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  • J'ai beaucoup aimé

    Il faut que je vous dise : un auteur devine quand on n'a pas lu son livre. Par les propos du complimenteur ou du critique, il sait s'il a été lu et comment il a été lu : en diagonale, scrupuleusement, les premières et les dernières pages, seulement des passages, et quels passages, ou juste la quatrième de couverture et un peu de presse. Cela se voit, je vous assure. Dans de tels cas, bien sûr, l'auteur ne dit rien, sourit, poursuit la conversation, accepte le jeu de dupes. Parce qu'au fond, il y a, partagée, l'envie de parler du livre, et au terme du dialogue, il est bien possible que l'auteur ait donné à son faux lecteur l'envie de vraiment lire son bouquin.

  • To be or to be or not or perhaps

    Il avait pourtant une mémoire exceptionnelle, qui faisait sa réputation. Mais impossible de se souvenir de sa naissance, malgré tous ses efforts. Il dut se rendre à l'évidence : on lui avait menti. Il ne lui était jamais arrivé de naître.

  • Troisième langue

    Un latiniste et un helléniste se rencontrent. Force est de constater, avec un brin de déception, qu'ils se parlent en français.

  • Marathon

    La légende veut que le soldat Philippides ait couru prévenir les Athéniens de la victoire de Marathon et qu'il mourut au terme des 40 kms et quelque de sa course.
    En réalité, la cité était déjà au courant : un bête pigeon voyageur avait, d'un coup d'aile, porté le message. On a tout de même voulu rendre hommage au sacrifice imbécile du soldat. (Mais vraiment pour faire plaisir à sa veuve, parce que, en plus d'être en retard, le malheureux mis dix minutes à expliquer de quoi il retournait, tant le souffle lui manquait. D'ailleurs, la plupart des Athéniens s'étaient impatientés et s'étaient retirés pour commencer les préparatifs de la fête, tandis qu'il essayait d'articuler : « On. on a. On a. On a ga. »)

  • De haut

    Quand Michelangelo a  peint la voûte de la Sixtine, souvent s'échappaient de son pinceau des gouttes de peinture. 21 mètres plus bas, les taches multicolores superposaient, enlaçaient, juxtaposaient, mêlaient leur acidité. Au fil du temps que dura le chantier, naquit ainsi la première peinture abstraite de l'histoire de l'art occidental, accumulation de drippings chatoyants. Elle existe encore : il suffirait de soulever les marbres qui la recouvrent.

  • Mauvaise herbe

    Le professeur Coolidge s'acharna à démontrer que les réverbères étaient des sortes de mauvaises herbes géantes qui faisaient le désespoir des chèvres, empêchées à cause de cela de se métamorphoser en vaches, comme l'évolution darwinienne le leur imposait. Il fit nombre de conférences et déclarations pour en convaincre un public toujours plus incrédule. Aujourd'hui, force est de constater le génie visionnaire de ce malheureux, dont la dernière entreprise était de découvrir un herbicide efficace contre l'envahissement de cette étrange végétation. Et nous voici, faute de l'avoir écouté, obligés de contourner sans cesse ces grandes herbes grises qui crèvent nos trottoirs.

     

  • Déraillement

    Et tous les voyageurs, endormis sur leur banquette, arrachent le train à la trajectoire dite, le soulèvent et l'entrainent sur les rails du rêve.

  • Les gens sont méchants

    Roger est ce policier qui, pour tester le TASER devant le chef de l'Etat, s'était porté volontaire pour prendre une ou deux décharges électriques. Depuis, il est invité dans tous les commissariats de France pour poursuivre la démonstration. Dans son propre commissariat, on lui demande de recommencer chaque semaine, pour les nouveaux. C'est quand on l'a invité à récidiver pour l'arbre de Noël de la police, que Roger a enfin compris que ses collègues se foutaient de sa gueule.

  • Debout

    Le réveil matin a sur moi des effets absolument inverses de sa fonction : non seulement il ne me réveille pas, mais à l’entendre, j’éprouve instantanément une envie de dormir difficilement surmontable.

  • L'évadé

     

    Toute sa vie, il avait attendu ce moment. Enfin, il allait pouvoir sortir, marcher sans entrave, courir même. Comme c'était bon d'avoir enfin deux ans !

  • C'est comme ça

    Ce serait son chef-d'oeuvre ! Malheureusement, il n'avait aucune envie de l'écrire.

  • Les aventures de Spiderman, la suite

    A New-York, dès son retour de Mongolie, Spiderman déprima. Tous ces méchants, malfrats et super-vilains lui inspiraient un dégoût pour la société qui les avait engendrés, et accentuaient sa nostalgie des steppes, des chevaux et des yourtes. Il ne s'interposa plus dans les cambriolages qu'avec mauvaise grâce, négligea les appels au secours de belles en danger et se mit à prendre beaucoup trop de poids pour rentrer sans ridicule dans son costume. Il finit par organiser des soirées diapos pour raconter son séjour asiate et sa nouvelle vision des choses. Son public dédaigna ces rencontres ou bien, lorsqu'il venait, c'était toujours pour regretter de le découvrir en veste et cravate plutôt qu'en tenue de super héros, et pour lui demander toujours les mêmes choses : ses rapports avec Mary Jane, si une piqure d'araignée radio-active ça fait mal, où peut-on se procurer des araignées radio-actives, ce genre de choses... La lassitude le gagna, la déprime le dévora. Il chercha le moyen de retourner en Mongolie, en vain.
    A l'issue d'une énième tentative pour expliquer à ces veaux de ricains qu'il y avait d'autres modes d'existence que de se bourrer le bide de trucs dégueulasses, il démonta son scooter, arrangea les pièces pour se faire un costume de métal noir et reparut dans la nuit sous les traits de black-beetle, qu'on eût tôt fait, dans la presse, de surnommer fat-beetle, à son grand désespoir. Il en devint plus enragé, et mena désormais un combat infatigable contre les cons.

  • A l'écoute

    A l'heure où j'écris ces lignes, je viens d'achever l'écriture d'un texte pour une artiste qui m'a fait l'honneur de sa confiance. A l'heure où j'écris ces lignes, soit trois jours avant que vous les lisiez, je viens de lui envoyer quatorze pages que j'ai intensément travaillées, et j'attends sa lecture.

    Là, je me reprends, tente de plonger dans l'univers de mon roman en cours, dont j'ai enfin enfin trouvé un titre qui me satisfait : "Parmi tant d'autres". Voilà, ce sera "Parmi tant d'autres". Presque un siècle d'histoire dans une famille française, entre 1850 et 1920, environ. J'ai beaucoup de mal à me remettre à ce chantier. Alors, chose rare, j'ai mis de la musique. Je vous écris en écoutant la symphonie numéro 3 de Gorecki, la "symphonie des chants plaintifs". Merveille d'âmes bouleversées, précipitées dans une sorte de geste musical ample, qui va de la ténèbre à la lumière, qui enfle et s'élève, qui conduit le coeur depuis les murmures incertains des voix damnées au timbre clair d'une femme qui chante la douleur et l'espoir. Toute mon humanité est là, et j'en frissonne. A l'écouter, on se sent mourir d'une mort paisible, tandis qu'on est vivant.

    Si vous ne connaissez pas, et bien, je vous imagine, pénétrés d'émotion, découvrant cette oeuvre majeure. Dire qu'elle a été écrite en hommage aux victimes d'Auschwitz est anecdotique. Elle a été écrite pour toutes les souffrances de la terre, et devrait être tout ce qui restera de nous. Mais je sais bien que le plastique des poubelles est plus pérenne.

  • Lutte finale

    Je les vois ruer leur échine dans l’inertie des foules, ils tapent et tirent, houspillent à perte d’air tous les marauds et les greluches, ils foncent, l’un après l’autre, têtus, menaçants, criant peur et colère, ils avancent et sur le trajet, cela fait des houles de pétrole labourées par l’étrave, avec des rugissements de meute, cela fait des blessés et des mourants qui tombent. Cela fait mal à voir, cela fait le cœur qui remue, s’abîme, coule au fond du ventre avec un appel mou. Et puis je me dis, allez, je me dis que c’est la fin, tu la vois, la fin, là, je me dis. Alors, je fonce à mon tour puisque c’est, je cogne et je renverse puisque c’est la fin, je vais me la bouffer cette dernière, cette ultime, j’irai me les choper, le feu aux poings, la bave aux dents, je me vais te les assommer, les gredins, les boute-feux, les pirates, à grandes lattes, à bouffées de claques, d’uppercuts, d’atemi et de shime, à grandes beuglées de gorille, à force de torsion et de coups, de croc-en-jambe, de taille et d’estoc, tu vas voir, tous, je me vais te les fendre, te les casser, tasser, tabasser, écraser, dérouiller tous, tous, ensemble ou l’un après l’autre m’en fiche, tu vas voir, le nez écrabouillé, les oreilles rougies, les lèvres tuméfiées, paupières gonflées, je vais, je vais, je vais te me les, tu entends, je me vais te les réduire en miettes. Et puis, et puis, oh, après…
    Après, alors, quand il y aura tant de silence et d’espace, quand j’aurai fait le vide à perte de vue, qu’il n’y aura que des fous allongés bras en croix, alors. Le souffle revenu, le cœur revenu, l’âme revenue, j'irai m’asseoir. Je sentirai mes membres détachés l’un puis l’autre, défaits de leur douleur, l’un puis l’autre. Je sentirai s’évanouir les tremblements de la peur, se dénouer l’enlacement des ecchymoses. Et, tu sais, il y aura, comment dire cette chose. Tu sais. Les yeux fermés, narines ouvertes, le corps aspiré par les anges, il y aura cette paix. Il y aura des étoiles sous mes paupières closes, une haleine féminine frémira à mon oreille, le soleil baisera ma poitrine. Forcément, j’aurai un sourire. Je me dirai : voilà. C’est le début. Maintenant, c’est le début. Tout commence.
    Et puis, dans cette paix, je reconnaîtrai une angoisse, me reviendront les images du combat, les flashes et les crashes, et je saurai… Comme j’étais bien quand je luttais !

  • scène de bataille

    - "Ah mais oui, regardez, vous aviez raison, c'est bien un boulet qui nous arrive en pleine gue..."

    - "Eh chef ! Dumouriez s'est pris un boulet dans l..."

    - "Qu'est-ce qu'il a d.. ?"

    (Pénibles, ces scènes de bataille, impossible d'écrire un dialogue correct).

  • SNCF surarmée

    Levant les yeux sur l'intérieur de la voiture du train où je vais cahotant, je découvre, non loin de la porte, une inscription, une marque peut-être, en lettres chromées capitales au dessus d'une vitre de séparation : « BOMBARDIER ». Quelqu'un a donc baptisé cette innocente voiture confortable aux couleurs pastel, « BOMBARDIER ». Je me demande tout de même quel humour ou quelle rage a permis à ce nom de traverser toutes les officines décisionnelles jusqu'à lui autoriser de figurer ainsi, en beau relief argent, au dessus de nos têtes. Mais je m'inquiète d'un rien, aussi.

  • Annecy, nuit électrique

    J'avais trouvé plus pratique, ce matin-là, de descendre l'escalier domestique sur le dos. Le temps gagné est pourtant négligeable, mais l'effet pour le réveil, garanti. Toute la journée ensuite, je grimacerai sur les mouvements qui solliciteront mes épaules et mes cervicales.

    On discerne la volonté gouvernementale de faire détester le service public par la population, dans toutes sortes de désordres, de l'enseignement à l'hôpital en passant par la poste. C'est aussi vrai sur le rail, quand le train à quai attend, et les voyageurs itou, son conducteur. Avec un peu de neige, joli prétexte, on peut facilement atteindre l'heure de retard. Il reste vingt minutes pour être accueilli par des bibliothécaires frigorifiées et patientes sur le quai, prendre ses marques dans la chambre d'hôtel, se laver un peu, découvrir qu'on a oublié brosses à dents et à cheveux, et revenir à ses hôtes, tête en bataille et haleine incertaine.

    N'empêche, elles avaient bien fait les choses, Marie et Anne-Marie, sous la houlette de Claire, leur nouvelle directrice de la Médiathèque d'Annecy -la centrale, Bonlieu, excusez du peu. Une vingtaine de personnes était là, et c'était une surprise pour moi, qui m'effrayait du temps (bourrasque, grand froid), des ours polaires en vadrouille et de la concurrence d'autres événements culturels dont, je le saurai en fin de soirée, la venue ailleurs, de Yasmine Char. Un cercle de lecteurs, ou futurs lecteurs, graves ou souriants, et moi, encadré par Anne-Marie et Michèle (belle retraitée au regard pétillant, grande lectrice, férue de littérature et de poésie), l'une et l'autre ayant sélectionné des passages du « Baiser... » et ponctuant la rencontre de leurs lectures, parfaitement rythmées.

    Quoi qu'elle en dise, la présentation de Marie, nerveuse et gênée quand il s'agit de parler en public, était impeccable. Bon, elle n'a pas pu poser toutes les questions préparées, mais la soirée au restaurant a su palier ces lacunes. Pour le reste, il me semble avoir assez dit à l'assistance, pour satisfaire la curiosité des visiteurs.

    Comme toujours, je ne sais pas trop ce que j'ai dit, et l'intérêt que ça avait. Je me souviens avoir davantage parlé que d'autres fois, de mes autres romans, de « A la droite du Diable », de mes thèmes récurrents, de la fascination que j'ai pour la séduction des dictatures. Finalement, une rencontre n'est jamais inutile. Elle oblige à reprendre son propre parcours, et à découvrir des choses sur soi.

    La nuit à l'hôtel fut épouvantable, merci. Enfin, sinon épouvantable, très pénible. C'est que, voyez-vous, j'ai besoin d'obscurité pour dormir. Le vasistas au dessus du lit, qui s'ouvrait sur la fausse nuit de la ville (comme sont fausses toutes les nuits citadines), répandait sur moi, sur ma pratique déjà établie de l'insomnie, une clarté rousse de ville enneigée. Je ne parle pas du groupe de goujats qui s'est interpelé dans le couloir à deux heures du matin. Vers trois heures, épuisé de ne pas trouver le sommeil, malgré le cépage local choisi pour le repas, j'entreprends de faire l'obscurité dans la chambre. J'ai attendu longtemps avant de prendre cette décision, parce que j'ai calculé l'effort et l'agacement que ne vont pas manquer d'engendrer l'escalade d'un fauteuil posé branlant sur le lit, l'ouverture du vasistas sur la nuit glacé et moi, nu, réchauffant mes muscles endoloris par la chute du matin dans l'escalier, pour étendre une couverture sur la face externe dudit vasistas, l'arrimer à la poignée, et refermer le tout, sans que la couverture se perde sur le toit, en contrebas.

    C'est évidemment sans le moindre problème et du premier coup que je réussis, et me recouche, pour me confirmer in petto que, si la pénombre a gagné sur la clarté, il subsiste encore trop de lumière pour mon organisme énervé. Je finirai la nuit, mon bonnet enfoncé sur le nez, dans l'espoir que sa laine ajoute à mes paupières assez d'opacité. C'est réussi. Il me reste maintenant deux heures et demie avant le réveil, que j'emploie à penser à tel ami qui n'a pas trouvé le lieu de son examen, si important, à ma douce que de nouvelles perspectives mettent en émoi, à ma fille qui, dans quelques heures, passe son permis, et à mes oreilles, échauffées par le port inhabituel de ce foutu bonnet.

    Dormir dans le train du retour m'étant impossible également, apparemment, j'ouvre l'ordinateur, et compose ce petit compte-rendu.

    Sinon, Annecy, c'était super.

  • Annecy

    Ce soir, à 18 h 30, vous pouvez me retrouver à la bibliothèque "Bonlieu", à Annecy.

    Lectures et débat autour du "Baiser de la Nourrice". Vous savez, un bouquin que j'avais écrit. Un truc rigolo, fait pour le divertissement, léger et un peu complaisant, il faut l'admettre.

    Voilà, si vous voulez venir me lancer à la face, devant un public surpris, que vous n'avez rien lu d'aussi superficiel depuis les considérations économiques d'Alain Minc, vous êtes quand même les bienvenus. Et puis si vous n'avez pas lu, pas grave : on vous racontera. C'est juste un mauvais moment à passer.

  • garde à vue aveugle

    Extrait d'un "chat" entre Jean-Pierre Dubois, professeur de droit public à l’université Paris XI et président de la Ligue des Droits de l’Homme, et les internautes, ce jour, sur Le Monde.fr.

    Question de Camille :

    Comment se fait-il que la police puisse aller chercher chez elle une mineure et l'emmener en garde à vue, sans la présence des parents ?

    Réponse de Jean-Pierre Dubois :

    Pour autant que l'on sache, la mère était présente au domicile lorsque la mineure a été emmenée par la police. Mais chacun comprend que s'agissant d'une bagarre entre collégiennes à la sortie des cours, la procédure de la garde à vue est d'une disproportion qui laisse sans voix.

    A l'évidence, la présence d'un policier "de proximité", si vraiment les abords de ce collège posaient quelques problèmes, aurait été à la fois efficace et adaptée à la situation d'enfants de cet âge.

    Mais je me rappelle encore l'enlèvement par six policiers d'un enfant de 6 ans à la porte d'une école primaire de l'agglomération de Bordeaux en juin dernier : la mère et les enseignants, que personne n'avait prévenus, n'ont trouvé de trace de l'enfant qu'après plusieurs heures de "garde à vue" pour un vol de vélo d'ailleurs imaginaire.

    Ce genre de situations, qui malheureusement se multiplient, suffit à faire prendre conscience de la perte de repères qui résulte de huit ans de politique ultra-sécuritaire.

  • L'île de la tentation

    La vérité sur Robinson est que, quand il a découvert Vendredi, il a trouvé en lui un être d'une hauteur de vue, d'une science, d'une connaissance de l'humain et de l'histoire de la terre tellement supérieures aux siennes, qu'il a préféré l'abattre et attendre un navire occidental, avec son équipage de bourrins incultes.