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kronix - Page 161

  • La déclaration

    Dom a organisé une cérémonie qui ressemblait à Véro. Au micro, il a prononcé la plus belle déclaration d'amour que j'aie jamais entendue. Un texte au présent bien sûr, pour réfuter l'inacceptable, adressé à celle que pourtant, il ne reverra jamais. Beaucoup d'amis étaient là, une foule pour tout dire, qui témoignait de la gentillesse éclairante de ce couple.

    Écoutant ses mots, bouleversé par la simple énonciation de ce qu'était sa femme, de ce qui faisait d'elle cet être exceptionnel, je me suis interrogé sur l'étendue de mon amour, sur ma capacité à aimer. Je veux dire que je ne suis pas sûr d'avoir jamais su aimer comme Dom, je ne suis pas sûr d'en être jamais capable. Mais peut-être que cette troisième nuit d'insomnie colore mes impressions et me met en déroute.

  • Portrait à l'acide

    Un extrait du psychopompe fut, contre mon gré, lut par un précieux ami qui en avait eu la primeur, auprès d'une assemblée de courtes élites locales. Ce passage décrivait un mauvais peintre, un médiocre bouffi d'importance dans lequel les auditeurs crurent reconnaître une de leur tête de turc habituelle. Et de rire, et de trouver cela bien tourné, et de s'esclaffer sur l'acidité du portrait et la férocité de la charge. Courte vue, pauvres rires, incapables de saisir que ce portrait leur était tendu comme un miroir.

  • Témoins que rien

    Les amis que je connais ne s'enthousiasment généralement pas à la vue d'un couple de témoins de Jéhovah. Au mieux, ils remercient et déclinent toute offre, fut-elle divine ; au pire, ils les envoient se faire bénir ailleurs et claquent la porte. Je ne suis pas d'accord. Quand ces valeureux porteurs de bonne parole débarquent chez moi, c'est la fête. Je les accueille, les enveloppe, les cajole, les invite. Ils entrent, heureux et innocents, peut-être un peu décontenancés par cet enthousiasme inhabituel. Là, je pose une Bible sur la table, et j'attaque par la Genèse. Que pensez-vous du déluge, de la soumission de la femme, de l'interdiction sournoise de Dieu en son jardin, de Sodome et Gomorrhe ? Quelle est cette justice qui avorte des milliers d'enfants innocents, qui éradique une ville entière, etc. ? Je les tiens ainsi jusqu'à ce qu'ils regardent autour d'eux, perdus, cherchant une issue. Je les tiens encore, quand ils se lèvent pour me saluer, me remercier mais il va être l'heure de manger, je les tiens encore sur le seuil, dans la rue, leur propose de revenir c'est dommage on n'a pas fini. Je n'ai malheureusement effectuer ce pugilat que trois fois dans ma vie et je manque donc de pratique. Cependant : trois combats, trois KO.

    On peut me trouver cruel et peu charitable, et on pourrait soupçonner une intolérance envers les croyants. Ce n'est pas ça. Ce que je déteste, c'est le prosélytisme. Je ne vais pas frapper aux portes pour expliquer que je détiens la vérité ou que l'athéisme est un bienfait. Donc, quand un de ces braves enchristés vient frapper à ma porte, j'estime que la guerre est déclarée, et je lutte avec mes armes. Ite missa est.

  • Le poids des actes

    Pourquoi nos actes ne sont-ils pas anodins ? Pourquoi est-ce que nos paroles désinvoltes, nos pas sans but, ont des implications, des conséquences imprévues ? En tout cas changent un infime aspect de notre vie et de la vie des autres ; un détail qui, bientôt, engendrera des effets plus manifestes. Sommes-nous condamnés à agir sur ce qui nous entoure ? Sur ceux qui nous entoure ? Par le simple poids de notre présence. Il n'y aurait donc, par nos choix, l'impossibilité de l'acte gratuit, sans effet ? Nous ne serions donc pas libres ?

  • Véro, la nuit

    Nous sommes rarement vainqueurs. La camarde est un adversaire tellement redoutable. Elle a porté le coup fatal hier soir, et cet uppercut nous a tous assommé, simultanément. De ma place, j'ai souvent peur que ma douleur soit illégitime. Mais elle est vraie, profonde, génante. Permettez-moi de me livrer ici, quelques instants. Nous pensons aux deux êtres qu'elle laisse, la douce, la délicate Véro. Aussi doux et délicat qu'elle fut.

    Nous pensons à eux, nous pensons à elle. Nous savons qu'il n'y a pas de résurrection pascale. Nous savons l'irrémédiable des disparitions. Et les êtres aimés, adorables, silencieux, souriants, tendres, attentifs qui nous quittent, nous savons que nous ne les retouverons jamais. Il y a peu de choses en ce monde qui soit irrémédiable. En voici une. Et cette impossibilité d'un retour, nous cause une révolte...

    Je regarde par la fenêtre la lumière incertaine, et j'enrage stérilement qu'elle ne soit plus là pour la goûter ce matin. Et tous les autres matins du monde.

  • Véro

    Nous savons bien qu'il n'y a pas de justice. Nous savons bien que les bons et les méchants sont frappés également, sans discernement. Personne à qui adresser une prière, personne à qui demander pardon de notre impuissance, personne à qui demander pitié ; qu'il est lourd le fardeau de l'incroyant.

    Sous le même ciel que le vôtre, une femme se bat, sur la même terre que la vôtre, un homme doute, respirant le même air que le vôtre, une jeune fille a peur.

    Et mes mains incapables ne peuvent qu'aligner des mots qui ne soulagent aucune souffrance.

  • Pas le jour

    Absolument débordé. Il n'y aura donc pas de billets aujourd'hui. Ou bien, cette bricole, concoctée pour Facebook (oui, oui je suis sur Facebook, comment en suis-je arrivé là ? C'est la faute à François Podetti et à Delphine Bertholon, et ensuite à tous les amis, les vrais amis, que je retourne voir par ce biais). Donc, la bricole :

    "Je l'ai croisé dans la rue, tout nu avec son grand chapeau à plumes surmonté d'un drapeau pirate, ses cheveux orange, ses bottes remontées jusqu'à l'aine et sa peau teinte en bleu. Quand il m'a serré la main en me demandant comment ça allait, je n'ai pas pu lui répondre sans lui demander d'abord : « Et toi, ça va ? »

    Ce n'est pas avec des billets de ce genre que je vais remonter mes statistiques (ça baisse ce mois-ci).

    En tout cas, ça me fait un billet pour aujourd'hui. Débordé je vous dis.

    Et puis, une pensée pour certains amis qui souffrent.

     

  • Rebut

    C'est une grande toile. Plus d'un mètre cinquante de hauteur, plus d'un mètre à la base. C'était un grand autoportrait où je figurais assis, torse nu, m'apprêtant à commencer un tableau vierge. En retrait, l'air moqueur, j'avais représenté mon épouse (cela date de l'époque où j'avais une épouse). Ce tableau était remisé comme les autres au grenier. Pas oublié, mais négligé, y compris par moi, qui ne me soucie guère des traces qu'ont laissé mes tentatives.

    L'autre jour, à l'occasion d'une exceptionnelle réunion de famille, je me rends dans cette maison que j'ai léguée. En repartant, dans un coin du terrain, au milieu d'un tas de meubles en pièces, de vestiges illisibles, je vois le revers d'une toile. Au détour de ma marche, je découvre qu'il s'agit de mon tableau, balancé au milieu des gravats. Mon ex me raconte une anecdote qui la dédouane de cet acte désinvolte. Je m'en fiche. Se confirme seulement que je suis bien heureux aujourd'hui.

  • Et peluche si affinités

    Seuls visiteurs sûrement depuis des lustres, nous entrons chez ce petit homme solitaire. Connaissant notre amour des livres, il a décidé de nous montrer sa bibliothèque. Une bibliothèque exclusivement consacrée aux sciences, dans tous les domaines. Ma douce et moi nous frottons les mains par anticipation depuis que l'invitation a été lancée : cela fait des années et des années, quarante ans de professorat, qu'il achète régulièrement des ouvrages sur la biologie, l'astronomie, la physique, la géologie, les mathématiques, la paléontologie. Quelle merveille ce doit être !
    Nous voici dans le salon comble de rayonnages. Quelle surprise ! Nous ne voyons d'abord qu'une invraisemblable collection de peluches. Les rayons présentent des dizaines d'oursons musiciens, plâtriers, garçons de café ou docteurs, un orang-outang est juché sur l'ordinateur et une énorme girafe encombre le passage. Les livres ? Oui, on les devine, bien là, mais tapis, discrets, remisés derrière les bibelots, inaccessibles, invisibles, dévorés par un peuple de douceur figée, une foule de créatures endormies dans les limbes de la vénération enfantine.
    Nous apprenons qu'il s'agit d'une collection achetée pour sa mère, disparue depuis peu. Ce n'est pas une bibliothèque, mais deux mausolées confondus, que nous visitons. Une vie célibataire vouée aux deux amours de son existence, sa maman et la science. Et l'une des deux a triomphé de l'autre, l'a confinée, masquée, réduite, rendue à la thésaurisation d'un savoir stérile. Le petit homme n'est pas malheureux, non, il a concilié ces deux dévorations et y a consacré sa vie. L'appariement insolite des deux collections, tellement opposées dans leur caractère, entre érudition pointue et décoration poussiéreuse, forme le manifeste d'une solitude irréparable.
    Nous repartons, convaincus davantage qu'une bibliothèque est un patrimoine vivant qui se partage.

  • Aux instruments

    Le pianiste est encore reparti en oubliant son instrument ; c'est la troisième fois cette semaine, et on ne peut déjà plus tirer les rallonges de la table du salon. Il vaudrait mieux que ça ne se reproduise pas. Tiens, voilà la harpiste : quelle tête en l'air celle-là aussi !

  • Tintin et Picsou

    Grâce à laurent Cachard, j'ai eu connaissance de ce procès qui agite la tintinoplanète. Aujourd'hui, l'opinion publique est le dernier levier qui reste pour faire bouger les lignes grâce au fric triomphant.

    "Apportez votre soutien à Bob Garcia; passionné par l'oeuvre de Hergé et tintinophile depuis son enfance il est attaqué en justice par Moulinsart pour avoir "commis" de nombreux ouvrages en hommage à tintin et son maître, il suffit d'ouvrir ses livres ( tous éditeurs confondus) pour voir qu'il ne s'agit en aucun cas de "contrefaçons". Au terme d’un procès scandaleux et grotesque, Moulinsart et Rodwell sont parvenus à condamner l’écrivain et tintinophile Bob Garcia à payer la somme délirante de 50.000 euros. Son tort : avoir écrit 5 petites études sur Hergé tirées à quelques centaines d’exemplaires par une association tintinophile sans but lucratif. Personne n’a gagné d’argent dans cette entreprise, ni fait le moindre tort moral ou financier aux « ayant-droit » de Hergé.
    Toutes les tentatives de négociation et de discussion ont échoué, y compris la demande de paiement par étalement. Les pétitions, lettres ouvertes à Moulinsart et à de multiples responsables politiques, articles et communiqués de presse, etc., ont été traités avec mépris et indifférence par Moulinsart et de Rodwell. Il était clair qu’ils voulaient « la peau de Bob Garcia » (intention annoncée par eux-mêmes depuis le début) afin d’en faire un exemple et de dissuader d’autres auteurs d’évoquer le nom de Tintin au travers d’études, de parodies ou de tout moyen jusqu’alors légal.
    Aujourd’hui Moulinsart et Rodwell mettent deux hypothèques sur la maison de Bob Garcia. Demain, ils peuvent ordonner la vente forcée et le jeter à la rue pour exercer leur racket."

    Rejoindre le groupe sur Facebook (pour une fois que ça me semble servir à quelque chose...)

    http://www.facebook.com/group.php?gid=91196878131&ref=mf

  • Cette fois...

    C'est officiel : sortie de mon livre, "le Psychopompe", les 6-7 avril. Signature à la librairie Lauxerois, le samedi 24 avril, à Roanne (Loire). Qu'on se le dise !

  • Vidé

    Michel Houellebecq est à l'ouvrage. Il s'agace. Il est sec. Il reprend continuellement ses premières pages, les efface, éteint, fait un tour, fume et revient, s'installe, retrouve clavier et écran puis sans un soupir s'acharne. Rien ne vient. Il découvre qu'il a déjà tout dit, qu'il a vidé son sac -formidablement, avec panache et talent, mais vidé- qu'il ne lui reste plus rien à transmettre. C'est peut-être un effet inattendu de quelque chose qui se manifeste malgré lui en son for intérieur. Il découvre qu'il lui est impossible de tricher.

  • Avec une majuscule

    Un sociologue s'est interrogé sur cette pratique qui consiste à parler d'Internet, sans utiliser d'article. On dit la voiture, le courrier, l'ordinateur, le tournevis, le logiciel mais on dit (majoritairement) « Internet », avec cette majuscule. Il n'y a qu'une occurrence d'un principe devenu paradigme devenu concept devenu croyance. C'est Dieu, avec une majuscule pareille. Le sociologue en question refuse d'aller plus loin dans ce rapprochement, mais il est peut-être utile de s'en inquiéter aujourd'hui. Ou bien, susurre ma petite voix athée : « Réjouis-toi, Internet est en passe de détrôner les religions. » Bon, si ce n'est pas pour les remplacer par un dogme mais par le foisonnement d'une pensée universaliste, alors...

  • Restons modeste

    Je fais cet exercice quotidien (ou presque) de me convaincre que, l'an prochain, et à partir de là, plus rien de ce que j'écris ne sera publié. Dans cette anticipation, j'évalue mes réactions, les implications que cela peut avoir sur ma vie. Force est de constater que cela ne peut en avoir, en effet, que sur moi, et que le reste de la planète en restera absolument inchangé. Ça aide.

  • Le creux

    L'autre jour, dans un échange épistolaire, mon étrange amie Corie (oui, « étrange amie », mais ce serait trop long à expliquer) me dit avoir découvert que le patronyme Chavassieux signifierait « Creux » à l'origine. Malgré l'intérêt qu'elle y décelait, j'avoue que j'ai du mal à considérer cette révélation comme vraiment positive, ou simplement plaisante.

     

  • A l'index

    En son temps, l'arbalète avait été condamnée par l'Eglise comme décidément trop meurtrière, et l'interdit rigoureusement; on vit très vite sur les champs de bataille de l'époque, le cas qu'on faisait des préceptes chrétiens. Forts de cette expérience, plus aucun pape ne se discrédite désormais en interdisant une arme, fut-elle nucléaire. Parce que chacun sait, que tôt ou tard...

  • Casse-cou

     

    J'ai failli ne pas dépasser les dix ans :

    1/ quand j'ai décidé d'imiter ces mecs en moto qui bondissaient en prenant appui sur un tremplin. Dans le pré, en contrebas, il y avait un rocher dont la ligne ressemblait à ces tremplins. Je n'avais pas de moto, mais n'est-ce pas... J'ai foncé, foncé, et mon vélo a suivi la verticale du rocher, tout naturellement. Je ne sais pas comment je m'en suis sorti indemne, mais le vélo est mort, lui.

    2/ quand, me prenant pour Panoramix, je fabriquais des potions magiques avec tout ce que je trouvais, plantes en tout genre, macérées pendant des jours dans une boîte de conserve rouillée. Cela produisait un jus noir avec des taches irisées, que je buvais. J'ai survécu. Je n'ai jamais été malade de ma vie. La force acquise des anticorps, je suppose.

    3/ quand je fonçais dans les murs tête la première, pour éprouver cet intéressant vertige qui accompagne le choc. Je me demande si mes problèmes de cervicales ne viendraient pas un peu de là.

    Ah là là, qu'est-ce que je rigolais !

    Par ailleurs, je n'ai jamais accepté que mes enfants prennent le moindre risque. Une peur rétrospective ?

  • Anticipons un peu

    Un jour, il sera seul, sa belle femme l'aura quitté, aucun éditeur ne trouvera intéressant de publier ses mémoires et ses amis seront morts ou auront fui, on ne l'évoquera plus nulle part, et nous, à l'occasion d'un souvenir, verrons sa figure resurgir, et nous nous demanderons bien quel accident s'est produit, quel abrutissement des foules a bien pu le créer, comment une majorité de personnes ont pu le mettre au pouvoir. Des électeurs dont on ne trouvera d'ailleurs plus trace. Son règne sera le sujet d'études de sociologues, de psychologues, de spécialistes de l'opinon publique et de ses dévoiements. Et des copains me diront : "tu te souviens, quand tu disais qu'il serait un danger pour la démocratie ?", et je rirai de mes peurs, étonné de nous avoir cru si faibles alors, tandis qu'en fait, nous le tenions en respect. Grâce à notre vigilance.

  • Revue de web

    Lu dans LIbé.fr, cet entretien avec le démographe Emmanuel Todd, à propos du premier tour de régionales, et la déroute de la droite. Extrait final.
    Sarkozy est-il durablement atteint ?

    Depuis 2007, je ressens sa situation comme pathologique: cet homme n’est pas à sa place, son personnage est absurde, le cœur dirigeant de la France n’a aucun projet économique - par contraste, dimanche, le corps électoral s’est montré sain et raisonnable. La nouveauté est que la situation générale elle-même devient absurde. Le seul moment où le chef de l’Etat a semblé efficace a été la crise financière. Or, un an et demi plus tard, la finance est repartie de plus belle, mais pas l’emploi. Du coup, l’absurdité du personnage Sarkozy et celle du système semblent se rejoindre et fusionner, faisant du chef de l’Etat le symbole de la folie des temps.