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Livres - Page 30

  • Ma vieille capitale, déridée par Yveline Loiseur

    Sur Roanne comme sur toutes les villes qu'elle a déjà parcourues, Yveline Loiseur porte un regard bienveillant, parfois amusé, mais jamais tenté par la sublimation ou l'édification. Voici la ville, notre ville, ma ville. Je la reconnais dans ces visions parcellaires, malgré l'étrangeté des images ; étrangeté d'un autre regard, plus attentif, qui s'est posé sur ces lieux que nous fréquentons sans conscience. Où sont les gens ? Certainement pas dans le champ de l'appareil. Ils sont trop grands pour le cadre urbain. L'humanité déborde les marges, elle est trop vaste pour être confinée dans les « plis sinueux » de la ville. On les voit donc ailleurs, de la manière la plus appropriée qui est le portrait. La photographe présente les personnes qui ont bien voulu s'offrir une fraction de seconde à son objectif dans de larges portraits au format carré qui apportent la vie à la ville et au lieu que l'artiste a choisi d'investir.
    Nous sommes dans une maison du 19ème siècle aux tapisseries et aux peintures fatiguées, une vaste bâtisse probablement hantée. Les grandes cheminées de marbre ou taillées dans le noyer, les corniches, les dallages, les miroirs racontent une splendeur passée. Dans cet environnement désolé où s'étiole une solennité un peu ridicule, les alignements de vues de Roanne sur de petits formats aux couleurs veloutées, font surgir un présent plein de vie. Ce sont des vues parcellaires : une déroute des lieux, une énonciation, dans le droit fil d'auteurs comme Ponge ou Pérec. Des images littéraires ; il n'était pas difficile d'écrire à partir de ce matériau. Énumérer, énoncer, mettre l'humain entre parenthèses puisque là aussi, les habitants sont plus grands que la description de leur ville*. Pour déceptives qu'elles aient pu être reçues par certains Roannais, les images urbaines rapportées par la photographe après des mois de déambulation et de rencontres avec ses habitants disent Roanne, parlent de son passé, de son quotidien, du temps particulier des « vieilles capitales » industrielles de la province. Il faut admettre que c'est notre ville.
    Les portraits explorent ce même aspect avec autant de vérité et autant de subjectivité. Plus grands que nature, ils ponctuent le parcours de gestes, d'attentes, de méditations simples. Leur succession, sur les murs de la vieille maison, évoque les galeries d'ancêtres. Mais on a affaire à des Roannais du 21ème siècle, aucun doute là-dessus. Pour ceux qui les reconnaissent, on devine dans le choix de ces personnes, une préférence, une connivence de Loiseur avec une forme de pensée et une attitude dans la vie. Voici des Roannais qui, peut-être, voient la ville d'une façon similaire à la sienne. Voici notre ville, une certaine ville ; voici ses habitants, une certaine catégorie de ses habitants. Ces Roannais-là, comme je le dis par ailleurs dans le livre que je prépare, sont le sel de la terre, ceux par qui la vieille capitale deviendra autre chose, j'en suis convaincu. Comme tout artiste authentiquement sensible, Yveline Loiseur a su capter, en quelques mois passés ici, ce qui se passait de plus pertinent dans ma ville.


    « Dans les plis sinueux des vieilles capitales », Photographies d'Yveline Loiseur. Maison « coeur de Cité » à Roanne, jusqu'au 25 juin 2011. On rentre par les jardins.

     

    *Le travail photographique d'Yveline Loiseur sur Roanne a donné lieu à la réalisation d'un livre d'artiste aux éditions jean-Pierre Huguet, pour lequel j'ai eu l'honneur d'écrire un texte.

  • Les Edites à Roanne, du 27 au 29 mai

    Dans moins d'une semaine s'ouvrira la deuxième édition du Salon des Edites à Roanne. On pourrait presque parler d'une première, tant la formule diffère du premier opus, initialement consacré à la petite édition, au sens large du terme. Cette année, le salon concentre les éditeurs qui, très loin et très en marge des circuits commerciaux, oeuvrent sur des ouvrages rares, des expériences uniques où artistes et poètes, graveurs, écrivains, imprimeurs sont autant d'artisans au service d'un objet original, qu'on appelle un livre par facilité, mais qui prend de telles libertés avec la forme conventionnelle, que le mot semble parfois maladroit pour dénommer ainsi certaines créations.

    A l'Espace Congrès de Roanne, derrière l'Hôtel-de-Ville, une cinquantaine d'éditeurs seront présents, ainsi que des artistes, des écrivains et des professionnels du livre. Des expositions et des tables rondes enrichiront ces trois jours exceptionnels.

    Je fais ci-dessous un copié/collé du programme, mais vous pouvez vous rendre sur le site des Edites pour les détails et les contacts.

    Vendredi 27  mai : Journée professionnelle proposée en partenariat avec la Médiathèque départementale de la Loire (ouverte au public sous réserve de places).

    Thème : «La place du livre d’artiste dans les collections publiques et le rôle des bibliothécaires : des enjeux littéraires et artistiques».

    Contenu :
    8h30 : accueil des participants
    9h-9h30 : introduction
    9h30-10h30 : conférence : «le Livre est, mais qu’est-ce qu’il n’est pas encore?» avec Jean Gabriel Cosculluela.
    10h30-12h : table ronde : «l’éditeur, l’écrivain et l’artiste» avec Leszek Brogowski, Pierre Manuel, en présence de Bernard Noël et René Pons.
    12h-14h : repas sur place et visite des stands.
    14h-15h : conférence : «l’artiste et son livre» par Yveline Loiseur en présence de Jacquie Barral et Matthew Tyson.
    15h-16h30 : table ronde : «les politiques d’acquisition de livres d’artistes par les bibliothèques et les musées : modalités, enjeux, résultats» avec Christian Gay, Françoise Lonardoni, Martine Lafon, Isabelle Suchel-Mercier et Jean-Pierre Thomas.
    17h : visite de l’exposition de la Médiathèque de Roanne suivie d’un cocktail.

    Samedi 28 et dimanche 29 mai : Salon ouvert au public de 10 h à 18 h.


    Thème du salon : "l’écrivain et l’artiste".
    Dans le cadre de la manifestation nationale "À vous de lire", seront présentées les «correspondances avec Georges Perros» et les "lettres verticales" de Bernard Noël et des lectures seront organisées autour de ces deux ouvrages. Une exposition montrera la correspondance entre Michel Butor et Jacquie Barral autour de la création d’un livre d’artiste.

    samedi 28 mai
    14h : René Pons présenté par Pierre Manuel.
    16 h : Bernard  Noël présenté par Dominique Carlat.

    dimanche 29 mai
    10h 30 : Bernard Chambaz présenté par Michèle Narvaez
    14h 30 : Jean-Gabriel Cosculluela présenté par Michèle Narvaez

    Seront présents également
    François Houtin, graveur, sur le stand des Bibliothèques gourmandes.
    Françoise Allard, auteure, sur le stand de pré # carré.
    Marc-Henri Arfeux, écrivain, sur le stand de la Margeride.

    Expositions en parallèle

    - à la Médiathèque de Roanne : "Livres d’artiste(s) - Livres singuliers // collection plurielle" du 27 mai au 25 juin 2011 (ouverte le dimanche 29 mai au matin).
    - à la maison Coeur de Cité de Roanne : "Dans les plis sinueux des vieilles capitales", exposition des photographies d’Yveline Loiseur, du 21 mai au 26 juin.Deux salles d’exposition seront consacrées l’une aux œuvres de Philippe Favier et l’autre à celles de François Righi.

    Yveline Loiseur présentera son ouvrage "Dans les plis sinueux des vieilles capitales" (éditions Jean-Pierre Huguet)*, fruit du travail réalisé dans le cadre d’une résidence "Écriture de Lumières" à Roanne en 2011 et Jacquie Barral proposera ses travaux et ses livres sur son stand.

    Des espaces seront consacrés aux démonstrations (imprimerie, reliure), aux ateliers et aux lectures.
    Un stand exposera les travaux des étudiants de l’université de Lyon 2 et des élèves du Lycée agricole Roanne-Chervé  qui auront travaillé en amont sur le salon (réalisation d’un livre d’artiste, affiche...).
    Enfin une revue présentant le salon, les éditeurs, auteurs et artistes sera proposée au public.

     

     

    * avec un texte de ma pomme. Merci Yveline.

  • Jules et Jim sont dans une librairie

    Saluons comme il se doit, fêtons, célébrons, la naissance d'un blog où il sera question de livres, et uniquement de livres (c'est-à-dire qu'il sera question de tout). Un blog littéraire ancré dans une librairie. Un blog nourri à la verve d'un auteur avec lequel, de plus en plus, il faudra apprendre à compter. Mais je ne sais pas s'il veut que l'on dise son nom là, tout de suite,alors je m'abstiens.

    Le blog est là : http://cenetaitpaspermis.hautetfort.com/

    Bonnes lectures.

  • La carte qui raconte et le territoire qui veut parler

    La carte et le territoire
    de Michel Houellebecq


    Ce soir, à l'espace Noirot de Villerest, rencontre littéraire autour du dernier roman de Michel Houellebecq. L'imminence de cette rencontre, animée par un ami, fin lecteur et habile manipulateur de passerelles sémantiques et de paradoxes, m'a obligé à noter quelques idées sur ce roman et, puisque le sommeil ne vient pas, à les reprendre ici pour les soumettre à votre réflexion.

    Je ne prends pas la peine de résumer l'intrigue : vous la connaissez ou bien vous la trouverez sur le net. J'ai lu ce livre dès sa sortie, avant sa consécration annoncée au Goncourt. C'est effectivement plutôt un bon Goncourt, ni plus ni moins mauvais que ses prédécesseurs. C'est un bon livre, riche, fluide, intelligent (mais est-il pour autant pertinent ? Je crois que non et je vais tâcher de dire pourquoi en conclusion de cette petite chronique). Le style ? Houellebecq est dans la post-littérature, il écrit sans amour et sans dandysme littéraire, sans lyrisme. S'il va au bout de sa logique (ne doutons pas qu'il récidivera ses échappées vers le cinéma), il abandonnera cette forme vieille qu'est le roman pour autre chose : une littérature orale, une expression détachée de l'activité scripturaire. Cela n'empêche que « la carte et le territoire » est un bon roman. Pourtant, si les deux premières parties sont excellentes, vraiment, la troisième est d'une telle fadeur, d'une telle innocuité, que je continue de m'interroger. N'y aurait-il pas quelque malignité cachée dans cette apparente vacuité ? On est assez proche de la démarche des photos que fait Jed des objets à ses débuts : la neutralité de leur représentation frise l'étrangeté.

    Houellebecq est pour moi -et c'est ce que j'aime en lui (si tant est qu'on puisse « aimer » un tel auteur et ses livres)- un auteur qui aiguillonne, précipite, dérange, agace, annonce. Me voici bien désemparé. La carte et le territoire, présenté comme son ouvrage le plus abouti, le plus accompli, est aussi le plus gentil, le plus policé, le plus inoffensif, le moins subversif. J'allais dire : un roman normal, comme il s'en produit beaucoup. Une critique sur le monde de l'art ? Même pas : c'est bien mal connaître le monde de l'art contemporain pour voir dans le portrait que l'auteur en fait autre chose qu'un simple constat. La démarche du peintre Jed Martin avec ses déclinaisons sont même plutôt intéressantes et bien vues. Une critique de la télé people et autre poncifs ? La charge serait bien légère. Sarcastique, oui, mais sans goût de la destruction. MH, qu'as-tu fait de tes crocs ?

    Ce qui reste, au bout du compte, de la lecture ? Deux choses : l'idée géniale d'intégrer un Houellebecq personnage de roman. Idée magnifiquement conduite, donnée avec panache et humour.  Une réussite. Et puis, et puis, justement, l'exploration du thème porté par le titre : la carte, le territoire. La carte plus passionnante, plus chargée de vérité et d'enseignements que le territoire. La carte qui dit plus que le lieu. Il n'est donc pas surprenant de se trouver confronté, à plusieurs moments du livre, aux fameuses notices Wikipédia. C'est qu'elles ont le même projet : définir un lieu, le décrire, le vider de sa substance par le simple effet de survol. En dire assez pour prouver l'existence d'un lieu et par là, créer un champ de possibles. Le lieu décrit, le lieu donné par l'activité descriptive, qu'elle soit cartographique ou scripturaire, a autant de réalité que le vrai. Souvenons-nous que Marco Polo, de retour de Chine, fut pris pour fou et que Jules Verne n'a pas bougé de chez lui pour écrire des récits de voyage auxquels plusieurs générations ont prêté foi. Le récit du lieu vaut le lieu, pour qui n'y est pas allé... et peut-être aussi pour qui s'en détache à force d'isolement. Des tyrans en ont fait récemment l'amère expérience, en découvrant que leur territoire avait une réalité. A ce titre, on peut imaginer que Houellebecq est en retard d'une époque. Il a considéré la virtualité du monde, façon Google earth, comme une donnée majeure du XXIème siècle. Nous assistons peut-être, en ce moment-même, à l'inverse exact. C'est bien ce que je disais : Houellebecq n'annonce plus rien et a perdu ses crocs.

    Pour explorer encore le thème de la carte et du territoire, je vous suggère deux lectures :
    Pfitz d'Andrew Crumey
    La frontière invisible de Fr. Schuiten et Benoît Peeters

  • L'heure de la lecture

    L'heure du Roi

        Dès la quatrième de couverture, le lecteur est sommé d’adorer un livre qu’on présente comme un grand livre et par ailleurs comme « le plus beau morceau de prose russe de la seconde moitié du vingtième siècle » (selon l’expression péremptoire d’un gamin de 18 ans benoîtement reprise par tous les internautes) et les atouts ne manquent pas pour le convaincre si besoin. L’histoire du livre d’abord : circulant sous le manteau dans la Russie soviétique des années 70 ; l’histoire de son auteur : Boris Khazanov, qui fait huit ans de travaux forcés et s’exile en Allemagne dans les années 80 ; l’argument : la vie du roi d’un petit pays et celle de ses sujets sous la botte nazie, et un acte final qui les honore et les condamne ; son style : sobre, évitant l’effet, court, habile et drôle (un humour à la Boulgakov, décalé, pince-sans-rire) ; son propos : la richesse des lectures à plusieurs niveaux, le questionnement philosophique qu’il apporte, les réflexions qu’il esquisse pour le bonheur des enseignants de seconde… Comment ne pas aimer un tel livre ? En a-t-on seulement le droit ? (On n’avait pas plus le droit, naguère, de faire la fine bouche à la lecture de « matin brun », cette fable édifiante pour les amateurs de récits sans complexité, ce qui leur semble la meilleure mesure des choses et la plus accessible au commun des mortels.)
        Face à une telle force d’intimidation, le lecteur est assez mal à l’aise (autant dire « très embarrassé ») pour expliquer l’impression d’ennui qu’il a ressenti à presque chaque page. « Presque », car il faut applaudir avec enthousiasme à certaines scènes, particulièrement réussies : le passage de l’armée allemande à la frontière, la charge de la cavalerie au château, « l’heure du roi » (la première) et surtout une visite médicale d’anthologie. Ce n’est déjà pas si mal pour un petit récit de 115 pages. Il n’en reste pas moins que le peu de choses qui se passe là pourrait tenir –si l’écriture avait la sobriété et la finesse chantées sur tous les tons par d’autres lecteurs, tétanisés par l’adoration- en deux fois moins de pages. Et la fin, ménagée comme un suspense hitchcockien, la fin qu’on espère bouleversante, inédite, incroyable et annoncée comme telle, n’est que la redite du beau geste du roi du Danemark, imité par ses sujets. Pourquoi alors choisir l’utopie géographique, pourquoi abstraire du contexte, tandis que le contexte est primordial ?

        Faut-il lire « l’heure du roi » ? Oui, bien entendu, c’est un livre élégant, riche, pertinent. Faut-il reprendre l’affirmation du Figaro qui en fait « un extraordinaire bijou de finesse littéraire », et celle citée au début de cette chronique, de « plus beau morceau de prose russe... » ? Essayons de mesurer nos enthousiasmes s’il-vous-plaît. Disons ce qui est : voici un bon support de réflexion pour étudiants et organisateurs de café-philo. Vous pouvez entendre par là que l’ouvrage est promis à un certain succès.

     

    L'heure du Roi
    Boris Khazanov
    Edition Viviane Hamy. 7 €

  • On ferme

    La forme papier est peut-être bien désuète (quoique le prochain salon de l'édition originale et du livre d'artiste qui aura lieu à Roanne en mai tentera de prouver le contraire), mais il reste que la lecture ne saurait faire l'économie des passeurs que sont les librairies et les bibliothèques. Avant que le phénomène ne prenne pied chez nous, la Grande-bretagne essuie les plâtres de la disparition de ces lieux aimés que sont les bibliothèques. Pour vous faire une idée du phénomène, je ne saurais trop vous conseiller de lire l'article d'Assouline sur son blog.

    M'est avis qu'il serait bon de prendre les devants, par cheu nous.

  • Ecoute

    Ecoutant Michaux  et Lamartine et Lavrille et Genet, lus par Jean. Ecoutant, flottant sur une vague angoisse. Interrogeant la voix de Jean, muette par ailleurs. Qu'est-ce que c'est que ce poing qui me tenaille ?

  • Lettres (de licenciement) Frontière

    Autant le dire tout de suite : je n'y connais pas grand'chose. Mais apprenant que l'association Lettres-frontière a décidé de licencier son équipe salariée, je ne peux m'empêcher de témoigner ici que c'est un acte regrettable. Certainement dicté par une conjoncture économique très difficile, on s'en doute. Cette belle initiative qui a permis à des auteurs inconnus de rencontrer un public et des lecteurs exigents, vit-elle ses derniers moments ? Je l'ignore, mais il me paraissait important, en ce début d'année, d'adresser mes pensées à celles et ceux qui ont si efficacement relayeéle travail des responsables de médiathèques, des libraires, des éditeurs et des auteurs. J'espère pour chacun un nouvel emploi et que les cicatrices occasionnées par leur éviction soient vite cautérisées.

  • La débarrassée

    Ah au fait : j'avais promis de signaler la sortie du livre de Christine Muller, dont elle m'a gentiment demandé d'écrire la préface (c'était moi ou Bernard Tapie. désolé, Nanard). Je ne me suis pas contenté d'un petit mot doucereux et engageant : je me suis fendu d'un condensé biographique et théorique sur son travail. Ce qui m'a valu un magnifique cadeau et la naissance d 'une belle complicité.

    "Christine Muller, peintre" est paru chez Thoba's éditions.

    D'accord, Noël est passé, ce sera juste pour vous faire plaisir en égoïste alors.

    En attendant, si vous habitez dans la Loire, vous pouvez visiter son exposition à la galerie Pikinasso, à Roanne.

  • Une question, au fond ?

    J'avais promis de revenir ici raconter une expérience récente. Qu'on me pardonne l'important délai qui sépare les faits de leur relation sur Kronix : c'est que je ne me suis toujours pas débarrassé de cette énorme limace, juchée sur mes épaules, qui s'appelle aussi bien « grosse flemme » que « procrastination », mot désagréable mais qui lui va bien finalement, eu égard à la gène mauvaise qu'elle occasionne. Voilà de quoi inspirer de justes sarcasmes aux élèves de monsieur Cachard, professeur au lycée de Dardilly, élèves à qui je m'étais vanté, comme je le fais à tout bout de champ, de mon infatigable discipline d'écrivain qui exige son lot scripturaire quotidien. Ce n'est pas devenu faux, malgré ma paresse actuelle, mais on ne peut pas dire que l'un de mes chantiers en écriture ait le moins du monde avancé depuis disons un mois. N'empêche, c'est bien en tant qu'écrivain que j'avais l'honneur d'être reçu par des secondes pendant plus de deux heures (heureux format, de quoi développer quelques idées), pour évoquer « le Psychopompe ».
    C'est intriguant pour un auteur d'imaginer comment il peut être perçu par des jeunes gens, qui se sont fabriqués certainement une image de lui (alcoolique et rogue ? Grand balaise rougeaud et jovial ? bellâtre à l'écharpe blanche aux longues mains délicates ? Certainement pas le petit chevelu à bretelles que le professeur a eu du mal à repérer sur le quai de la gare). Monsieur Cachard a fait travailler ses élèves sur le livre, les a laissés imaginer leurs questions selon trois grands axes de réflexion : le roman (l'action et ses personnages) ; le style ; enfin la « portée » du roman (message, valeur symbolique etc). La fin de l'entretien, après une pose, abordera les questions libres et sûrement, la condition de l'écrivain. C'est un beau programme. M. Cachard me confie, avant la rencontre : « Vous verrez, ils sont très gentils, assez impressionnés » (Oui, monsieur Cachard et moi nous vouvoyons) et en effet, je découvre plusieurs rangées d'enfants sages, manipulant leur liste de questions préparées avec un brin d'inquiétude. Je ne suis pas moins anxieux mais qu'en savent-ils ? On se jauge, on se sourit, à l'invitation du professeur, l'un d'eux se décide. La règle du jeu n'est pas celle des rencontres avec les adultes, sûrs de la finesse de leur lecture, de l'appréciation qu'ils ont d'un livre, et improvisant leurs remarques ; avec ces élèves, tout est préparé, et cette préparation produit des questions de tous ordres. Il y a les faciles, dont je viens à bout aisément (Que Lionel Gizant, chrétien, pratiquant, s’adonne lui-même au meurtre n’est-il pas paradoxal ? ; Le registre de langue utilisé dans le récit correspond-il au niveau social de chacune des victimes ? ; Quelle signification donner au bloc découpé dans la nuit et posé sur le ventre des cadavres ?) et il y a les questions plus ardues, ou dont les réponses demandent un tel développement (le roman a-t-il une moralité, ou transmet-il un message ? ; Quelle est la portée des références bibliques dans le roman ? ; Nathan Charon peut-il être perçu comme un justicier ou comme un criminel ?) que cela me semble insurmontable dans l'instant ; je livre quelques pistes, sans doute confuses. Je sais qu'on m'excusera. Et puis il y a les questions que je ne m'étais jamais posées (La description de la bibliothèque lors du meurtre de Gisèle revêt-elle un caractère particulier ? ; Comment interpréter le symbole du meurtre de Modeste Lebecq par ingestion de son propre roman ?) et là, il est temps d'annoncer qu'un auteur n'a pas de réponses, qu'un (bon) roman n'entend pas dénoncer, expliquer ou présenter de modèle, qu'il n'apporte aucune clé, qu'il est, justement, un questionnement et rien d'autre, et qu'à ce titre, lecteurs et auteur, sont à égalité « vous en savez autant que moi » leur dis-je. Et hop. Je m'en sors pas mal avec mon arme absolue.
    Pendant la pause, une jeune fille vient m'interroger sur l'édition ; je devine qu'elle écrit. Lui souhaite bien du courage, la pauvrette. Après la pose, il est question de l'écriture et de la lecture (dont M. Cachard et moi tentons de dire avec insistance quelle importance elle a. Comme s'il nous fallait convaincre). Oui oui, les enfants, faut lire, et lire si possible de bonnes choses. Je ne sais pas pourquoi, je lâche une gerbe acide sur Lévy et/ou Musso ; les enfants sourient, se regardent... M. Cachard m'expliquera qu'il a souvent eu l'occasion de désigner à ses élèves ces symboles de l'anti-littérature (s'il n'y avait que ceux-là !). On parle des mirifiques salaires d'écrivain, de relations avec l'éditeur, des rituels d'écriture (où, comment, quand ?). J'ai des réponses toutes prêtes parce que valables à 80%, mais la réalité est plus complexe, je le sous-entends en évoquant ce fait qu'en ce moment, avec eux, tandis que nous discutons, j'écris aussi. La rencontre glisse vers ses dernières minutes, les visages des élèves sont marqués par la fatigue et la lassitude (enfin, certains visages), et M. Cachard m'impose un exercice impossible : conseiller cinq livres, là, comme ça. Je cite « Hhhh » un de mes récents coups de cœur (pas si récent que ça, cela doit faire plus de six mois), je ne me résouts pas à leur conseiller Ellis, je pourrais parler de Jourde mais je n'y pense pas, je reviens à Choderlos de Laclos (une jeune fille s'exclame « Ouais », ce qui me la rend immédiatement sympathique -je veux dire encore plus immédiatement sympathique que ses petits camarades), je ne sais plus qui je cite encore, je leur conseille d'évoluer en lecture, de devenir chaque fois plus exigeant, je leur souhaite de découvrir un jour Proust, parce que, parce que Proust et puis voilà.
    Quand tout le monde s'en va, j'ai la surprise de voir un « Baiser de la Nourrice », glissé par un garçon qui souhaite une dédicace pour sa mère. Je suis vraiment entre de bonnes mains. Une classe bien préparée, attentive, sérieuse. On devine qu'un amoureux de l'écrit est passé par là, que le professeur sait où et avec qui il peut entraîner ses élèves. Un fin connaisseur, sûrement quelqu'un qui pratique. Sûrement. Sinon, ce M. Cachard devrait se mettre à l'écriture.

  • Citation

    Puisque me voici peu ou prou incapable d'écrire ici, je ne peux m'empĉher de vous offrir cette merveille, glanée parmi des centaines d'autres sur le blog d'Eric Chevillard :

    "Les chaînes H et M, Gap, Comptoirs des cotonniers, Promod, Pimkie, Caroll, Jennifer, Etam et Princesse tam-tam manifestent une inquiétude grandissante suite aux OPA de la librairie Au plaisir de lire de la littérature pointue qui rachète une à une leurs enseignes et leurs boutiques pour s’y déployer sauvagement."


  • Rencontre à Lyon

    Après l'avant-première aux "3 Gaules", Laurent Cachard, ami et auteur de "Tébessa, 1956" (sélection Lettres-frontière 2009) dédicacera son nouveau roman "la partie de cache-cache" (Editions Raison & Passions)

    le samedi 20 novembre à partir de 18h à la Librairie du Tramway, 92, rue Moncey 69003 Lyon

    L'occasion pour lui de rentrer plus en détail dans la fabrication de ce roman, sans en dévoiler le dénouement pour autant.
    Mini-récital acoustique de Eric Hostettler - Verre de l'amitié - Dédicaces & after.

    Venez nombreux, venez avec des amis, faites passer l'information ! Montrons aux libraires qu'ils ont raison d'inviter des auteurs émergents !

    page perso:
    http://laurentcachard.hautetfort.com

  • Par force

    La tentation parfois d'arrêter d'écrire, comme il existe une tentation d'arrêter de penser, tandis que c'est une fonction vitale et irrépressible. Cela ressemble à une malédiction. Il y a ainsi ce texte amusant « Le livre fait par force », écrit par un anonyme au XVIIIème, et qui montre un écrivain kidnappé, enfermé dans une pièce, et obligé d'écrire (ce qu'il veut, n'importe quoi, n'importe comment, pourvu qu'il écrive). La condition de l'écrivant, l'absurdité de sa présence dans une société qui lui réclame une œuvre et simultanément s'en contrefiche, la vanité et en même temps la nécessité du geste littéraire. Un sujet que je me verrais bien reprendre, tiens.

  • Enfer des origines

    La peur incontrôlable de mon inculture, ma frustration de ne pas connaître tel auteur dont on me parle, la consolation que je cherche auprès de Sénèque qui conseille de préférer la relecture de quelques ouvrages plutôt que la vaine dispersion dans des centaines d'autres... Tout cela, tout cela parce que j'ai commencé par Hugo au lieu de Rimbaud !

  • Fichier > Rechercher

    Pour en revenir à ce billet facile, je voudrais préciser tout de même combien, déjà, pour un lecteur pourtant amoureux du papier, l'habitude de travailler avec l'ordinateur a changé mon rapport à la lecture. Je me découvre impatient quand je veux retrouver un passage précis, dans un livre remisé depuis longtemps. Je feuillète, accroché au souvenir visuel de ma lecture (deuxième tiers du livre, page de droite, en haut, telle forme de paragraphe, italique ou non), m'agace de chercher plus de dix minutes. Car il suffirait d'aller sur le Net, d'utiliser la fonction « rechercher » avec un mot-clé, et en quelques minutes, j'aurais sous les yeux ce fichu extrait. Plus largement, pourquoi s'encombrer de tous ces livres, fermés sur leurs mystères, muets si on ne leur arrache pas dans la force et la peine ce que l'on souhaite d'eux ?

  • Révolution technologique

    Cela nous vient d'Espagne. J'ai testé, ça marche. Vidéo de présentation du BOOK, produit révolutionnaire, en effet. Même sans traduction, je crois qu'on comprend bien.

  • Perspective

    Au fait : un de mes textes poétiques a été refusé dans une néanmoins excellente maison d'édition, et un autre a été accepté dans une néanmoins excellente maison d'édition. Ce texte qui me tenait particulièrement à cœur (comme on dit) ne sera pas publié avant la fin de l'année 2011. Nous aurons donc le temps d'en reparler alors, d'autant plus que le travail avec cette éditrice-artiste promet d'être absolument passionnant. Je suis très heureux, vous pensez bien.

  • Autocritique

    C'est évidemment très prétentieux de se poser en juge, de quoi que ce soit. Et chaque fois que je me suis laissé aller à distinguer entre ce qui selon moi est bien et ce qui n'est pas bien, je l'ai fait naïvement convaincu de mon bon droit, avant de découvrir que mon jugement -pour inefficace et discret qu'il soit- avait pu faire du mal à l'intéressé(e). Ensuite, le remords me gagne et je me sens mal. Il faudrait bien que j'arrive un jour à réconcilier mes pensées et mes actes : en gros, ne pas blesser inutilement les autres ; mais rien à faire, devant les couronnements de lauriers disproportionnés ou immérités (y compris quand j'en suis le bénéficiaire, d'ailleurs), me viennent des imprécations irrépressibles. Et je les livre, au lieu de me taire, comme je devrais. Parce que je ne pense jamais être en capacité de toucher ma cible. Je veux dire qu'il m'est arrivé d'être attaqué sur mon travail (je me souviens d'un article cuisant sur une scénographie d'expo, il y a longtemps), tandis qu'autour de moi on se morfond, à la vérité, ça m'amuse plutôt. Je suis toujours un peu spectateur de ma vie, et je trouve souvent les critiques justifiées. Parfois elles m'agacent : un article mal écrit, mal ficelé, confus, à peine relu, qui critique le style du « Baiser de la Nourrice », oui, il est vrai que c'est très énervant ; mais en général, les réserves émises ressemblent à celles que je peux avoir sur mon propre travail. Je suis donc d'autant plus décontenancé quand mes critiques sont reçues comme des coups de poignard ou autre métaphore excessive. C'est regrettable. Autrement dit, ma chère Anne, je te demande pardon.

  • Dernier r' appel

    Lecture d'extraits du roman « Le Psychopompe » par l'auteur (et lecture de la préface par Jean-Marc Dublé)

    Aujourd'hui de 15 heures à 17 h 30 Chez Jean Mathieu, Chateaumorand, à Saint-Haon-le-Châtel (Fléchage sur place)

    Entrée(s)couv psycho.jpg et sortie(s) libres

    Organisée par l'association "Demain dès l'aube". Avec un pot à l'arrivée de l'épreuve.

  • La partie de Cache-cache, un livre de Laurent Cachard

    Partie de Cache-Cachard

    Laurent Cachard a encore affiné la sobriété du style qui avait fait de son premier roman publié, Tébessa, l'émouvante parole d'un jeune appelé en Algérie qui, de souvenir en souvenir, achevait de fermer la parenthèse du présent. Dans  La partie de cache-cache, l'auteur mêle (dans une semblable « fenêtre » de temps que celle de l'embuscade où était tombé Gérard, son héros précédent), trois voix en contre-point. Trois monologues secs et ciselés qui se cherchent, se touchent, se percutent ou se confondent. Trois vies d'enfants, déjà lourdes de secrets, qui finiront par se trouver.


    C'est sur la terre du Berry où subsistent les sorcières et les traces de sang des aviateurs tombés, que Laurent Cachard réveille les fantômes de toutes les enfances, les souvenirs de la secrète tension qui nous tordait les tripes quand nous jouions à cache-cache, souffle retenu, poitrine frappée par le tambour du cœur, redoutant  le terrible « Vu » ! qui nous ferait sortir et inverserait les rôles (celui qui se cachait devenait celui qui cherche les autres). Dans la partie donnée ici, les rôles ne seront pas distribués comme il convient : pour le onzième anniversaire de Jean, ses parents ont invité ses camarades, qu'il méprise pour la plupart. Quand une partie de cache-cache est lancée, Jean, maître sur son terrain, propose d'être seul à se cacher. Tous le cherchent ; il devient invisible.
    Jean observe les autres, le temps qui s'écoule, la lassitude des enfants, il s'amuse de leur peur de se salir, de s'aventurer trop loin ou dans des endroits trop dangereux. Le jeu (mais on n'est plus dans l'enfance : « ces jeux de gamins ne sont plus pour moi » dit Jean), se prolonge par sa seule volonté. Seuls Grégoire et Émilie n'abandonnent pas et s'obstinent, pour des raisons différentes. Grégoire veut en découdre, il « n'aime pas que les choses résistent », flaire l'opportunité du règlement de comptes, du sang versé peut-être, il est tout en puissance, convaincu que son entêtement, forcément, dénouera les situations ; Émilie, seule, « a l'attitude », « elle ne cherche pas pour chercher, elle essaie de se mettre dans [sa] tête ». Voici que s'affrontent ou se complètent les souvenirs et les pensées de trois orgueils, trois fiertés, trois solitudes. Voici que le jeu devient enjeu.
    Le monde des trois enfants est une combinaison de secrets qu'ils éprouvent au quotidien « la véritable partie de cache-cache, c'est celle qui se joue tous les jours, pour cacher ce qui ne va pas, ce qu'il faudrait changer ». Les cachettes de toute sorte, l'efficacité des non-dits et des regards détournés, ils connaissent. Jean, fils d'un artiste exilé sur les terres du Berry, et qui est un point de tension entre ses parents ; Émilie, allergique, asthmatique, adorée par son père mais détestée par sa mère ; Grégoire, plus mûr encore que les autres parce qu'il doit être assez fort pour s'occuper de sa mère, désorientée et fragile. Tous trois sacrément solides, sacrément subtils. Fins analystes des rapports humains, aussi. C'est qu'ils ont été depuis longtemps débusqués de leur bulle d'enfance par la faiblesse de leurs parents et ils savent bien qu'« On ne commence jamais suffisamment tôt les bassesses de la vie d'adulte ».
    Les trois personnages principaux du roman le savent : ils sont à la croisée des toutes les tensions, de tous les regards, de tous les secrets. Ils sont le produit des regrets et des deuils, des accidents de la vie, des rêves inaboutis. Ils sont ce sur quoi les grands projettent leur médisance et leur amertume. Toutes les innocences adultes se concentrent dans leurs pensées précoces. Dès lors, comment leur jeu pourrait-il n'être qu'un amusement ? Se cacher et se chercher ne peut être qu'une manière de nouer et dénouer les drames.
    Au bout du compte, et qu'on me pardonne cette facilité, mais peut-être que celui qui se cache le mieux ici est l'auteur lui-même (on aura noté la finesse de la paronomase du titre de ce modeste article, qui souligne la possible fusion de ce livre avec la personnalité de l'écrivain), parce que « ce qui se joue [là] », dit Jean, c'est « une partie de ce que je vais pouvoir être plus tard, quelqu'un qui sait regarder et qui restitue ce qu'il a vu, à sa manière. » C'est-à-dire que, si l'on veut, se joue ici l'essence de ce qui fait un auteur. Pour Laurent Cachard, tous les romans sont des parties de cache-cache et leurs personnages, les enfants déflorés qui s'y adonnent.

    La partie de cache-cache, Laurent Cachard. 151 pages. 14 euros. Editions Raison et Passions.