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actu - Page 17

  • Précaution

    Nous sommes bien d'accord : la présence dans notre bibliothèque de « L'Agenda de la France nouvelle 1941 » (avec le portrait de Pétain en page de garde), de « Penser Français » (éditions de la légion, 1941), de « Toute la vérité sur un mois dramatique de notre histoire, 15 juin - 15 juillet 1940 », avec des exergues de Pétain et de Laval), et des livres sur l'occupation signés Patrick Buisson, n'augure d'aucune adhésion à certaines idéologies, mais est le signe que, pour bien combattre son ennemi, il faut le connaître.

  • Parlons cuisine

    Le mois dernier, il y a eu des changements chez l'un de mes éditeurs. Angoisse. Le nouveau directeur d'édition allait-il consolider certains choix de son prédécesseur, et notamment celui de me publier ? Il vient de m'appeler, chaleureux, délicat, agréable. Il voulait avoir lu "L'Affaire des Vivants " avant de me contacter. Il a beaucoup aimé mon roman et, "bien sûr", suivra mon travail. Un rendez-vous est d'ores et déjà fixé, où je lui donnerai les premiers chapitres du prochain manuscrit que je destinais à cette maison. Soulagé. Vraiment. A partir de maintenant, je peux considérer que j'ai deux éditeurs, que je vais pouvoir (mais aussi devoir) leur fournir régulièrement des textes, et qu'ils me seront fidèles. C'est un luxe qui me réjouit et valide le choix de vie décidé l'an dernier. Parce que, comme je le programmais de toute façon, il faut que je parvienne à écrire un roman en un an et demi, guère plus, et enchaîner les livres sans délai. C'est beaucoup, beaucoup de travail. Ce sera épuisant, ce sera difficile, ce sera merveilleux.

  • Zuzu

    Vendredi, j'apprenais la mort de Serge Zuliani. Zuliani est un peintre roannais dont la puissance picturale a été marquante pour ceux qui ont eu la chance d'y être confrontés. Car on était confronté à un tableau de Zuliani, il n'y avait guère de pacte possible. Ses toiles parfois immenses ne cessaient de manifester colère et étonnement face aux grands crimes barbares, génocide indien, erreurs judiciaires, dictatures sanglantes... De grands hurleurs érigeaient leur silhouette sur un écran éclaboussé de sang, des visages amérindiens occupaient des formats carrés énormes de leurs faces puissantes et austères.  J'ai vu craquer un banquier, en Allemagne, à cause d'un de ces féroces tableaux. Nous avions installé une des versions des « dictateurs » en face du bureau du malheureux employé qui nous supplia, après une journée, de déplacer ce cauchemar éveillé. Après un voyage de jeunesse aux Etats-Unis, Serge Zuliani avait peint les déserts américains, était tombé amoureux de ces peuples, n'a sans doute jamais cessé de frémir de l'injustice qui leur avait été faite et se poursuivrait toujours.
    Nous l'avons connu massif, puissant, mains énormes, bras noueux, visage plié de rage ou de rire. Nous l'avons vu vieillir. Mon retrait de Roanne, mon éloignement de ce milieu, involontaire, m'ont au moins permis de ne pas le voir exagérément maigrir et se désoler.
    Quelques œuvres de Zuliani sommeillent dans les réserves du musée de sa ville, mais ce sont des dessins et des peintures mineures et, si plusieurs collectionneurs ont, un temps, adhéré à la force de ses représentations inconsolables et lui ont permis de vivre son art pendant de nombreuses années, ils se sont lassés de l'acheter et leur engouement n'a pas été suffisamment relayé. Cependant, lui était sans faiblesse, sans détours et, si certaines périodes l'ont amené à dessiner des processions de femmes Felliniennes, son travail brut et violent, disons conscient, n'a pas séduit au delà de quelques passionnés. Il est resté un artiste confidentiel, pour le reste du monde. La veille de son décès brutal à plus de 80 ans, il confiait à un ami : « Tout le monde m'a oublié, je n'existe plus. » Cette lassitude a fini par l'emporter, avec la même absence de pitié que la maladie.
    Je n'étais pas au courant, j'ai su trop tard, il a été enterré hier, samedi, je ne sais ni où ni à quelle heure. Je n'ai donc pas pu témoigner, comme on dit, je l'aurais fait, je crois. Mais il y a un avantage à ce manquement : c'est que je ne parviens pas à me l'imaginer sous la forme d'un cadavre enfermé dans une boîte. C'est impossible, il était trop grand et trop fort pour ce misérable confinement.

    Il y a une cinquantaine d'années, il habitait au quatrième étage d'un immeuble. Du balcon, il laissait descendre et reposer au sol un seau plein de sable attaché à une ficelle, et la ficelle, fichée dans un manche court qu'il tenait entre ses mains. Ensuite, de là haut, chaque jour, il faisait remonter le seau en tournant le manche entre ses mains. La ficelle s'enroulait sur le manche. Le seau remontait. Quatre étages. Un seau plein de sable. A la force des poignets. Et bien voilà, la peinture de Zuzu avait cette puissance-là.

     

    (NB : inutile de chercher sur le net, vous ne trouverez aucune image. Il faut me croire sur parole)

  • Préselection Lettres-Frontière

    Encore une fois dans le peloton final. Mais notre héros parviendra-t-il à la ligne d'arrivée ? (la concurrence est forte. Tellement de talents. Je n'aimerais pas être à la place des jurés, il va y avoir du sang).

    Les 20 titres suivants ont été sélectionnés parmi un nombre important d’ouvrages
    (près de 200) pour leurs multiples qualités. Le jeudi 30 avril prochain, le Jury votera
    pour ses 10 livres favoris qui constitueront la 22ème Sélection au Prix Lettres frontière
    et celle-ci sera annoncée le soir même au Salon international du Livre et de la
    Presse de Genève, sur la scène de L’apostrophe. Les auteurs des 10 livres retenus
    seront invités à participer à la manifestation L’Usage de Mots, qui aura lieu le samedi
    14 novembre 2015 à Genève (salle du Faubourg).

    Rhône-Alpes :
     Jacques A. Bertrand, Comment j'ai mangé mon estomac, Julliard
     Yves Bichet, L'Homme qui marche, Mercure de France
     Christian Chavassieux, L'Affaire des vivants, Phébus
     Christophe Fourvel, Le Mal qu'on se fait, La Fosse aux ours
     Bruno d'Halluin, L'Egaré de Lisbonne, Gaïa
     Isabelle Pouchin, Le Roman poème de Berthe et Emma, Gaspard Nocturne
     Emmanuel Ruben, La Ligne des glaces, Rivages
     Jean-Christophe Rufin, Le Collier rouge, Gallimard
     Camille de Toledo, Oublier, trahir puis disparaître, Seuil
     Eric Vuillard, Tristesse de la terre, Actes Sud

    Suisse romande :
     Xochitl Borel, L'Alphabet des anges, L'Aire
     Marianne Brun, L'Accident, L'Age d'Homme
     Slobodan Despot, Le Miel, Gallimard
     Julien Dunilac, Mes obsèques à Pâques, Slatkine
     Christophe Gérard, Osbet & Autres historiettes, L'Age d'Homme
     Valérie Gilliard, Le Canal, L'Aire
     Max Lobe, La Trinité bantoue, Zoé
     Sébastien Meier, Les Ombres du métis, Zoé
     Jean-Michel Olivier, L'Ami barbare, L'Age d'Homme
     Dominique de Rivaz, Jeux, Zoé

  • L'envie de savoir

    Je marchais avec un bon copain à moi, une vieille connaissance. On se baladait comme ça. Et puis, sur le trottoir, on voit devant nous une énorme crotte de chien. Un truc ignoble. Et j'entends mon pote dire : « Tiens, quel goût ça a ? » Je crois qu'il rigole, je le regarde, mais il a un air sérieux et buté qui me fait soudain douter de son équilibre mental. Je lui dis : « Tu déconnes ? » Mais il ne répond pas, il avance comme fasciné, et répète : « Il faut que je sache. » Il se penche vers la matière ignoble répandue par terre, il va le faire, ce con ! je tente de le retenir, je l'engueule, rien n'y fait, je le vois avec horreur plonger ses doigts dans les fèces qui cèdent avec un bruit qui me révulse, il porte ce qu'il vient de cueillir aux lèvres. Je voudrais détourner le regard mais j'assiste au spectacle hallucinant de mon pote qui enfourne un morceau de merde et se met à le mâcher. Là, soudain, il écarquille les yeux comme s'il venait de comprendre son geste. Il me regarde comme cherchant de l'aide. Impuissant, je le vois alors, plié en deux, vomir sur ses chaussures. Je ne sais pas ce qui lui a pris. Il n'est ni plus bête ni moins instruit qu'un autre.
    Ah oui : il s'apprête à voter FN.

  • Chavassieux décortique Cachard I

    Première partie de la rencontre à Fleury. En espérant une deuxième partie, dès que Laurent aura surmonté les problèmes techniques.

  • Réseautons

    J'insistai pour lui représenter toute l'abjection de son projet, mais il n'en tint pas compte et rédigea une pétition pour alerter contre les souffrances des geôliers de DAECH, accablés par les insultes et les reproches incessants de leurs prisonniers. Je ne dis plus rien lorsqu'il me présenta en jubilant les 60 000 soutiens qu'avait recueillis son message, dès la première journée.

  • Rencontre avec Laurent Cachard

    La bibliothèque de Fleury, ses bénévoles avec le concours de la municipalité, ont eu l'excellente idée d'inviter l'écrivain lyonnais Laurent Cachard, pour une rencontre exceptionnelle (exceptionnelle « à plus d'un titre », comme le souligne le billettiste désirant passer à l'essentiel, contenu dans la suite).  D'abord, parce que Laurent est un écrivain rare, aussi parce qu'il s'agissait de tenter une approche de l'ensemble de sa production et enfin, parce que la soirée se poursuivait par un – peut-être – ultime récital « Littérature et musique ». Forme singulière alternant lectures d'extraits et chansons inspirées de ses livres, concoctée par l'auteur il y a quelques années, et imaginée avec la complicité des musiciens qui composent et/ou interprètent les chansons inspirées de l'œuvre de leur ami Laurent. Ici, Gérard et sa nièce Clara Védèche, et Eric Hostettler. Ce serait une journée-hommage en quelque sorte, bien que l'âge de Laurent n'incite pas au bilan ou à la rétrospective. Disons que cette rencontre était l'occasion d'un point à mi-parcours.

    Hier donc, Laurent Chachard était venu trouver un public neuf, celui de la bibliothèque de Fleury-la-montagne. Les lecteurs de Kronix connaissent bien cet auteur, souvent chroniqué ici et souvent « lié », blog à blog, car une ancienne complicité existe entre le Cheval de Troie et Kronix.
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    La rencontre d'hier avait pour objet de parcourir les différents aspects de son travail et de susciter pour le public présent le goût d'en découvrir plus, et de le lire. Je ne sais pas si nous y sommes parvenus, en tout cas, l'assemblée était nombreuse et attentive et l'échange, je crois, riche et intéressant.
    Romans, nouvelles, paroles de chansons, comédie musicale, théâtre, écrits sur l'art, essais... Il y avait matière. Prendre le temps de tout aborder, avec immédiatement la certitude que nous ne ferons qu'effleurer le propos mais donner à l'auteur, ce n'est pas si fréquent, l'occasion de dire, de digresser, de peut-être découvrir des choses sur lui-même, qui sait ? Il aura fallu deux heures, et il ne restait plus assez de temps à consacrer aux échanges avec le public. Il fallait se résoudre à conclure, car les musiciens, dans la salle voisine, étaient prêts pour la deuxième partie de l'événement, et des spectateurs arrivaient. Cependant, l'objectif difficile a priori, d'effectuer un tour d'horizon complet a été tenu. Les réactions dans l'assemblée étaient celles de personnes qui découvrent un auteur, ou un aspect méconnu de son œuvre, et ont pris goût d'en connaître davantage. C'était le but. Je ne suis pas mécontent. Un enregistrement a été fait qui, j'espère, pourra être mis en ligne, et qui permettra de suivre complètement l'entretien.

    Littérature et musique est cette expérience peu commune ou plutôt unique (j'en avais fait une description lors d'une représentation stéphanoise à lire ici), constituée à partir de l'œuvre de notre invité. Laurent, je l'ai dit, est un personnage autour de qui s'agrège avec naturel les amitiés durables. Ce n'est pas une chance, pas seulement, c'est son talent. Pendant plus d'une heure, les amis musiciens de l'auteur ont accompagné les musiques écrites par Eric Hostettler sur les paroles de Laurent, et soutenu parfois, ou laissé le silence nécessaire, aux lectures d'extraits des livres de Laurent par lui-même. Courts extraits, significatifs, de chaque roman ou recueil de nouvelles, un prolongement bienvenu de notre rencontre. Et chaque fois, les chansons ad hoc, parfaitement écrites et interprétées. Celles inspirées de « Tébessa, 1956 » ou de « La partie de cache-cache », sont des moments inoubliables, émouvants, forts. Autre moment assez estomaquant, l'interprétation de la jeune Clara Védèche (18 ans), violoncelliste, d'une pièce contemporaine virtuose. Rien que pour ça...

    Dans la dernière partie de notre entretien, celle qui na pas eu lieu faute de temps, nous voulions d'un commun accord, aborder la question de l'assèchement littéraire. Car Laurent subit comme nous tous, parfois, l'angoisse du vide, du « à quoi bon ». Il me semble que la séance à deux détentes d'hier devait lui donner de bonnes, d'excellentes raisons, de ne pas baisser les bras, et lui faire la démonstration, s'il en était besoin, que tout ce travail n'est pas inutile, qu'il a un public, un lectorat, attentif à la suite de ses productions, et du coup, un devoir envers eux.

     

    NB : Je connais Laurent. Il aurait pu évidemment rédiger avec l'aisance qui le caractérise, le compte-rendu de cette rencontre dès son retour à Lyon hier, dans la nuit, mais je crois qu'il m'en a laissé la primeur, par élégance, malgré ma rédaction tardive. C'est bien lui, ça.

  • Le jour d'après

    Elle fait le ménage, les courses, la cuisine. On pourrait croire, à observer notre vie de couple, que je suis un horrible macho. En fait, je suis féministe. Mais j'ai horreur de l'ostentation.

  • Pottier pris aux mots

    Cet acharnement qui va jusqu'à la démolition des ruines, et tout ça sans connaître le couplet « Du passé faisons table rase »... ça force le respect, cette internationale de la colère.

  • Rien

    - Tu n'as toujours pas fait ton billet du jour sur Kronix ?
    - Ah non, tiens, c'est vrai. Il se fait tard. Je ne sais pas quoi mettre. J'avais un truc sur ma spasmophilie : « Ces étouffements dans la nuit qui parviennent à me faire prononcer involontairement : 'pitié' », mais tout le monde s'en fout, surtout, personne ne va comprendre. Et puis ça fait mélodramatique.
    - Tu ne vas pas leur refaire le coup du billet qui raconte que tu n'arrives pas à écrire un billet, hein ?
    - Non, non, bien sûr que non. Je l'ai déjà fait, comme tu dis. Je ne veux pas paraître comme ça, paresseux.
    - Tu n'es pas paresseux
    - Je ne sais pas. Parfois, si, quand même. En ce moment, même au niveau fiction, ce n'est pas ça. Je me traîne.
    - Tu as préparé l'interview de Laurent, le 14 ?
    - Bien sûr. J'ai tout relu, noté des choses. C'est fait. Je vais essayer de faire mieux qu'à Gilly, où je n'avais pas pris de notes, confiant dans ma relative bonne connaissance de son travail.
    - Oui, ce serait bien. Et le colloque, le 10 avril ?
    - Le colloque ? Oui, oui, j'ai même répété. Je tiens une heure facile. C'est un peu long.
    - Tu peux parler de Minotaure, de La Grande Sauvage... Je ne sais pas, tes chantiers en cours.
    - Ils sont à peine amorcés. Je peux parler de mon impuissance à les poursuivre.
    - Tes lectures ?
    - Oui, en effet, mais je ne sais pas faire de vraies critiques littéraires. Et puis ça demande vraiment beaucoup de travail pour écrire quelque chose de soutenu, d'argumenter, de respectueux. Tu vois, je suis quand même paresseux.
    - Faut pas dire ça. Tu as des priorités, c'est tout
    - Bôh, en ce moment...
    - Et la BD ? Tu peux parler de Cédric, qui relance vos dossiers : Cortés, Les nefs de Pangée (version BD), Le Petit Jules, Complainte des Terres du Nord, l'Enthéide, et j'en oublie...
    - Moi aussi, j'en oublie, on en a tellement sous le coude... Une dizaine, une vingtaine, je ne sais plus. Sans compter les nouveaux projets.
    - Et la dame que tu as dépannée ce matin, qui est venue sonner à la porte alors que tu étais encore en pyjama ? Et que tu es allé prendre froid, mon pauvre amour, pour réparer une roue sur un terrain tout boueux.
    - Oui, ça, peut-être...
    - Est-ce que tu as parlé de Voir Grandir, du travail musical de Jérôme, des projets de concerts ?
    Un peu, mais c’est encore loin, c'est prématuré
    - Des lectures de Nos Futurs avec Emmanuel Merle ? Des rencontres à Versailles ? De tes autres projets de romans ? De l'anthologie sur l'Utopie, qui revient au jour ? De la revue Brasiko Folio ? de la sortie des Nefs de Pangée chez Mnémos en septembre ? De tes enfants, de moi ?
    - Le problème, tu vois, c'est qu'il ne se passe pas grand chose dans ma vie.

  • L'infatigable maillet contre l'infatigable burin

    D'autres religions ont abattu les idoles des précédentes. Que reste-t-il des dieux gaulois, des sites aztèques, des statues de Médine ? Les générations d'iconoclastes sont spontanées et sans cesse renouvelées. Ne change que l'ampleur de leur tâche, car leurs efforts font face à une spiritualité infatigable, créative, prolifique, accumulée par les siècles et pareillement régénérée que leur haine. 

    Mais enfin, il serait prudent d'enterrer Lascaux.

  • Plairil l'iconoclaste

    Le vent qui naguère berçait ses rêves ambitieux, l'entourait à présent d'une moqueuse sarabande. Plairil se plaignait d'avoir tout perdu et le vent vint ricaner à son oreille Perdu ? Perdu quoi ? Qu'as-tu fait ? Qu'as-tu construit que tu aurais perdu ? Il proférait, indigné, des réponses plus hésitantes à chaque souffle : « Un monde, j'avais construit un monde », mais le vent poursuivait ses moqueries, Où est ton monde ? Nous ne l'avons pas vu. Et pourtant, pourtant... il arrachait ses vêtements : « Aveugles ! Voilà pourquoi ! Il était entre mes mains. Je le tenais. À quel tribunal me plaindre de l'injustice qui m'est faite ? » mais des rafales emportaient ses lamentations, il s'exaltait, vociférait pour traverser le chahut hostile de l'air : « Tout s'était plié sous la puissance de ma réflexion, ma voix avait remplacé la voix des autres, leurs bouches délivraient mes paroles, leurs gestes étaient ceux que j'avais enseignés, leurs pensées étaient celles que je leur dictais. Comment peut-on dire que ce monde n'a pas existé, que je n'ai rien créé, et qu'il ne m'a rien été enlevé ? » Où est-il, ce monde ? Répétait cruellement le vent. Et Plairil en réponse était incapable de le montrer, de prouver qu'il eût jamais été. Ses paupières clignaient, sa bouche béait, ses yeux écarquillés tentaient de retrouver au milieu du chaos, les bribes de ce qu'il avait construit. S'il ne reste rien, c'est qu'il n'y avait rien, se gaussaient les tourbillons autour de lui. « Là ! » Il désigna les trous où avaient été plantées autrefois les dents d'Odalim qui ornaient l'esplanade. « Je les ai fait supprimer ! » Et bien, dit le vent, c'est cela, ta preuve ? Plairil considéra les trous. « Ce manque... » les mots affaiblis lui furent arrachés des lèvres par une bourrasque et jetés, inertes, loin dans la tempête qui se levait.

     

    "Les Nefs de Pangée" Extrait. A paraître en septembre chez Mnémos.

  • Sur la scène de la vie

    L'étau se resserre. Chez le boulanger, au supermarché, à la mutuelle, et même chez le docteur à présent. Les mêmes propos, unanimes : salauds de pauvres. Pas dits de cette manière, mais enfin, chacun, du haut de ses compétences économiques pointe le vrai problème qui plombe notre bonne société : le coût des pauvres et des étrangers. Parallèlement, notre dégoût s'épaissit, la sensation de notre impuissance, d'être cernés par une bêtise galopante. Comment ça se termine, déjà, « Rhinocéros » de Ionesco ?

  • Relire

    Ce qui est agréable, dans la préparation d'une rencontre, c'est de relire le travail de l'auteur qu'on va interviewer. Surtout quand son œuvre est de ce niveau. En l'occurrence, celle de Laurent Cachard, en prévision de sa venue du 14 mars à la bibliothèque de Fleury-la-Montagne. Je réalise qu'au bout du compte, c'est un cadeau que je me fais à moi-même.

  • L'autre rentrée

    Et donc, la sortie des Nefs de Pangée, initialement prévue en décembre, est avancée pour septembre, me dit mon éditrice. Ce qui signifie que les semaines qui viennent vont être chargées. Mais au bout, paraît-il, un bel objet cartonné, une sortie plus fracassante que de coutume. Pour moi, surtout, la bonne nouvelle est de boucler une publication plus tôt que prévu. De pouvoir songer au chantier suivant dès le mois d'avril.

  • En deux temps

    affiche rencontre 14 mars .jpgCe sera donc le samedi 14 mars 2015. La bibliothèque de Fleury-la-Montagne est ravie d'accueillir Laurent Cachard. J'ai le redoutable honneur d'animer le premier temps. En deuxième partie, le récital Littérature et musiques, mis au point par Laurent et ses complices, parfaitement rôdé. Un moment que je vous conseille de partager, parce que c'est une forme subtile, élégante, riche, originale et peut-être, de l'aveu de l'auteur, une des dernières occasions d'y assister. Alors, vraiment, ça vaut le déplacement.

  • Ecouter Voir

    Depuis quelques jours, Jérôme Bodon-Clair est entré dans une seconde phase pour notre beau projet "Voir Grandir". Il a dores et déjà créé toutes les musiques, soit une quinzaine de morceaux. Album, concerts, mise en scène, il commence maintenant à explorer des pistes de promotion de ce travail. La compagnie Nu sera sans doute partie prenante, mais aussi les musiciens et plasticiens de Sonar. Vous pourrez suivre les progrès de cette incroyable aventure sur cette page, d'abord, appelée à s'enrichir au cours du temps. Les morceaux présentés sont des maquettes (déjà superbes, selon moi) mais des maquettes. J'espère qu'il en mettra d'autres en lignes, mais il ne veut peut-être pas tout dévoiler tout de suite. En tout cas, de chaque chanson, je suis fier, et ému.

     

    NB : le vidéo-clip "Nos Futurs" présent sur le site était un des deux morceaux "pré-historiques" à Voir Grandir, venus de cette expérience qui nous a, non seulement inspiré, mais imposé une suite.

  • Minotaure. C'est parti !

    Je suis de ce monde. Je suis de là. Je suis là. Je suis entré là. Entré un jour dont je n'ai pas mémoire. Un jour. Entré un jour. Entré, je ne sais pas si c'est le mot. Entré. Un jour. Je ne sais pas si c'est le mot.
    Je suis entré un jour dont je n'ai pas mémoire. Je suis là. Depuis que j'ai ouvert les yeux je cours sous le couvercle d'un grand feu sec ou sous la paume d'un vide noir piqué de petits feux.
    Je cours sous l'un ou l'autre. Sous le grand feu ou sous la paume noire. Je ne sais pas si ce sont les mots, le feu, la paume.
    Mon monde est un chemin que je connais mais qui parfois m'échappe, un sentier, une piste coupée d'angles. Avec des pièges qui font mal.
    Des fois, je jette mes cornes aux parois, elles font des traces brunes et sanglantes que je retrouve sur mon chemin, après, longtemps après, des feux et des paumes passés.

     

    Extrait. Minotaure. Ecriture en cours.