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Théâtre-spectacles - Page 3

  • 2890

    Certains chantiers d'écriture apportent des questions inédites. En l'occurrence, une résidence d'auteur qui m'a été confiée pose comme principe que la chanson est le vecteur de mémoire le plus populaire et le plus pérenne qui soit. Il s'agit de dessiner, à l'aide de vraies chansons faciles à mémoriser, les portraits de personnes rencontrées. Des artisans, des ouvriers, des ingénieurs, tous témoins d'un passé industriel révolu. Et la question cruciale qui se pose à Jérôme Bodon-Clair, le compositeur, et à moi, devient : Qu'est-ce qu'une chanson classique créée aujourd'hui ?

     

    C'est le projet "Portraits de Mémoire(s)" dont le site dédié sera en ligne pour l'été. A suivre.

  • 2863

    12718082_1279446868751981_4810537838148835082_n.jpgL'aventure parisienne de Pasiphaé, cette pièce créée l'an dernier à Roanne, fut l'opportunité pour la Compagnie NU de présenter son travail à un public non acquis, réputé difficile. Les cessions roannaises ou stéphanoises pouvaient être considérées comme des jeux « à domicile » (ou presque) devant un public plutôt bienveillant. Ici, notre approche allait être jugée par des spectateurs sans a priori autre que celui qu'a pu nourrir la fréquentation des salles et programmations parisiennes. Nous ne faisons aucun complexe d'infériorité, nous connaissons la valeur de notre travail ; il s'agissait de le tester devant un public qui le découvre complètement. D'abord, une chose que nous ne pouvions prévoir : c'est que le changement de comédienne pour le rôle-titre allait à ce point bouleverser la mécanique de la pièce. Non pas changer le propos mais déplacer le centre. Observation fascinante de ce que le spectacle vivant autorise de manipulation, d'interprétation, de « jeu » en fait, à partir de l'écriture. Même le public, son nombre, sa composition, son humeur, change la donne. La pièce, selon son emprise, s'oriente vers la comédie ou le drame, différemment chaque soir. Preuve d'une sorte de plasticité de la pièce assez étonnante. Ensuite, nous avions pris le parti de supprimer les nombreuses chansons qui émaillaient la pièce dans sa première version. L'interprétation de ces morceaux par des comédiens qui ne sont pas à l'aise avec le chant, fragilisait l'ensemble. Les supprimer a resserré l'intrigue sur le trio Pasiphaé/Minos/Dédale. Quel personnage a pâti de ces suppressions ? Le peuple, qui n'est présent désormais que par des propos indirects (mais de façon presque obsédante, il en est question très souvent). Certaines scènes chantées auparavant ont été réécrites quand les informations contenues dans les couplets étaient nécessaires à la compréhension de l'intrigue. La Pasiphaé « parisienne » peut donc être considérée comme une re-création, avec ce que cela implique d'inventions, de relecture et de regains mais aussi de fragilité, de calages de dernière minute, de tâtonnements. Et seulement quatre représentations, séparées par une semaine, qui plus est. Fragilité augmentée. Mais c'est le bonheur de travailler avec des professionnels : tout a fonctionné à merveille. Le franc succès de la dernière peut faire rêver de ce que serait devenu la pièce après vingt représentations consécutives. Au final, nous ignorons ce qu'il adviendra de cette pièce, mais elle a eu un impact certain sur les personnes qui l'ont vue, qu'ils l'aient aimée ou pas, elle a marqué les spectateurs. Les retours continuent, les témoignages se poursuivent, que recueillent nos comédiens parisiens. Nous écoutons. Nous recevons, nous réfléchissons. Une scène a déjà été écrite, pour enrichir le début, poser les enjeux plus tôt qu'ils ne l'étaient. C'est une nouvelle création, riche de potentialités, remarquée par certains professionnels. Rien n'est accompli mais la compagnie se met à imaginer plus loin qu'elle ne l'a jamais fait. Et comme dirait ma chère Pasiphaé aujourd'hui : «  Alors, tout est possible ».

     

    Photo Yann Guillotin.

  • 2862

    La dernière de Pasiphaé : public nombreux et réactif, comédiens au sommet, technique bienveillante, ce fut un moment merveilleux. Enfin rentré, décor rangé, douche prise, suis épuisé. Je vous raconterai plus tard. Demain ? Oui, demain (là, il faut que j'écrive un dialogue supplémentaire, on peut toujours faire mieux). Bonne soirée.

  • 2861

    Pasiphaé_Yann-Guillotin.jpgCe soir, au Point du jour, c'est la dernière de Pasiphaé. Une fin mais aussi ce qu'on peut considérer comme un seuil vers autre chose. C'était le but. Répondre à l'invitation de la directrice de cet établissement était un pari coûteux pour nous (il était évident que les entrées ne compenseraient pas l'investissement trajets, hébergement, salaire des artistes, etc.) mais une expérience nécessaire. Il s'agissait de faire connaître notre travail à des professionnels qui ne seraient jamais venus à Roanne ni même à Saint-Étienne ou Lyon. Je poste ce billet au matin de l'avant-dernière séance, quelques minutes avant de partir rejoindre l'équipe à Paris, je ne sais donc pas comment s'est passé la dernière représentation, mais j'ai assisté aux précédentes et je sais que notre pièce est solide à présent, je sais qu'elle dérange et déroute, je sais qu'elle vit et capte son public. La Compagnie est très fière du résultat. Ce qui adviendra après cela ? Nous verrons. Dores et déjà, nous avons tenu le pari de montrer au public la meilleure Pasiphaé possible. On peut lire dans ce billet ma reconnaissance à Fanny Laudicina, François Frapier, François Podetti et Marc Bonnetin qui ont mis temps, énergie et talent au service de cette aventure parisienne. Elle ne fait que commencer, j'en suis convaincu.

     

    Photos Yann Guillotin.

  • 2853

    Pasiphaé nous accompagne depuis un certain nombre d'années maintenant. Depuis qu'elle fut envisagée en 2012, écrite en 2013 et jusqu'à sa création en 2015 à Roanne (tandis que nous étions touts abasourdis par les attentats contre Charlie), elle est en nous, Nudistes (ainsi se nomment eux-mêmes les artisans de la Compagnie NU), et ce phénomène quasi obsessionnel est amplifié par la perspective des représentations au théâtre du Point du Jour, à Paris. J'écris ce billet la veille du jour où Marc et moi transporterons les décors à Paris et, selon la formule commune, la pression monte.
    PASIPHAE FLYER A6 2016 RECTO.jpgDeux changements majeurs vont faire de cette Pasiphaé parisienne une expérience singulière. Les chansons ont été supprimées, purement et simplement. L'ambition d'un pièce musicale se heurte, il faut bien l'admettre, aux capacités « lyriques » de nos comédiens. Les passages chantés n'étaient pas insupportables, mais incontestablement, ils atténuaient l'intérêt, créaient un creux dans la qualité d'interprétation du reste de la pièce. Nous avons résolu, sans beaucoup hésiter, de les remplacer par une réécriture des textes, et nous avons purement et simplement supprimé certaines scènes, notamment une visite des « Gueux » dans le palais régidentiel. Par de tels choix, l'axe de la pièce se recentre sur l'essentiel de l'intrigue, sur les relations entre personnages, le regard et la compréhension sont moins dispersés. Le sacrifice produit un gain.
    Autre transformation, due aux contraintes de calendrier : Notre chère et adorée Aurore Pourteyron, pour qui ce texte avait été écrit, n'est pas disponible. Pasiphaé photo 3.jpgC'est Fanny Laudicina qui reprend le rôle-titre. Cette nouvelle interprétation crée une métamorphose (après tout, nous sommes chez Ovide, aussi) imprévisible et non négligeable dont j'ai hâte de découvrir le résultat (je n'ai assisté à aucune répétition, mais François Podetti, le metteur en scène, m'a tenu au courant) : Fanny déplace le personnage vers un autre horizon, Pasiphaé devient plus volontaire et davantage motrice du drame et les autres comédiens (François Podetti pour Minos et François Frapier pour Dédale), repositionnent leur jeu en fonction de cette approche. Fanny_Laudicina.jpegC'est presque, au bout du compte, une nouvelle lecture qui se concrétise alors. L'art théâtral est décidément l'espace d'une littérature qui vit, palpite et évolue sans cesse. C'est un processus étonnant et passionnant pour l'auteur à qui telle chose arrive. Un bonheur de plus dans cette aventure. La suite bénéficiera de cet apport. Pour Minotaure, Aurore (qui reprendra son rôle), devra peut-être tenir compte de l'évolution du  personnage tel que travaillé par Fanny. Le cas inverse aurait aussi été vrai. Nous n'en sommes pas là : Minotaure est le chantier pour NU sur 2017, si tout se passe comme prévu. Pour l'heure, le rendez-vous parisien est notre principal souci, avec son corollaire, l'angoisse que la pièce ne rencontre pas son public, comme on dit pudiquement. J'ai confiance cependant en une chose, et nous échangions au téléphone l'autre jour avec François sur ce mode : on présentera la meilleure pièce possible. Ceux qui auront eu la gentillesse et la curiosité de venir nous soutenir peuvent être assurés que nous aurons tous fait au mieux pour qu'ils repartent satisfaits. Pour le reste, n'est-ce pas, nous ne pouvons que prier le dieu de l'affluence (dont nul ne connaît le nom) et espérer. Pasiphaé photo 1.jpg

    Pasiphaé photo 4.jpg
    Ce soir, ce soir, ce soir… jusqu'au 15 avril. Pour moi, ça ressemble à une succession de sorties de romans, la même pression, multipliée, ranimée chaque fois. Épuisant et palpitant.
    Chavassieux, arrête de geindre, profite ! [OK, ok, je profite...]

  • 2843

    Une belle surprise : les répétitions de Pasiphaé, à Paris, avec Fanny Laudicina (Pasiphaé), François Frapier (Dédale) et François Podetti (Minos et mise en scène), ont donné lieu à la création d'un livre avec les photos superbes de Yann Guillotin. Franchement, ça donne furieusement envie d'aller découvrir la pièce, non ?

  • 2799

    Amis Parisiens, vous pouvez dores et déjà réserver vos places pour Pasiphaé sur billetreduc.com. Notre pièce est jouée  Du 07/04/2016 au 15/04/2016, Jeudi et vendredi à 20h, au Théâtre du Point du Jour, Centre d'animation 1 à 9 rue du général Malleterre 75016 Paris (métro : Porte de saint Cloud ; accès : Metro porte de saint Cloud Bus: 22;62;72 ou T3 pont de Garigliano).

    Le rôle titre est interprété par Fanny Laudicina.

    Fanny_Laudicina.jpeg

    Dédale : François Frapier ; Minos : François Podetti. Mise en scène de François Podetti.

    Un rendez-vous important pour la compagnie NU. Nous vous espérons nombreux.

     

  • 2716

    Bon, envoi d'un dossier de subvention à la Région aujourd'hui. Il ne se passe pas deux mois sans que nous soyons  (« nous » : la compagnie NU), remis au rang des quémandeurs qui doivent solliciter leur prince. C'est un choix, assumons. Je rêve d'un moment de bascule où nous serions détachés des mannes publiques, car nous n'aimons pas dépendre des contribuables, n'allez pas croire. L'ennui est que nous ne pourrions créer sans cela. Faire travailler des professionnels coûte (très) cher, et nous avons renoncé à faire des spectacles de patins à glace avec paillettes ou des reprises de classiques ou de comédies célèbres. Pas que ce soit mal en soi, mais nous cherchons autre chose.
    Pourquoi, et depuis tout temps, existe-t-il cette défiance du public pour des spectacles qui, éventuellement, lui ferait passer un bon moment et, accessoirement encore, lui laisserait des souvenirs ? Contrairement à ce que pensait le plumitif de l'hebdo local, nous ne cherchons pas à être élitistes, nous aimons que nos créations soient partagées par le plus grand nombre. D'ailleurs, nos pièces ne sont pas ce qu'on peut appeler confidentielles, les salles sont pratiquement pleines à chaque représentation, alors que nous ne bénéficions d'aucune autre communication que celle des programmes des structures qui nous accueillent et un travail de réseau, mais le  rapport coût/recettes est tel que nous ne pouvons rien faire sans les subsides publiques. Subsides publiques qui, nous a-t-on fait comprendre hier, fondent drastiquement. Il faut donc que je précise que, si nous ne pourrions pas créer sans elles, nous faisons à l'économie malgré elles. A l'économie, c'est-à-dire que la faiblesse des budgets contraint les comédiens et les auteurs à travailler de façon militante, bien en deçà des véritables émoluments auxquels ils pourraient prétendre. Les seuls à être payés correctement étant les techniciens. Voilà, c'était pour ceux qui considèrent que le théâtre contemporain nage sur un océan d'argent facile et que les « intellos » sont privilégiés.

  • 2706

    Savoir pourquoi on écrit est une question à peu près réglée. Mais pourquoi on exhibe ce qu'on écrit, pourquoi on montre son texte à tous les passants, c'est autre chose. Orgueil, mégalomanie, sûrement, prétention aussi, tout ça. Et puis parfois, un lecteur vous dit son enthousiasme, d'autres vous écrivent, une amie vous envoie la photo émouvante des mains de son père, parce que le passage d'un de vos livres les lui a irrésistiblement évoquées. Ou encore, le témoignage est indirect, particulièrement touchant. Un ami (je ne sais, à l'heure où j'écris ces lignes si je peux le citer), bénévole dans une association d'hébergement et d'aide aux sans-abris, discute avec un résident qui était venu voir Pasiphaé, en janvier, à Roanne. Voici l'anecdote qu'il me rapporte :
    « Le type que je connais assez bien me dit qu’il a depuis ce jour en tête une phrase de Dédale, phrase qui lui parle, qu’il reprend, il la cite sans sourciller, c’est important pour lui : « Pose ta vie sur la scène, assieds-toi en face, et regarde si le spectacle te convient ! ». Le gars doit avoir la cinquantaine, la barbe courte, les cheveux dans tous les sens, tu sens les années de galère, le nez trogne etc… Il y a des petits instants magiques parfois, c’est juste beau. »
    Ça n'explique pas tout, mais dans de tels cas, on se dit qu'on n'a pas eu complètement tort d'oser porter son écriture à la connaissance des autres.

  • 2698

    La Grande Sauvage ne sortira finalement qu'en 2017, chez Phébus. Non pas que mon manuscrit ne soit pas prêt en temps et heure, soit début 2016 comme prévu, mais mon éditeur (venu me soutenir à Genève, les contrats sous le bras, je suis tout embarrassé par sa vraie gentillesse), ne veut pas gâcher la sortie du roman par une campagne précipitée. Je suis bien d'accord. Comme j'aborde la dernière partie de ce roman, je réfléchis avec plus de sérieux aux chantiers suivants. J'avais d'abord pensé tenir ma promesse à mon autre éditeur, Mnémos, en écrivant la préquelle (ou antépisode pour nos amis canadiens francophones) de Mausolées. Sauf que les événements qui conduisent à l'état de la société telle que décrite dans ce livre, nous sommes en train de les vivre. Relater le plein chaos dont nous vivons les prémices, m'ôte le plaisir essentiel d'un peu d'exotisme. Je suis donc partagé. J'imagine alors, plutôt, travailler sur l'après-Mausolées. Aller voir plus loin, explorer ce qui résultera de tout ça dans 200 ans, retrouver Set-Zubaï et le fantôme de Léo Kargo.
    Mon « actualité » de 2016 sera donc théâtrale, essentiellement, avec la reprise de Pasiphaé à Paris, et la création de Minotaure, à Roanne. Il faut bien continuer de se projeter. C'est la nature humaine, je suppose.

  • 2693

    Qui a inventé ce jeu insolent ? À qui devons-nous cela ? Tout cela. Est-ce que nous sommes obligés de jouer notre partie, jusqu'au bout ? Nous finissons par concevoir un tel dégoût pour les règles du jeu. Un jeu collectif. C'est bien ça le problème. Un jeu collectif où chacun joue sa partie. Comment voulez-vous que ça fonctionne ? On fait avec. Plutôt, on fait contre. Contre les autres. Contre les règles des autres. De tous les autres. Dès que nous nous sommes vus confier le rôle d'individu, il a fallu jouer ce nouveau combat. Et nous n'étions pas prêts. Nous nous sommes construits des cellules. Nous les avons baptisées. Nous avons fermé la porte sur nos petits rituels maussades. Nous nous sommes cramponnés à l'idée que les murs seraient assez solides. Les murs se fendent, les portes craquent. Le minotaure va passer la frontière.

     

    Dédale, "Minotaure". Extrait.

  • 2689

    Tu n'es pas dans ma maison, tu n'es pas dans ma rue, tu n'es pas dans mes champs, tu n'es pas dans mon atelier, tu n'es pas dans mon livre, tu n'es pas sur les berges de mon fleuve, tu n'es pas dans mon ciel, tu n'es pas dans mon jour ni dans ma nuit. Ma vie est trouée de ton absence. Je t'ai laissé derrière le mur. Je refuse de t'entendre gémir, je refuse d'entendre parler de toi, je refuse de trouver le goût de ta plainte dans le fruit que je mange, je refuse de voir ton visage dans mon miroir, je refuse de connaître ta souffrance et ta mort. Je sais qu'un jour tu rempliras ma rue, mon ciel et les berges de mon fleuve. Je sais qu'un jour ton visage effacera le mien dans le miroir. Mais en attendant, je mange le fruit creusé de ton absence.

     

    Extrait de Minotaure. Pièce en cours d'écriture.

  • 2681

    Souvenir...

     

    Atrée : « Décidément ! Quatre cartes ! Quand tu fais un nombre supérieur à cinq tu multiplies ton chiffre par deux si c'est un nombre impair, par deux et demi s'il est pair, sauf si ton adversaire précédent a posé un sept de contre sur la case de Guignol : là tu retires le nombre de cartes données par les dés moins une. Moins une encore, puisque tu joues pour la première fois. Quatre ! Pas compliqué. »

     

    Extrait de Le Rire du Limule. Création (2012?)

  • 2661

    Te voilà, c'est toi. Grand cadeau minuscule. Un elfe, une fée, un farfadet, une incarnation, le projet neuf de nos vies. Te voilà, c'est toi, le plus petit géant du monde. Te voilà, Petit Poucet majuscule. Et moi, qui te vois si menu, je me sens grandir, de la terre jusqu'aux nues, j'ai des rires de géant, je suis le père d'une chimère. Il en faudrait des moulins, des fous, des assassins, pour venir à bout de notre force. Il en faudrait des guerres et des séismes pour faire trembler nos murs, il en faudrait. Qui nous résisterait ? Qui pourrait anéantir notre douce tribu ?

     

    Extrait de "Voir Grandir". Sur scène en 2016. Musique de Jérôme Bodon-Clair.

  • 2638

    Et je réalise que « Pieds Nus sur les ronces » étant terminé, il faut que je reprenne le collier et revienne à l'écriture quotidienne de blog. Dans quelques jours, je listerai quelques rendez-vous du public avec « Les Nefs... ». En attendant, vite trouver une historiette, une saynète, un axiome, un poème, un bon mot ou un billet d'humeur, ou encore évoquer les chantiers en cours. Tiens, oui : un chantier en cours. Ce pourrait être une évocation de « La Grande Sauvage », comment l'Histoire semble vouloir s'accorder à mon récit imaginaire et m'offrir tout le matériel nécessaire, personnages, situations, événements petits ou grands, pour épauler le parcours de mon personnage. Le très-taiseux Martin. Ce pourrait être la piste de réflexion qui soutient ma prochaine pièce : Minotaure. Oui, arrêtons-nous là-dessus : Minotaure. Deuxième volet du diptyque commencé avec Pasiphaé. Le texte qui suit ne servira pas sur scène, il est comme une amorce pour une pelloche, qui entraînera la suite du film  (sauf si le ruban casse), il me sert d'incipit, devrait enclencher l'écriture de la pièce.

     


    J'ai les mots.


    Je suis de ce monde. Je suis de là. Je suis là. Je suis entré là. Entré un jour trop ancien pour que je m'en souvienne. Un jour. Entré un jour. Entré, je ne sais pas si c'est le mot. Entré. Un jour. Je ne sais pas si c'est le mot.
    Je suis entré un jour dont je n'ai pas mémoire. Je suis là. Depuis que j'ai ouvert les yeux je cours sous le couvercle d'un grand feu sec ou sous la paume d'un vide noir piqué de petits feux.
    Je cours sous l'un ou l'autre. Sous le grand feu ou sous la paume noire. Je ne sais pas si ce sont les mots, le feu, la paume.
    Mon monde est un chemin que je connais mais qui parfois m'échappe, un sentier, une piste coupée d'angles. Avec des pièges qui font mal.
    Des fois, je jette mes cornes aux parois, elles font des traces brunes et sanglantes que je retrouve sur mon chemin, après, longtemps après, des feux et des paumes passés.
    Je touche la trace sur le mur, ça me fait drôle de trouver mon odeur et la couleur qui vient de moi, ça fait un peu mal au ventre. Je reste longtemps à regarder ma couleur, à sentir ma trace. Je ne sais pas pourquoi, mais j'ai de la peine quand je vois que je suis revenu là où j'ai eu de la colère. Quand j'ai cogné le mur j'avais de la colère et j'ai laissé la trace, et mon odeur, mon odeur de colère. Et de la retrouver, la colère me revient. Et ça me fait de la peine.

    Je ne suis pas seul. Enfin je suis seul mais parfois on vient sur mon chemin. Je suis content quand on vient. Des créatures. Je ne sais pas si c'est le mot. Créatures. Les créatures sont sur mon chemin. Elles sont entrées. Je ne sais pas comment. Je n'arrive pas à savoir. Elles sont de derrière les murs. Sur un autre chemin. Elles se trompent de chemin. Ou peut-être qu'elles viennent me chercher ? Jouer avec moi ?
    Hors de mon monde, les créatures chantent. Je les écoute parfois. Je comprends que c'est loin. Elles doivent être nombreuses ou bien ce sont les mêmes qui reviennent. Mais ça, je ne crois pas. Je crois qu'elles sont nombreuses.
    Parfois elles entrent chez moi et sont sur mon chemin. Je les accueille dans un cri de joie. Elles tombent et ne chantent plus.
    Je n'aime pas qu'elles tombent.
    Je cours seul ensuite entre les murs de mon monde, sous le grand feu sec ou le vide noir avec de temps en temps, un gros caillou blanc jeté contre ce vide, et qui ne tombe pas.

    J'ai ouvert les yeux il y a longtemps.


    J'étais tout seul. Je ne sais pas si j'ai eu peur. C'est loin. J'ai eu peur après, des feux et des paumes passés. Beaucoup de feux et de paumes. La peur m'est venue. Pas tout de suite, Je ne crois pas. Pas tout de suite. Je ne crois pas. Je répète les choses. Souvent, je répète les choses. Pour qu'elles entrent en moi. Des fois, je répète la même chose longtemps, des feux et des paumes. Longtemps. Longtemps. Je ne sais pas pourquoi. Je les répète. Je répète les petits cris, les mots que j'ai imaginés. Et je les répète. Et il arrive que ça use les mots. Les petits cris se détachent, ils sont plus petits, les choses ne les reconnaissent plus. Les choses ne sont plus contentes du mot que je leur ai donné. C'est quelque chose qui me fait peur, qui me fait mal à la tête quand un mot n'est plus avec la chose qu'il dit. La peur fait un trou qui grandit dans mon ventre. Un trou où s'installe une paume noire. Il faut que j'arrête de répéter les mots parce qu'un jour, je n'en aurai plus. Et ça me fait peur. Je n'ai pas eu peur tout de suite. Au début. Il y a longtemps. Je répète. Il faut que j'arrête de répéter.

    Avec le temps, des cris me sont venus, qui disent les choses. Les mots. J'ai les mots maintenant. Je ne sais pas d'où ils viennent, mais j'ai les petits cris qui désignent. Je les possède. Je vois une chose, je dis le petit cri et la chose se reconnaît dans ce petit cri qui est le mot. Je vois bien que la chose se satisfait du mot que je lui donne. J'aime bien quand les choses sont contentes des mots. De leur mot. Après, le mot est à la chose. Il n'est plus à moi. Pourtant, c'est moi qui l'ai donné. D'y penser, ça me fait tourner la tête. Et même le mot « tête » c'est moi qui l'ai donné à ma tête pour que je puisse dire ça. La tête qui tourne. Je suis sûr que personne ne sait faire ça. Personne n'est aussi malin que moi.
    Je peux désigner un mur et le dire
    Je peux serrer contre moi une créature et la dire
    Je peux dire mes yeux levés au dessus des parois
    et dire le grand feu sec qui me domine.
    Je ne sais pas le temps qui est passé depuis le premier feu
    depuis que j'ai pu dire le premier feu.
    Je ne sais pas cela mais je sais que beaucoup de temps est passé.

    Quand je dis mur, il y a un vide dans ma grosse tête.
    Qui a construit le mur, et le suivant, et tous les murs ?
    Mon monde est fait de murs.
    Je me sens bizarre et petit quand je songe à qui a construit les murs
    et quand je songe à l'étendue des murs.
    Avec le temps, les questions me sont venues.
    Avec le nom que je donne aux choses.
    Le grand feu sec et la paume noire et vide,
    le chemin, les parois et le froid,
    les créatures et mes cornes,
    les couleurs que je fais sur le sol après manger et qui sentent,
    le frisson qui me tient quand je pense à l'étendue des murs,
    et j'ai aussi un cri pour le caillou planté dans le vide
    J'ai des sons pour tout cela, et même ces sons, je leur ai donné un cri.
    Je dis qu'ils sont des mots.
    Les créatures du dehors ont des mots qui chantent.
    Les créatures ont des mots qui vont vite et font des bruits d'ailes et de pluie.
    Mes mots, à moi, ne chantent pas. Ils font des bruits de corne qui racle la terre.
    Je voudrais rejoindre les créatures dehors
    pour chanter avec elles.
    Je frémis de toute ma grosse tête en pensant à ce moment.
    J'ai peur aussi.
    Peur de sortir de mon monde, mais je crois qu'il le faut. Il le faut. C'est drôle, cette idée. Il faut. Il faut que je sorte. Mais je ne sais pas pourquoi c’est aussi important pour moi. En attendant, je cours.
    J'ignore si je dois courir longtemps.
    Parfois, je pense que c'est impossible et que je devrai courir pour toujours
    Sans espoir de sortir.
    Alors, le mufle planté dans la face du vide ou dans l'éclat du grand feu,
    je lance de longs cris.

    Le caillou, là-haut, garde sa tête de caillou.

    J'essaye de chanter comme les créatures mais je chante si mal,
    je vois leurs yeux agrandis.
    Je les serre contre moi et les créatures tombent.
    Je n'aime pas qu'elles tombent.
    Elles tombent tout le temps.
    J'ai pensé qu'elles tombaient à cause de moi.
    Depuis que j'ai pensé ça, je ne les touche pas. Je les laisse.
    Elles marchent ou font des courses dans mon monde. Je les regarde sans les toucher, courir et jouer avec les murs. Elles laissent aussi des traces. Je sens leur couleur et leur odeur laissées contre les murs. Ça me fait de la joie drôle, qui me fait sentir mou à l'intérieur de moi. Comme si c'était mon odeur, mes couleurs, avec juste un peu de différence. Mon odeur et mes couleurs faites par d'autres que moi.
    Ma grosse tête pèse sur mes épaules et sur mon cou. Elle me fait mal.

    Je sais une chose. J'ai compris une chose : les créatures ne viennent pas pour jouer. Ça ne leur plaît pas d'entrer, de se tromper de chemin. Elles veulent sortir. Comme moi elles veulent sortir mais elles, elles viennent d'ailleurs. Leur monde. Je ne sais pas ce que c’est, je ne sais pas si c'est mieux qu'ici. Ce serait étonnant. Ici, c'est bien. Enfin, elles courent, elles cherchent. Un peu comme moi, mais avec plus de vitesse et de cris. Tout ce qu'elles font, elles le font très vite. C'est joli à voir. J'aime leur vitesse.
    Je les accompagne, je cours avec elles et je pense qu'elle sont malignes, et qu'elles vont trouver la fin du dernier mur, l'angle qui ne ferme rien.
    Je suis alors tout en joie et en rire. Je cours avec elles, je cours avec elles.
    Les créatures se fatiguent vite. Je ne les touche pas mais toujours, à la fin, elles tombent.
    Après, comme j'ai faim, je les mange.
    Je mange leurs couleurs et cela fait un goût très fort que j'aime.
    Quand les créatures sont dehors, quand elles refusent de venir. Je ne sais pas pourquoi elles refusent de venir. Quand je suis seul, je m'ennuie. Je m'ennuie ou alors j'ai peur. J'ai tellement peur qu'elles ne reviennent pas, qu'elles ne reviennent jamais. J'ai tellement peur d'être seul pour toujours. Quand je sens et cette solitude et cette peur, j'utilise les cris qui désignent, je les fais tourner dans ma tête.
    Je fais ça longtemps, pendant tout le parcours du grand feu sec que j'appelle jour
    et jusqu'au moment de la large paume noire que j'appelle nuit.
    Et le caillou, je l'ai appelé lune.
    Et ça me fait mal à la tête et partout, et ça me fait de la peine, une peine plus grande que tout. Plus haute que les murs.

    J'entends du bruit. Les créatures sont revenues. Je vais jouer avec en essayant de ne pas les faire tomber. Un jour, l'une me montrera. Elle trouvera la sortie. Elle voudra de moi. Quand je pense à ce jour, je frissonne et je suis énervé, et fiévreux, et j'ai peur aussi. Elle ouvrira ses bras et je me blottirai contre elle pour dormir. Elle me bercera et ce sera bien. Je rêve de ce jour.

  • 2509

    Visuel_Pasiphaé.jpgLa pièce, Pasiphaé ? On peut s'en faire une (petite) idée, en cliquant sur ce lien. Réalisation Yohann Subrin.

  • 2489

    « Dédale, mais ? Vous perdez les pédales ! » (Pasiphaé)
    (Réplique peu appréciée des jurés du prix Beaumarchais. Comment on perd bêtement une aide à l'écriture.)

  • Où Roanne, Quand Roanne, Quelle Roanne ?

    Roanne, conférence, Chavassieux, Brideau, Verdet, Albert ThomasC'est ce soir, avec les amis Brideau et Verdet, et apparemment, c'est moi qui lance la soirée.

    Un exercice inédit pour moi. 50 minutes de sérieuses fantaisies sur ma ville.

    Merci à Thibaut et aux organisateurs de ce colloque, deuxième du genre.

  • Rencontre avec Laurent Cachard

    La bibliothèque de Fleury, ses bénévoles avec le concours de la municipalité, ont eu l'excellente idée d'inviter l'écrivain lyonnais Laurent Cachard, pour une rencontre exceptionnelle (exceptionnelle « à plus d'un titre », comme le souligne le billettiste désirant passer à l'essentiel, contenu dans la suite).  D'abord, parce que Laurent est un écrivain rare, aussi parce qu'il s'agissait de tenter une approche de l'ensemble de sa production et enfin, parce que la soirée se poursuivait par un – peut-être – ultime récital « Littérature et musique ». Forme singulière alternant lectures d'extraits et chansons inspirées de ses livres, concoctée par l'auteur il y a quelques années, et imaginée avec la complicité des musiciens qui composent et/ou interprètent les chansons inspirées de l'œuvre de leur ami Laurent. Ici, Gérard et sa nièce Clara Védèche, et Eric Hostettler. Ce serait une journée-hommage en quelque sorte, bien que l'âge de Laurent n'incite pas au bilan ou à la rétrospective. Disons que cette rencontre était l'occasion d'un point à mi-parcours.

    Hier donc, Laurent Chachard était venu trouver un public neuf, celui de la bibliothèque de Fleury-la-montagne. Les lecteurs de Kronix connaissent bien cet auteur, souvent chroniqué ici et souvent « lié », blog à blog, car une ancienne complicité existe entre le Cheval de Troie et Kronix.
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    La rencontre d'hier avait pour objet de parcourir les différents aspects de son travail et de susciter pour le public présent le goût d'en découvrir plus, et de le lire. Je ne sais pas si nous y sommes parvenus, en tout cas, l'assemblée était nombreuse et attentive et l'échange, je crois, riche et intéressant.
    Romans, nouvelles, paroles de chansons, comédie musicale, théâtre, écrits sur l'art, essais... Il y avait matière. Prendre le temps de tout aborder, avec immédiatement la certitude que nous ne ferons qu'effleurer le propos mais donner à l'auteur, ce n'est pas si fréquent, l'occasion de dire, de digresser, de peut-être découvrir des choses sur lui-même, qui sait ? Il aura fallu deux heures, et il ne restait plus assez de temps à consacrer aux échanges avec le public. Il fallait se résoudre à conclure, car les musiciens, dans la salle voisine, étaient prêts pour la deuxième partie de l'événement, et des spectateurs arrivaient. Cependant, l'objectif difficile a priori, d'effectuer un tour d'horizon complet a été tenu. Les réactions dans l'assemblée étaient celles de personnes qui découvrent un auteur, ou un aspect méconnu de son œuvre, et ont pris goût d'en connaître davantage. C'était le but. Je ne suis pas mécontent. Un enregistrement a été fait qui, j'espère, pourra être mis en ligne, et qui permettra de suivre complètement l'entretien.

    Littérature et musique est cette expérience peu commune ou plutôt unique (j'en avais fait une description lors d'une représentation stéphanoise à lire ici), constituée à partir de l'œuvre de notre invité. Laurent, je l'ai dit, est un personnage autour de qui s'agrège avec naturel les amitiés durables. Ce n'est pas une chance, pas seulement, c'est son talent. Pendant plus d'une heure, les amis musiciens de l'auteur ont accompagné les musiques écrites par Eric Hostettler sur les paroles de Laurent, et soutenu parfois, ou laissé le silence nécessaire, aux lectures d'extraits des livres de Laurent par lui-même. Courts extraits, significatifs, de chaque roman ou recueil de nouvelles, un prolongement bienvenu de notre rencontre. Et chaque fois, les chansons ad hoc, parfaitement écrites et interprétées. Celles inspirées de « Tébessa, 1956 » ou de « La partie de cache-cache », sont des moments inoubliables, émouvants, forts. Autre moment assez estomaquant, l'interprétation de la jeune Clara Védèche (18 ans), violoncelliste, d'une pièce contemporaine virtuose. Rien que pour ça...

    Dans la dernière partie de notre entretien, celle qui na pas eu lieu faute de temps, nous voulions d'un commun accord, aborder la question de l'assèchement littéraire. Car Laurent subit comme nous tous, parfois, l'angoisse du vide, du « à quoi bon ». Il me semble que la séance à deux détentes d'hier devait lui donner de bonnes, d'excellentes raisons, de ne pas baisser les bras, et lui faire la démonstration, s'il en était besoin, que tout ce travail n'est pas inutile, qu'il a un public, un lectorat, attentif à la suite de ses productions, et du coup, un devoir envers eux.

     

    NB : Je connais Laurent. Il aurait pu évidemment rédiger avec l'aisance qui le caractérise, le compte-rendu de cette rencontre dès son retour à Lyon hier, dans la nuit, mais je crois qu'il m'en a laissé la primeur, par élégance, malgré ma rédaction tardive. C'est bien lui, ça.

  • Ouverte ou fermée

    Dans un premier temps, on peut croire en la supériorité du panneau coulissant sur les portes qui encombrent, lourds panneaux qui pivotent, opaques, grinçants. Mais combien de Vaudeville avortés sans cette trappe qui claque ?