Lourdes. On se bouscule dans la grotte où la Vierge est apparue, mais on devrait songer que c'est aussi le lieu exact où, aussitôt, elle a disparu.
Au fil de l'Histoire - Page 2
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L’archidiacre considéra quelque temps en silence le gigantesque édifice ; puis, étendant avec un soupir sa main droite vers le livre imprimé qui était ouvert sur la table et sa main gauche vers Notre-Dame, il promena alors un triste regard du livre à l’église, en disant : "Hélas, ceci tuera cela". Claude protesta : "Vous êtes sûr ? A mon avis, l'étourderie d'un ouvrier sur un chantier, aidée de quelques produits chimiques, devraient suffire."
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Les gilets gênent
17, 18, 19 semaines ? autant d'actes, qu'importe la comptabilité, sinon celle du nombre de blessés et d'interpellés. J'écris ce billet, la veille de la mobilisation du 16 mars, vue comme cruciale par les manifestants eux-mêmes, qui la font coïncider avec la fin du grand débat dont ils ont estimé, d'emblée, qu'il était un attrape-nigaud, un leurre tendu par la présidence. Nous voici quelque part dans le cours d'un mouvement qui, on s'en doute, est loin d'être fini, efficience du 'grand débat' ou pas. Comme toujours, des choses très intelligentes ont été dites. Je n'ai pas la prétention d'y apporter quoi que ce soit de neuf. Je voulais ici faire un point sur mon état d'esprit. C'est un peu différent. Je veux dire que je ne peux prétendre avoir compris et correctement analysé les faits, les causes du phénomène, les perspectives qu'il ouvre, ses limites ou ses promesses. Je veux juste tenter de décrire comment j'ai perçu les choses et où j'en suis de mon ressenti face aux gilets jaunes. Parce que je suis passé par diverses phases. J'imagine ne pas avoir été le seul.
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Ce soir, 19 heures, à la Médiathèque de Mably, le groupe de lecteurs "Demain dès l'aube" dont j'ai le plaisir de faire partie, rendra son hommage à la littérature qui s'est emparée de la Grande guerre. Extraits d’œuvres de Barbusse, Céline, Rolland, Jaurès, Ball... et, en invité, un auteur bien vivant : Christian Degoutte, qui a récemment produit une série de textes autour d'une petite Vierge à l'enfant, venue de Verdun, passées entre de nombreuses mains (c'est en tout cas son hypothèse) pour être accueillie dans une chapelle de notre région. Ça s'intitule "Petite Mère", et cette prose superbe viendra donner le point de vue d'un auteur actuel sur ce drame de jadis, encore tellement présent dans la mémoire collective.
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Je suis aujourd'hui au salon du livre de Ainay-le-Château. Un salon du livre d'histoire. C'est "La vie volée de Martin Sourire" qui me vaut cet honneur.
En nombreuse compagnie, comme vous pouvez le voir sur l'affiche, et avec l'appui de l'excellente librairie "Le Moulin aux lettres" de Moulins, toute proche.
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"Roanne, regards d'écrivains" est une anthologie parue aux Presses universitaires de Saint-Etienne. Pierre-Julien et moi serons d'ailleurs dans cette bonne ville, samedi, à l'occasion de la Fête du livre, pour dédicacer l'ouvrage de 10 h à 13 heures, stand G15.
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"Sauvages" est un fascinant documentaire diffusé récemment sur arte. Il rappelait la mode honteuse des zoos humains que les grandes puissances de l'époque proposèrent à des millions de visiteurs venus en famille pour mesurer l'écart de civilisation entre les sauvages des colonies et la société occidentale. Cela dura environ un siècle, prit des contours différents après l'engagement des Noirs sur les fronts de la première guerre, mais marqua profondément les esprits, au point de construire et préparer les discours racistes actuels.
En cours de visionnage du film, signé par l'historien Pascal Blanchard, je sursaute : le commentaire fait le parallèle (légitime) entre l'exhibition des pygmées ou kanaks au jardin d'acclimatation de Paris et celle du Wild west show et ses vrais indiens, mimant attaques et cavalcades. Je sursaute, parce qu'il est dit que le chef apache Géronimo a participé au show de Buffalo Bill. Je m'offusque, c'est énorme : chacun sait que c'est Sitting Bull, le fameux chef sioux, qui s'est hélas fourvoyé dans ce spectacle. Vérification faite, je confirme : C'est bien le vainqueur de Custer à Little Big Horn, et non Géronimo, qui fut engagé par Buffalo Bill. Récemment, le livre d'Eric Vuillard, "Tristesse de la Terre", évoquait cet épisode.
Comment une erreur aussi énorme a-t-elle pu se glisser dans ce documentaire ? Comment Pascal Blanchard a-t-il pu écrire puis laisser passer ça ? Dès lors, c'est toute l'entreprise scientifique du film qui est mise à mal.
Pourtant, pourtant... Tous les aspects traités, la richesse des points de vue, la mise en perspective... Je ne saurais trop vous conseiller de prendre une heure pour le regarder sur arte+7. A ce détail près, c'est de la bien belle ouvrage. A ce putain de détail près...
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Quand on pense à tout ce que les extraterrestres ont dû déployer d'ingéniosité, pour faire croire que leurs machines inter-dimensionnelles étaient des tombeaux de pharaons égyptiens.
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"Saupoudrez délicatement votre gâteau avec un char équipé que vous aurez préalablement réduit en poudre".
(Et c'est là que, il faut bien l'admettre, la traduction des recettes de Mésopotamie d'après les tablettes de Ninive, montre ses faiblesses et, oserais-je ajouter, ses limites).
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"Rives, mines et minotaure" c'est finalement le titre étrange que je pense donner au texte rédigé en partie lors de ma résidence stéphanoise. "A propos de Saint-Etienne" me plaisait assez, pour sa référence à Vigo, mais il a paru un peu terne. D'accord.
Une première restitution sous la forme de lecture d'extraits, aura lieu le samedi 15 septembre à 15 heures, dans le cadre "décalé" de la maison François 1er, à Saint-Etienne.
Le comédien Roland Boully, aidé de Caroline Berlande, ajouteront leur voix à la mienne pour un peu plus d'une demi-heure de profération.
Et c'est donc le retour de Kronix...
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Ils sont pourtant nombreux, les acteurs de la valorisation du Furan, signe aussi que cela concerne une large population, pas seulement quelques citadins entichés d'écologie, dont un caprice serait de flâner le long d'une rivière, en pleine ville. Collectivités, établissement publics, associations, industriels, agriculteurs... la liste est longue. Je lis, je vois, je retrouve partout cette antienne : redécouvrir le Furan. Un document de 2009 produit par la Ville de Saint-Etienne, parmi d'autres, s'en fait l'écho, en illustrant le devenir du Furan par des croquis de puits ou de noria, qui ponctueraient le tracé de la rivière. On peut y lire : « ville sans fleuve qui a aussi longtemps vécu dans la dénégation de sa rivière, l'entreprise [la valorisation des berges du Furan et des cours d'eau] relève à la fois du paradoxe et du défi. » Les difficultés sont posées, l'ambition est déclarée, autant de signes que les esprits sont prêts. L'idée lancée il y a trente ans comme une utopie a fait école ou bien, aussi sûrement, le sens de l'histoire est pour une sorte de rédemption du genre humain. Il suffirait de la lui permettre. De lui donner l'occasion de faire accord avec ce qu'il a tant méprisé jadis, par indifférence, négligence, nonchalance, obsession de la rentabilité, autant de raisons irrationnelles, au regard des enjeux de qualité de vie.
Extrait de "à propos de Saint-Etienne", écriture en cours.
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Le Furan emmuré, plus ou moins souillé, que faire de ce fantôme en voie de résurrection ? Tandis que les galeries de mines s'enfoncent inéluctablement dans l'oubli, engorgées d'eau sale, qu'elles seront de plus en plus des traces indifférentes et muettes, s'élèvent dans les pensées et se manifestent aux citoyens les moins inconséquents, l'urgence et la présence de la vie de la mère rivière. L'idée n'est pas neuve. Il y a plus de trente ans, Yves Perret avait entraîné ses élèves de l'Ecole d'architecture de Saint-Etienne, dans le projet fou d'une réconciliation de la Mère rivière avec son rejeton urbain. L'étude s'évertuait à prendre les choses dans l'ordre. Il s'agissait d'abord de s'interroger sur ce qui est le socle de la ville, sur ce qui se passe dessous. Préoccupation incongrue, déplacée, quasi délirante, lui fit-on savoir. L'époque voulait ce mépris goguenard pour ceux qui suggèrent tout simplement de cesser de croupir dans ses propres déjections. D'abord assainir, donc. Avant de bâtir, de projeter, de rêver : s'inquiéter de la terre, de l'eau, de l'air. Pourquoi cette évidence n'était-elle partagée que par une poignée ? Surtout, comment se fait-il que l'urgence n'apparaisse toujours pas, aujourd'hui, à son vrai degré d'exigence, ne soit pas à l'origine et au cœur de toute réflexion ? S'il y a des générations futures, elles seront abasourdies au constat de notre inertie. Cependant, une prise de conscience, venue à la présentation de preuves incontestables un peu partout dans le monde, a lentement imprégné les esprits, au plus haut niveau. Grâce à de nouvelles réglementations, trente ans après l'initiative de l'école d'architecture, l'état du Furan s'est amélioré. Nous sommes loin du compte, comme on l'a vu (et senti), mais au moins, un espoir est permis. Maintenant, suivons la logique de notre architecte et rêvons avec ses étudiants d'une rivière rendue au jour, sur l'essentiel de sa traversée. « Oui, l'eau coule gaillarde et irisée en plein centre ville. Depuis les ponts, certains jours, les Stéphanois viennent voir moucher les truites. Les enfants jouent partout. Des prises d'eau alimentent les biefs qui courent dans les rues et arrosent jardins publics et jardins ouvriers. » Je cite ici un extrait d'un texte d'Yves Perret intitulé « Rêve » Et pourquoi pas ? Ce sera long, coûteux ? « Il a fallu cent ans pour recouvrir le Furan, ça a bien été fait, rappelle-t-il, on pourrait mettre cent ans pour le découvrir. » Les efforts techniques et économiques à consentir ne sont pas plus extravagants que ceux qui, il y a un siècle, ont conduit à l'enfouissement du cours d'eau (au passage, ça coûte combien, un stade, un centre commercial ?) Est-on obligés de s'interdire d'y réfléchir ? Tant d'exemples, dans l'histoire des entreprises humaines, nous rappellent qu'un projet insensé ne paraît tel qu'à cause d'une sorte de paresse. Une tour de fer de trois-cent mètres ? Mais pour faire quoi, grands dieux !
extrait de "à propos de Saint-Etienne", écriture en cours.
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Mais avant cela, pour le regard averti, l'urbanisme témoigne en plusieurs endroits de la présence de la rivière sous la ville. Remontons notre parcours, rebroussons chemin vers le sud. Le cours Victor Hugo dans cette direction, soudain se tord. Sa perspective, partie d'un élan net depuis les Ursules, s'arc-boute et vire dans le tracé curviligne de la rue du Général Leclerc. Docile, la ligne de tramway, superposée au cours de la rivière, arrondit également ses voies, rejoint l'avenue Gambetta. De l'autre côté, la rue Voltaire reprend en l'inversant, l'effet de courbe amorcé par la rue Leclerc. Un « S » géant vu du ciel, avec les bâtiments rangés le long de cette sinuosité, comme des berges verticales. Le dessin de souple balancement de ces deux rues, c'est un tribut à notre Furan, calqué sur ses méandres, le S majuscule final du Furens. De même, cours Victor Hugo, en face des halles, le promeneur remarque dans l'alignement des façades, un bâtiment nettement moindre que les autres. Le signe d'une prudence induite par le passage de la rivière : à l'époque de travaux d'urbanisme de ce quartier, on ne pouvait faire subir au recouvrement du Furan, aux fragiles voûtes qui portent la chaussée, le poids d'un bâtiment haut et fier, comme sont les autres immeubles de la même rue.
Extrait de "à propos de Saint-Etienne", écriture en cours.
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La ville le dérobe aux sens, après cela : le Furan canalisé et le bief des usines qui est, en quelque sorte, jumeau de son chemin, passent en silence sous la ville, le long de la rue Gérentet, le long de la place Jean-Jaurès, non loin d'un autre entrelacs souterrain dont on parle peu : les abris contre les bombardements établis dans ce secteur — « vestiges d'une guerre finie », une du genre mondial, la seconde sans doute. Que sont devenus ces vastes couloirs de béton armé ? L'auteur de « Le Beau navire », Claude Gros, les situe du côté de l'église Saint-Charles. Dans ma ville natale, ils étaient enterrés sous la place de l'Hôtel-de-Ville, une configuration proche de celle de Saint-Etienne. Lors d'importants travaux dans les années 95, on pouvait y accéder par de lourdes trappes cachées sous le bitume depuis des décennies. J'avais eu le privilège de les parcourir, en tout cas déambuler dans les portions encore accessibles, jusqu'à des obstacles de maçonneries, empêchant que des squatteurs héroïques ne s'y installent durablement ou, plus probablement, que des intrépides ne s'y aventurent trop loin, jusqu'à des confins fragilisés et dangereux. Le complexe défensif s'étendait sous la place en des prolongements non-cartographiés, à un coup de pelle ou de pioche, à moins de cinquante centimètres sous la surface. C'est l'épaisseur de béton, plus que la profondeur d'enfouissement des galeries, qui assurait la protection des réfugiés. L'ouvrage stéphanois n'était probablement pas éloigné de l'ouvrage roannais et j'en déduis que le parking souterrain actuel, dépassant et englobant la profondeur des abris, les a phagocytés. C'est donc, contrairement aux galeries de mines, un réseau bel et bien disparu, comme la petite Daphné de l'ex place Marengo, bronze élégant avec son pas de course suspendu, nymphe emportée par la guerre qui avait fait naître les abris, pas tondue mais fondue, à la grande joie des canonniers (destin que n'a pas connu la délicieuse muse de Massenet, sculptée par Lamberton, enlevée clandestinement une nuit de 1940 et qui retrouva son square, la paix revenue).
Extrait de "à propos de Saint-Etienne", écriture en cours.
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Je voulais noter de quelle façon, au vu de tous, se manifestent les effets de ce qui travaille secrètement les entrailles de la cité. Une certaine archéologie des caractères enfouis, c'est-à-dire tus. Et comment cela, inéluctablement, bouleverse la surface. En l'occurrence, j'ai digressé : la relation est mince entre la puissante forteresse commerciale sur laquelle je me suis attardé et le discret torrent qui palpite sous ses murs. Sans doute, un enquêteur autorisé à descendre sous le complexe voulu par Michel Durafour dans les années 78-80, percevrait entre les piles de béton solidement ancrées, l'eau confinée de la rivière, je l'imagine entre les puissantes fondations, miroitement nocturne dans l'ombre qu'elle ne quittera plus jusqu'à sa sortie de la ville. Des souvenirs du Fantôme de l'Opéra (le film, la version muette, avec Lon Chaney), plaquent leur imagerie sur la réalité certainement plus terne du souterrain. Rien à la surface ne manifeste plus le cours caché. Et puis, soudain, on retrouve le Furan un peu plus loin vers le nord. Non pas le cours et son chant ; sa trace, seulement. Je ne sais qui, sur le site de l'Université, à Trèfilerie, a veillé à rappeler que l'eau continue son train sous la ville immobile et minérale, mais c'est une idée cohérente : inscrire un signe mémoriel dans un lieu de savoir. Un trait bleu et droit, quelque peu râpé aujourd'hui, dessine une géométrie de rivière fantôme au piéton funambule qui l'arpente. Sur le campus, on peut s'accouder à une barrière qui protège une descente bétonnée au fond de laquelle des portes métalliques verrouillent l'accès au cours souterrain. Il suffit de tendre l'oreille pour constater que le Furan là derrière gronde et vit. Il se manifestera de la même manière, voix brouillée par la rumeur urbaine, sous les pas du promeneur à quelques kilomètres de là, place Dorian. Le sang rejoint le cœur premier qui bat. De grosses tôles séparent nos deux mondes. Vibrations de cascade là dedans, là dessous. Sur un affaiblissement des roulements de la ville, c'est plus net, c'est proche. La créature selon les saisons, rue ou somnole dans sa caverne. On guette, immobile là haut, attentif, comme on est attentif à soi, à l'écoute de ce que le corps au secret murmure de nous. Passant, il est utile de t'arrêter ici si tu veux apprendre ce que tu es et ce qu'est ton rapport au monde. C'est beaucoup, c'est trop ? Je suis sérieux : la méditation en présence de ce qui est enfoui n'est pas un exercice vain, il s'y produit un engouffrement en soi des embarras quotidiens, et cette opération laisse subsister en surface, sous la clarté de la conscience, ce qui mérite enfin d'être examiné. Le mystère d'une vie dont on ne perçoit que les efforts de fauve incessants à cogner contre sa cage, rince et ressuie la lie du trop-plein, et mène à l'essentiel. Ne haussez pas les épaules, essayez. Plantez-vous dans ce vertige et sentez la pulsion tellurique remuer en vous les vérités.
Extrait de "à propos de Saint-Etienne", écriture en cours.
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Dans la presse, je m'arrête sur une photo des manifestations, à Gaza. On y voit un très jeune garçon, armé d'une fronde. Un jeune garçon et sa fronde, face à un adversaire puissant et lourdement armé, ça ne vous rappelle rien ? Quel retournement !
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un passage que j'ai supprimé de mon futur texte sur Saint-Etienne :
"Où bat le puissant cœur initial ? Où est donc ce premier centre de Saint-Etienne ? Et d'ailleurs, c'est quoi, un centre ville, en quoi est-ce que ça consiste ? On peut le définir comme un point de rencontre, assez restreint, convergent, historiquement ancien en général, géographiquement situé au cœur du tissu urbain, un centre de gravité où se concentrent toutes les raisons de se rendre : commerces, administrations, animations, loisirs culturels ou autres, espaces ouverts où se croiser est possible, où se donner rendez-vous, où flâner a aussi une fonction de mixité des classes sociales. Ici, quel serait-il ? La place du peuple, l'ancien pré de foire ? C'est une place minérale, incommode en hiver, traversée, traversante, frangée de terrasses en été, mais dépourvue d'administrations. Le noyau d'origine, la cité des débuts, le germe historique ? Celui-ci se résume à une place face à la plus ancienne église de la cité, une statue de Jeanne d'Arc, quelques petits commerces et une maison double de ses XVe et XVIe additionnés, dont on prévoit la restauration et l'utilisation à des fins culturelles ; plus de théâtre par contre (la Comédie, toute proche, est encore prêtée pour des performances artistiques, mais la maison-mère est allée s'exporter hors de tout centre, tendre les bras aux Lyonnais), la vie s'est déplacée (pour preuve : mairie et médiathèque, tout près, sont des établissements « de quartier », des annexes), déjà, ce « centre » est sorti du cadre, en quelque sorte. La place de l'Hôtel-de-Ville est le candidat le plus évident : espace, commerces, administrations… augmentée de l'ensemble Hôtel-de-Ville — Préfecture, et places les séparant, le long de la grande rue. Alignement qui dilue l'effet nodal, excite, invite à la mobilité, difficile de se tenir là sans qu'un fourmillement de jambes ne vous entraîne d'un côté ou de l'autre, plus haut, plus bas, dans les rues piétonnes, ailleurs. On ne se pose pas longtemps dans ce centre étiré, tellement étiré qu'il ne peut sans réserve être investi de ce titre. Ou bien, j'élargis la notion de centre ville, par souci de proportion avec une cité de plus de 200 000 âmes et c'est un centre qui englobe alors une zone très étendue, de la place du Peuple à la place Jean-Jaurès. Dilution, vous dis-je. "
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Si les frères Lumière ne s'étaient pas mariés avec les sœurs Satourne, le cinéma n'aurait jamais vu le jour.
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Je ne me suis pas rendu en pèlerinage à la source du Furan, dans la forêt du Grand Bois ou plus bas, au barrage-poids du Gouffre d'Enfer, la ville étant mon terrain d'exploration unique. J'ai marché sur ses traces à partir de son entrée à Saint-Etienne, je l'ai longuement observé, là où la chaussée l'avale. La mère rivière de la ville est discrète, murmurante, en ce mois de février, quand je la découvre en compagnie de Cédric, mon guide, après que nous avons lutté pour conserver notre équilibre sur les trottoirs gelés, et enfin nous accouder là, en sa présence. Dans le quartier de Valbenoîte, vers l'ancienne « Promenade des Fossés » qui avait été aménagée pour le public à la fin du XIXe, c'est une lame claire et peu profonde que je surplombe, elle glisse sur un lit de ciment parsemé de galets, entre un talus broussailleux, un parking, et des bâtiments dont le souvenir s'est aussitôt effacé. J'observe ce modeste flux et j'essaye d'être fasciné. Ce n'est même pas mon tranquille Renaison roannais, ni mon Sornin Charliendin. J'étais prévenu, mais le « torrent magnifique » cher à Stendhal, peine à m'exalter. Il faut un temps pour se laisser pénétrer par l'esprit des choses. Héraclite a beau manifester ses vieilles vérités à ma mémoire, je vois dans cette eau-là la permanence, la redite entêtée de celle, ancienne, dont la ville dépendit longtemps, à tous points de vue, et qu'elle négligea ensuite pour en redécouvrir les vertus aujourd'hui.
Extrait de "à propos de Saint-Etienne", écriture en cours.
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En 1889, donc, si l'on se réfère à la maquette de l'exposition universelle, le Furan est sous contrôle mais bien visible depuis le ciel. À partir de là, il ne faudra pas plus d'une douzaine d'années pour qu'il disparaisse tout à fait : au début du XXe siècle, il est couvert sur la totalité du centre-ville, ainsi que les biefs et tout le système hydrographique souterrain. Les citoyens perdent le contact avec leur rivière, avec l'eau qui circule sous leurs pas. Ils ne la redécouvrent qu'à cent ans de là, brièvement, à l'occasion des travaux de 2005, notamment place du Peuple (le Pré de Foire médiéval, souvenez-vous), quand on défonce la chaussée, qu'on renforce les voûtes des XVIIe-XVIIIe. Comme je regrette de n'avoir pas visité la ville à ce moment-là ! Le Furan réapparaît ; les Stéphanois redeviennent des riverains. S'en trouvent diversement charmés. On s'émerveille et on grimace, le souvenir de cette période de dévoilement inspire à des témoins le geste de se pincer le nez. Peut-être que le citadin moderne est plus sensible que celui du passé. Les Stéphanois d'antan affrontaient quotidiennement les effluves d'un cours dans lequel, par exemple, les boucheries et triperies du quartier des Gauds (place des Ursules, actuel cours Victor Hugo), jetaient leurs immondices. Il arriva même qu'on se réjouisse de lire, dans la pollution de la rivière, les signes de la bonne santé économique de la ville : « Le Furan roule ses eaux usées sous le pavé de la cité. Et le parfum qui s'en exhale sent la sueur, c'est sa fierté », écrit Marius Bailly, qui poétisait quand il ne chroniquait pas pour la presse régionale. Alors, l'odeur sale du Furan de 2005, en comparaison… L'assainissement de la rivière, programmé dès 1991, avait quelque retard : il était en fait à peine commencé à l'époque de ces travaux. L'état s'était amélioré sensiblement depuis les épidémies de typhoïde de 1857, mais les choses ont-elles changé à l'époque moderne ? Un rapport de l'institut Pasteur, en 1976 (c'est récent et déjà bien loin, je réalise que ce sont les temps de mon adolescence), décrit une eau chargée en produits toxiques, hydrocarbures, détergents... Un milieu « profondément pollué » au sortir de la zone urbaine. Alors qu'au Bessat, à la source, l'eau du Furan est qualifiée dans le même document de « fraîche, rapide, bien oxygénée ». En 2004, la station du Porchon ne dépolluait que la moitié des eaux du Furan. À l'heure où j'écris ces lignes, en 2018, nous devrions avoir atteint le « bon état écologique et chimique » exigé par les directives européennes, puisque l'échéance pour y parvenir était fixée par Bruxelles à 2015.
Extrait de "à propos de Saint-Etienne", écriture en cours.