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Matières à penser - Page 31

  • OGM : Enfin, des preuves

    http://www.lemonde.fr/planete/article/2009/12/11/une-etude-prouve-la-nocivite-pour-l-organisme-de-trois-mais-monsanto_1279552_3244.html

  • Vanités

    Il existe nombre de ces moments où un homme, réalisant son rêve, a été confronté à son indigence et à sa vanité.

    Ainsi tel pharaon, jaugeant sa pyramide achevée, s'est dit que, finalement, elle n'était pas si grande que ça et surtout un peu lourde du cul, malgré les dénégations véhémentes de son architecte, vociférant de rage et de douleur, depuis le bassin aux crocodiles où la déception du prince l'avait précipité.

    Ainsi tel touriste du cosmos, ayant dépensé plusieurs millions de dollars pour obtenir le privilège de se retrouver suspendu dans l'espace au dessus de la planète bleue, a soudain ressenti une énorme et soudaine envie de faire caca, tandis que, avisé de sa requête, le centre de contrôle lui interdit absolument cette libéralité dans un scaphandre qui n'était pas prévu pour ça et lui intima l'ordre de patienter les deux heures et demie nécessaires à son retour en toute sécurité dans la navette.

  • Ecrivain ?

    En l’espace de 24 heures, la question m’a été posée deux fois. Coïncidence. Soit qu’on me reconnaisse forcément comme tel, parce qu’un de mes livres est enfin sorti, après des années d’écriture acharnée et silencieuse, soit que –malgré moi- je donne à voir la posture d’un écrivain.
    C’est complexe. Le qualificatif retourne au fond de moi des questionnements longtemps tus, verrouillés par peur de l’outrance et du manque d’humilité. Quand j’écrivais sans que personne ne le sache, je me sentais, oui, écrivain, cent fois, mille fois plus que certains écrivaillons qui se publient à compte d’auteur, incapables de résister, après cent pages vite torchées, à l’ostensible concrétisation de leur rêve de papier. Contre toute logique, il semblerait qu’écrivain ça vous pose un homme (comme être de Garenne, ça vous pose un lapin, disait je ne sais plus qui). C’est d’ailleurs étrange, dans cette société qui a décidé d’humilier et de vilipender tout ce qui réfléchit ou crée, les intellectuels improductifs. Il resterait donc une aura vacillante pour qui produit de l’écrit. 
    Alors, écrivain… S’il s’agit d’un homme vivant de l’écriture, en effet, je suis loin du compte (mais alors il faut supprimer Rabelais et Rimbaud, et intégrer Paul Lou Sulitzer et Alexandre Jardin), ou d’un homme qui ne fait qu’écrire, (dans ce cas, exit Primo Levi, Moravia, Kafka, etc.). Si l’écrivain est celui qui n’a, pour exprimer le monde qui l’entoure, que le moyen de l’écriture, mais n’ayant que ce moyen, s’y engloutit, s’en vêt et s’y réchauffe, l’affine, le tourmente et l’élève, bref, tente de le porter à l’incandescence pour le transmuter, alors, je crois que je peux dire sans (me) mentir, que je suis écrivain.
    Donc, lorsque paraîtra un numéro du magazine « la muse », avec ma caricature, due au talent de Miguel Alcala, et quand paraîtra un nouveau catalogue accompagnant la prochaine exposition de Catherine Chanteloube, vous ne serez pas surpris de voir mon nom accompagné de la mention « écrivain ». C’est que j’aurais consenti à cette association (après un moment de rougeur et de confusion, tout de même).

  • Pensée du jour

    L'exigence pour soi-même d'être digne en tout, entraîne, par le constat de l'impossibilité d'y parvenir, une indulgence accrue pour les travers humains.

  • Muet

    Du chagrin pour quelqu'un que je n'ai vu que trois fois dans ma vie. Rien d'autre.

  • Vigilance, toujours

    Ce n'est pas en France, c'est en Italie, mais les menaces sont du même ordre. Après les journalistes, ce sont les écrivains dont la liberté d'expression est menacée. Ici, on commande à un auteur un "droit de réserve" inédit dans notre démocratie, là-bas, un politique qui refuse de s'expliquer sur son passé, assigne un écrivain (l'auteur de Nocturne indien, que je vous conseille vivement), et non pas le journal, à une somme astronomique, acte destiné à intimider tous ceux qui oseraient, désormais, demander des comptes.

    Une pétition (une de plus, je sais), lancée par médiapart, est disponible ici :

    http://www.mediapart.fr/club/blog/la-redaction-de-mediapart/181109/signez-l-appel-international-pour-antonio-tabucchi

  • Blue note

    Quelle merveille, Facebook ! Je retrouve un vieil ami du temps des solitudes militaires, un type adorable, compositeur de musique, et tout, pour découvrir qu'il est sarkosiste. Bon, il n'a pas à souffrir de la politique de notre Hyper (il habite en Suisse, le pays où l'équivalent de l'UMP : le MCG, a prévu entre autres, de le renvoyer dans son pays), et après tout, j'ai d'autres amis qui taisent prudemment leur satisfaction de vivre sous un régime autoritaire, mais quelque part, ça fait mal, ça pose des questions : toi avec qui j'ai ri, avec qui j'ai douté, tremblé, tu aurais cette vision du monde où les bons sont riches et les mauvais sont destinés à la pauvreté et à la délinquance, tu verrais la vie à l'aune du matériel et de l'avoir ? Un coup de blues, là.

  • futurs réactionnaires

    Un des problèmes auquel nous allons être confronté bientôt, et qui pointe son nez depuis le début de l’élan citoyen pour une défense de l’environnement, est la réaction de « ceux-qui-gardent-les-pieds-sur-terre-et-refusent-de-céder-au-catastrophisme ». Le genre Allègre ou Chabrol, dont l’incrédulité s’appuie sur les travaux des rares scientifiques qui contestent l’influence des activités humaines sur le climat (oubliant de préciser que de telles études furent payées par les grands pétroliers de l’ère Bush).

    Ce type de réactions va aller croissant, au rythme des prévisibles contraintes sur le budget et les modes de vie du citoyen, avec la grogne, la nostalgie de la surconsommation et des actes négligents, tellement plus simples que la vigilance constante. Nous devrons affronter bientôt plus d’incrédulité, plus de paresse, et des actes volontairement et ostensiblement anti-écologiques, par goût de la rébellion, par refus du suivisme bêlant. L’écologie paraîtra un jour comme une empêcheuse de tourner en rond, comme une nouvelle église morale et sévère.

    Il faut s’attendre à voir surgir, en pleine période (imminente si vous m’en croyez) de restrictions, des attitudes de défi, outrageusement polluantes et dispendieuses, se réclamant plus ou moins de principes anarchiques. L’écologie sera ringardisée par certains people, détestée par toute une jeunesse prompte à la révolte.

    Je vois ça comme ça, mais je ne vois pas comment lutter, à mon niveau, contre ces réactionnaires du futur. Aussi, il est possible que je me trompe. Mais je ne pense pas.

  • Ah, les amis !

    Je ne l’ai pas vu depuis de nombreuses années, quand nous étions des collègues complices et soudés. Je le salue avec chaleur, il me dit bonjour du bout des lèvres et se retourne ostensiblement. Je suis indigné par une telle attitude. Qui a pu me trahir, et lui répéter tout le mal que je disais de lui ?

  • Tout ce qui est recyclé n'est pas vert

    Autre documentaire, au contenu moins philosophique, et tout à fait terrible, celui sur les déchets nucléaires, diffusé par arte. Saluons d’abord le bel exercice de démocratie que nous offre là la meilleur chaîne du PAF. Parce que, bien sûr, aller voir chez les Russes comment ça se passe, est une plaisante manière de dire que nous, en France, n’en sommes pas là, mais venir chatouiller les narines d’EDF, d’Areva et de Cogema, est nettement moins politiquement correct. Grâce aux auteurs du documentaire, Éric Guéret et Laure Noualhat, nous ne pouvons plus faire semblant d’ignorer que le recyclage des déchets nous fait vivre dans un état de catastrophe permanente, que des vagues de Krypton sont autorisées à polluer l’atmosphère et que des nuages de saloperies radioactives sont déversées depuis plus de vingt ans dans l’océan, par la centrale de la Hague, tout cela très légalement. Nous ne pourrons plus croire que l’uranium est une source d’énergie renouvelable au même titre que le verre comme on nous l’assène, puisque, contrairement aux chiffres officiels, ce ne sont pas 90% du matériau radioactif qui est remployé mais, après enquête, seulement 10 % (de l’uranium qu’on traite pour l’enrichir en radioactivité, technique très dangereuse, que seuls les russes acceptent d’utiliser). Le reste se répartit entre uranium appauvri, stocké au fond de la Sibérie, et matières excessivement radioactives, dont on ne sait plus quoi faire : capables de prendre feu, extrêmement dangereuses, on les a d’abord balancées dans l’océan (c’est tellement simple), puis vitrifiées et encloses dans des fûts très solides, mais dont on sait pertinemment qu’ils ne résisteront pas à 200 000 ans de confinement, quel qu’il soit. Comme si on était, aujourd’hui, menacé par une décision prise par les néandertaliens, pour vous donner une idée. D’autre part, la plupart des déchets patientent au fond de piscines spéciales, cela concerne plus de 400 sites dans le monde, cibles idéales pour le terrorisme (il suffit d’assécher les piscines pour déclencher un nouveau Tchernobyl), ou simplement susceptibles de tomber en panne, la vétusté aidant, tôt ou tard.

    Plus de 400 Tchernobyls prêts à l’emploi. Ça demande réflexion tout de même, ça demande débat, débat populaire, choix démocratique. Et c’est ce que retient le documentaire : tous les pays qui ont choisi le recyclage des déchets nucléaires avec leurs terribles problèmes inhérents, ont fait en sorte d’abêtir la population, de condamner les accès, de décrédibiliser les opposants (demandez-vous aujourd’hui pourquoi les écologistes ont été vus longtemps comme des chevelus ignares et idéalistes, alors qu’ils ne faisaient que tenter d’alerter l’opinion publique sur la menace qui pèse sur nous) et de maintenir le secret le plus opaque, démarche toujours dommageable pour la démocratie.

    Réclamons de savoir, obligeons les politiques à s’intéresser non seulement aux enjeux, mais aux techniques mêmes du nucléaire (démonstration de la méconnaissance affligeante de nos deux derniers candidats à la présidence dans ce domaine).

    Le savoir, et par là, la possibilité de juger de l’opportunité de choix de société, a été confisqué depuis l’origine par une élite, une aristocratie d’ingénieurs de haut-niveau, qui ont convaincu les politiques que tout ça était trop compliqué pour eux et, a fortiori, pour le public, inapte à juger le bien fondé de leurs décisions.

    Comme toujours, la source du problème est un défaut de confiance de l’Elite vis-à-vis du Public, qui ne peut que déboucher sur une méfiance du Public vis-à-vis de l’Elite. On voudrait transformer le plus paisible père de famille en révolutionnaire qu’on ne s’y prendrait pas autrement.

  • Le cri du hulot

    Coup sur coup « Le syndrome du Titanic » et « Déchets : le cauchemar du nucléaire », c’est un peu dur mais j’ai tous mes vaccins, c’est-à-dire une bonne dose de conscience et de connaissance minimum. Pour le pessimisme, il est chronique chez moi, pas la peine d’en rajouter.

    Je dois le dire : le film de Hulot m’a plu. Il fait des raccourcis discutables parfois (jeux vidéos = violence) mais ne cherche pas à donner une leçon de morale. L’auteur commence d’emblée par expliquer qu’il est aussi paumé que nous, qui regardons son film. On ne peut donc pas dire qu’il essaye de changer les choses en terrorisant des spectateurs déjà convaincus. Mais j’aime autant cette approche que celle d’Al Gore qui alerte et en même temps -religion du happy end oblige- nous explique que si on veut bien, on s’en sortira, chiffres bidons à l’appui (je m’explique vite fait : en quoi revenir à une production de Co2 par personne équivalente à celle des années 1970 résoudra-t-il le problème ?). « Le syndrome … » est un film d’auteur, visuellement magnifique (mais pas de façon pédagogique et démonstrative, genre Arthus-Bertrand), dont le propos se limite à faire partager ses doutes. Ce qui place chacun face à ses responsabilités. Sincère et libre.

    Demain, je vous parle de "Déchets, le cauchemar du nucléaire". Billet un peu long, comme vous verrez.

  • Débattre de l'orthographe

    Il y a quelques années, vous m'auriez trouvé, convaincu et sûr de moi, du côté de ceux qui pensaient que l'orthographe était une valeur passéiste, handicapante, un outil injuste de sélection des plus démunis mis en place par une élite bien formée, jalouse de ses privilèges. Cette assurance venait alors de diverses conversations menées avec des enseignants, qui m'avaient expliqué quelle barrière terrible et insurmontable constituaient orthographe et grammaire, pour des enfants, autrement doués, sensibles, à même de faire des adultes pensants et raisonnants. Il me semblait en effet intolérable que les postes à responsabilité leur soient rendus inaccessibles à cause de difficultés en orthographe. Maintenant que la polémique rebondit (paraît-il, à l'occasion de la sortie d'un livre de François de Closets), je me suis pris à refléchir à cette histoire. Et je la lis de façon exactement inverse.

    C'est que je me demande à présent à qui profite le crime. Qui a bien intérêt à ce qu'une certaine partie de la population ne maîtrise pas totalement, pas complètement, la langue, sa complexité, les nuances de l'orthographe ? Une élite, justement, certains "penseurs" du monde contemporain, qui, eux, écrivent sans fautes, peuvent comprendre un texte complexe, un livre élaboré. Je me demande à présent si réclamer le laxisme en matière d'ortthographe n'est pas une manière de garder les pauvres là où ils sont, une méthode simple et rapide pour déterminer très vite, qui est dans la société et qui doit en être exclu.

    Si j'étais un prof révolutionnaire, je dirais à mes élèves : soyez bons en français, apprenez les classiques, maîtrisez l'orthographe et l'imparfait du subjonctif ! battez-les sur leur propre terrain : donnez-leur des leçons de français correct, ne vous enferrez pas dans le verlan ou la langue de banlieue qu'ils ont appris à caricaturer, et dans laquelle ils rêvent de vous cantonnez. Ne les croyez pas quand ils vous disent que l'orthograhe n'est pas important. Ce n'est pas un cadeau, c'est un piège. A vous de les piéger ! A vous de les dépasser ! Troublez les repères confortables qu'ils espèrent conserver longtemps.

    Voilà ce que je leur dirais.

  • En quête de sens

    C'est sans doute un effet de l'âge, mais les questions et positionnements qui mobilisent mes pensées depuis tant d'années, prennent forme aujourd'hui, au fur et à mesure de certaines décisions.

    Ainsi, je cherche une banque moralement "acceptable" par rapport à mes convictions. Et, malgré les réserves d'un copain banquier (coucou, toi), je crois que j'ai fait mon choix. J'ai rendez-vous ce matin avec ma banque pour négocier la fermeture de tous mes comptes et leur transfert. Je devine le parcours du combattant qui se profile, et je tâcherai de vous faire partager ma démarche.

    Dans une veine tout aussi éthique mais plus personnelle, j'entreprends la démarche -encore assez exotique- de me faire débaptiser. Il s'agit de demander à l'église d'être rayé de la liste des baptisés et ainsi, de ne pas grossir artificiellement le nombre des catholiques sur cette planète. Je ne suis pas croyant, je ne suis pas catholique, qu'ai-je à faire encore dans cette catégorie?

     

    Voilà. Je vous fera suivre mes aventures au pays de la quête du sens.

  • Bon aloi des séries

    La dernière séquence du dernier épisode de la dernière saison de « six feet under » (merci Didier) est une merveille (d’ailleurs, je crois bien que je vais proposer à ma douce qu’on se le regarde à nouveau, histoire de n’en rien perdre). Même si les scènes précédentes donnent le sentiment que tous les violons, rangés dans les tiroirs depuis le début de la série, sont de sortie pour cet ultime volet, tout est rattrapé par un épilogue en forme de vertigineuse prospection du futur, qui ajoute de la noblesse à l’ensemble de cette série qui n’en a jamais manqué.

    Après cela, nous avons parlé naturellement de notre fin possible (j’ai amené le sujet, parce que, statistiquement, les hommes partent avant les femmes), et du sort de celui qui reste. Dans l’épisode, un personnage dit en gros que « le temps ne fait rien à l’affaire », que le deuil est toujours une violence, une injustice impossible à admettre. C’est une mère qui parle de son fils disparu, en l’occurrence. C’est sans doute vrai. Mais le temps produit tout de même assez de distance pour que la douleur s’atténue –au moins ne soit pas permanente et insupportable. Que demander de plus ? Notre vie est aussi une accumulation de chagrins. Dans l’idéal, il faudrait tenter de recevoir ces deuils sans qu’ils soient destructeurs, et puis les conserver longtemps, adoucis, apaisés, et s’en servir pour considérer les autres, soi-même, la vie, avec plus d’indulgence.

    Voilà : de l’indulgence. J’ai cru en la tolérance, mais je me demande à présent si l’indulgence n’est pas une vertu plus haute, moins rigoriste ou doctrinaire que la tolérance. J’ai souvent remarqué de l’intolérance tout près de la tolérance, voire accouplée à elle, comme une face et son revers. Soyons simplement indulgents. Nous ne sommes pas là pour si longtemps, et sûrement pas meilleurs que les autres.

  • Jackson Four

    Il est beaucoup question de la mort de Mickael Jackson, je vais donc vous parler du nikab.

    J'ai entendu l'autre jour des témoignages de femmes, fières de porter ce vêtement, pratique pour se promener nue ou en string à l'insu de tous, mais rarement utilisé dans ce but. Leur fierté, leur discours sincère, leur revendication de femmes intelligentes, instruites, sensées, m'ont fait imaginer un parallèle curieux, que je vous livre tel quel. Ma référence est, bien entendu, littéraire, et voici à qui ces jeunes femmes me faisaient penser : à O, l'héroïne de "Histoire d'O", de Pauline Réage.

    O est une femme libre, intelligente, sensée, cultivée. Elle a choisi d'elle-même une soumission qui l'emmènera probablement, à la fin du récit, vers la mort. Dans certaines de ses pensées, est délivré exactement le message que j'entendais l'autre jour, de la part des femmes qui portent le nikab (que d'aucuns appellent la burka, par machiavélique souci de contagion sémantique) : la fierté secrète d'appartenir à une élite, de vivre une expérience inconnue des autres. Le fait que ces deux formes d'expériences soient liées au concept de soumission, ajoute une étrange pertinence à cette comparaison. Disons qu'une règle ou un dogme sévère, peuvent être assimilés par leurs victimes, comme une source de satisfaction, et même un moyen de se réaliser. La différence, dans le cas de O, c'est qu'elle peut à tout moment, faire cesser le jeu en disant : « J'arrête ».

    L'autre point, selon la rapide analyse que je me permets de faire, est l'innocuité, voire l'effet contre-productif d'une nouvelle loi, qui ne ferait que pénaliser les femmes. D'une certaine manière, si les femmes se cachent ainsi (comme elles couvraient leurs cheveux dans les provinces les plus conservatrices de France quand elles étaient mariées ou veuves et ce, jusque dans les années 50), c'est pour échapper aux regards des hommes. Des hommes que les religions en général (je dis bien « les », souvenons-nous d'Adam et Eve) présentent comme des pourceaux incapables de maîtriser leurs sens, et forcément conduits à se jeter sur la première venue, au moindre signe de leur supposée libéralité (cheveux libres et parfumés = pute). Il y aurait donc tout intérêt, avant de stigmatiser les porteuses de nikab, à instruire d'abord les hommes. Et pour ça, vous savez, il faut du temps.

  • Bonjour tristesse

    En déposant mon fils ce matin à la gare, avant que l'aube pointe, le voyant, mal rasé, les cheveux trop longs (ça ne lui va pas), engoncé dans un blouson trop chaud et trop grand pour lui, son sac sur le dos, pour se rendre au travail, à 80km de là, je me suis senti empoigné de tristesse. Je suis revenu ensuite ici, l'attention toujours mobilisée par l'image de mon garçon prenant le train, ignorant que je l'observais.

    Si tu savais, bonhomme, comme j'aurais aimé t'épargner, te protéger de ce monde, t'éviter le rituel des heures et de l'argent qu'on gagne, qu'on ne gagne pas, dont on n'a pas assez, après quoi l'on court. Si tu savais le monde idéal que j'aurais créé, pour toi, pour ta soeur, pour ceux que j'aime. Personne n'y parvient ? Personne ne peut le faire ? Peut-être. Mais alors, quel est ce monde ? je te fais naître, te présente à la vie qui est déjà construite sans toi et n'a que faire de toi, je te lance dans une tragédie dans laquelle tout est en place, où tu ne peux que jouer le rôle qu'on t'a assigné. Je te mets dans un train qui va bouffer ton quotidien jusqu'à la fin, et, ce faisant, j'ai l'impression de collaborer à la défaite de ta vie, au précipice qui guette, au bout des rails.

    Je n'y ai pas pensé tout de suite mais, ce qui m'a rendu triste soudain tout-à-l'heure, c'est le sentiment de t'avoir trahi. De t'avoir mis sur deux pieds, sans te prévenir qu'il faudrait vivre à genoux.  

  • Eden

    Dans quelques jours, nous allons déménager. Je vais quitter une maison que j’ai habitée pendant plus de vingt ans, dans des conditions assez singulières. Sans nostalgie, croyez-moi. Même les photos retrouvées en faisant les cartons, et par lesquelles je plonge instantanément dans le passé, ne me font rien regretter. Je souris pourtant, à certains de ces souvenirs. Les enfants, leurs jeux sous le soleil. Les fêtes avec tous les amis. Les chats, leur vie de fauves magnifiques parmi la jungle que je laissais à leur disposition. Les bêtes, tellement nombreuses, comme nées spontanément, dès qu’on ne les dérange pas pour tondre ou désherber, dès qu’on renonce à forcer la terre à produire. Merles, verdiers, écureuils, rainettes, hérissons, tourterelles, mésanges, sauterelles, fourmis, énormes escargots (bons à manger, mais amoureusement écartés du chemin), tortues (oui, terrestres, pas les saloperies aquatiques), canard, pipistrelles, poissons rouges, moineaux, musaraignes, souris, crapauds, rouges-gorges, rossignols, orvets, et les espèces que je ne connais pas, tout cela sur 800 m2. De la vie partout. C’était un bonheur, de les découvrir par hasard, aussi surpris que moi. J’espère qu’on saura, à ma suite, conserver cet éden.

  • 2026 par Finis Africae

    Par Pascal, le délicieux blogueur de "Finis Africae", ce petit pamphlet joliment troussé.

    Régalez-vous : 

    http://www.finis-africae.net/index.php?post=1187

  • Spéciale dédicace

    Je suis tout de même épaté qu’un type comme Johnny Halliday (ce nom !) soit toujours adulé par son (vaste*) public.

    Voilà pourtant un chanteur qui s’est fourvoyé dans tous les genres à la mode (vous vous souvenez de ses tenues mad max ?), qui n’a jamais réussi à sortir trois phrases sensées à la suite, qui se fait relayer sur scène pour gratter les morceaux difficiles (mais en coulisses), ou doubler sa voix désormais défaillante ; un type surtout qui a préféré filer en Suisse pour payer moins d’impôts que dans le pays dont le peuple l’a enrichi, inconditionnellement, année après année. Et il est là, il revient, tranquille, pour une nouvelle tournée (la dernière ? Non ? Vraiment, la dernière ?), fait pratiquement le plein à chaque fois, s'offre à la béatitude de ceux qui l'aiment et ne lui demandent rien d'autre que de continuer de chanter.

    Je me demande si l’abnégation de son public, fidèle, indéfectible, n’est pas un équivalent des dons aux bonnes œuvres. Je pense que ça fait du bien aux plus désemparés, aux plus démunis, à tous les déshérités, de savoir que leur argent alimente un mythe, un vrai. Johnny est leur idole, certes, mais aussi l’incarnation de ce qu’ils ont contribué à construire : une star. Plus que n’importe quel autre, Johnny est le produit des sacrifices de chaque foyer français depuis quarante ans ou plus. Et de cela, les français lui sont reconnaissants. Johnny, c’est comme le France, le Concorde ou le Rafale : ça coûte cher, c’est obsolète, ça ne se vend qu’en France, mais bon dieu c’est la Patrie, c’est le peuple français, quoi ! Pour cela, tout lui est permis, même de mépriser ceux qui l’ont fait milliardaire. On lui pardonne tout. Inattaquable.

     

    * Etymologiquement, "vaste" a la même racine que "vide". (J'aime bien rappeler des petites choses comme ça, au passage).

  • M comme Montreuil

    Vous souvenez-vous de la fin de "M le Maudit" de Fritz Lang ? je veux dire, la toute fin, après l'angoissante poursuite engagée par le bon peuple, dans les rues noires et luisantes de Berlin (d'ailleurs est-ce Berlin ? Disons une ville allemande, un quartier populaire), pour attraper le pédophile qui terrorise la population ? La toute fin, c'est-à-dire, après que le bon peuple, aidé par la pègre, a capturé Peter Lorre et improvise un procès dans quelque sous-sol. Vous vous souvenez ? Non ?

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    Alors, je vous rafraîchis la mémoire :  la police intervient, et s'empare du criminel. Oui. C'était pour Lang une manière de dire (nous sommes en 1931, les nazis ne sont plus du tout une menace risible), que la république de Weimar fonctionne peut-être mal, qu'elle est à bout de souffle, mais que, n'empêche, c'est un régime toujours plus juste que celui de la haine populiste, une forme de pouvoir préférable au nazisme.

    J'ai pensé à M le Maudit, l'autre jour, quand j'ai appris qu'un pauvre gars, parce qu'il ressemblait au portrait-robot d'un pédophile (maghrébin de surcroît), avait failli être lynché par le bon peuple vigilant qui faisait ses courses, ce jour-là, et trainait son quotidien autour d'un supermarché. Il a failli y passer, est à l'hôpital dans un état grave. Un homme a cru le reconnaître, a tiré un coup de flash ball (que faisait ce type, au supermarché, avec un engin pareil ?), a hurlé à la catonnade au pédophile comme on crie au loup, au feu, à mort, et les braves gens, les héroïques citoyens de Montreuil, les futurs miliciens de la Ville, ont cerné le type qui cherchait à s'enfuir (tu m'étonnes) et ils ont cogné. Ils ont cogné, coups de pieds, dans les côtes, le ventre, la tête, ils y sont allés de bon coeur, avec la jubilation du travail bien fait et qui ne doit pas attendre d'autre forme de procès. Les braves ordures. Vous imaginez ce groupe de bons français tapant sur un homme effondré à leurs pieds, suppliant et gémissant, égaré par la peur ? Ils se sont acharnés jusqu'à ce que la police arrive.

    La France est aujourd'hui pire que les pires fantasmes de Lang dans l'Allemagne pré-nazie. Je n'arrête pas de le dire, je n'arrête pas d'alerter, mais tout le monde se moque de moi. Vous ne voyez pas que ce pays devient fou ?