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rencontres avec des gens biens - Page 9

  • 3051

    Une fois n'est pas coutume, minute promo d'un autre blog. Je vous conseille un petit tour sur les portraits littéraires des "gens" croisés par Christophe Sanchez. C'est humain, délicat, sobre. C'est beau. C'est ICI.

    Autrement, côté lecture savoureuse, n'hésitez pas à rattraper votre retard, comme je l'ai fait, en lisant l'excellentissime "La Septième fonction du langage" de Laurent Binet (sorti en poche). Fin, drôle, jouissif. Un régal. Et l'émasculation d'un insupportable Philippe Sollers (donc, totalement fictif). Comment ne pas goûter un tel moment ?

    Ah, et puis aussi, "Les roses blanches" de Gil Jouanard. Mais j'en reparlerai, car il n'est pas interdit que. Enfin, bref.

  • 3050

    Il y a peu, j'interpellais mes contacts via ma messagerie électronique pour signer une pétition, chose rare. Il s'agissait de sauver (le terme n'est pas usurpé, je crois, au vu des circonstances), une famille géorgienne, accueillie par une amie, dans notre région. Le père journaliste était la cible d'agressions dans son pays, sa femme avait été licenciée, ses enfants ont été menacés et pas seulement : son fils a fait l'objet d'une tentative d'enlèvement. Pourquoi cet acharnement ? Kahaber Kotchalamazashvili a eu simplement le tort de couvrir une manifestation pour les droits LGBT (Lesbiennes, Gay, Bi et Trans) dans son pays, à Tbilissi, en 2013. On peut supposer (je n'ai pas de traduction de son article) qu'il n'a pas méprisé ces droits, qu'il n'a pas craché sur leurs représentants. Cette attitude lui a donc valu les "problèmes" décrits plus haut.

    Le droit d'asile semble donc assez légitime. La liberté d'expression, l'intégrité des personnes faisant partie de nos valeurs, des principes que notre chère démocratie entend défendre coûte que coûte. L'esprit Charlie, quoi (vous vous souvenez ? Ah mais c'est tellement vieux !).

    La pétition, lancée fin septembre par Réseau Éducation Sans frontières, essayait de réunir des soutiens pour s'opposer à l'Obligation de quitter le territoire qui venait d'être signifiée à la famille. Un recours déposé vient d'être rejeté, malgré les presque mille signatures recueillies en quelques jours. La famille de Kahaber, ses enfants scolarisés ici, seront conduits demain à l'aéroport, embarquement à 10 heures pour Tbilissi. Là où leurs vies sont menacées.

    Je réagis ici dans l'urgence après avoir appris cette terrible nouvelle, je n'ai aucune solution, peut-être pouvez-vous, comme RESF le propose aux pétitionnaires, adresser un courrier à vos maires, députés, sénateurs, (du côté de notre député-maire LR, hélas, ses paroles ont prouvé que les souffrances étrangères lui importaient peu, mais sait-on jamais) ? Il est peut-être trop tard, mais au moins pouvons-nous signifier que l'injustice ne laisse pas les consciences inertes.

     

  • 3049

    Tant de poètes sont jardiniers que je me demande si tous les jardiniers ne sont pas un peu poètes.

    Celui-là est l'un et l'autre, indifféremment. C'est vendredi, à 18 heures, tout près de chez nous. Louis Dubost est à Fleury-la-Montagne. Entrée libre.

    affiche Louis Dubost-1.jpg

  • 3044

    La Médiathèque de Charlieu m'a fait le grand plaisir de me proposer une "carte blanche", dans le cadre de sa série de manifestations intitulée "Chemins de lecture". C'est l'occasion d'inviter mes amis, complices depuis les débuts de l'aventure "NU Compagnie" : François Podetti, Marc Bonnetin et Jérôme Bodon-Clair. Avec eux, nous verrons comment, chacun dans leur discipline (mise en scène, image et lumières, musique et matière sonore), ils ont investi la version textuelle d'une pièce de théâtre et en ont fait un spectacle total. La discussion sera illustrée d'extraits des pièces de la compagnie.
    Ce sera vivant, passionnant, drôle, j'en suis certain.
    Soyez nombreux à venir goûter ce beau moment à la Médiathèque de Charlieu, ce vendredi 21 octobre, à 20 heures;

    Marc, Jérôme et moi, sommes aussi engagés dans une démarche locale, intitulée : Portraits de Mémoire(s). Pour en savoir plus, rendez-vous sur le site (avec en prime, la première chanson sortie de l'atelier)

  • Un souvenir de Pierre Etaix

    Rue Pascal, la cour était en partie occupée par un atelier. Là, mon grand-père paternel exerçait le métier de cordonnier. A ce savoir-faire déjà appréciable, il avait ajouté par force de travail et d'études spécialisées, celui d'orthopédiste. Le cuir dont il avait besoin pour les chaussures sur mesure qu'il réalisait (...) était acheté chez le père de Pierre Etaix, avec qui notre famille garda ses liens. On verra plus loin des exemples de l'exceptionnelle mémoire de Pierre Etaix, mais en voici un : récemment, il se rappelait avoir vu mon grand-père dans cette ridicule et presque féminine tenue de zouave, uniforme de la compagnie des tirailleurs algériens et tunisiens (« ceux qu'on envoyait sur les mines » grinça le réalisateur de Pays de Cocagne) dont une photographie garde la trace dans un album familial. Quand, où le jeune Pierre Etaix l'avait-il découvert ainsi ? A l'occasion d'une des rares permissions de mon grand-père j'imagine. Rares, car je suppose qu'on ne rentrait du service en Tunisie qu'une ou deux fois dans l'année. L'occasion des visites des parents, des voisins, des amis. L'occasion sans doute de revêtir pour l'exhiber, le bizarre costume avec fez et culotte bouffante et d'évoquer Tunis, c'est-à-dire Carthage. (...) Pierre Etaix se souvient surtout – et c'est précisément pour cela que je l'appelai, pour lui faire préciser des confidences faites quelques années auparavant – du retour de mon grand-père de captivité. Le seul témoignage qui me soit ainsi parvenu de cet épisode n'est pas issu de la mémoire familiale ; mon père n'en a jamais parlé. Il a fallu ce spectateur bienveillant pour que ce moment particulièrement intense resurgisse.

    Mon grand-père paternel fit partie de ces nombreux prisonniers français dont la figure lointaine fournit toute une mythologie pétainiste, puisque leur pitoyable statut fut mis dans la balance pour cautionner le Service du Travail Obligatoire. De ces quatre ans de captivité, mon grand-père parlait parfois, quand il évoquait l'immense plaine recouverte de neige, là-bas, en Prusse orientale et la vie dans la ferme où il avait été envoyé pour aider aux travaux des champs, comme tant d'autres. Il ne confia que peu de détails sur son retour, et en tout cas rien du moment insondable où il retrouva son unique fils, pour qui il était un étranger. Pierre Etaix, qui ne devait pas avoir plus de quinze ans, fut le témoin du retour de cet homme amaigri et malade et du sentiment de gâchis qu'il ne manqua probablement pas d'éprouver quand, embrassant son fils, il se découvrit étranger dans son regard. La guerre brise tant de pactes, et celui anodin qui liait ces deux êtres, comme les autres. Cette déchirure produisit ses effets jusqu'aux deuils. Mon père n'appela jamais son père « papa », mais « mon père », justement. Une séparation jamais résolue, une distance jamais réduite. Le père Etaix avait gardé pendant des années la dernière commande de cuir faite par mon grand-père, et la lui offrit à son retour. Il y eut entre eux, sinon une amitié, une forte complicité en tout cas, qui dépassa la seule relation de clientèle. Pierre Etaix fut toujours reconnaissant à mon grand-père d'avoir continué d'apporter des fleurs à sa mère, quand elle fut devenue veuve. Plus tard encore, mon père s'occupa de la tombe de la mère du cinéaste.

     

    Extrait de "J'habitais Roanne". Thoba's éditions, 2011.

  • 3034

    Les Nefs de Pangée, vues comme "Le mythe de Gilgamesh revisité" ?

    J'avoue que ça ne m'avait pas effleuré, mais comme il s'agit d'un de mes textes préférés, la comparaison me comble. Merci à cette librairie qui lui a décerné un coup de cœur.

     

  • 3026

    Rencontre autour des Nefs de Pangée, demain dimanche 2 octobre, à 10 heures, à Montélimar, dans le cadre des prestigieux Cafés littéraires jugez plutôt avec la liste des auteurs invités ICI. Thomas Pagotto, principal artisan de mon invitation, me fait l'honneur de suivre les pas de Stefan Platteau, excellent auteur et belle personne, accueilli l'an dernier dans ce superbe festival. En préparant la rencontre, je réalise que c'est la première fois que je parlerai de façon un peu développée (une heure et plus, si questions du public) de ce livre qui m'a tant demandé. Nous en profiterons pour évoquer les notions de basculement de société, de valeur d'un héritage écrit dans un monde qui disparaît, de la légitimité d'une terre, qui traversent le roman et qui ont motivé ce travail. Et puis, il sera question de péplum et de poésie, puisque, selon moi, ce sont les deux termes qui définissent « Les Nefs. »

  • 3023

    Le machisme doit commencer quand on laisse sa douce repeindre une fenêtre pendant qu'on écrit, et qu'elle-même vous y encourage. Le machisme n'existerait pas sans l'amour des femmes.

  • 3017

    cafeslitterairesaffiche2016_4609.jpgLe prochain grand rendez-vous, en ce qui me concerne, est celui des Cafés littéraires de Montélimar, dont la vingt-et-unième édition se déroule du 29 septembre au 2 octobre. Polar, poésie, essais, romans, jeunesse, fantasy, BD… les « bénévoles et passionnés lecteurs », initiateurs du festival, militent pour une littérature généreuse, qui rassemble « la communauté autour de la langue », sans frontières et sans carcan. J'ai le bonheur d'être invité avec des auteurs prestigieux : Emmanuel Ruben, Laurent Binet, Sylvie Germain, Agnès Desarthe ou Catherine Poulain, entre autres.
    C'est dimanche 2 octobre, à 10 h., au salon d'honneur, que j'aurai le plaisir de rencontrer le public lors d'une présentation des Nefs de Pangée, animée par Thomas Pagotto.
    L'ambition et le professionnalisme de la manifestation, perceptibles dans tous les détails (prises de contact, documents, envois, échanges…) m'impressionnent. Je suis certain que ce sera un beau moment. J'ignore si vous serez nombreux à venir nous écouter un dimanche matin à 10 heures, mais je remercie d'avance tous ceux qui auront une pensée pour moi.

    Je ne résiste pas à vous citer la manière dont Les Nefs sont présentées, sur le programme : "Entre Moby Dick et la Planète des singes : un récit à la fois anthropologique et épique. Une fantasy accessible à tous, mais qui aborde les thèmes de la guerre, la religion, la lutte des classes… A l’heure où les fanatiques nous poussent à la guerre des civilisations, la littérature fait réfléchir à ce qui fonde notre humanité."

    De très bon augure, quoi.

  • 3016

    Charlieu, Portraits de Mémoire, Chavassieux, Bonnetin, Bodon-ClairSamedi et dimanche, les 17et 18 septembre, de nombreuses personnes avaient bravé une météo peu amène pour visiter les sites charliendins à l'occasion des Journées du Patrimoine. L'équipe de « Portraits de Mémoire(s) » était invitée à participer à l'événement. Nous avions improvisé un assez joli stand dans la salle capitulaire de l'abbaye de Charlieu. Panneaux avec extraits du site internet, photos de marc Bonnetin, vidéo d'un maquette de chanson sur une musique de Jérôme Bodon-Clair, présence des auteurs… Nous avons pu expliquer notre démarche à une centaine de personnes. Des contacts nombreux, des anecdotes prometteuses, des encouragements, des réactions positives, des personnalités passionnantes… Le coup d'accélérateur dont le projet avait besoin.
    Merci à l'équipe de l'abbaye de Charlieu pour son accueil diligent et chaleureux, merci à la communauté de communes pour la réalisation du stand, merci à la société des Amis des Arts de Charlieu pour son invitation.

    Bonnetin, Chavassieux, Bodon-Clair, Portraits de Mémoire

     

     

    Photos Delphine Faquin.

  • 3015

    Aujourd'hui et demain, vous pouvez venir rencontrer les auteurs du projet « Portraits de Mémoire(s) », à l'abbaye de Charlieu (Loire), dans le cadre des Journées du Patrimoine ; Entrée libre.
    Marc Bonnetin, Jérôme Bodon-Clair et moi serons à votre disposition pour expliquer, raconter, montrer notre travail, ce qui a été fait et ce qui reste à faire. Venez, venez ! Pour ceux qui sont loin, n'hésitez pas à visiter notre site internet, qui s'étoffe généreusement, semaine après semaine.
    Portraits de Mémoire(s) c'est la conservation de la mémoire industrielle de la communauté de communes, des lieux et des gens qui en ont fait l'histoire, par le biais de chansons originales.
    Abbaye de Charlieu, samedi et dimanche, de 10h à 12h30 et de 14h à 18h30.

  • 3001

    La petite veut absolument une robe. Sa grand-mère l'adore mais tout de même « tu en as déjà beaucoup, tu sais ». La petite insiste. Difficile de lui refuser ces petits plaisirs depuis la mort de son papa. La grand-mère cède. Elles font les magasins, trouvent le modèle idéal. La petite se regarde dans la glace, satisfaite. Rentrée à la maison, elle dépasse en courant sa grand-mère et, toute apprêtée dans sa jolie robe neuve, se plante devant la photo de son père, écarte les bras et clame joyeusement : « Bon anniversaire, papa ! »

  • 2999

    C'est une chose assez incroyable, quand on y pense, d'inspirer de l'amour. Nous savons bien tous quelle est notre valeur, au fond, et qu'elle n’est pas si grande. Nous savons tous que nous ne méritons pas d'être aimés. Je me suis toujours senti plus petit que l'amour que j'inspirais. De la même façon, j'ai toujours pensé que j'aimais mal ou pas assez. Parce que tout l'amour qu'on me donnait dépassait mes moyens de paiement. J'ai une sacrée ardoise depuis le temps.

  • 2995

    Avec Olivier Talon, ami et réalisateur roannais, nous avions rencontré Michel Butor, il y a... un peu plus de… 25 ans (non ? si!). J'avais écrit à l'époque un scénario sur le japonisme pour arte (excusez du peu), et j'espérais que Michel Butor veuille bien accepter de parler du Japon. Son livre, Le Japon, un rêve à l'ancre, avait inspiré certains passages du documentaire. À l'époque, je n'avais lu de lui que ce livre et quelques poèmes. Je découvrirai plus tard La modification et Degrés, ce dernier étant mon préféré. Olivier lui avait adressé le scénario préalablement et il avait bien voulu nous recevoir chez lui, en salopette comme il se doit. Ce furent quelques heures assez passionnantes, où il nous suggéra certaines œuvres, nous citant par cœur les musées où elles se trouvaient. Il était d'accord pour être interviewé dans le film, à deux conditions : que le tournage se déroule chez lui (il était fatigué et évitait les déplacements) et que le documentaire ne soit pas orienté politiquement. J'avais timidement demandé à M. Butor ce qu'il avait pensé de mon scénario. Il avait répondu avec un grand sourire : « mais il est très bien ! » Nous nous quittâmes là-dessus et la promesse de se revoir bientôt. Nous n'avons pas obtenu les financements (la litanie de mes projets tombés à l'eau, un de plus, rien de grave) et je n'ai jamais revu Michel Butor. Un peu plus tard, je croisai un ami, fin lettré et bon connaisseur de l'écrivain. Je lui expliquai notre entrevue, encore tout émerveillé qu'un auteur aussi fameux fût si accessible. J'ajoutai que j'étais plutôt content de la réaction de Michel Butor à la lecture de mon travail. Et mon ami de répliquer avec autorité : « Si Michel Butor te dis que ton scénario est très bien ; tu ne dois pas être content, tu dois être fier ! »
    Et en effet.

  • 2989

    Le titre d'un roman est un enjeu véritable. C'est une alchimie complexe, cela doit sonner, dire (ou malicieusement refuser de dire) ce que sera le livre, donner la couleur, l'atmosphère générale. Il doit intriguer le lecteur qui n'a pas encore lu, hanter la lecture en cours (le lecteur est bien en train de lire un livre qui porte ce titre) et, le roman achevé, confirmer que c'est bien le livre dont le titre a séduit, que le lecteur referme.
    Souvent, il s'impose avec netteté à l'amorce des réflexions, ou complète l'élan de l'écriture. Parfois, il semble une notion qui échappe, un rêve dont on ne parvient pas à clarifier le souvenir. C'est alors une pénible quête. Parfois encore, le titre initial, que l'auteur lui-même a trouvé excellent, qui a accompagné des années de chantier d'écriture, s'avère ne plus correspondre avec la réalité du roman terminé. Car l'écriture peut vous entraîner, sinon ailleurs, parfois vers un décalage par rapport au projet initial. Dans mon parcours, j'ai connu trois changements de titres.

    Le premier, parce que celui que j'avais choisi, avec lequel j'avais vécu pendant des années, fut, à quelques mois de sa sortie, rendu caduc par l'avènement d'un autre roman, dans le même genre, portant ce titre-là. C'était « A la droite du Diable » et je fus très heureux de trouver à cause de cette coïncidence, un titre bien meilleur (plus juste relativement au livre) : « Mausolées ».

    Le second a posé d'autre problèmes. Pendant les trois années de sa fabrication, il était de ceux qui échappent. On lui trouvait des formes approchantes, on cherchait trop loin, pas assez loin, on paniquait, rien ne convenait. C'était « L'Affaire des Vivants », qui passa par toutes sortes de couleurs et d'approches avant de se voir attribuer, enfin, un nom convaincant. Dans ce cas, la difficulté de voir s'imposer un titre légitime venait du fait qu'il m'était impossible de comprendre clairement de quoi j'avais bien voulu parler, quel était le sujet de ce fichu roman. Ici, c'est le titre qui a en quelque sorte donné la clé, qui a éclairé l'essence du roman. Phénomène étrange.


    La dernière occurrence est celle du prochain roman à paraître chez Phébus, en janvier 2017. A l'origine, je voulais écrire un roman brutal et radical, onirique, vaguement cauchemardesque, bizarre, sur la Révolution française. J'avais alors été très marqué par la lente dérive sanglante et sordide du roman de Cormac McCarthy, « Méridien de sang », et j'imaginais un livre de cette veine. Il était juste alors que ce roman s'intitule : « La Grande Sauvage ». Or le roman prenant sa propre tonalité, l'étude de la période m'apportant un nouveau regard, le récit a pris une autre ampleur, une autre direction. Le titre ne convenait plus. Mon éditeur m'a proposé qu'on y réfléchisse. Après quelques échanges, nous sommes tombés d'accord hier sur un nouveau titre, plus adapté. Je vous confie ici en avant-première cette idée nouvelle, avec cet avertissement : le titre est en ce moment en cours de test au sein de la maison d'édition. Il n'est pas encore absolument confirmé. Tout de même, je vous le donne, ce qui aura valeur de test aussi. Que penseriez-vous d'un roman intitulé : « Sa Majesté le peuple » ?

  • 2987

    C'est une ancienne journaliste qui a changé de métier, elle travaille dans l'enseignement aujourd'hui. Elle vient dans ma direction, les bras chargés de sacs lourds. Elle s'arrête à ma hauteur, s'approche de moi très près en disant "bonjour". Un peu surpris, parce que nous ne sommes pas à ce point intimes, je m'arrête également, lui fais la bise (cela nous était arrivé, si si, il y a longtemps...) et j'entame la conversation "alooors, qu'est-ce que tu deviens ?" "ben, toujours au lycée machin, j'essaie de passer des concours... Et toi ? " "Ohbenmoi... "

    Dix bonnes minutes de discussion médiocre sur le temps qu'il fait et le travail qui blabla. Bientôt, on ne sait plus trop quoi se dire et je mets fin à notre conversation. On se salue (pas de bises encore), et... elle peut enfin entrer chez elle !

    Je m'étais arrêté sur le pas de sa porte. Son approche, que j'avais analysée comme un désir de lier conversation, était juste le dernier mètre qui la séparait de son appartement. Son appartement que mon insistance à bavarder de tout et de rien lui interdisait d'aborder.

  • Les Nefs de Pangée - Nouvelle critique

    "une œuvre dense, profonde et lyrique. Sa lecture restera ancrée en moi grâce son originalité, elle arrive à se démarquer de ses pairs comme l'a fait avant elle La horde du contrevent ou Gagner la guerre : grâce à une langue émouvante, une trame novatrice et un ensemble harmonieux."

    Babelio recueille les chroniques de ses adhérents. Une quinzaine pour Les Nefs, à ce jour. Quelques avis mitigés, mais la majorité a vraiment aimé. Merci à cette nouvelle lectrice.

  • 2984

    Entendu dans une émission de télé-réalité (je zappais, et si vous ne me croyez pas tant pis). La caméra suit un jeune homme qui est accueilli dans la maison qu'on lui fait visiter. La voix off précise : « Madame Machin montre à Bidule la chambre de la jeune fille dans laquelle il va dormir. » Je suis persuadé, enfin je veux croire, que les rédacteurs du texte de la voix off ont malicieusement glissé cette ambiguïté, pour se taper sur les cuisses en regardant le visionnage. On résiste comme on peut à la connerie, même rémunératrice.

  • 2981

    Un journal local veut informer ses lecteurs sur les relations auteurs-éditeurs, et je lis, concernant les écrivains de ma région (je résume) : « Certains auteurs préfèrent une meilleure diffusion et choisissent un grand éditeur. » Ils préfèrent... Ce n'est pas qu'aucun éditeur ne veut de leur bouse, c'est seulement qu'ils "préfèrent". Donc, tu ponds ton roman, tu téléphones à Gallimard (ou au Réalgar, par exemple): « Bon, maintenant, j'en ai marre de diffuser mes plaquettes auprès de ma famille et de mes amis, alors, je vous envoie mon manuscrit. Démerdez-vous, faites-moi ça bien et envoyez-le dans tout le pays, OK ? »
    Je vous conseille de pratiquer comme ça. Surtout, après, vous me dites comment vous avez été reçus.

  • 2977

    La date est gravée dans la pierre : 1885. L'année où le grand-père de Jeannine a scellé ici le manteau de la cheminée, dans la pièce principale. L'année où il a achevé la construction de sa propre maison, en pisé, la moindre pelletée de terre apportée à dos d'homme, jour après jour. Nous avons à peine le temps de noter ce détail que notre hôte, qui nous a salués chaleureusement sur le seuil, nous fait entrer dans la pièce attenante qui fut l'atelier où elle a quasiment passé sa vie. Jeannine est la dernière d'une dynastie de tisseurs à domicile, initiée avec son grand-père à l'époque des métiers à bras et de la soie. Son père prend le relais et, à la mort brutale de celui-ci en 1974, sa fille née en 1931, notre Jeannine, reprend l'activité. Elle connaît très bien ce métier, puisqu'elle a passé entre les machines son enfance, sa jeunesse, son travail de jeune adulte. La voici à la quarantaine, seule, mettant en route, recevant le « remettage », réglant, surveillant les machines que son père a rachetées à la première entreprise pour qui il travaillait, quelques années plus tôt.
    Quand elle prit sa retraite, bénéficiant de la réforme qui permettait de partir à soixante ans, le travail était plus rare, c'était dans les années 90, le déclin du tissage était pratiquement accompli alors. Jeannine n'était pas artisan, elle était salariée à domicile, statut hybride qui offre l'avantage d'une paye sûre et d'une retraite minimale, mais ouvre déraisonnablement les horaires de travail. On fait corps avec le bruit des métiers dans la maison, on vit au rythme du claquement des navettes, on prend garde que les cendres du poêle ou les mouches de la campagne environnante ne viennent pas tacher le tissu synthétique qui est l'essentiel de la production… les journées sont vouées au métier.
    Jeannine montre le sol de la petite pièce. Les fragments de dalle de ciment où s'ancraient les quatre machines, les restes de tomettes salies de graisse, l'espace gagné sur une ancienne étable où mourut la seule vache de la famille, la cloison qui enchâsse les nouvelles toilettes, en remplacement de l'édicule commun, en fond de jardin. Tous les fantômes d'une vie consacrée à ce métier qu'elle n'eut pas l'heur de choisir. C'est ainsi. Les mains froissées s'abattent sur la table de la cuisine où nous sommes installés à présent, martèlement du destin qui ne cessa de frapper à la porte de son existence.