Il y a trois ans à peu près, j'ai découvert, dans le cadre d'un travail sur les peintres du désert, l'écriture et le personnage de Dassine (ou Dacine) poétesse targuie du XXème siècle, femme politique, célèbre artiste, chanteuse, devenue une légende de son vivant. Aussi bien auprès de son peuple que des autorités françaises en Algérie (il existe un film français sur elle, mais j'en ai perdu la trace). Elle reste encore peu connue des écrivains occidentaux. D'elle, je n'ai d'abord lu que cet extrait, où elle évoque les écritures occidentale, arabe et enfin, tifinagh (l'écriture des touaregs -ou plutôt des tamasheq ou imajaghan, tels qu'ils se désignent eux-mêmes). C'est son texte le plus connu, et je l'ai retrouvé sur internet. Pour moi, c'est une merveille. Le voici :
« Tu écris ce que tu vois et ce que tu écoutes avec de toutes petites lettres serrées, serrées, serrées comme des fourmis, et qui vont de ton cœur à ta droite d'honneur.
Les arabes, eux ont des lettres qui se couchent, se mettent à genoux et se dressent toutes droites, pareilles à des lances : c'est une écriture qui s'enroule et se déplie comme le mirage, qui est savante comme le temps et fière comme le combat. Et leur écriture part de leur droite d'honneur pour arriver à leur gauche, parce que tout finit là : au cœur.
Notre écriture à nous, au Hoggar, est une écriture de nomades parce qu'elle est toute en bâtons qui sont les jambes de tous les troupeaux : jambes d'hommes, jambes de méhara, de zébus, de gazelles : tout ce qui parcourt le désert. Et puis les croix disent que tu vas à droite ou à gauche, et les points – tu vois, il y a beaucoup de points – ce sont les étoiles pour nous conduire la nuit, parce que nous les Sahariens, on ne connaît que la route qui a pour guides, tour à tour, le soleil et puis les étoiles. Et nous partons de notre cœur et nous tournons autour de lui en cercles de plus en plus grands, pour enlacer les autres cœurs dans un cercle de vie, comme l'horizon autour de ton troupeau et de toi-même. »
Beaucoup de ses poèmes ont été traduits par Charles de Foucault. Il faut que je retrouve les documents compulsés à l'époque de mes recherches pour vous en dire plus. Le personnage en vaut la peine.