouvertes, on se salue, on se sourit, on s'installe, on écoute. On écoute Marielle qui a préparé un texte malicieux pour me présenter, quelques pages émouvantes et justes où elle répond à mon inquiétude de l'autre jour, après mon passage à Thonon (bien que Thonon, entendons-nous, c'était très bien), sur l'utilité de la présence d'un auteur. Elle parle d’abord des échanges, suscités par la lecture d’un livre difficile, et que la venue de son auteur permettra de poursuivre, d’approfondir. Évidemment, tout le monde n’a pas aimé : le thème rebattu, les scènes horribles, l’écriture difficile. Pourquoi ce sujet, pourquoi aujourd’hui, pourquoi sous cette forme ? Là, la rencontre avec l’auteur devient essentielle.

    C’est qu’un livre -qui doit se défendre tout seul, nous sommes d’accord- est aussi élaboré par un cerveau (en général), un vécu, une histoire travaillée depuis la chair, éprouvée depuis long, et qui surgit au terme d’une gestation (Marielle reprendra cette métaphore « utérine »). Tout cela, le lecteur en est avide, le bon lecteur, celui qui ne se contente pas d’avoir compris le livre, mais veut comprendre le pourquoi du livre, le comment du livre.

    Je commence à saisir, moi, que les lecteurs sont cannibales et ont un désir de dévoration de l’écrit, qui va jusqu’à l’ingestion des pensées de celui qui « a fait l’expérience de la création littéraire ». Cette expérience, rappelle aussi Marielle, qui ne serait pas complète (ou qui ne serait peut-être pas, tout simplement), si elle n’était associée à celle de la lecture, « Lecture et écriture comme des démarches en miroir, l’une nourrissant l’autre », et c’est aussi le lecteur qu’accueille la bibliothèque de Bozel. D’ailleurs, une pile de livres derrière moi, inspirera, selon l’organisation de mon hôte, mes réactions de lecteur.

    Après cette brillante introduction, « sans cirage de pompes », je ne sais que dire. J’enchaîne pourtant sur la notion de poncif du livre. C’est vrai, tout a déjà été dit sur les systèmes totalitaires et leur mécanisme ou leur installation, et je ne prétends pas décrire avec plus de pertinence que les autres cet aspect. Alors ? C’est que, expliqué-je, d’abord, je n’ai pas théorisé ce livre, il a surgi, point. Il fallait que je l’écrive, et que je l’écrive de cette façon. Du neuf ? Non, bien sûr, sauf peut-être ma voix, ma façon de dire, ma façon de me confronter à ce sujet qui me hante depuis toujours et sur lequel, très souvent, je reviens par tous les moyens. Ensuite, souplement, grâce aux enchaînements de mon hôte, il m'est possible d'expliquer comment s'est construit le récit, comment a été travaillé ce style particulier, quel défi c'était. La cohérence forme-fond ; plus que la cohérence, la fusion, la symbiose. Apnée, asphyxie, noyade. Et l'éditeur ? Quel est son poids dans le processus ? Le moment de ce roman, dans le reste de ma production, pourquoi ai-je dit que les scènes de torture me révulsaient moi-même ? A ma grande surprise, il se trouve que je suis capable de répondre à tout.

    Bozel_30_01_2010.JPG

    Dans son texte, Marielle évoque cet autre raison qui conforte l'intérêt de la venue d'un auteur. Quand son livre implique une médiation, ce « dont s’acquitte avec délice une bibliothécaire . L’accueil d’un auteur est la forme aboutie de ce travail de médiation. »

    Il m’est impossible de résumer la richesse de nos échanges, ce soir-là, et mon bonheur de, non pas transmettre un quelconque savoir, mais échanger, comme l'a dit Marielle, échanger ensemble sur ce qui nous pousse à lire ou à écrire.

     

    Hébergé chez Pascale, une cadre sup qui a décidé un jour de laisser tomber le stress et les leurres du pouvoir, même limité, je dors comme un loir, sans qu’il soit besoin de lampe de sel, me fait-on remarquer (je note une proportion de lecteurs de Kronix assez incroyable, à Bozel). Je m’endors comme un bienheureux, en pensant au récit que je vais faire à ma douce de cette soirée et, cerise sur le gâteau de Savoie, de la vision de ce mouflon au bord de la route, à peine dérangé par la voiture de Pascale, quand nous rentrions dans la nuit.

    Le lendemain, Marielle et Corinne, une spécialiste qui fait entendre la « voix » de l’environnement à Courchevel, nous rejoignent comme convenu pour une promenade sur la neige ragaillardie par le soleil matinal. L’occasion de se connaître mieux et, tout simplement, de parler de tout et de rien, de la vie, des parcours de chacun, des projets… En cours de promenade, Pascale imagine, à tout hasard, de téléphoner à la famille Paccalet, dont nous voyons la maison non loin, pour proposer à Catherine et Yves Paccalet, de partager le repas de midi et m’offrir ainsi, en plus du reste, le bonheur de la découverte de l’auteur de « L’humanité disparaîtra, bon débarras ». Ils acceptent.

    Yves Paccalet, regards et sourires ébauchés, retenus (on dirait timides si tout de même, l’accoutumance aux conférences, aux prises de paroles d’élus, n’avait rendu ce qualificatif douteux), parole claire et déroulement de pensée fluide qui vient au but. Un enchantement bien sûr. Autour de lui, nous écoutons le candidat aux régionales d’Europe Ecologie pour la Savoie, sur la liste de Meyrieu, et je crois qu’ici, en cet instant, chacun sait pour qui il va voter. La discussion est tellement agréable qu’elle se prolonge déraisonnablement, et c’est dans la précipitation que Marielle me ramènera à la gare.

    Deux minutes avant l’heure, le train est à quai, je ne peux pas m’attarder, on se salue vite, la bise, on sait qu’on va se revoir, c’est au-delà de la seule prestation organisée, un moment qui compte dans la vie.

    Dans un mail ultérieur, Marielle ajoutera aux bonnes raisons qui font qu’on invite un auteur, l’élargissement de son cercle d’amis. Rien que pour ça, en effet…

     

  • Rencontre à Bozel

    Le beau zèle de Marielle - 1

    Il a été question de cela, à une certaine heure, au cours de la discussion engagée autour de « le refus » de Kertesz, un des livres que j'avais choisis pour évoquer mes amours littéraires aux organisateurs de Lettres-frontière. Il a été question de la fonction de l'écriture qui, d'une certaine manière, certifie qu'un moment a bien été vécu, et lui confère le poids de chair qui, autrement, manquerait à la mémoire. Il a été question de l'écriture comme testament de la rencontre de Bozel. Pour dire que cela fut, surtout dire combien ce fut important pour moi. Alors voilà, il faut que je raconte Bozel, et je ne sais pas par quoi commencer.
    Par Marielle peut-être, tout simplement, parce que cette vaillante bibliothécaire a réussi, dans ce petit village de 1200 habitants à réunir en quelques jours plus d'une vingtaine de personnes, passionnées, exigeantes, attentives, et toutes, toutes humaines, humaines, Ô mais humaines comme j'en sais de proches ici, comme il y en a, nombreuses et discrètes, partout dans le monde, et qui vous réconcilient un temps avec le reste des bipèdes.
    Dans la minuscule médiathèque de Bozel, samedi soir, j'ai été accueilli dans une ambiance de vie et d'enthousiasme comme seule la résistance peut en générer, je crois. Parce que, là-bas, les mots du « baiser... » provoquent un écho qui vole sur les trois vallées et s'accroche au grand bec dont la neige fleurit sous le soleil. Parce qu'en face, il y a Courchevel, les flancs velus éprouvés par la gale des pistes, les constructions touristiques qui échardent la roche ; Courchevel, dont certains à Bozel jalousent l'argent, la neige artificielle, les pistes damées à renfort de diesel nocturne, et les touristes méprisants. Les mêmes envieux sans doute qui considèrent une bibliothèque comme un cimetière. Mais madame, le cimetière remue sacrément ! Venez seulement jeter un oeil : les morts-vivants agitent les mâchoires, je vous le dis, les zombies ont de belles couleurs, ils échangent, discutent, contestent, applaudissent, rient. A Bozel, la vie se concentre ici, madame, dans le « cimetière » des livres. Je le sais, j'y étais.

    (à suivre)

  • Bozel ? Patience...

    Ca vient, ça vient... Je m'adresse ici spécialement à mes amis de Bozel (vous permettez ? je ne dis pourtant pas amis facilement mais... Vous m'avez compris). Bien sûr, il y aura, dès demain, un récit de notre rencontre, sûrement déroulé sur plusieurs jours. Mais j'ai trouvé en arrivant dimanche soir, l'épreuve du "Psychopompe", déposée par mon directeur de collection, Jean-Patrick, et il faut d'abord que j'honore ce travail. Avant toutes choses, avant vous même. Mais je ne vous oublie pas.

  • Rencontre à Bozel

    Ce soir, à 18 heures, je suis l'invité de la bibliothèque de Bozel (Savoie, je crois), pour parler du "Baiser de la Nourrice".

    Deuxième rencontre de la tournée "Lettres-frontière" en ce qui me concerne. Toujours ravi et flatté d'être choisi ainsi. C'est précieux.

    Bozel serait, parait-il, le refuge d'Yves Paccalet. L'idée d'ajouter à cette invitation le plaisir de rencontrer l'auteur de "Lhumanité disparaîtra, bon débarras" m'a, plusieurs fois dans la journée, inspiré un vulgaire frottement de mains, signe de grande satisfaction et de gourmandise par anticipation.

    Bien sûr, vous aurez droit à un petit compte-rendu.

  • rencontre à Thonon

    Thonon.JPGLe lendemain de mon arrivée, je reviens à la médiathèque que Chantal Loridant m’a montrée la veille. J’ai bien dormi, j’ai bien déjeuné, j’ai des bretelles, je suis prêt.
    Quand le public s’installe parcimonieusement dans l’espace aménagé au rez-de-chaussée, nous prenons place à une petite table, Chantal et moi. Il y a peu de monde (allez, une douzaine de personnes), et les bibliothécaires tentent d’en trouver les raisons dans le changement d’horaire, car le café littéraire, pour une fois, se déroule le matin, le changement de temps, le vent, la crise, la neige, la morosité, l’heure matinale que sais-je. Pour moi, ce n’est pas grave, j’ai vu à Roanne des auteurs reconnus attirer six personnes dont trois bibliothécaires et trois cousins de l’auteur, installés dans la région. Je sais combien c’est difficile, et nous devons être d’autant plus reconnaissants, nous les auteurs inconnus de la petite édition, de bénéficier de ce soutien militant des agents du service public, contre toute logique commerciale.
    Face à moi, dans le brouillard de ma myopie, les visages sont encore souriants. Une jeune pigiste du Dauphiné Libéré m’a été présentée. Elle va prendre des notes pendant deux heures, et je redoute le pire (j’ai une certaine expérience dans ce domaine). En fait, elle publiera dix lignes, point trop erronées, et les photos, que je mets en ligne ici. Avec ma reconnaissance.
    Chantal me présente à la foule, s’interroge sur cette histoire de roman sous pseudo, qui aurait précédé « le baiser… ». Quelle idée ai-je eu d’en faire mention sur la quatrième de couverture ! A l’époque, je voulais faire comprendre – cerné que je suis, dans mon pays, d’écrivaillons qui s’auto-publient- qu’un roman n’est pas édité par hasard, que ce « premier » n’est pas le seul, que j’écris beaucoup et depuis toujours. De la bête vanité, qui me vaut à chaque fois de m’expliquer maladroitement à ce sujet. Bref. Nous évoquons aussi mon parcours, mes autres domaines d’écriture, nouvelles, théâtre, bande-dessinée.
    Il est convenu que je lise deux extraits. Chantal souhaite une lecture du tout début et celle d’un autre passage, où il est question du défilé des enfants. Je m’en acquitte, mais je me trouve assez fade, sans verve.
    Appuyé sur les questions qui s’enchaînent ensuite, j’explique que ce texte n’a pour moi pas beaucoup de profondeur (contrairement à ceux, inédits, que j’écris habituellement), qu’il est essentiellement forme et style. L’appareil littéraire est tout entier tourné vers le projet d’asphyxier le lecteur.
    Comme souvent, je digresse, m’évade, bifurque. Je me trouve vraiment mauvais, aujourd’hui.
    Ma grande peur est d’enfoncer des portes ouvertes, de redire des poncifs, des lieux communs : « nous sommes tous des bourreaux qui nous ignorons », « la violence est dans la nature de l’homme », etc. ; j’ai peur des références cumulées obligées et attendues : Orwell, Kafka, Lucien, Bartleby  et Nicolas, la servitude volontaire, la résistible ascension de, le meilleur des, la ferme des, l’expérience de. Pourtant, bien sûr, c’est juste, « le baiser » a été écrit sous l’influence de ces œuvres, y compris –quel mystère- de celles que je n’ai pas lues ; l’urgence qui m’a mobilisé pendant des mois a pris source dans l’effrayant regard extatique de jeunes qui attendaient un ministre de l’époque, il y a cinq ou six ans. Mais dire tout cela, au bout du compte, c’est dire quoi ? Qu’est-ce que « Le Baiser.. » apporte que la connaissance de tout cela n’a déjà apporté ? C’est ma grande hantise : répéter à un public acquis ce que chacun est prêt à entendre. J’avoue que j’aimerais parfois la rugosité de la contradiction.
    Chantal évoque avec bonheur cette idée d’Azert qui, grimpant l’échelle sociale vers sa reconnaissance, plonge physiquement dans les étages inférieurs pour accomplir sa nouvelle tâche. J’en profite pour expliquer ma véritable nausée à la lecture des séances de torture, l’horreur que c’est de les écrire. Dans le public, Thérèse, une bibliothécaire, relève que l’humour noir dégoupille pourtant ces scènes terribles.
    Il est question de l’aspect visuel de l’écriture, Chantal ajoute qu’il y aussi une grande importance des sons, ce qui me surprend heureusement. Je n’y avais pas pensé, mais c’est vrai, le bruit des pattes, les balles qui sifflent, les machines au bureau, la voix d’Alceste Badin… Les sons s’entremêlent dans la trame visuelle du récit. C’est ainsi, les textes sont toujours révélés aux auteurs par les lecteurs qui ont du talent. Peut-être plus que lui.
    Une auditrice, qui n’a pas lu le livre, interroge sur ce qu’elle pense être mon trait dominant : la sensibilité. Il me semble, dis-je sans rougir, que cela rejoint directement la question de l’écriture, et de pourquoi on écrit. Il y a bien eu, pendant toutes ces années où j’ai enchaîné roman sur roman sans espoir d’être jamais publié, une pulsion, une inquiétude, un élan qui m’a obligé à produire ainsi ces œuvres secrètes ? Et c’est sans doute, oui, une sensibilité, partagée par tous ceux qui ne peuvent rien faire d’autre pour l’exprimer que créer, qui m’a poussé et me pousse encore à libérer cette exacerbation par les moyens de la littérature.
    Malgré ma piètre performance, des personnes du public viennent me parler encore après la fin de la séance. Je dédicace quelques exemplaires, dont un pour les lecteurs de la Médiathèque de Thonon.
    Je suis heureux et reconnaissant de cette première expérience. Perplexe aussi : ai-je appris quelque chose à qui que ce soit ? Est-ce que tout ce que j’avais à dire, ne se trouve pas, exclusivement, dans le texte ? Quel est le bilan carbone du transport de 80 kilos d’écrivain sur plusieurs centaines de kilomètres ?
    Chantal et Thérèse m’entraîneront ensuite dans un agréable restaurant pour clore cette rencontre. Notre conversation est détendue, chaleureuse, comme le lieu. J’exige de mes hôtes le tutoiement, aussitôt naturel. Nous débattons littérature, politique, avenir, autour d’un vin de Ripailles et de perches du lac. Dehors, Thonon s’ensoleille et murmure sagement, indifférente aux imprécations des auteurs pessimistes.



  • L'antiquité au cinéma en 60 secondes


    L'antiquité au cinéma, vérités, légendes et manipulations. Hervé Dumont. Nouveau monde édition - Cinémathèque Suisse. 648 pages.

  • Lettre-frontières - Thonon

    Ô joie !

    Ma première rencontre dans une bibliothèque est demain 10 heures, à Thonon-les-bains. Thonon a été la première des structures partenaires de lettres-frontière à me contacter en la personne de Chantal Loridant, c'était en juillet 2009.

    Je suppose que je vous raconterai ce moment initial.

    Et puis, si vous êtes dans les parages, n'hésitez pas à passer me voir.

  • La Fanée en 60 secondes

    Du mal à parler bien de ce livre, pourtant excellent (mais lu il y a longtemps). Pour vous en faire une idée claire, allez voir l'ami Laurent Cachard. moi, j'ai un air carrément dépressif sur la vidéo, ce que je ne suis pourtant pas. Le tout donne presque un effet comique. Involontaire. Que THomas Sandoz me pardonne, s'il le souhaite, ou si je le mérite.


    La Fanée, Thomas Sandoz. Illustrations de Catherine Louis. Editions G d'encre. 77 pages.

  • Patience

    Allons, l’essentiel est qu’on s’approche. « Le psychopompe », initialement annoncé en décembre, puis reporté en février, ne sortira finalement qu’en mars. Mais avec une couverture originale signée Franck Perrot ! Ce qui rend l’attente plus supportable.

    D'autre part, et à peu près dans la même période, sortira dans le magazine Lanfeust, une petite BD plaisante de Cédric Fernandez, sur un scénario débile de ma pomme (sous pseudo). J'ai vu les planches, magnifiques, que Cédric m'a envoyées et, même si le résultat est dans la veine commune des productions Soleil (le genre de BD que je ne lis pas, en gros), nous allons travailler sur une nouvelle série qui, elle sera novatrice et intelligente, je le jure.

  • Par correction

    Il se trouve qu'on me demande souvent des travaux de relecture et de correction. Des copains pour leurs thèses ou leurs romans, des connaissances pour des livres, des catalogues, des écritures en tout genre. Je suis toujours stupéfait de rencontrer, dans les textes de personnes d'un très bon niveau scolaire (je parle ici de docteurs en médecine, de critiques d'art influents -quoique locaux), des phrases qui n'ont pas de sens. Seulement, elles ont "l'air" d'en avoir un. La complexité d'une syntaxe au bout du compte fautive, leur tient lieu de style. Chacun de ces auteurs croient tenir un effet, dès lors que la phrase est compliquée, et qu'on peut y deviner une intention. C'est affligeant. Mais c'est aussi un régal pour moi, qui peux me permettre alors (on m'y incite, on me le demande, on veut cela de moi), de venger ma scolarité pitoyable, mon niveau médiocre, en fustigeant durement chaque anacoluthe (fautes les plus courantes), en relevant impitoyablement les pléonasmes, redites, confusions, digressions.

    C'est minable, je sais bien, mais je ne peux me lancer dans ces pertes de temps bénévoles, que motivé par un désir de revanche.

    Et en ce moment, je mitraille un travail collectif de grands pontes (tranquille : aucun d'entre eux ne lit assez pour souhaiter me connaître par ce blog). Un régal.

  • BW en 60 secondes

    Portrait d'un homme, oui, mais aussi riche exploration des principes qui fondent une littérature exigeante.


     

    BW, Lydie Salvayre.Seuil. Collection Fiction & Cie. 206 pages. 17 euros.

  • Le recours aux forêts et plus en 60 secondes

    Je me suis lancé le défi de ce petit marabout'd'ficelle livresque. On trouve parfois des connections étonnantes, assez iconoclastes. Il faudrait développer ce qui est à peine esquissé ici. Mais c'est la limite et la fantaisie de ce petit exercice, de rester ainsi sur sa faim.


    Le recours aux forêts, Michel Onfray. Galilée. 77 pages, 14 euros.

    La Bible (L'Ecclésiaste). Vous avez vraiment besoin de référence ? (Bon, celle que je brandis est la Bible de Jérusalem, par exemple. Je vous parlerai un jour d'une tentative de Bible "littéraire")

    Dire presque la même chose, Umberto Eco. Grasset. 433 pages. 22,50 euros. Remarquable !

  • Préhistoire en 60 secondes

    Je n'ai pas cessé de lire ces derniers temps, mais j'aime autant conserver cet espace pour les livres que j'aime, si vous voyez ce que je veux dire.


    Préhistoire, Eric Chevillard. Les éditions de mInuit. 172 pages.

    Vous pouvez (vous DEVEZ) retrouver Chevillard sur son blog : http://l-autofictif.over-blog.com/

     

  • Le mur invisible en 60 secondes

    Un livre qui s'enrichit après la lecture (parfois un peu ennuyeuse), parce qu'il vous hante. La marque des bons livres.


    Le mur invisible. Marlen Haushofer. Actes Sud. 254 pages. 21 euros.