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Matières à penser - Page 28

  • Optimistes

    Le Figaro.fr fait une liste de 30 raisons d'être optimistes. Je vous passe les détails, il n'est question que de déco, de superficiel, de futilités à la mode et parmi elles, on peut lire ça : "Plus d'attente au cinéma : Le ciné sans guichet, c'est comme le supermarché sans caissière..."

    L'inconséquence de ces gens...

  • 2011 par Stéphane Hessel

    Autant laisser la parole à celui qui, aujourd'hui, incarne la faculté de s'indigner et de résister...

    Grâce à Mediapart, qui ouvre ces voeux à tous, je reproduis la déclaration de l'auteur de "indignez-vous !", Stéphane Hessel :

    "Mes chers compatriotes,

    La première décennie de notre siècle s'achève aujourd'hui sur un échec. Un échec pénible pour la France ; un échec grave pour l'Europe ; un échec inquiétant pour la société mondiale.

    Souvenez-vous des objectifs du millénaire pour le développement, proclamés en 2000 par la Conférence mondiale des Nations Unies. On se proposait de diviser par deux en quinze ans le nombre des pauvres dans le monde. A la même date, on entamait une nouvelle négociation pour mettre un terme au conflit vieux de trente ans du Proche Orient – les Palestiniens auraient droit à un Etat sous deux ans. Echec sur toute la ligne! Une plus équitable répartition entre tous des biens communs essentiels que sont l'eau, l'air la terre et la lumière? Elle a plutôt régressé, avec plus de très riches et plus de très très pauvres que jamais.

    Les motifs d'indignation sont donc nombreux. Ce petit livre Indignez-vous! – qui a eu un extraordinaire succès auprès des parents, et plus encore de leurs enfants, auxquels il s'adresse –, c'est quelque chose qui me touche profondément. De quoi faut-il donc que ces jeunes s'indignent aujourd'hui? Je dirais d'abord de la complicité entre pouvoirs politiques et pouvoirs économiques et financiers. Ceux-ci bien organisés sur le plan mondial pour satisfaire la cupidité et l'avidité de quelques-uns de leurs dirigeants ; ceux-là divisés et incapables de s'entendre pour maîtriser l'économie au bénéfice des peuples, même s'ils ont à leur disposition la première organisation vraiment mondiale de l'histoire, ces Nations Unies auxquelles pourraient être confiées d'un commun accord l'autorité et les forces nécessaires pour porter remède à ce qui va mal.

    Au moins nous reste-t-il une conquête démocratique essentielle, résultant de deux siècles de lutte citoyenne. Elle nous permet de revendiquer le droit de choisir pour nous diriger des femmes et des hommes ayant une vision claire et enthousiasmante de ce que la deuxième décennie qui s'ouvre demain peut et doit obtenir. Voilà la tâche que je propose à tous ceux qui m'écoutent. Qu'ils prennent appui sur les auteurs courageux qui se sont exprimés ces derniers mois, sur Susan George et son beau livre Leurs crises, nos solutions, sur Edgar Morin et son dernier tome L'Ethique, sur Claude Alphandéry et ses propositions pour une économie sociale et solidaire. Avec eux, nous savons ce qu'il est possible d'obtenir.

    N'attendons pas. Résistons à un président dont les vœux ne sont plus crédibles.

    Vivent les citoyens et les citoyennes qui savent résister!"

  • Je comprends mieux...

    Sur le site "Lemonde.fr", cet article qui souligne les résultats d'une étude récente où il apparaît que les enfants nés en décembre commencent dans la vie scolaire avec un handicap, certes, mais surtout subissent les conséquences de ce mauvais départ toute leur vie.Au point que "ces onze mois de maturité en moins sont presque aussi discriminants que le fait d'être fils d'ouvrier plutôt que fils de cadre".

    "Ils sont sagittaires ou capricornes, mais là n'est pas leur problème. C'est de n'avoir pas su attendre l'an neuf dont souffrent les natifs de décembre. Julien Grenet, chercheur en économie au CNRS et à l'Ecole d'économie de Paris, a mis à jour le fait qu'un natif de la fin de l'année gagne toute sa vie active 1,5% de moins que s'il était né en janvier. Soit un manque à gagner de 12 000 euros sur une carrière complète de 42 années au salaire médian de 1580 euros net mensuels."

     

    Pour des raisons personnelles que vous devinerez aisément, je me sens très concerné par ce problème.

    A lire ici.

  • 2012

    Il semblerait que la traduction qui a servi à décrypter les correspondances du calendrier Maya et du nôtre, soit fausse. La fin du monde ne serait donc pas pour 2012. Ce qui laisse d'heureuses perspectives pour les prochaines élections (il ne s'agirait bien sûr que de notre petit monde hexagonal, mais il faut bien commencer quelque part).

     

  • Irréversible

    "La vie d'un homme peut réellement tenir à un cheveu. Claude Jones, a été condamné à mort aux Etats-Unis en 1990 et exécuté dix ans plus tard au Texas à cause d'un cheveu trouvé sur les lieux d'un crime. A l'époque de sa condamnation, l'analyse au microscope dudit cheveu avait permis d'établir une comparaison satisfaisante avec les siens, et prouver qu'il était présent au moment des faits.

    Mais des tests ADN ont prouvé jeudi 11 novembre que le cheveu sur la base duquel Claude Jones a été exécuté ne lui appartenait pas. Rendus publics par le journal Texas Observer, qui les a en partie financés, les tests ADN "excluent Claude Jones des propriétaires possibles du cheveu étudié", assure le laboratoire Mytotyping Technologies. Selon lui, le cheveu appartenait à la victime, un commerçant tué dans un braquage en 1989."

     

    La suite sur "LeMonde.fr"

  • Le sens de l'essentiel

    Un grand ménage dans greniers et caves est l'occasion de repenser une époque révolue, pourtant pas si lointaine. Sans parler d'amélioration de nos comportements, on peut juger d'un déplacement dans les objets du désir de consommation. Voici que surgissent des cartons quantité d'appareils imbéciles, utilisés trois fois maximum et remisés dès la fête finie. Vous vous souvenez des ouvre-boîtes, des couteaux, des ramasse-miettes, des moulins à café, des presse-citrons électriques, des chauffe-plats ? Ces machins forcément pratiques qu'on mettait un quart d'heure à mettre en place quand on parvenait à remettre la main dessus, et dont on découvrait à chaque usage qu'un tour de main suffisait. Que d'énergie, que de matière grise, que d'argent, perdus dans cet amoncellement technologique qui tache d'orange et de beige les étals des brocantes miteuses, aujourd'hui !

  • La vigilance, toujours...

    Je reprends ici un communiqué du Parti Ouvrier indépendant qui soulève un problème important (un de plus, oui je sais)

    "Les centres d’IVG ferment les uns après les autres dans la région parisienne : Saint-Antoine, Broussais, Tenon, Saint-Germain à Poissy, Avicenne à Bobigny, Jean-Rostand à Ivry, et aussi en province : Chalon-sur-Saône, Nevers, Lyon, Thiers, Moissac, etc.

    Cette politique est la conséquence de la mise en œuvre, par les agences régionales de santé, de la loi Bachelot (loi HPST) qui, en regroupant les établissements hospitaliers, supprime des services, des maternités et des centres d’IVG.

    Par ailleurs la tarification à l’acte (T2A) incite les hôpitaux à ne plus pratiquer des IVG, qui sont considérées comme « non rentables ».
    Cette politique remet en cause le droit à l’IVG, c’est-à-dire le droit fondamental des femmes au libre choix.

    Le POI condamne cette politique de régression, il dit non à la fermeture des centres pratiquant les IVG et exige :
    La réouverture des centres fermés ;
    Le droit à l’IVG sans aucune restriction ;
    L’abrogation de la loi Bachelot de démantèlement de l’hôpital public, mise en œuvre par les ARS.

    Ce sont  ces mots d’ordre que le POI (Parti Ouvrier Indépendant) fera connaître lors des initiatives prises en défense de l’IVG,  notamment le 6 novembre ."

  • Enfer des origines

    La peur incontrôlable de mon inculture, ma frustration de ne pas connaître tel auteur dont on me parle, la consolation que je cherche auprès de Sénèque qui conseille de préférer la relecture de quelques ouvrages plutôt que la vaine dispersion dans des centaines d'autres... Tout cela, tout cela parce que j'ai commencé par Hugo au lieu de Rimbaud !

  • Fichier > Rechercher

    Pour en revenir à ce billet facile, je voudrais préciser tout de même combien, déjà, pour un lecteur pourtant amoureux du papier, l'habitude de travailler avec l'ordinateur a changé mon rapport à la lecture. Je me découvre impatient quand je veux retrouver un passage précis, dans un livre remisé depuis longtemps. Je feuillète, accroché au souvenir visuel de ma lecture (deuxième tiers du livre, page de droite, en haut, telle forme de paragraphe, italique ou non), m'agace de chercher plus de dix minutes. Car il suffirait d'aller sur le Net, d'utiliser la fonction « rechercher » avec un mot-clé, et en quelques minutes, j'aurais sous les yeux ce fichu extrait. Plus largement, pourquoi s'encombrer de tous ces livres, fermés sur leurs mystères, muets si on ne leur arrache pas dans la force et la peine ce que l'on souhaite d'eux ?

  • Le soir, sur la lacune

    On vient de m'interroger sur la clavette de Donnersberg. J'avoue que c'est une donnée assez lointaine pour moi, mais elle nous a permis dix bonnes minutes de discussion sur la notion de lacune.

  • Révolution technologique

    Cela nous vient d'Espagne. J'ai testé, ça marche. Vidéo de présentation du BOOK, produit révolutionnaire, en effet. Même sans traduction, je crois qu'on comprend bien.

  • Autocritique

    C'est évidemment très prétentieux de se poser en juge, de quoi que ce soit. Et chaque fois que je me suis laissé aller à distinguer entre ce qui selon moi est bien et ce qui n'est pas bien, je l'ai fait naïvement convaincu de mon bon droit, avant de découvrir que mon jugement -pour inefficace et discret qu'il soit- avait pu faire du mal à l'intéressé(e). Ensuite, le remords me gagne et je me sens mal. Il faudrait bien que j'arrive un jour à réconcilier mes pensées et mes actes : en gros, ne pas blesser inutilement les autres ; mais rien à faire, devant les couronnements de lauriers disproportionnés ou immérités (y compris quand j'en suis le bénéficiaire, d'ailleurs), me viennent des imprécations irrépressibles. Et je les livre, au lieu de me taire, comme je devrais. Parce que je ne pense jamais être en capacité de toucher ma cible. Je veux dire qu'il m'est arrivé d'être attaqué sur mon travail (je me souviens d'un article cuisant sur une scénographie d'expo, il y a longtemps), tandis qu'autour de moi on se morfond, à la vérité, ça m'amuse plutôt. Je suis toujours un peu spectateur de ma vie, et je trouve souvent les critiques justifiées. Parfois elles m'agacent : un article mal écrit, mal ficelé, confus, à peine relu, qui critique le style du « Baiser de la Nourrice », oui, il est vrai que c'est très énervant ; mais en général, les réserves émises ressemblent à celles que je peux avoir sur mon propre travail. Je suis donc d'autant plus décontenancé quand mes critiques sont reçues comme des coups de poignard ou autre métaphore excessive. C'est regrettable. Autrement dit, ma chère Anne, je te demande pardon.

  • 50%

    Beaucoup de chantiers d'écriture en ce moment, et la volonté de ne travailler qu'à mi-temps à partir de janvier 2011, pour faire face. Un drôle de virage dans l'existence, pas encore un changement radical, mais une décision importante. Ce qui est incroyable, voyez-vous, c'est de découvrir son propre fonctionnement psychologique. En effet, ma douce et moi tournions depuis quelque temps autour de cette question : comment me donner davantage de temps pour me consacrer à l'écriture ? (oui, nous réfléchissons à deux à ce genre de problème, tant j'ai son soutien franc et entier). M'arrêter ? Calculs, re-calculs... très difficile de le faire absolument. Une année de congés sans soldes ? Possible, sur le papier, nous avons mis un peu d'argent de côté, de quoi tenir un peu plus d'un an, après... et mon employeur actuel peut très bien ne pas me reprendre, ou pas avant un temps exagérément long, on m'a bien prévenu. Le mi-temps ? Oui mais : ma douce au chômage, la retraite qui s'éloigne d'autant (oui, éh oui : je ne suis pas un grand aventurier, voyez-vous), calculs, re-calculs, re-re-calculs, difficile, difficile... Jusqu'à ce que je me rende compte que je ne peux pas faire autrement, qu'il FAUT absolument que j'ai du temps pour moi, pour écrire et pour lire. Un jour, il nous apparaît tout simplement qu'il n'y a pas d'autre alternative. Je fais ma demande (j'attends encore la réponse à ce jour) et nous écarquillons les yeux : comme tout paraît simple et évident, alors ! Une fois la décision prise, tout s'est éclairci brusquement, comme une plaine qu'un nuage découvre, et nous avons compris que le seul blocage, la seule raison qui causait notre hésitation, était dans nos têtes, pas dans les difficultés matérielles envisagées qui, maintenant que la décision est prise, nous paraissent bien dérisoires. Je suppose que cela vaut pour bien des cas dans l'existence, où nous sommes encombrés de nos propres craintes. Les calculs servant, non pas à en quantifier les risques, mais à les conforter.

  • C'est possible


    http://www.youtube.com/watch?v=KIWhZ6jVHSw&feature=player_embedded

    Vous allez dire que les vacances ne me valent rien. Plus de billets écrits ? Des vidéos ?

    Il se trouve que mon temps d'écriture est bien occupé en ce moment. Il se trouve aussi que certaines choses doivent être sues par ceux qui, comme moi, ne regardent pas la télé.

  • Appel de Stéphane Hessel


    http://www.youtube.com/watch?v=-MCbkWftdhI

    Stéphane Frédéric Hessel (né à Berlin le 20 octobre 1917) est un diplomate, ambassadeur et ancien résistant français et ancien déporté. Il est l'un des rédacteurs de la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948. Il a récemment participé à un appel au boycott des produits israëliens. A ce titre, le gouvernement actuel (notre gouvernement) a porté plainte contre lui et d'autres signataires. Ce gouvernement n'a décidément aucune honte.

  • Pris, Le Point dans le sac

    Magnifique, tout de même, ce qui vient d'arriver à ce journaliste du Point qui souhaitait, dans un article fracassant, dévoiler enfin la vérité taboue de la polygamie et dénoncer ses effets dévastateurs, notamment en terme de délinquance. Magnifique, parce que, piégé, remuant dans ses contradictions, Jean-Michel Décugis révèle en se défendant, comment il a travaillé et dévoile un autre tabou, en réalité : la gabegie, la paresse intellectuelle d'une certaine presse qui se nourrit de ses propres fantasmes et les inocule dans la société. J'explique : Décugis qui, dit-il, travaille depuis vingt ans sur la banlieue, n'a pas réussi, malgré cette fine connaissance, à trouver une seule famille polygame. Il n'en connaît pas. Il va bien falloir, bon sang de bois, en citer une, dénicher un témoignage pour son magazine ; son magazine qui DOIT prouver que nous avons là un grand danger pour la France, zut, quoi. Il prend contact avec une personne qui « fait autorité » dans ce domaine, l'auteure « d’un rapport sur la polygamie pour l’Institut Montaigne », Sonia Imloul. Très bien, la responsable y admettait d'ailleurs ne pas avoir de données certaines sur le nombre de familles polygames, mais qu'à cela ne tienne, elle déterminait des impacts, des nuances, des démonstrations... Ces deux-là sont faits pour s'entendre : Sonia Imloul est une chercheuse « de terrain », comme Jean-Michel Décurgis est un reporter « de terrain ». En fait, Sonia Imloul a un « fixeur », c''est-à-dire, comme dans les pays en guerre, une personne du cru, qui connaît langue et pratiques, et permet au reporter de rencontrer les personnes souhaitées. C'est un nommé Abdel. Un internaute. Il s'amuse, Abdel. Déjà, il a donné du grain à moudre aux réflexions « de terrain » de Sonia. Il va carrément bidonner une interview pour Le Point. Vous voulez du cliché ? On va vous en donner, se dit-il, ravi de pouvoir prendre un de ces journalistes qui stigmatisent la banlieue à longueur d'articles, sans nuances, sans contrepoint. Le coup de la famille polygame est la goutte d'eau qui fait déborder le vase. Imitant pourtant très mal une nommée Bintou, prétendument troisième épouse d’un Malien de Montfermeil naturalisé français, il fournit au journaliste avide tous les clichés dont il a besoin, qui vont dans le sens de l'idée qu'il se fait de la chose. Pour prouver le bidonnage, Abdel filme l'interview, réalisée par téléphone. J'ai bien dit : par téléphone, ce qui n'empêche pas notre journaliste d'évoquer « la jeune femme au joli visage légèrement scarifié de chaque côté des yeux ». Nous avons là un enchainement de compétences parfaitement virtuelles (chercheuse et journaliste qui se contentent de noter les dires d'une tierce personne, sans vérification) qui produit tout de même de l'information, validée par un hebdomadaire reconnu, diffusée et débattue comme telle. Magnifique, je vous dis. Voir pour plus de précisions l'article de Mediapart.

  • Le vent qui ne se lève pas (encore)

    Dans le car qui me ramène à la maison, les conversations de très jeunes adultes. Elle et lui sont assis comme toujours côte à côte. En général, ils parlent musique et sorties. Ce soir, on dirait qu'elle boude. Peut-être pour écarter le malaise qui s'installe, le garçon est plus volubile qu'à l'accoutumée, il parle de sa journée, raconte des choses sans grand intérêt. Dans un silence, la fille place : « Sinon moi, ça va, j'avais mon rendez-vous à l'ANPE, je me suis bien fait pourrir, merci de prendre des nouvelles. » Je ne le vois pas, mais j'imagine le garçon se mordant les lèvres. « Ah oui, et comment ça s'est passé au fait ? » « Ça t'intéresse pas de toute façon, tu t'en souvenais même pas. » Il grogne, se défend, ne s'excuse pas par orgueil mais on sent le type embarrassé de sa gaffe. Ils sont un moment silencieux, puis il insiste et elle finit par raconter. « Il a vu que j'étais au chômage depuis plus de trois mois, il m'a dit qu'il fallait que je me bouge. Je lui ai dit que, oui, je me bougeais, que je cherchais. Il m'a demandée où j'avais cherché, si j'avais demandé à telle boîte, là ou là, j'ai dit oui, mais que j'avais pas de réponses. Il m'a dit « Mais vous savez, il faut pas rechigner, prendre tout ce qui passe, pas hésiter » j'ai dit faut pas croire, je rechigne pas (le garçon râle : qu'est-ce qu'y croit, lui ?), j'ai dit je cherche hein, je prendrais ce qui se trouve, mais y'a rien. Il m'a énervée, comme si je voulais pas bosser. Et puis il me fait la leçon comme quoi il faut bien présenter, bien s'habiller, être poli. Je lui ai dit que je savais (le garçon répète « qu'est-ce qu'y croit ? ») Que j'étais polie, que je parlais correctement pour me présenter, pour faire bonne impression, tout ça. » j'écoute et je suis bouleversé par cette jeune fille que j'imagine se débattant avec les difficultés de son milieu, obligée de s'excuser devant un type bien installé, de ne pas trouver assez vite du travail, dans une région où la pauvreté est galopante, où le chômage grimpe à 13%. J'ai honte de cette société qu'on leur a fabriquée, qui non seulement exclue, mais culpabilise ceux qu'elle exclue. Je les trouve bien gentils, bien patients, ces jeunes, qui devraient foutre le feu partout, une fois pour toutes.

  • La confession

    Dans le car qui me ramène à la maison, les conversations des adolescents entre eux. Le lait de la tendresse humaine. Souvent, leurs paroles me traversent. J'abandonne ma lecture, j'écoute, ému. Il y a eu ce garçon, expliquant à une copine le mauvais sort qu'une petite bande a voulu lui faire, quelques jours plus tôt. « Il me dit Viens, je veux te parler , j'avais pas envie mais j'y vais, dans une petite rue comme ça. » « Mais tu y es allé ? C'était un piège et tu y es allé ? » « Ouais, c'était un piège mais j'étais coincé, j'y suis allé. Au fond de la petite rue. Ils étaient tous là. Cinq-six. Ils commencent à me prendre la tête, que j'ai dit des trucs sur eux, tout ça. Il fait venir sa copine. Elle dit : « Je sais plus ce qu'il a dit mais il m'a insultée de pute » « C'est vrai, tu lui as dit ça ? » « Ouais, peut-être, j'en sais rien, de toute façon c'est une pute. Ouais, je l'ai peut-être dit » (la fille à côté de lui pouffe, approuve le verdict) « Alors, l'autre il me donne des baffes. Je l'ai laissé faire. » « Tu l'as laissé faire ? » « Oui » « T'as raison. » « De toute façon, ils étaient six, si je me battais, ils me cassaient la tête. » « T'as raison. Qu'est-ce que t'as fait ? » « Ben je me suis mis à courir, j'ai couru, j'ai foutu le camp. Ils m'ont suivi. On a couru dans toute la ville. J'avais peur. » « Ils t'ont pas rattrapé ? » « Non. Ils ont dû me prendre pour une vraie fiotte. » (La fille pouffe à nouveau. Je sens dans sa réaction, un large sourire, une bienveillance. Aucun jugement. Elle est seulement heureuse que le garçon s'en soit tiré indemne). Je souris aussi. L'honnêteté de ce gamin, le tranquille détachement de son récit et son humour, me font apprécier ce que je crois lire comme une évolution de mentalité. A son âge, peut-être aurais-je fui, ce qui n'est pas sûr (il m'est arrivé de ces petits événements où je me découvrais un héroïsme imprévisible), mais en tout cas, jamais je n'aurais avoué ma fuite à une fille. Orgueil des petits mâles d'une époque révolue. Ou bien ai-je écouté le récit d'une exception.

  • 1000 témoins


    Mon grand-père avait reçu de son grand-père, une histoire qui était arrivée au grand-père de ce dernier à l’âge de dix ans. Si j’ai un jour un petit-fils, je pourrai la lui dire et transmettre vers 2020 disons, un fait qui a eu lieu en 1790 environ. 220 ans parcourus par 5 personnes ! A cette échelle, la mémoire des faits survenus pendant le néolithique (il y a plus de 7000 ans) n’a besoin que de 160 personnes-relais. Ce n’est pas énorme, il me semble. Avec mille témoins, on peut remonter à l’époque de l’arrivée de Crô-Magnon en Europe. Que des traumatismes collectifs, de grandes sagas héroïques, les angoisses et les réjouissances primitives nous soient demeurés comme les arcanes incontournables des récits universels ne paraît plus si impossible.

  • La logorrhée solitaire du diariste

    Evidement, un billet par jour, cela implique nombre de textes de pur verbiage. Et la logique désaffection des lecteurs. Ensuite, seul auteur et seul lecteur, tout en un, le blogueur diariste s’amuse de ses trouvailles, s’inquiète de ses audaces, conteste ses raccourcis. Il n’a plus besoin de personne. Mais dans le vaste monde numérique, chacun ainsi est renvoyé à l’écho de sa voix dérisoire, aussitôt perçue qu’oubliée. Et les plus influents jouissent d’une réputation pendant quelques années, se voient ouvrir les portes de l’édition la plus complaisante, produisent par conséquent quelques ouvrages périssables, aussi vite noyés dans le reste des sorties de papier. Une production textuelle immense, inédite sans doute dans l’histoire de l’humanité, dont le foisonnement des traditions orales constitue peut-être le seul corpus en mesure de lui être comparé. Et tout cela, contrairement à la ténacité des récits fabuleux, déjà condamné à la disparition des données. Parce que leur support numérique est encore plus fragile que la parole, parce que l’ordinateur ne peut s’assoir un jour sur une pierre, prier l’enfant d’écouter un instant, et proférer pour rien, pour le sourire ou l’édification de l’autre, une bribe de la grande geste humaine.