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kronix - Page 164

  • Annecy

    Ce soir, à 18 h 30, vous pouvez me retrouver à la bibliothèque "Bonlieu", à Annecy.

    Lectures et débat autour du "Baiser de la Nourrice". Vous savez, un bouquin que j'avais écrit. Un truc rigolo, fait pour le divertissement, léger et un peu complaisant, il faut l'admettre.

    Voilà, si vous voulez venir me lancer à la face, devant un public surpris, que vous n'avez rien lu d'aussi superficiel depuis les considérations économiques d'Alain Minc, vous êtes quand même les bienvenus. Et puis si vous n'avez pas lu, pas grave : on vous racontera. C'est juste un mauvais moment à passer.

  • garde à vue aveugle

    Extrait d'un "chat" entre Jean-Pierre Dubois, professeur de droit public à l’université Paris XI et président de la Ligue des Droits de l’Homme, et les internautes, ce jour, sur Le Monde.fr.

    Question de Camille :

    Comment se fait-il que la police puisse aller chercher chez elle une mineure et l'emmener en garde à vue, sans la présence des parents ?

    Réponse de Jean-Pierre Dubois :

    Pour autant que l'on sache, la mère était présente au domicile lorsque la mineure a été emmenée par la police. Mais chacun comprend que s'agissant d'une bagarre entre collégiennes à la sortie des cours, la procédure de la garde à vue est d'une disproportion qui laisse sans voix.

    A l'évidence, la présence d'un policier "de proximité", si vraiment les abords de ce collège posaient quelques problèmes, aurait été à la fois efficace et adaptée à la situation d'enfants de cet âge.

    Mais je me rappelle encore l'enlèvement par six policiers d'un enfant de 6 ans à la porte d'une école primaire de l'agglomération de Bordeaux en juin dernier : la mère et les enseignants, que personne n'avait prévenus, n'ont trouvé de trace de l'enfant qu'après plusieurs heures de "garde à vue" pour un vol de vélo d'ailleurs imaginaire.

    Ce genre de situations, qui malheureusement se multiplient, suffit à faire prendre conscience de la perte de repères qui résulte de huit ans de politique ultra-sécuritaire.

  • L'île de la tentation

    La vérité sur Robinson est que, quand il a découvert Vendredi, il a trouvé en lui un être d'une hauteur de vue, d'une science, d'une connaissance de l'humain et de l'histoire de la terre tellement supérieures aux siennes, qu'il a préféré l'abattre et attendre un navire occidental, avec son équipage de bourrins incultes.

  • La bombe Brelin

    Un soir d'hiver 1853, Camille Brelin fut le premier à tester la bombe du même nom, dans sa cuisine. Le fait que ni les voisins, ni même sa femme qui cousait dans le salon tout près, n'ait entendu la moindre déflagration, explique qu'on n'ait jamais rien su de cette extraordinaire invention.

  • La haine

    Ils se détestaient depuis toujours. A 1 an, ils se piquaient leurs jouets, à 2 leurs copines, à 3 ans ils constituèrent deux holdings concurrentes, et à 4 ans, ils se lancèrent en politique pour s'affronter sur le terrain idéologique. Jusqu'où seraient-ils allés s'ils n'étaient pas morts à 5 ans, prématurément vieillis par la haine ?

  • L'épreuve

    Voilà, c'est fait. Hier matin, j'ai livré l'épreuve du "Psychopompe" corrigée, à Jean-Patrick, mon éditeur.

    Une épreuve aussi, d'ailleurs, cette correction. J'ai retenu mon envie de multiplier les corrections d'auteur, c'est-à-dire, les modifications autres que les simples ajustements typographiques ou le relévé des fautes d'orthographe. Il faut apprendre à assumer, un jour, la "maturité" de son petit, à le laisser se débrouiller seul.

    Le voici lancé dans la chaîne de fabrication. Comment sera-t-il reçu ? les lecteurs saisiront-ils ce que j'ai vraiment voulu mettre entre les pages, sous le récit tragi-comique de ce vieil érudit alcoolique qui se livre au meurtre ? Les premiers chapitres ne sont-ils pas trop légers, sont-ils assez bien écrits ? Trop tard pour se poser ces questions, l'élan et la jubilation surgis devant la solitude de l'écran il y a maintenant peut-être un an, vont se métamorphoser en cet objet de papier, confié aux mains de tous, des lecteurs plus bienveillants aux critiques les plus revêches.

    Autour de moi, chacun est convaincu que c'est un très bon bouquin. Je sais quant à moi, qu'il est riche, que j'y ai intégré beaucoup de réflexion. Saura-t-on dépasser le niveau de lecture du polar ?

    Je dois être confiant : "le baiser..." m'a appris l'intelligence du public.

    Sortie encore retardée probablement : disons mars ?

  • Civilisé

     

    D'abord, l'envie de tuer le pilote qui pèse de tout son 4X4 sur la place handicapée. Et puis la paresse, devant l'étendue des problèmes qui suivrait le meurtre, souvent mal perçu. Alors, je lance un civilisé « Connard ! » et je passe à autre chose.

  • Rencontre à Bozel 2

    Le beau zèle de Marielle – 2

    Dans la petite bibliothèque, (visitée avant une courte sortie dans le village, histoire de jeter un œil à la tour « sarrasine » qui fut, semble-t-il, le lieu d'un bel ensemble de manifestations autour du thème de « la neige », naguère), je me prépare, rôde au milieu d'un cercle de chaises promptement installé. On entre, des plateaux couverts d'offrandes, posés sur les mains ouvertes, on se salue, on se sourit, on s'installe, on écoute. On écoute Marielle qui a préparé un texte malicieux pour me présenter, quelques pages émouvantes et justes où elle répond à mon inquiétude de l'autre jour, après mon passage à Thonon (bien que Thonon, entendons-nous, c'était très bien), sur l'utilité de la présence d'un auteur. Elle parle d’abord des échanges, suscités par la lecture d’un livre difficile, et que la venue de son auteur permettra de poursuivre, d’approfondir. Évidemment, tout le monde n’a pas aimé : le thème rebattu, les scènes horribles, l’écriture difficile. Pourquoi ce sujet, pourquoi aujourd’hui, pourquoi sous cette forme ? Là, la rencontre avec l’auteur devient essentielle.

    C’est qu’un livre -qui doit se défendre tout seul, nous sommes d’accord- est aussi élaboré par un cerveau (en général), un vécu, une histoire travaillée depuis la chair, éprouvée depuis long, et qui surgit au terme d’une gestation (Marielle reprendra cette métaphore « utérine »). Tout cela, le lecteur en est avide, le bon lecteur, celui qui ne se contente pas d’avoir compris le livre, mais veut comprendre le pourquoi du livre, le comment du livre.

    Je commence à saisir, moi, que les lecteurs sont cannibales et ont un désir de dévoration de l’écrit, qui va jusqu’à l’ingestion des pensées de celui qui « a fait l’expérience de la création littéraire ». Cette expérience, rappelle aussi Marielle, qui ne serait pas complète (ou qui ne serait peut-être pas, tout simplement), si elle n’était associée à celle de la lecture, « Lecture et écriture comme des démarches en miroir, l’une nourrissant l’autre », et c’est aussi le lecteur qu’accueille la bibliothèque de Bozel. D’ailleurs, une pile de livres derrière moi, inspirera, selon l’organisation de mon hôte, mes réactions de lecteur.

    Après cette brillante introduction, « sans cirage de pompes », je ne sais que dire. J’enchaîne pourtant sur la notion de poncif du livre. C’est vrai, tout a déjà été dit sur les systèmes totalitaires et leur mécanisme ou leur installation, et je ne prétends pas décrire avec plus de pertinence que les autres cet aspect. Alors ? C’est que, expliqué-je, d’abord, je n’ai pas théorisé ce livre, il a surgi, point. Il fallait que je l’écrive, et que je l’écrive de cette façon. Du neuf ? Non, bien sûr, sauf peut-être ma voix, ma façon de dire, ma façon de me confronter à ce sujet qui me hante depuis toujours et sur lequel, très souvent, je reviens par tous les moyens. Ensuite, souplement, grâce aux enchaînements de mon hôte, il m'est possible d'expliquer comment s'est construit le récit, comment a été travaillé ce style particulier, quel défi c'était. La cohérence forme-fond ; plus que la cohérence, la fusion, la symbiose. Apnée, asphyxie, noyade. Et l'éditeur ? Quel est son poids dans le processus ? Le moment de ce roman, dans le reste de ma production, pourquoi ai-je dit que les scènes de torture me révulsaient moi-même ? A ma grande surprise, il se trouve que je suis capable de répondre à tout.

    Bozel_30_01_2010.JPG

    Dans son texte, Marielle évoque cet autre raison qui conforte l'intérêt de la venue d'un auteur. Quand son livre implique une médiation, ce « dont s’acquitte avec délice une bibliothécaire . L’accueil d’un auteur est la forme aboutie de ce travail de médiation. »

    Il m’est impossible de résumer la richesse de nos échanges, ce soir-là, et mon bonheur de, non pas transmettre un quelconque savoir, mais échanger, comme l'a dit Marielle, échanger ensemble sur ce qui nous pousse à lire ou à écrire.

     

    Hébergé chez Pascale, une cadre sup qui a décidé un jour de laisser tomber le stress et les leurres du pouvoir, même limité, je dors comme un loir, sans qu’il soit besoin de lampe de sel, me fait-on remarquer (je note une proportion de lecteurs de Kronix assez incroyable, à Bozel). Je m’endors comme un bienheureux, en pensant au récit que je vais faire à ma douce de cette soirée et, cerise sur le gâteau de Savoie, de la vision de ce mouflon au bord de la route, à peine dérangé par la voiture de Pascale, quand nous rentrions dans la nuit.

    Le lendemain, Marielle et Corinne, une spécialiste qui fait entendre la « voix » de l’environnement à Courchevel, nous rejoignent comme convenu pour une promenade sur la neige ragaillardie par le soleil matinal. L’occasion de se connaître mieux et, tout simplement, de parler de tout et de rien, de la vie, des parcours de chacun, des projets… En cours de promenade, Pascale imagine, à tout hasard, de téléphoner à la famille Paccalet, dont nous voyons la maison non loin, pour proposer à Catherine et Yves Paccalet, de partager le repas de midi et m’offrir ainsi, en plus du reste, le bonheur de la découverte de l’auteur de « L’humanité disparaîtra, bon débarras ». Ils acceptent.

    Yves Paccalet, regards et sourires ébauchés, retenus (on dirait timides si tout de même, l’accoutumance aux conférences, aux prises de paroles d’élus, n’avait rendu ce qualificatif douteux), parole claire et déroulement de pensée fluide qui vient au but. Un enchantement bien sûr. Autour de lui, nous écoutons le candidat aux régionales d’Europe Ecologie pour la Savoie, sur la liste de Meyrieu, et je crois qu’ici, en cet instant, chacun sait pour qui il va voter. La discussion est tellement agréable qu’elle se prolonge déraisonnablement, et c’est dans la précipitation que Marielle me ramènera à la gare.

    Deux minutes avant l’heure, le train est à quai, je ne peux pas m’attarder, on se salue vite, la bise, on sait qu’on va se revoir, c’est au-delà de la seule prestation organisée, un moment qui compte dans la vie.

    Dans un mail ultérieur, Marielle ajoutera aux bonnes raisons qui font qu’on invite un auteur, l’élargissement de son cercle d’amis. Rien que pour ça, en effet…

     

  • Rencontre à Bozel

    Le beau zèle de Marielle - 1

    Il a été question de cela, à une certaine heure, au cours de la discussion engagée autour de « le refus » de Kertesz, un des livres que j'avais choisis pour évoquer mes amours littéraires aux organisateurs de Lettres-frontière. Il a été question de la fonction de l'écriture qui, d'une certaine manière, certifie qu'un moment a bien été vécu, et lui confère le poids de chair qui, autrement, manquerait à la mémoire. Il a été question de l'écriture comme testament de la rencontre de Bozel. Pour dire que cela fut, surtout dire combien ce fut important pour moi. Alors voilà, il faut que je raconte Bozel, et je ne sais pas par quoi commencer.
    Par Marielle peut-être, tout simplement, parce que cette vaillante bibliothécaire a réussi, dans ce petit village de 1200 habitants à réunir en quelques jours plus d'une vingtaine de personnes, passionnées, exigeantes, attentives, et toutes, toutes humaines, humaines, Ô mais humaines comme j'en sais de proches ici, comme il y en a, nombreuses et discrètes, partout dans le monde, et qui vous réconcilient un temps avec le reste des bipèdes.
    Dans la minuscule médiathèque de Bozel, samedi soir, j'ai été accueilli dans une ambiance de vie et d'enthousiasme comme seule la résistance peut en générer, je crois. Parce que, là-bas, les mots du « baiser... » provoquent un écho qui vole sur les trois vallées et s'accroche au grand bec dont la neige fleurit sous le soleil. Parce qu'en face, il y a Courchevel, les flancs velus éprouvés par la gale des pistes, les constructions touristiques qui échardent la roche ; Courchevel, dont certains à Bozel jalousent l'argent, la neige artificielle, les pistes damées à renfort de diesel nocturne, et les touristes méprisants. Les mêmes envieux sans doute qui considèrent une bibliothèque comme un cimetière. Mais madame, le cimetière remue sacrément ! Venez seulement jeter un oeil : les morts-vivants agitent les mâchoires, je vous le dis, les zombies ont de belles couleurs, ils échangent, discutent, contestent, applaudissent, rient. A Bozel, la vie se concentre ici, madame, dans le « cimetière » des livres. Je le sais, j'y étais.

    (à suivre)

  • Bozel ? Patience...

    Ca vient, ça vient... Je m'adresse ici spécialement à mes amis de Bozel (vous permettez ? je ne dis pourtant pas amis facilement mais... Vous m'avez compris). Bien sûr, il y aura, dès demain, un récit de notre rencontre, sûrement déroulé sur plusieurs jours. Mais j'ai trouvé en arrivant dimanche soir, l'épreuve du "Psychopompe", déposée par mon directeur de collection, Jean-Patrick, et il faut d'abord que j'honore ce travail. Avant toutes choses, avant vous même. Mais je ne vous oublie pas.

  • Un peu de sport

    Pour essayer de vous faire comprendre : sur une des exoplanètes récemment découvertes, à des millions d'années-lumières de nous, il existe un animalcule unicellulaire, vivant dans les profondeurs obscures d'un océan de méthane. Celui-ci a une meilleure connaissance que moi de la dernière saison de football.

  • Gène d'Alien

    L'embarras de l'extra-terrestre, obligé d'expliquer à son supérieur les causes du réchauffement climatique, sur la petite planète qu'il vient de visiter. C'est que sa pauvre langue ignore les mots « connerie », « négligence », « vanité », et « avidité ». Mais à force d'enquête, la notion d' « humanité » commence à rentrer.

  • Rencontre à Bozel

    Ce soir, à 18 heures, je suis l'invité de la bibliothèque de Bozel (Savoie, je crois), pour parler du "Baiser de la Nourrice".

    Deuxième rencontre de la tournée "Lettres-frontière" en ce qui me concerne. Toujours ravi et flatté d'être choisi ainsi. C'est précieux.

    Bozel serait, parait-il, le refuge d'Yves Paccalet. L'idée d'ajouter à cette invitation le plaisir de rencontrer l'auteur de "Lhumanité disparaîtra, bon débarras" m'a, plusieurs fois dans la journée, inspiré un vulgaire frottement de mains, signe de grande satisfaction et de gourmandise par anticipation.

    Bien sûr, vous aurez droit à un petit compte-rendu.

  • Basic Avatar

     

    Il arrive que des films basiques, simplistes, et pour tout dire naïfs, accèdent malgré eux, et malgré le projet purement commercial de ses auteurs, à une valeur proprement mythologique.

    Et peut-être que c’est leur simplicité qui permet d’en faire des mythes. Ce n’est pas un but en soi, on peut rêver des films plus complexes –heureusement-, et tous les films basiques et naïfs ne prennent pas valeur de mythe, mais la force d’une idée simple est de générer des appropriations vite universelles.

    Ce fut le cas de King Kong, par exemple, et c’est le cas d’Avatar, apparemment, si j’en crois deux anecdotes récentes.

    Je lisais l’autre jour le témoignage d’un jeune israélien de gauche qui, plutôt que d’aller se rendre à une manifestation de protestation de la politique de son pays, à l’occasion de l’anniversaire du bombardement de la bande de Gaza, est allé voir Avatar, avec quelques remords, et quelques copains. Tous peinés par les morts palestiniens, mais trop découragés pour braver les insultes de leurs concitoyens dans la rue. Ils regardent donc Avatar, et soudain, dans les scènes de destruction d’un village Na’vi, devant les pleurs, la souffrance, l’impuissance des autochtones face à une armée suréquipée, ils se sont regardés, se sont compris : on leur parlait, ici aussi, de la destruction de Gaza et de la souffrance du peuple palestinien.

    En Chine, le film a été retiré des programmes de toutes les salles de cinéma, sauf celles qui proposent des projections en relief, parce que sa popularité extraordinaire était due en partie à la relation que les chinois font entre le destin des Na’vis et celui des millions d’expulsés dans la course immobilière de la Chine nouvelle. Les internautes chinois ont relayé cette vision du public et Pékin a vu d’un très mauvais œil cette connexion imprévisible avec le sandale des expropriations très très brutales que le système a générées. Ils ont décidé une forme soft de censure. Pour tout le pays, c’est moins de 300 salles qui continueront de diffuser Avatar, quelques semaines encore. C’est stupide, mais les censeurs sont rarement brillants.

    Un troisième exemple vient tout récemment ajouter de l’eau à mon moulin : Pierre Desjardin voit dans le film une apologie de la guerre.

    C’est le problème des récits à ce point basiques : chacun y projette les symboles et les métaphores les plus contradictoires, mais conformes à sa vision du monde. Un peu comme les grands livres religieux, quoi.

     

     

  • rencontre à Thonon

    Thonon.JPGLe lendemain de mon arrivée, je reviens à la médiathèque que Chantal Loridant m’a montrée la veille. J’ai bien dormi, j’ai bien déjeuné, j’ai des bretelles, je suis prêt.
    Quand le public s’installe parcimonieusement dans l’espace aménagé au rez-de-chaussée, nous prenons place à une petite table, Chantal et moi. Il y a peu de monde (allez, une douzaine de personnes), et les bibliothécaires tentent d’en trouver les raisons dans le changement d’horaire, car le café littéraire, pour une fois, se déroule le matin, le changement de temps, le vent, la crise, la neige, la morosité, l’heure matinale que sais-je. Pour moi, ce n’est pas grave, j’ai vu à Roanne des auteurs reconnus attirer six personnes dont trois bibliothécaires et trois cousins de l’auteur, installés dans la région. Je sais combien c’est difficile, et nous devons être d’autant plus reconnaissants, nous les auteurs inconnus de la petite édition, de bénéficier de ce soutien militant des agents du service public, contre toute logique commerciale.
    Face à moi, dans le brouillard de ma myopie, les visages sont encore souriants. Une jeune pigiste du Dauphiné Libéré m’a été présentée. Elle va prendre des notes pendant deux heures, et je redoute le pire (j’ai une certaine expérience dans ce domaine). En fait, elle publiera dix lignes, point trop erronées, et les photos, que je mets en ligne ici. Avec ma reconnaissance.
    Chantal me présente à la foule, s’interroge sur cette histoire de roman sous pseudo, qui aurait précédé « le baiser… ». Quelle idée ai-je eu d’en faire mention sur la quatrième de couverture ! A l’époque, je voulais faire comprendre – cerné que je suis, dans mon pays, d’écrivaillons qui s’auto-publient- qu’un roman n’est pas édité par hasard, que ce « premier » n’est pas le seul, que j’écris beaucoup et depuis toujours. De la bête vanité, qui me vaut à chaque fois de m’expliquer maladroitement à ce sujet. Bref. Nous évoquons aussi mon parcours, mes autres domaines d’écriture, nouvelles, théâtre, bande-dessinée.
    Il est convenu que je lise deux extraits. Chantal souhaite une lecture du tout début et celle d’un autre passage, où il est question du défilé des enfants. Je m’en acquitte, mais je me trouve assez fade, sans verve.
    Appuyé sur les questions qui s’enchaînent ensuite, j’explique que ce texte n’a pour moi pas beaucoup de profondeur (contrairement à ceux, inédits, que j’écris habituellement), qu’il est essentiellement forme et style. L’appareil littéraire est tout entier tourné vers le projet d’asphyxier le lecteur.
    Comme souvent, je digresse, m’évade, bifurque. Je me trouve vraiment mauvais, aujourd’hui.
    Ma grande peur est d’enfoncer des portes ouvertes, de redire des poncifs, des lieux communs : « nous sommes tous des bourreaux qui nous ignorons », « la violence est dans la nature de l’homme », etc. ; j’ai peur des références cumulées obligées et attendues : Orwell, Kafka, Lucien, Bartleby  et Nicolas, la servitude volontaire, la résistible ascension de, le meilleur des, la ferme des, l’expérience de. Pourtant, bien sûr, c’est juste, « le baiser » a été écrit sous l’influence de ces œuvres, y compris –quel mystère- de celles que je n’ai pas lues ; l’urgence qui m’a mobilisé pendant des mois a pris source dans l’effrayant regard extatique de jeunes qui attendaient un ministre de l’époque, il y a cinq ou six ans. Mais dire tout cela, au bout du compte, c’est dire quoi ? Qu’est-ce que « Le Baiser.. » apporte que la connaissance de tout cela n’a déjà apporté ? C’est ma grande hantise : répéter à un public acquis ce que chacun est prêt à entendre. J’avoue que j’aimerais parfois la rugosité de la contradiction.
    Chantal évoque avec bonheur cette idée d’Azert qui, grimpant l’échelle sociale vers sa reconnaissance, plonge physiquement dans les étages inférieurs pour accomplir sa nouvelle tâche. J’en profite pour expliquer ma véritable nausée à la lecture des séances de torture, l’horreur que c’est de les écrire. Dans le public, Thérèse, une bibliothécaire, relève que l’humour noir dégoupille pourtant ces scènes terribles.
    Il est question de l’aspect visuel de l’écriture, Chantal ajoute qu’il y aussi une grande importance des sons, ce qui me surprend heureusement. Je n’y avais pas pensé, mais c’est vrai, le bruit des pattes, les balles qui sifflent, les machines au bureau, la voix d’Alceste Badin… Les sons s’entremêlent dans la trame visuelle du récit. C’est ainsi, les textes sont toujours révélés aux auteurs par les lecteurs qui ont du talent. Peut-être plus que lui.
    Une auditrice, qui n’a pas lu le livre, interroge sur ce qu’elle pense être mon trait dominant : la sensibilité. Il me semble, dis-je sans rougir, que cela rejoint directement la question de l’écriture, et de pourquoi on écrit. Il y a bien eu, pendant toutes ces années où j’ai enchaîné roman sur roman sans espoir d’être jamais publié, une pulsion, une inquiétude, un élan qui m’a obligé à produire ainsi ces œuvres secrètes ? Et c’est sans doute, oui, une sensibilité, partagée par tous ceux qui ne peuvent rien faire d’autre pour l’exprimer que créer, qui m’a poussé et me pousse encore à libérer cette exacerbation par les moyens de la littérature.
    Malgré ma piètre performance, des personnes du public viennent me parler encore après la fin de la séance. Je dédicace quelques exemplaires, dont un pour les lecteurs de la Médiathèque de Thonon.
    Je suis heureux et reconnaissant de cette première expérience. Perplexe aussi : ai-je appris quelque chose à qui que ce soit ? Est-ce que tout ce que j’avais à dire, ne se trouve pas, exclusivement, dans le texte ? Quel est le bilan carbone du transport de 80 kilos d’écrivain sur plusieurs centaines de kilomètres ?
    Chantal et Thérèse m’entraîneront ensuite dans un agréable restaurant pour clore cette rencontre. Notre conversation est détendue, chaleureuse, comme le lieu. J’exige de mes hôtes le tutoiement, aussitôt naturel. Nous débattons littérature, politique, avenir, autour d’un vin de Ripailles et de perches du lac. Dehors, Thonon s’ensoleille et murmure sagement, indifférente aux imprécations des auteurs pessimistes.



  • 40 siècles vous contemplent, les gars !

    Au pied des pyramides, les grognards n'entendaient rien à ce que beuglait Napoléon, depuis le sommet. A peine comprirent-ils qu'il s'agissait de considérations archéologiques ce qui, même appuyé de gestes théâtraux, ne parvenait pas à leur faire oublier que, dans une heure au plus, les boulets allaient commencer à leur tomber sur la gueule.

  • At Holmes

    Vous savez, dit Holmes à Watson, depuis des années que nous vivons ensemble ces trépidantes aventures, je trouve curieux que nous n'ayons jamais eue la moindre envie de commettre un des ces irréparables manquements à la morale qui concluent communément les destinées d'hommes tels que nous. Je veux dire : avons-nous jamais omis de prendre un thé à 5 heures ?
    « Dieu nous en préserve. Et par pitié, Holmes, enlevez votre main de ma braguette et ne me parlez pas si près : vous empestez la pipe. »

  • Chiffres du mal

    Sur Planetoscope, les chiffres défilent, pendant la connection. Les kilos de plomb versés dans la nature par nos amis chasseurs, les kilos de fibres synthétiques, le nombre d'hectares de forêt détruits dans le monde, etc. Le défilement vertigineux de nos errements. Instructif et déprimant.

  • Sale façon de finir

    Je racontais l’autre jour cette histoire -mais d’où l’ai-je apprise et qui était son héroïne ?- paraît-il authentique, de la fin d’une jeune et superbe actrice du cinéma muet américain.

    Elle était une star reconnue quoique montante, lorsque le parlant arriva, détruisant celles qui, comme elle, avaient une voix désagréable, une incapacité à énoncer correctement ou un accent étranger trop prononcé, par exemple. Plus aucun contrat, la terrible et soudaine indifférence du public et des décideurs qui se détournent. La dépression.

    La jeune femme décide de se suicider mais, réputée pour sa grande beauté, met tout en œuvre pour qu’on découvre son corps, intact, magnifié par une mise en scène digne de ses films les plus spectaculaires. Hollywoodienne jusqu’au bout.

    Elle commande d’énormes bouquets de fleurs, en pare sa chambre décorée avec munificence, revêt la robe de son plus grand succès, se coiffe, se maquille, se parfume, s’apprête. Divinement belle, elle avale les médicaments ou les drogues nécessaires, termine par une forte dose d’alcool, s’allonge après un dernier coup d’œil au miroir, et attend la mort.

    Après quelques minutes, la chaleur, l’odeur entêtante des fleurs, le mélange qu’elle a pris, tout cela, lui cause une nausée qui l’oblige à se lever précipitamment vers les toilettes. Elle est presque au but quand, n’y tenant plus, elle vomit dans sa course, glisse sur son vomi et s’éclate le crâne sur la cuvette des toilettes.

    C’est ainsi qu’on la découvrit.

  • L'antiquité au cinéma en 60 secondes


    L'antiquité au cinéma, vérités, légendes et manipulations. Hervé Dumont. Nouveau monde édition - Cinémathèque Suisse. 648 pages.