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Matières à penser - Page 32

  • Ascèse

    Ma douce a eu la gentillesse de m'acheter un livre que j'avais lu il y a longtemps et que je n'avais pas, étant donné qu'on me l'avait prêté à l'époque. Il s'agit de "les hommes ivres de Dieu" de Jacques Lacarrière. Une merveille, qui explore la période d'incroyable démonstration de piété des premiers temps du christianisme, pendant laquelle des fous de Dieu s'allèrent enterrer dans le désert egyptien, au sud de Thèbes, dans la désormais fameuse "thébaïde".  C'était une lecture frappante, qui m'a même inspiré un texte, l'an dernier, intitulé sobrement "l'ermite". Là, je suis présentement en train de me dire in petto, ce matin, devant mon bol de café, "de quoi pourrais-je me passer ?" que pourrais-je "laisser aux ronses" ?

    D'abord, je n'ai pas de gros besoins, mais j'admets apprécier de temps en temps, une petite sortie au restaurant avec ma douce. Si j'étais seul, je crois que, oui, je saurais m'en passer (oui, de toute façon, aller au resto tout seul...).

    Les films ? Les DVD ? Je crois que je pourrais m'en passer. Difficilement, tout de même, et seulement dans l'hypothèse où je m'isolerais, tel un ermite justement, loin des autres et des discussions des autres, où il est vital d'avoir vu ou lu ce dont tout le monde parle. Vital ? Non, bien sûr, pas vraiment. Alors, pas de films, pas de DVD, pas de télé (ça, c'est déjà fait).

    Les livres... Hmmm. Non, pas possible. Mais alors peut-être pas de nouveaux livres. Il me suffirait d'embarquer dans ma grotte ma bibliothèque actuelle, presque deux mille livres (on a compté, dimanche, par curiosité, avec ma douce), et si on ajoute ceux de ma chérie, alors nous devons dépasser les six mille, sûrement. Donc, je n'ai pas besoin de racheter, mais j'admets que c'est un peu tricher, si j'emporte ceux que j'ai. Parce que, non, je crois que j'aurais vraiment du mal à me passer de bouquins.

    La musique ? Là, oui, je peux m'en passer, je m'en passe déjà pratiquement, même si j'aime beaucoup m'écouter un morceau de classique ou une chanson de temps à autre, je n'ai déjà plus guère l'occasion de m'adonner à ce loisir. Pas de musique. OK. Pas de télé, pas de musique... Pas d'internet ? Difficile, là aussi. J'en ai besoin.  Gardons le net (mais du coup, c'est carrément tricher : il y a tout dessus : télé, musique, cinoche, nouvelles lectures). Bon, j'abandonne internet. C'est dur, mais faut ce qu'il faut.

    La voiture. Hmmm. Je m'en suis passé pendant plus d'un an, malgré mes enfants à la maison. Mais il faut dire que maman me prêtait souvent la sienne, aussi. Cependant, si je peux aller au travail à pieds, comme aujourd'hui, alors, oui, je crois que je peux vraiment et totalement me passer de voiture.

    Les sorties, les expos ? Facile, mais je sais que, du même coup, je me coupe de la fréquentation d'amis artistes précieux. Un véritable sacrifice. Le cinéma ? Je n'y vais déjà presque plus.

    Pour la bouffe, plus de viennoiseries, de saloperies sucrées, de gentils desserts. Si j'y parvenais, quel bonheur ! Une décision qui m'éviterait la honte de croiser des connaissances dans la rue, tandis que je plante mes mâchoires dans une énorme part de tarte aux pralines. Et plus de whisky, tiens, tant que j'y suis. Pas trop dur, dommage, mais pas trop dur. Jusque là, je me débrouille pas mal.

    La fréquentation des amis ? Euh... (la voix au fond de moi : "Un véritable ermite s'exile du reste du monde"). Alors ? Euh... ("et ta douce ?"), attendez... ("et tes proches, tes enfants ?") bon écoutez, on va arrêter là ! Je ne parlais que du matériel, n'est-ce pas ? ("Hin hin. Petit joueur")Je ne serai jamais un ermite, et puis merde.

  • Confusion des genres

    C’est un agacement déjà ancien, mais dont les accès d’adrénaline qu’il a provoqués ne s’atténuent pas. La diffusion de cette vidéo, où Gérard Longuet se gausse de Xavier Darcos, ministre de l’éducation, ravive ma colère et mon incompréhension. Darcos était venu présenter en commission un projet (de loi ? Je ne saurais le dire) pour tenter de limiter le nombre des suicides d’adolescents (dont la France a le triste record après le Japon, rappelons-le), en agissant d’abord pour les plus fragiles d’entre eux : les jeunes homosexuels. Il s’agissait de débattre de la manière dont l’encadrement enseignant pouvait apprendre aux autres élèves à mieux accepter la différence, essayer de casser le phénomène de l’homophobie, courant chez nous, et meurtrier. Et Longuet de se gausser en interrogeant ses "valeurs" (en gros : il faudrait savoir ce que l’on veut : Comment combattre la pédophilie, si l’on défend l’homosexualité ?). Ce raisonnement est d’une imbécillité et d’une pauvreté d’analyse atterrantes, le signe aussi d’une confusion des genres dont seule une pédagogie volontaire sur plusieurs générations aura peut-être raison. Je rougis de devoir rappeler que les cas de pédophilie sont le fait majoritairement d’hommes hétérosexuels, souvent pères de famille ou grand-pères (le cas le plus répandu) et que sont en jeu, non pas des stratégies de séduction entre adultes d’un même sexe, mais un besoin radical de soumission de l’autre, à qui l’on peut accessoirement imposer le secret. Je ne nie pas qu’il peut exister des cas de pédophilie infligée par un adulte homosexuel (d’ailleurs, je n’en ai pas d’exemples), mais les déterminants ne sont pas liés spécifiquement à l’orientation sexuelle.

    Qu’on trouve ce genre de propos autour d’une tablée peu instruite ou au comptoir du café du coin, passons, mais qu’un membre de l’élite politique du pays, nourrisse encore cette confusion, me fout dans une colère…

  • Injuried

    Marche plus vite, connard !

    L’invective est lancée depuis la vitre ouverte d’une voiture qui passe. J’ai le temps de lever le regard et de découvrir un joli minois de jeune femme, hilare, à l’unisson des autres passagers dont je devine la présence à l’arrière, sous la forme d’épaules et de têtes sombres qui tressautent. C’était purement gratuit et inoffensif, bien sûr, et pas dirigé spécialement contre ma petite personne. J’ai pourtant ressenti la brûlure de l’humiliation, quoique brièvement, et j’essaie de me raisonner. Ce n’est rien, c’est idiot, un truc de gamins. N’empêche. Je me demande ce que j’ai fait pour provoquer cette insulte. Et puis je repense au livre (« l’Amant des morts », Mathieu Riboulet, couverture orange) que je tiens en main. « Connard » ? Ben oui. Je ne pouvais être qu’un de ces intellectuels, un peu pédé sûrement, un peu marginal, jamais satisfait de rien, un de ceux qui se prennent la tête sur des machineries inutiles, imbus d’eux-mêmes, un de ces intellos qu’on moque à la récré, qu’on évite dans les soirées, à qui on passe la bite au cirage à l’armée. J’ai poursuivi mon chemin en serrant le livre plus fort contre moi.

     

    (à propos du titre : ne vous inquiétez pas, je sais que "injuried" ne signifie pas "injurié", mais je suis sûr que vous aurez compris)

  • Théorisibles

    J’adore théoriser pour rien, manipuler des concepts ridicules et les mener au bout, à partir de petites réflexions du quotidien. Un art de la théorie du minuscule. Par exemple : Pourquoi est-ce que, quand il s’agit d’ouvrir porte ou portière avec une clé, on met toujours –d’abord- la main dans la mauvaise poche (souvent la droite, tandis que le trousseau est à gauche) ? Permettez-moi d’exposer ma théorie : La main droite étant celle de l’action (pour moi qui suis droitier, entendons-nous. Pour les gauchers, vous n’avez qu’à inverser), j’ouvre une porte, clé en main droite. La gauche étant celle du passif, de l’effacement et du retrait, quand la porte est ouverte, la droite lui confie automatiquement la clé devenue inutile. Et la main gauche range la clé dans la poche qui se trouve de son côté. Lorsque je reviens à cette porte pour la refermer, ma main droite se dirige naturellement vers la poche droite et, fatalement, ne trouve pas la clé. CQFD.

    Autre exemple : un bouton au milieu du dos ne peut être très bien gratté que par un tiers, et un tiers forcément amical. Je postule que l’incapacité humaine à se gratter dans le dos, est un facteur essentiel du grégarisme atavique du genre humain, et la source des premières manifestations d’alliance. Je placerais d’ailleurs ce tournant marquant à l’époque où Australopithecus se baladait dans la savane, commençait à se dresser sur ses deux pattes arrière. La station verticale lui procurant l’avantage de voir plus loin et d’être prêt à courir en cas de danger. Vous avez bien lu : la savane. Et quelle est la particularité de la savane ? La quasi absence d’arbres (souvent occupés d’ailleurs par les grands prédateurs). Résultat : impossible de se gratter le dos contre un tronc, d’où la nécessité de faire appel à un congénère. Voici l’humanité en marche, la société en germe, le noyau familial naissant.

    J’ai adressé un dossier synthétisant cette brillante théorie à Yves Coppens qui n’a pas répondu pour l’instant.

  • Le petit chat est mort, ou il risque de

    Discussion d’hier, qui aurait pu tourner vinaigre (car remise sur le tapis de façon complètement artificielle et agressive), au sujet de la liberté laissée aux chats. Un chat en liberté risque de se faire écraser. Si on aime un chat, on l’enferme. Pour la vie. Point. Je défends l’idée inverse : si on aime un chat et à condition d’avoir, comme moi, un vaste terrain de chasse à disposition, on le laisse sortir comme il veut, quand il veut, nuit comprise, avec le risque qu’il se fasse écraser sur la route un jour, effectivement. Je comprends et admets absolument l’option sécuritaire, mais « on » a beaucoup de mal à respecter ma vision des choses, apparemment. C’est l’éternelle distinction qu’il y a entre aimer un animal pour soi, ou l’aimer pour lui-même. Il me semble que la vie c’est le risque. Bref, je passe pour un bourreau insensible aux yeux de certains, parce que mes chats ont eu la chance de risquer de vivre. A ce jour, sur les (je ne sais pas : cinq chats) que j’ai eus, un seul est mort écrasé. Je le regrette, j’ai eu beaucoup de peine, et je n’ai plus eu de chat ensuite (sauf un, pendant quelques années, pour ma fille), mais ça ne m’a jamais convaincu d’enfermer un prédateur à perpétuité.

    C’était notre rubrique « quand on sèche, on pense aux agacements de la veille, et ça fait toujours un truc à raconter ».

     

  • La Chine, plus tolérante que la France ?

    Lei et benoît s'aiment. Le titre de séjour de Lei est refusé parce que ses études s'arrêtent là. En fait, elle avait pris pour sujet de thèse le Tibet. Le sujet ne plaît pas, on lui refuse, elle n'a donc plus de possibilités de séjourner en France. Elle doit partir. Quand on aime quelqu'un, évidemment, on ne la regarde pas s'en aller en faisant un geste de la main : on part avec. Nouvelle terre d'accueil, la Chine. Avouez que c'est un comble.

    Ma douce France, qu'es-tu devenue ?

    http://www.dailymotion.com/search/ban+public/video/x7lnqg_interview-de-lei-et-benoit_news

  • Rachida et les juges

    Juste ces quelques mots, parce que je lis sur certains sites la montée de la protestation des magistrats contre leur ministre de tutelle. Au point qu'il a été impossible à son cabinet de réussir à convaincre des juges de venir dîner avec elle, pour la photo, pour montrer que, finalement, ses subordonnés l'apprécient. On sait également qu'un nouveau directeur de cabinet, suivi de son adjoint, ont encore démissionné, on doit en être à plus de vingt départs, autour de l'insupportable Dati. Bon. les magistrats sont très remontés, tout le monde la déteste, la grogne se fait plus pressante, Nicolas, le soutien indéfectible, commence à laisser échapper des mots d'agacement contre son ancienne amie. OK. Tout ça n'est pas vraiment pour me déplaire, mais à la réflexion...

    Est-ce que les juges se révoltent contre une justice policière, payée au chiffre, capable d'enfermer des enfants de douze ans, qui assomme sans détail quiconque récidive, qui fiche génétiquement, qui électrocute, cogne, menotte pour un regard, qui prône une répression toujours plus dure, inique, en complète contradiction avec la tradition des droits de l'homme dans  ce pays ?

    Non, ils détestent Dati parce qu'elle les méprise. Parce qu'elle ne prend pas de gants, parce qu'elle se soucie comme d'une guigne de leur avis.

    Alors, vas-y, Rachida, emmerde-les encore un peu.

  • Pression sur la presse

    Avant les élections, je vous avais prévenus. Maintenant...

    http://www.rue89.com/2008/11/24/journaliste-en-france-un-metier-de-plus-en-plus-risque

  • Le cours du temps

    Demain soir, il est possible que je sois en mesure d'annoncer une autre bonne nouvelle. Ou bien attendrais-je ?

    Je me suis levé tôt ce matin, très tôt. J'ai fini de décorer mon ballon de rugby (difficile de dire que je l'ai peint, comme le suggérait la commande passée), il ressemble à un oeuf de Fabergé maintenant, brillant de ses feux dans la pénombre de l'appartement, accrochant le moindre jet de lumière. Je ne suis pas mécontent.

    Pour la signature du 13 décembre, je suis rassuré. Le nombre minimum que je m'étais fixé est dores et déjà atteint. Tout va bien. J'envisage plus sereinement la suite des événements. Merci les amis (et encore, je n'ai pas pu tous les contacter). C'est cette réponse affective, immédiate qui me fait vraiment plaisir. Chacun a compris que j'avais besoin de soutien. A travers ce geste, je lis tant de gentillesse que j'en suis bouleversé.

    L'amour des autres, il va falloir le gérer. Je veux dire qu'il m'est arrivé avec Kronix de ressentir une forte mélancolie, une tristesse oui, quand malgré mes efforts, les visiteurs uniques se faisaient plus rares. Avec le livre, il faut que je reste prudent, ne pas me morfondre dans un sentiment de désamour ou d'abandon, sous prétexte que, soudain, plus personne n'achète rien de moi. Je vois, sur les salons, une autre auteure, admirable, au talent singulier, éditée plusieurs fois, mais dont le dernier livre se vend très mal. Je sais qu'elle déprime en ce moment. J'ai tenté de la voir sur le dernier salon où j'espérais la rencontrer, la soutenir, l'encourager : elle n'est restée que quelques dizaines de minutes puis est partie, exaspérée de rester derrière sa table pour ne vendre qu'un exemplaire sur une journée. Même si je suis persuadé qu'elle se fiche de vendre, d'ailleurs, mais rencontrer quelqu'un, non.

    Il faut donc que je sois prudent, il faut que je sois convaincu de la vanité, du dérisoire de tout ça, que succès ou indifférence n'ont pas d'importance (pour le succès je suis tranquille, mais je sais que l'indifférence peut me blesser, inconsidérément).

  • La peur

    Savez-vous qu'on commande de plus en plus souvent "Mein Kampf" dans les librairies ?

    Personne n'en parle, n'est-ce pas ?

     Puisqu'on parle de peur, un petit rendez-vous : un apéro-philo, le 6 juin à 19h00 à Saint-Haon le Châtel (Loire), au "passage secret", lieu délicieux et propice.

  • Résistances

    Michel Onfray illustre la force des micro-résistances par le principe de Gulliver, c'est -à-dire qu'un lilliputien ne peut rien, tout seul, contre le géant (comprenez l'ultralibéralisme), mais des milliers de lilliputiens, tenant chacun un lien, réussissent à l'immobiliser -ensuite, les négociations peuvent commencer, au moins. Dans une magnifique magnifique magnifique BD de Deschamps et Auclair, racontant l'histoire de la ville d'Ys : Bran Ruz, le même principe était imagé par la parabole de la pierre sur le chemin : "Vous n'êtes déjà plus seuls ! Et lorsque vous sentirez venir le doute et le découragement, regardez seulement les pierres du chemin. D'habitude, elles courbent peureusement le dos sous la roue de la charrette, et pourtant une seule, relevant la tête, suffit à endommager la maudite roue de cette maudite charrette, parfois même à la briser... Alors, dix, cent, mille, des milliers de pierres relevant la tête..." La sagesse populaire a choisi une autre image : "les petits ruisseaux font de grandes rivières". Ne croyons pas que nous ne pouvons rien faire, à notre échelle, pour améliorer le monde. Le pouvoir, c'est nous qui l'avons.

    Des exemples ? Philippe Caza (oui, le dessinateur de BD), régulièrement et souvent avec humour, envoie depuis des années, sous forme de lettre ouverte adressée par courriel à ses contacts, de multiples éléments de réflexion sur l'écologie, des revues de presse, des liens sur des sites pointus. Il oeuvre pour constituer un réseau pensant autrement. Dans ma petite ville, il y a 3 ou 4 mois, s'est ouvert un "café associatif" entrepote, versé dans le réseau solidaire, et dont les adhérents ont des tarifs privilégiés sur des produits bio locaux (réseau sans lequel les agriculteurs bio ne survivraient pas ou mal). Autre exemple, dont j'étudie l'acuité de regard en ce moment-même, la revue et le site l'âge de faire, multiplient les conseils, font le point des initiatives, analysent et dissèquent les attitudes politiques des uns et des autres, bref, font oeuvre citoyenne aussi.

    On pourra penser que tout ça n'est pas exempt de naïveté, mais cette forme d'écologie militante a finalement toujours été en avance, a seulement eu le tort d'avoir raison trop tôt. Les oreilles de Gulliver étaient trop éloignées de la voix des lilliputiens qui lui criaient d'arrêter de massacrer tout ce qui l'entourait, que ça finirait mal.

    Selon moi (ceux qui me connaissent savent mon désenchantement), il est déjà trop tard. le point de non-retour est dépassé. Ce qui n'empêche que, pour l'honneur, il faut se battre.

    "Que dites-vous, c'est inutile ? Mais on ne se bat pas dans l'espoir du succès ! Non, non, c'est bien plus beau lorsque c'est inutile." je ne mets pas la référence, j'espère que vous avez reconnu.

  • Bien punis !

    La municipalité de la ville qui m'accueille depuis l'enfance multiplie les chantiers et, conséquemment, les visites de chantier. Pas seulement les visites techniques, mais les visites « touristiques ». Les habitants sont invités à venir constater l'évolution des travaux, la justesse des choix urbanistiques et le bon emploi fait de l'argent des contribuables. Des centaines de personnes eurent ainsi l'occasion de parcourir, bottés et casqués, les excavations d'un futur grand complexe cinématographique ou l'élévation d'un nouvel immense centre hospitalier. Mais le nombre des demandes, déjà impressionnant, a été décuplé ces derniers jours. Le quidam trépigne en effet de visiter le chantier... du futur centre pénitentiaire.

    On pourrait gloser longtemps sur ce brusque engouement et ses raisons. Pour moi, une phrase retenue par un agent qui a reçu une demande d'inscription aux visites, résume bien l'état d'esprit des futurs visiteurs : « Il paraît qu'on va mettre la télé dans la prison ? ».

    Voilà. Le brave administré veut seulement vérifier que son argent ne va pas servir à construire de trop belles cages, trop spacieuses, trop luxueuses. Il veut être sûr qu'on construira des cellules petites, sombres, incommodes, sans télé, humiliantes. Il veut s'assurer enfin que le condamné sera bien puni, comme il le mérite. Tandis que la municipalité bénit en souriant ce voyeurisme pervers, cette bassesse de misère célinienne...

    Badinter avait dit là-dessus qu'il s'était longtemps confronté à ce problème : le grand public n'admet pas que la qualité de vie d'un prisonnier soit supérieure à celle des plus miséreux de la société. Vu le paupérisme terrifiant des couches les plus basses du système, on devine que la présence d'une télévision, d'un peu de chauffage, d'eau courante et de toilettes, parait le comble du laxisme à certains.

    La qualité d'une société se juge à l'état de ses prisons. Pas de doute.

  • Classer les galaxies

    Un bon niveau d'anglais, des yeux, et une liaison adsl, c'est tout ce qu'il vous faut pour participer à ce projet :

    http://galaxyzoo.org/

    Il s'agit simplement d'aider les astronomes à classifier quelques millions de galaxies. l'oeil humain étant plus performant que l'ordinateur pour distinguer rapidement une galaxie en spirale d'un amas stellaire, les astronomes (pas assez nombreux) font appel à tous les internautes intéressés. Le web comme ça, j'aime vraiment.

    Et à part ça, bon anniversaire ma puce.

  • Noël quand même

    Pourquoi est-ce que Noël, parmi le fatras consumériste des fêtes à répétition, conserve encore de sa magie ? Pour moi, en tout cas. Je ne prends l'occasion de la fête des mères que pour offrir à la mienne quelque chose qui lui manque, je dédaigne carrément la fête des grand-mères et il ne faut pas compter sur moi pour un brusque élan de romantisme le jour de la Saint-Valentin, quant à Halloween....

    Noël résiste à la putasserie commerciale (bien que l'on en connaisse, pour ce qui est de l'aspect visuel, les racines américano-cocacoliennes). Une aura subsiste qui me fait savourer encore la décoration du sapin et le repas de famille. Sans doute que j'en garde personnellement de bons souvenirs d'enfance, peut-être aussi que les images de nos enfants, déballant des cartons plus grands qu'eux, submergés de papiers cadeaux multicolores, restent au fond de moi comme un exemple que le bonheur parfait est possible. Peut-être enfin que, contrairement aux autres fêtes -et habituellement pour l'instant- Noël se célèbre dans le froid. Par contraste, la chaleur du foyer, l'imagerie des décors portés vers l'incandescence : bougies, or, rouge, paillettes, étoiles... en font un moment singulier, où le sentiment du clan s'exacerbe. En tout cas, quoi qu'en disent beaucoup de mes potes, c'est une fête que j'adore. Je refuse de nier le plaisir que j'ai à la partager.

    Un ami me confia un jour que le rituel obligé du repas, des cadeaux et du décorum gnagnan suivi avec bonhomie par tous, dans un élan de beauferie généralisée, l'insupportait. Avec d'autres amis partageant cette réaction, ils décidèrent de célébrer Noël le 3 janvier, pour marquer leur désaccord. C'était un ami dont la fréquentation m'était agréable. Je n'osai lui dire que je trouvais très con de s'imposer ainsi de nouvelles contraintes, et que fêter de façon décalée, c'était tout de même fêter. Je voyais dans leur décision collective, une manière de se distinguer à bon compte et en somme, l'expression d'un mépris pour les autres qui, comme moi, masse abrutie par la société de consommation, se prêtent docilement au jeu du rendez-vous festif institutionnalisé.

    Je l'ai un peu perdu de vue, pour d'autres raisons, et je me demande si, cette année, il va fêter Noël le 27 décembre, par exemple. Se casser la tête pour des trucs comme ça...

  • Temps immémoriaux

     Difficile de déterminer quel atavisme prévaut dans la construction de notre propre psychologie et des choix qu'elle engendre. J'explique. Je considère souvent les actes, les arts, les grandes questions de l'existence, à l'aune de temps immémoriaux, dans une fourchette de cinq à cinquante mille ans. Ma première préoccupation est de comprendre si cette disposition à ne voir la vie que comme une agitation dérisoire au regard de l'éternité est originelle et m'a inspiré mon amour pour la préhistoire et les vastes échelles géologiques, ou si ma précoce fréquentation de sites préhistoriques, de terrains renfermant des fossiles, m'a apporté cette distanciation millénaire. Je ne peux pas répondre, d'où l'intérêt de la question. Seules les questions des civilisations demeurent, leurs réponses sont effacées (ne vous emballez pas sur cette dernière phrase -si vous l'avez lue- elle est absolument inintelligente, n'a aucun sens, bien qu'elle semble en avoir, c'est mon côté Christian-Bobin-pour-rire).

    Quoi qu'il en soit, en prenant pour mesure de telles ères temporelles, la plupart des actes des hommes semblent vains, l'art n'en parlons pas (bon ou mauvais, avant-gardiste ou suiviste, deux-mille saisons qui passent mettent tout le monde à égalité), et finalement, à la réflexion, la seule entreprise qui signe la réussite des hommes à travers le temps, c'est leur procréation.

  • Travailleurs sociaux en prison

    Extrait d'un communiqué de la Ligue des Droits de l'Homme :

    Paris, le jeudi 22 novembre - Chaque soir, sur la place du colonel Fabien dans le 19ème arrondissement à Paris et à proximité, apparaissent quelques centaines de personnes principalement originaires d’Afghanistan, d’Iran et d’Irak.

    Elles viennent chercher quelques nourritures de subsistance et un hébergement d’urgence, en attendant pour la plupart de trouver une route qui les amène enfin en Angleterre. C’est comme cela depuis la fermeture de Sangatte en 2002, et particulièrement depuis plus d’un an.

    Dans cette cour des miracles d’un autre siècle, village éphémère quotidien de deux heures, l’action des équipes de France Terre d’Asile, en plein accord avec les services de l’Etat, consiste à repérer les probables mineurs ou personnes en état d’extrême vulnérabilité, à les mettre en urgence à l’abri, à leur donner une information sur le droit d’asile et à les mettre en garde sur les risques du passage vers l’Angleterre.

    Une gageure dans la plupart des cas, mais qui permet à un cinquième de cette population de s’inscrire dans une démarche de protection en France.

    Les autres, les acteurs institutionnels et associatifs le savent, repartent par le biais de multiples réseaux, où les plus forts font régner la loi des seigneurs de la misère.

    En somme, le travail social réalisé à cet endroit est un pis allé à la définition cohérente d’une politique publique d’accueil et de protection, voire, si l’on épouse ce point de vue, de sécurité publique. Mais nous l’assumons.

    Ainsi, quelques milliers de personnes ont transité par cette place depuis l’hiver dernier. Elles ont passé des dizaines de frontières, séjourné pour certaines d’entre elles dans les madrasas au Pakistan ou ailleurs, servi d’interprètes aux forces françaises stationnées en Afghanistan, été interpellées par la plupart des polices d’Europe, ont parfois été détenues dans les prisons européennes, iraniennes, turques. La plupart vivent dans des conditions inhumaines d’expédients divers. Sans autorisation de séjour, sans droits. Et cela dure, et rien ne change.

    C’est dans ce contexte que le Parquet de Boulogne-sur-Mer a décidé, le lundi 19 novembre 2007, d’interpeller, au petit matin à Paris, deux de nos intervenantes sociales. Comme dans les fictions, pour juguler le crime, il fallait bien une arrestation à domicile, une perquisition et un transfert menotté vers Calais.


    Le délit supposé : complicité d’aide au séjour irrégulier en bande organisée. Rien que cela. La faute de nos salariées ? Avoir transgressé la frontière très ténue entre engagement professionnel et personnel en transmettant leur numéro de portable privé à certains jeunes Afghans, pris en charge par notre organisation et qui semblent impliqués dans une affaire d’aide au séjour irrégulier. Leur avoir remis une carte à l’entête de France Terre d’Asile, sans autre valeur que symbolique, attestant que ces personnes faisaient l’objet d’un suivi social dans nos services.

  • Rouge Sève

    "Rouge sève", est le titre du reportage-photo de Christian Verdet, fait au Liban l'an dernier.

    Christian donnera à cette occasion, ce soir, une conférence à la Maison de l'étudiant à Roanne, 12, avenue de Paris.

    1372d3a06d78a2e15158be315e0909f0.jpgAu passage, Christian m'a envoyé cette photo de Moâ, un portrait en lecteur et non, je ne suis pas hydrocéphale, merci.

  • on a perdu la lune

    Plaçant un commentaire sur le blog de Finis Africae (un billet génial, je vous le conseille), je me suis souvenu de cette info.

    D'une certaine façon, la perte de documents aussi importants me rassure. C'est qu'il existe un peu partout des documentalistes médiocres, donc probablement aussi dans les ministères de l'intérieur du monde entier, qui ne sauraient pas retrouver les listes des opposants politiques, si une dictature potentielle les exigeait. (je ne suis pas sûr d'avoir été très clair sur ce coup-là).

    Pour me faire mieux comprendre, cet extrait d'un écrit plus ancien :

    "Il y a eu cette notion que je m'appliquais à défendre, sans véritable conviction : le monde serait pire sans les médiocres. A me frotter à l'énergie inépuisable de mes frères, considérant qu'elle leur permettait de négliger leurs enfants, de partir plus loin en vacances, d'acheter de plus grandes piscines et de manger moins gras, je me suis d'abord laissé convaincre que le bilan de l'efficacité était négatif à l'échelle individuelle. Reporté à l'échelle des nations, la compétence comporte des dangers d'une autre nature. Elle permet de distinguer avec plus de netteté ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas ; elle permet d'isoler les éléments improductifs, les tarés et les feignants, elle détermine des talents, des aptitudes et des assuétudes, elle remarque les gènes positifs, les races supérieures. Elle fait le tri dans l'énorme matériau humain. La compétence et l'efficacité sans frein mènent tout droit aux camps de la mort.

    Heureusement, les faibles, les maladroits, peuvent à tout moment faire capoter le grand projet des forts. Heureusement, l'humanité a sa réserve naturelle de médiocres qui la retient de foncer dans le mur avec le moteur surpuissant que ses éléments les plus intelligents ont su lui construire."

    Oui, je meuble si ça me chante.

  • Toute proche

    Elle est passée tout près, a emporté le frère d'un ami. Hier. Elle nous entoure. La mort. Elle est partout ; parfois plus manifeste et jamais épuisée. Sur les fresques des églises, en partie effacée, la camarde entraîne le bourgeois et ravit l'enfant au berceau, elle est aveugle et ricane. "C'est injuste", me disait P. hier. Pas plus que la vie n'est juste. L'une et l'autre n'ont aucun sens, ne disent rien du monde, ne donnent aucune clé. Nous sommes seuls toujours, côtoyant ces deux forces sans repos. Parfois, l'on peut croire que l'une l'a emporté sur l'autre, mais c'est une vue de l'esprit. Me revient souvent la phrase terrible de Beckett dans "en attendant Godot", qui résume exactement et complètement ce que je pense de tout cela : "(les femmes) accouchent à cheval sur une tombe, le jour brille un instant, puis c'est la nuit à nouveau."

    Voilà pourquoi je vous somme d'être heureux, le temps de cette brève brillance du jour.

     

  • Scénarii du futur

    En attendant des billets plus substantiels (beaucoup de travail en ce moment), je vous invite à lire ce court article du Monde.fr. Il y est question des différents scénarii de politique économique (du tout-libéral au tout-écologique) élaborés par l'ONU. Résultats sans appel. Mais qui s'en étonnera ?