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Matières à penser - Page 30

  • Le creux

    L'autre jour, dans un échange épistolaire, mon étrange amie Corie (oui, « étrange amie », mais ce serait trop long à expliquer) me dit avoir découvert que le patronyme Chavassieux signifierait « Creux » à l'origine. Malgré l'intérêt qu'elle y décelait, j'avoue que j'ai du mal à considérer cette révélation comme vraiment positive, ou simplement plaisante.

     

  • Zone extrême, extrêmement bien.

    J'écris ces lignes le lendemain de la diffusion sur France 2 de l'extraordinaire documentaire intitulé « le jeu de la mort ». L'idée du réalisateur était de reprendre les principes de la fameuse expérience de Milgram et de les transposer dans le milieu du jeu télévisé trash, dont les normes s'imposent à quelques chaînes avides d'audience. Superbe documentaire, très éprouvant et à la fin duquel on ressort, épuisé nerveusement et angoissé, évidemment inquiet sur sa propre nature.

    Rappelons que l'expérience de Milgram consistait à faire croire à des cobayes humains, volontaires, qu'ils envoyaient réellement des décharges électriques à un candidat moins chanceux qu'eux, supposé avoir tiré le mauvais numéro, se retrouvant dans le rôle du questionné. Le questionné était en fait complice de l'expérience, ne recevait aucune décharge. L'expérience consistait en fait à observer le degré de soumission d'un citoyen lambda, chargé de soumettre à la question une personne innocente, qu'il ne connaissait pas, et, en cas de mauvaise réponse, de le punir par des décharges de plus en plus fortes. Dans l'Amérique des années 60, 65 % des cobayes acceptaient de se transformer en bourreau, sous l'autorité d'un scientifique en blouse blanche, et d'infliger des décharges, explicitement douloureuses, puis mortelles.

    La transposition d'hier dans le domaine des jeux télévisés a donné des résultats inattendus pour les expérimentateurs : le taux de soumission ultime, c'est-à-dire de personnes qui sont allées jusqu'à pousser la dernière manette, était de plus de 80 % Que s'est-il passé, pourquoi une telle différence ?

    La conclusion du documentariste et des psychologues qui ont aidé à construire le programme, est que la télévision, par le fait notamment qu'elle est la deuxième activité en temps consacré après le sommeil et avant le travail, est pourvoyeuse de normes, préceptrice de comportements depuis maintenant quarante ans, qu'elle arrive en cela devant les religions et les pouvoirs politiques. En bref, c'est une entreprise décérébrée de totalitarisme. Un totalitarisme doux, mais bien réel. Sa capacité à soumettre les personnes dépasserait beaucoup de systèmes affichés comme totalitaires.

    Si j'ai trouvé que le raccourci était un peu rapide, il n'en reste pas moins que les témoignages des candidats, leurs réactions, soulignaient à quel point nous sommes des individus fabriqués par et pour la soumission. A la lecture d'un entretien de Libé.fr avec Laurent Bègue, professeur de psychologie sociale à l'Université de Grenoble où il dirige le laboratoire universitaire de psychologie, il apparaît que l'expérience de Milgram, reprise dans plusieurs pays et auprès d'un grand nombre de personnes selon des modalités variées, a pu générer des cas de soumission allant jusqu'à 90 % ! La télé n'est nullement un système spécifiquement totalitaire, selon lui. Pour Laurent Bègue, la démonstration de l'émission d'hier est que l'expérience de Milgram fonctionne aussi dans le milieu télévisuel, mais rien de plus. Enfin, pour un type comme moi, je peux me raccrocher à un de ses commentaires : « Dans les rebelles, nous avons des hommes et des femmes de gauche: être à gauche, c'est lié à la rébellion. Ou avoir participé à des grèves, des manifestations,. Les rebelles dans la vie le sont plus dans l'expérience ». ce que le réalisateur ne pouvait bien sûr pas assené dans l'émission. Il évoquait seulement que le refus, ça s'apprend.

    Un regret cependant, à moins que le débat qui suivait (j'ai abandonné quand Morandini est venu défendre la télé-poubelle) ait abordé le sujet : quelles étaient les pensées du public invité ? Public persuadé qu'il assistait bien « en vrai » à un jeu télévisé où l'on torturait quelqu'un et, enfin, où quelqu'un pouvait mourir. Nous avons vu une foule « chauffée » professionnellement, hurler sa satisfaction après la dernière décharge envoyée, applaudir à la mort d'un innocent. Je ne sais pas si la télévision est un système totalitaire qui s'ignore, mais en tout cas, hier soir, ce que j'ai compris, c'est que nous étions prêts pour l'accepter.

     

  • Pas de panique

    Il ne faut pas s'inquiéter pour l'art. L'art s'en sortira toujours : soit que l'on veuille conserver et montrer un art officiel et aristocratique, soit que l'on espère des artistes alternatifs, désargentés et enragés ; l'une ou l'autre part de la création artistique s'en sortira toujours. La première, parce qu'elle est chouchoutée par les états, la seconde parce qu'elle n'est jamais si inventive que dans les périodes les plus noires. Restent beaucoup d'artistes qui ne font qu'embellir notre quotidien, le rendre plus supportable ou préparer le terrain des enragés. Ceux-là souffrent et tremblent. Mais ils sont de toute manière voués à la disparition. Ne me faites pas dire qu'il n'y a pas à le regretter, ne croyez pas que je m'en réjouisse ou que j'y sois indifférent, mais dans les périodes sombres de l'histoire comme dans les plus éclatantes, il n'y a de place que pour les aristocrates et les enragés. Les seconds étant suceptibles de se voir intégrer d'ailleurs, par l'âge ou une reconnaissance tardive, parmi les premiers.

  • Jean Ferrat et les régionales

    Ferrat était le symbole d'une période riche en utopies, d'un temps où le politique semblait, quel qu'il soit, une réponse aux problèmes du monde, en tout cas, un espoir incarné. Les dernières élections et le fameux taux d'abstention disent, après une participation exceptionnelle aux présidentielles, tout le désenchantement ressenti par une population lasse de se prendre des taloches à longueur de journée et, qu'en plus, on stigmatise pour son goût indécent du confort et de la sécurité de l'emploi.

    La voix de Ferrat se faisait rare et, j'admets, malgré la collection intégrale de ma douce qui a tous ces cd, que je ne l'écoutais plus depuis longtemps. En fait, mon dernier contact avec une chanson de Jean Ferrat se produisit pendant plusieurs semaines, dans un cours de musique, en quatrième. Nous étions dans une institution religieuse, et un professeur de musique révolutionnaire nous faisait entonner "Potemkine", à quoi nous ne comprenions rien. La conscience politique ne vient pas comme ça : il faut de l'expérience et surtout, il faut de l'espoir.

  • La mesure des choses

    Ceux qui, comme moi, ont vécu longtemps au sein de leur ville natale, ne s'en sont échappés que brièvement, en sont imprégnés de façon profonde. J'avais évoqué cette fusion dans un roman inachevé, Magma, qui sera égrené par bribes, dans « le psychopompe » (qui sortira un jour, parait-il). Extrait.

    « Nous n'y prêtons pas attention, mais la ville nous a investis depuis longtemps ; elle a formé nos pensées, nous respirons son air, nos gestes ont pris la mesure de ses trottoirs, nos bras ont enregistré l'amplitude de ses rues, elle a moulé nos corps à sa mesure. Où que l'on soit, nos yeux captent d'abord les couleurs coutumières de notre berceau : les ocres délavés, les roses salis, les bruns et les nocturnes humides. Nos oreilles sont accoutumées aux sirènes d'alerte, aux vocables gueulés des terrasses, au rythme des machines. Nos nez repèrent avant tout, et distinguent les putridités d'avant l'orage, quand les canalisations jamais cartographiées d'anciennes tanneries ou de teintureries engorgent l'atmosphère de parfums à l'agonie.
    Où que la vie nous entraîne, dans un souk ou à Brooklyn, soumis à des bruits et des odeurs semblables, nos corps y décèlent sans que la pensée les relèvent, des nuances d'écho et de réverbération qui nous feront éprouver l'émotion propre au dépaysement, par ce savoir intime que nos corps ont appris de la ville.
    Nous partons donc, parfois très loin, le sang chahuté par des couleurs neuves, des sons différents, des froids autres, et nos pensées au retour, disent cet exotisme. Pourtant, là-bas, à chaque pas, dans le sable ou sur l'herbe, nos pieds se souvenaient du bitume de notre ville, nos narines et nos yeux rappelaient le souvenir des modestes façades sur les rues, et tout ce que nous racontons de nos voyages, pour la délectation des amis, n'est que le récit d'une comparaison. Les buildings sont mesurés en hauteurs de fenêtres, l'éclat du ciel en fonction du nôtre, et tout fleuve est un multiple de celui sur lequel nous sommes penchés depuis toujours. »

  • Commençons par les journaux, ce sera plus simple

    Dans un début de roman que je vous offrais il y a peu, je prédisais l'avènement d'un ordinateur écrivain, Hugo 01.

    Je suis persuadé qu'il ne s'agit nullement d'un délire, mais d'un futur plausible. D'ailleurs, l'entreprise est en route, pour l'instant avec des formes simples, comme le journalisme sportif, mais demain, si un écrivain désire participer à l'expérience, oeuvrer en collaboration avec une firme genre infolab pour "éduquer" un ordinateur, lui apprendre son style, sa forme de pensée, ses tournures et lui donner des sujets, je pense que nous y serons. On y vient, en tout cas.

  • La même eau, le même ciel

    Nous voici à la place fréquentée par notre enfance. Nous venions sous la pluie ramasser le cresson, puiser l'eau de la fontaine. C'est grand soleil aujourd'hui. Quel effet cela fait-il ? C'est voir la photo d'un lieu commun, pris au grand angle. Sa déformation curieuse, cette distance. Cet artifice. Nous étions là et nos fantômes ont quitté la fontaine, le cresson a poussé sans nous. Nous étions là, nous sommes là. A peine partis dans la vie, que déjà revenus et désarmés sous l'oeil impassible du temps. La même eau, le même ciel, Héraclite est dans l'erreur. Rien ne bouge, pas même nous. Nous ne faisons qu'une vaste boucle. Mais le soleil, sa lumière éphémère.

  • A l'exemple des héros de papier

    On est bien désarmé face au désarroi de ses proches amis. J'en connais un qui m'appelle et patiente pour un moment où l'on pourrait un peu se parler. Un dont la culture  (immense, exquise) est peut-être la chance. Car je me dis dans de tels cas, que la culture, l'extrême qualité de la culture d'un homme meurtri, est une aide comparable à la foi, en ce qu'elle recèle de prévention contre la vanité de ses propres souffrances. Elle nous enseigne peut-être que tant d'autres ont connu de telles affres. elle nous martèle un appel à la modestie et nous reporte aux exemples de nos lectures. C'est très semblable au modèle des souffrances christiques, quand une crucifixion disait au démuni ou à l'agonisant : "Lui aussi, vous comme Lui, vous comme les autres".

  • Mauvaise herbe

    Le professeur Coolidge s'acharna à démontrer que les réverbères étaient des sortes de mauvaises herbes géantes qui faisaient le désespoir des chèvres, empêchées à cause de cela de se métamorphoser en vaches, comme l'évolution darwinienne le leur imposait. Il fit nombre de conférences et déclarations pour en convaincre un public toujours plus incrédule. Aujourd'hui, force est de constater le génie visionnaire de ce malheureux, dont la dernière entreprise était de découvrir un herbicide efficace contre l'envahissement de cette étrange végétation. Et nous voici, faute de l'avoir écouté, obligés de contourner sans cesse ces grandes herbes grises qui crèvent nos trottoirs.

     

  • Les gens sont méchants

    Roger est ce policier qui, pour tester le TASER devant le chef de l'Etat, s'était porté volontaire pour prendre une ou deux décharges électriques. Depuis, il est invité dans tous les commissariats de France pour poursuivre la démonstration. Dans son propre commissariat, on lui demande de recommencer chaque semaine, pour les nouveaux. C'est quand on l'a invité à récidiver pour l'arbre de Noël de la police, que Roger a enfin compris que ses collègues se foutaient de sa gueule.

  • Debout

    Le réveil matin a sur moi des effets absolument inverses de sa fonction : non seulement il ne me réveille pas, mais à l’entendre, j’éprouve instantanément une envie de dormir difficilement surmontable.

  • Les aventures de Spiderman, la suite

    A New-York, dès son retour de Mongolie, Spiderman déprima. Tous ces méchants, malfrats et super-vilains lui inspiraient un dégoût pour la société qui les avait engendrés, et accentuaient sa nostalgie des steppes, des chevaux et des yourtes. Il ne s'interposa plus dans les cambriolages qu'avec mauvaise grâce, négligea les appels au secours de belles en danger et se mit à prendre beaucoup trop de poids pour rentrer sans ridicule dans son costume. Il finit par organiser des soirées diapos pour raconter son séjour asiate et sa nouvelle vision des choses. Son public dédaigna ces rencontres ou bien, lorsqu'il venait, c'était toujours pour regretter de le découvrir en veste et cravate plutôt qu'en tenue de super héros, et pour lui demander toujours les mêmes choses : ses rapports avec Mary Jane, si une piqure d'araignée radio-active ça fait mal, où peut-on se procurer des araignées radio-actives, ce genre de choses... La lassitude le gagna, la déprime le dévora. Il chercha le moyen de retourner en Mongolie, en vain.
    A l'issue d'une énième tentative pour expliquer à ces veaux de ricains qu'il y avait d'autres modes d'existence que de se bourrer le bide de trucs dégueulasses, il démonta son scooter, arrangea les pièces pour se faire un costume de métal noir et reparut dans la nuit sous les traits de black-beetle, qu'on eût tôt fait, dans la presse, de surnommer fat-beetle, à son grand désespoir. Il en devint plus enragé, et mena désormais un combat infatigable contre les cons.

  • Un peu de sport

    Pour essayer de vous faire comprendre : sur une des exoplanètes récemment découvertes, à des millions d'années-lumières de nous, il existe un animalcule unicellulaire, vivant dans les profondeurs obscures d'un océan de méthane. Celui-ci a une meilleure connaissance que moi de la dernière saison de football.

  • Sale façon de finir

    Je racontais l’autre jour cette histoire -mais d’où l’ai-je apprise et qui était son héroïne ?- paraît-il authentique, de la fin d’une jeune et superbe actrice du cinéma muet américain.

    Elle était une star reconnue quoique montante, lorsque le parlant arriva, détruisant celles qui, comme elle, avaient une voix désagréable, une incapacité à énoncer correctement ou un accent étranger trop prononcé, par exemple. Plus aucun contrat, la terrible et soudaine indifférence du public et des décideurs qui se détournent. La dépression.

    La jeune femme décide de se suicider mais, réputée pour sa grande beauté, met tout en œuvre pour qu’on découvre son corps, intact, magnifié par une mise en scène digne de ses films les plus spectaculaires. Hollywoodienne jusqu’au bout.

    Elle commande d’énormes bouquets de fleurs, en pare sa chambre décorée avec munificence, revêt la robe de son plus grand succès, se coiffe, se maquille, se parfume, s’apprête. Divinement belle, elle avale les médicaments ou les drogues nécessaires, termine par une forte dose d’alcool, s’allonge après un dernier coup d’œil au miroir, et attend la mort.

    Après quelques minutes, la chaleur, l’odeur entêtante des fleurs, le mélange qu’elle a pris, tout cela, lui cause une nausée qui l’oblige à se lever précipitamment vers les toilettes. Elle est presque au but quand, n’y tenant plus, elle vomit dans sa course, glisse sur son vomi et s’éclate le crâne sur la cuvette des toilettes.

    C’est ainsi qu’on la découvrit.

  • Nostos

    Je me souviens de toute mon enfance comme d'une longue angoisse à la perspective de devenir autre chose – une sorte de syndrome de Peter Pan, ou une phobie approchante. Les prés où je jouais, la rivière ou les forêts que j'explorais, quand je les visite aujourd'hui, me disent que si j'étais heureux alors, c’était au prix de cette crainte, et je retrouve en les traversant la lancinante peur qui me nouait, quand le soir ouvrait ses ailes entre les arbres, que les créatures nocturnes lançaient leur chant, et que je devais rentrer à la maison, revenir au monde, à la famille, bientôt aux études, au temps vrai, à demain, à l'avenir, au choix d'un métier, à la vie des autres, aux rôles adultes et peut-être, mais en avais-je conscience, à la mort au fond de l'horizon.
    Les lieux de mon enfance ont subi cette étrange métamorphose que mon refus de grandir a longtemps retardée. Ils m'étaient incompréhensibles, parce que forgés autour de moi comme les signes d'une existence dont je ne voulais pas, et dont l'accès exigeait tant d'efforts qu'il me semblait à jamais promis à d'autres, à de plus forts. Villes, forêts, femmes épaisses… bien que caressantes parfois, elles tournaient vers moi toujours des sourcils froncés. Aujourd'hui, je reconnais leur monumentalité, mais je n'en ai plus peur, je suis des leurs à présent. C'est ce mystère qui étonne dans les lieux de l'enfance : ils sont comme un costume de père Noël ou un épouvantail, on les regarde comme des objets familiers, en se demandant bien ce qu'ils étaient pour nous, vraiment, et ce qu'est leur pouvoir magique devenu.

  • Histoire de l'art

     

    Quand Urog s'était décidé à en finir une fois pour toutes avec l'art abstrait et avait dessiné le profil d'un bison, tout à fait reconnaissable sur la paroi de la grotte, nombre de ces confrères le maudirent d'avoir perverti l'art jusqu'à ce degré de vulgarité anecdotique. Certains osèrent même affirmer qu'il faudrait des milliers d'années avant que l'abstraction se remette d'un tel choc !

  • Remember Laïka

    Tout l'alcool consommé le jour, ne le protégeait pas des cauchemars récurrents de la nuit. Chaque fois, sa petite chienne adorée, la douce Laïka qu'il avait dressée pendant des mois, revenait le hanter. Il la voyait assise dans sa cabine, tournant éternellement dans l'espace, terrifiée par l'asphyxie qui l'emportait. Elle le regardait, et dans un russe tout à fait correct, lui disait dans un dernier soupir : « Pourquoi ? ».

  • Un des aspects de l'absence

    Un envoi de mail groupé et voilà : il y a cette adresse que plus personne n'ira visiter. Alors, avec des remords énormes, m'interrogeant simultanément sur la trahison que, peut-être, le geste recèle, je la supprime.

  • L'imbécile des autres

    Un pouvoir commun, une notoriété acquise par une réussite quelconque, confèrent à ce que disent certains dans les soupers mondains, un crédit tout à fait disproportionné. Ils n'ont pourtant guère plus de compétence que moi pour juger des stratégies footballistiques, de la politique intérieure ou des flux financiers. Tout tient à leur apparente sûreté de jugement. Quelle jouissance alors quand un de ces imbéciles aborde un problème que je connais bien, (ou dont une lecture récente donne l'illusion que je le connais bien). Le beau-parleur est rétamé et se tient coi pendant le reste de la soirée, ou bien n'avance que prudemment, sur des terrains balisés. Il peut évidemment arriver que les rôles s'inversent. On est toujours l'imbécile de quelqu'un.

     

  • Transfert des monuments historiques : le Sénat met le holà

    Je reprends ici intégralement un article paru dans la lettre d'information "Localtis" le 03 décembre 2009, qui fait écho à une chronique un peu alarmiste, postée ici. Heureusement, il y a encore des garde-fous parmi nos institutions.

    "L'article 52 du projet de loi de finances (PLF) pour 2010, consacré au transfert des monuments historiques, continue de faire débat. Celui-ci prévoit en effet de rouvrir, pérenniser et élargir la possibilité - expérimentée en 2005-2006 - de transfert aux collectivités territoriales de la propriété de monuments historiques et de sites archéologiques appartenant à l'Etat, en vue d'en assurer la conservation et la valorisation culturelle. Adopté par l'Assemblée nationale en première lecture, cet article avait néanmoins suscité les réserves du rapporteur spécial du programme "Patrimoines" (voir les articles ci-contre du 6 octobre et du 9 novembre 2009).
    Cet article a donné lieu à une longue discussion au Sénat, qui - sans remettre en cause la possibilité des transferts - a choisi de rétablir l'équilibre dans une rédaction qui pouvait donner l'impression de "brader" le patrimoine national. Pour mieux illustrer leur propos, certains orateurs n'ont d'ailleurs pas hésité à évoquer quelques hypothèses assez peu réalistes, comme le transfert de l'Arc de triomphe ou du Mont-Saint-Michel... Au-delà de ces joutes oratoires, le Sénat a néanmoins adopté - à l'unanimité et avec l'avis favorable du gouvernement - plusieurs amendements qui encadrent strictement la possibilité de transfert. Un premier amendement confie ainsi au ministre de la Culture - et non pas au préfet de département comme le prévoyait la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale - le pouvoir de désigner la ou les collectivités bénéficiaires d'un éventuel transfert. Cet amendement met en outre un terme à une bizarrerie juridique qui voyait, dans la rédaction initiale, le ministre donner un avis au préfet chargé de prendre la décision. Un second amendement a pour objet, selon l'expression du rapporteur pour avis, "d'empêcher qu'un monument historique ne soit dépecé ou vendu à la découpe". En pratique, cet amendement supprime deux dispositions de la rédaction initiale de l'article 52 qui permettaient de céder des objets mobiliers indépendamment du monument qui les abrite. Le troisième amendement vise la période postérieure au transfert. S'appuyant sur le fait qu'un éventuel transfert d'un monument historique à une collectivité territoriale se fait à titre gratuit, il fait obligation à la collectivité ou au groupement bénéficiaire du transfert, pendant un délai de vingt ans à compter de ce dernier, d'informer l'Etat de tout projet de cession de l'immeuble. L'Etat a alors la possibilité de s'opposer à cette cession. En revanche le Sénat a supprimé la possibilité pour l'Etat de résilier unilatéralement les conventions de transferts dans les dix ans suivant leur mise en oeuvre. De même le Sénat a supprimé la disposition introduite par l'Assemblée nationale et prévoyant - autre curiosité juridique au regard de la libre administration des collectivités territoriales - que les collectivités et groupements bénéficiaires d'un transfert doivent remettre au ministre de la Culture, dans les dix ans suivant cette dévolution, un rapport détaillant la mise en oeuvre du projet de conservation et de mise en valeur du monument."