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choses vues - Page 25

  • Repentir

    J'avais d'abord exhibé ici ma rage envers certaines choses dans un billet virulent. Et puis, il se trouve qu'à l'instant, alors que je viens de demander à ma douce de mettre de la musique sur l'ordinateur, elle avoue en être incapable. Mais, lui dis-je, tu m'as bien vu faire, plusieurs fois même ? "C'est que, me répond-elle, quand je suis à côté de toi et que tu es sur l'ordinateur, je n'ai aucune idée de ce que tu fais, ce n'est pas l'écran que je regarde, c'est ton visage, tes yeux, tes cheveux, c'est toi."

    Infatigablement, ma douce me réconcilie avec l'humanité. je ne vois pas qui pourrait refuser d'aimer une telle personne, et je ne vois pas comment je ferais pour l'aimer moins.

  • Après un sondage

    Les statistiques le prouvent : les français écrivent beaucoup et lisent de moins en moins. Mais bon, ils écrivent plus de merde qu'ils n'en lisent. Ceux qui lisent de la merde écrivent beaucoup plus que ceux qui ne lisent rien, tandis que ceux qui lisent moins de merde qu'ils n'en écrivent, écrivent moins. Sans oublier ceux qui écrivent de la merde sur la merde de ceux qui en écrivent.

  • Le bon sens

    « C'est vrai que des livres, y'en a beaucoup », conclut-il. Je le regarde et comprends qu'il faut passer à un autre sujet. Je tente : « Le temps s'est rafraîchi, ce soir, non ? »

  • Hors antenne

    C'était le jour où papa avait prévenu qu'il passerait à la télé. Toute la famille était devant le poste. Papa est apparu, on se poussait du coude : regarde, c'est papa. Il répondait au journaliste qui posait des questions sur son élevage d'autruches. Papa avait commencé genre : « Oui, nous sommes très fiers de » quand l'une de ces bestioles s'est précipitée sur lui et lui a donné des coups de becs sur le crâne. Papa hurlait en lançant des abominations et en essayant de se protéger la tête tandis que le journaliste criait et que la caméra bougeait dans tous les sens. On se disait que demain, à l'école, la journée allait être dure.

  • Les oreilles rouges

    Enfant, du coup de règle sur les doigts, je n'ai retenu que le coup de règle, et aucune leçon.

  • Monsieur Lefaure

    Mon petit Rachid, je ne sais pas si tu t'appelles Rachid et tu ne liras sans doute jamais ce billet, mais c’est plus facile quand on s'adresse à quelqu'un de lui donner un nom, et puis tout de même, je voudrais t'expliquer. Tu viens de m'appeler au nom de la société « Ouverture 3D » ou un nom original de ce genre, pour me conseiller (je suppose) de faire changer les fenêtres de la maison. Très bien. Quand tu t'es présenté comme « Monsieur Lefaure » avec un accent à couper au couteau, j'admets que j'ai pouffé. Je ne voulais pas te vexer. Je suis désolé. Je ne sais pas comment convaincre tes patrons de ne pas tenter de cacher ton identité, sous prétexte que le Français moyen ne s'intéressera pas à des fenêtres vendues par un nord-africain, mais bon. J'ai pouffé, donc, mais pas contre toi : j'ai pouffé de la bête grossièreté du procédé, et tu t'es vexé, tu m'as dit : « Pourquoi vous rigolez, monsieur, vous vous foutez de ma gueule ? » avec le timbre excédé de qui s'est fait remballer systématiquement pendant les quatre heures de son boulot de merde. Dans ta colère, tu as raccroché sans que je puisse m'excuser. Je suis désolé. D'autant plus que, les appels étant enregistrés, tu vas sûrement avoir droit à une remontée de bretelles (non, ça doit s'appeler un debriefing) et que ta colère envers moi va alors enfler jusqu'à la haine. Je t'en prie, mon petit Rachid, c'est pas moi qu'il faut haïr. C'est pas moi le salaud dans l'histoire. Moi, j'étais un gros père fatigué de sa journée qui a ricané devant une démonstration supplémentaire de l'absurdité de ce monde. Un monde où on dit à un type, pour vendre une fenêtre : « Rachid, tu t'appelleras monsieur Lefaure. » Ça, ça devrait vraiment te mettre en colère.

  • La suite dans les idées

    La première idée née du premier cerveau artificiel fut, comme on pouvait le prévoir, tout à fait conforme aux idées du cerveau qui l'avait conçu.

  • Et sinon, ça va ?

    Quand je conclus une lettre ou un courriel par « porte-toi bien » ou « prends soin de toi », ce n'est pas une formule, je le pense vraiment, je VEUX que vous preniez soin de vous. Par pitié, faites attention à vous, les amis, par pitié, prenez soin de vous. Marre des deuils. Marre !

  • La chanson du chauffeur de car

    Je suis le chauffeur de car
    Je conduis les gens endormis
    Je suis le chauffeur de car
    Je les ai à ma merci

    Il y a les gamins qui vont à l'école
    Il y a des mamies
    Il y a les gamins qui rigolent
    Et un type qui lit

    Celui-là, je l'aime pas bien
    Alors pour l'emmerder
    Je mets RTL et Europe 1
    Zemmour et Ruquier

    Radio Scoop, NRJ,
    les grosses têtes et les grandes gueules
    Tout ce qui contre le livre agit
    Je lui mets à fond dans la gueule

    Je suis le chauffeur de car
    Je n'aime pas le type qui lit
    Je suis le chauffeur de car
    Je lui pourris la vie

  • Coup dur

    Je ne sais pas, je ne sais plus, il n'y a plus d'espoir. Le monde est au bord du gouffre, plus rien ne sert à rien, tout fout le camp, c'est la fin.

    On m'a offert « Féfé de Broadway » avec Jacqueline Maillan.

  • Un point

    Vous avez remarqué : on ne donne pas vraiment l'impression de souhaiter une bonne année par écrit si on ne clôt pas l'expression Bonne année d'un point d'exclamation. Sans ce signe de ponctuation qui souligne son essence performative, la pseudo phrase semble dépourvue d'enthousiasme, sans réelle volonté que l'année soit véritablement bonne pour le destinataire. Cependant, en ajouter n'arrange rien : Bonne année !!!!!!!!!! n'est guère plus convaincant que Bonne année !!, on voit que le nombre ne fait rien à l'affaire.
    Insérer un point d'interrogation teinte l'affirmation d'un peu de lucidité : Bonne année !?! Mais l'effet à la lecture est assez cruel. Le récipiendaire ressent un doute, en effet, mais dirigé vers celui qui adresse le vœu. Il peut traduire cette intrusion comme un mal qui s'insinue, contamine le projet, comme une tentative nuisible de distiller l'inquiétude dans la bienveillance de l'annonce. La série de trois points n'est pas agréable non plus: Bonne année... laisse supposer une condition à venir, qui pourrait la rendre bonne, oui, mais sans laquelle le désastre est assuré. Un signe de ponctuation rarissime est le point d'ironie (une sorte de point d'interrogation inversé, on ne le trouve pas sur le clavier et je ne peux le produire ici), on le déconseillera.
    Bon, et bien, restons-en à la tradition.
    Bonne année !
    (tout ça pour en arriver là)

     

    Et c'était la 1600ème note.

  • Les oreilles dégagées

    Chère coiffeuse, ne le prenez pas mal. Si j'ouvre un livre dès que vous ouvrez la bouche, si je me plonge dans la lecture sans vous regarder, ce n'est pas que votre babil m'insupporte ou que je méprise le spectacle de votre savoir-faire. Au contraire, je suis gêné pour vous, je refuse d'assister à votre humiliation. Que quelqu'un s'abaisse à me couper les cheveux me semble un reliquat de rapports inféodés, comme si vous me ciriez les chaussures ou me laviez mes slips.

  • Rétro

    Ce que je vais retenir de 2012, à part les problèmes de santé des proches, les inévitables deuils et les évitables naissances, à part les aléas de la vie et l'affirmation du bonheur que nous vivons à deux, c'est l'enchaînement de hasards qui m'amènent à porter désormais mon regard au delà de 2014, littérairement parlant. 2012, donc. Sortie de « J'habitais Roanne », avec des retours bienveillants et, malgré le boycott d'un journal local (dont je croyais le concours essentiel), un beau succès en librairie et par internet ; un manuscrit retenu chez Gaïa avant d'être retoqué en seconde lecture (mais pour moi, déjà, un petit triomphe), un manuscrit envoyé en pdf (rapide et économique, ce système) et retenu par Mnemos, puis contrat signé (sortie prévue courant 2013) ; un manuscrit présenté à Phébus et retenu pour sa collection de littérature française, puis contrat signé (sortie prévue pour la rentrée littéraire 2014) ; mes apparitions sporadiques sur ventscontraires, des publications dans « Microbe » et « Comme en poésie », une lecture sur la scène du cabaret poétique de Frédérick Houdaer, des textes pour Christine Muller et Jean-François Claustre, une commande de Corie Bizouard pour sa prochaine exposition (texte accepté par l'artiste, un soulagement). 2012 qui ouvre aussi sur 2013 avec : de petites émissions télé réalisées par MCA Prod, la mise en chantier de ma prochaine pièce par Nu compagnie, une préface pour une anthologie de textes sur Roanne et la perspective d'un nouvel opus avec Anne-Laure Héritier-Blanc (La petite fabrique), vous comprendrez que ce fut pour moi une année bénéfique, et porteuse de tant de promesses. Avoir l'automne 2014 pour horizon éditorial et donc 2015 pour horizon scripturaire (si vous me passez cette étrange expression) avec déjà des engagements plus lointains, est un confort que je n'ai jamais connu, une sécurité presque anxiogène (mais ça va passer). Confort qui va me permettre de me consacrer à quatre projets : deux romans, une pièce de théâtre et un essai.
    Du côté des échecs, il y a eu l'abandon par Delcourt d'une série de BD, dont le premier album, contrat signé et travail payé, scénarisé et dessiné entièrement, ne sera donc jamais publié. Il y a aussi la commande d'une nouvelle pour une revue qui n'a finalement pas vu le jour. Si j'étais mature et conscient, ces expériences m'apprendraient à ne pas me réjouir si vite des nouvelles que je vous livre plus haut mais, que voulez-vous, je suis d'un naturel confiant. J'ai remarqué qu'en général, les gens se tiennent à ce qui est convenu.

  • Histoire drôle

    Je songe à faire un petit bilan peu original de l'année qui s'achève. Pour l'instant, il me revient le bonheur que je dois à un échotier local. Le fou rire de mes enfants. Quand j'ai raconté à table que j'étais tricard dans le plus grand hebdomadaire de la région, ma fille a demandé : « mais qu'est-ce que tu as encore fait, papa ? » J'ai raconté cette histoire débile. On a beaucoup ri. Merci, monsieur l'échotier. J'aime voir mes enfants rire aux éclats.

  • Tête d'affiche

    Vernissage d'une exposition l'autre soir. J'y croise souvent des amis, des connaissances, et des visages que je connais sans pouvoir mettre un nom dessus (ma spécialité, mémoire affligeante). L'un de ceux-ci, justement, s'adresse à moi. Belle face lumineuse,  sourire franc, bien habillé, cheveux blancs, il me dit « ça va ? » je suppose qu'on se connaît, son visage ne m'est effectivement pas inconnu, je salue à mon tour. On passe. Plus tard, autour du traditionnel pot qui clôt ce genre d'événement, je retrouve le gars qui m'interpelle : « Et Untel, qu'est-ce qu'il devient ? » (Untel est un archéologue réputé chez nous) « Je l'ai vu hier, il est toujours en forme » L'autre : « C'était mon prof dans Tel lycée... » etc. Bon. Toujours très souriant, le type (mais oui, je le connais, un ancien copain de classe ? Non...) me parle comme ça un moment, on échange sur l'expo, sur l'archéologie locale. Je le quitte enfin, retrouve des amis, on discute. Une collègue me désigne de loin le type avec qui je viens de parler : « Tiens ? Il est venu, lui ? » Justement, dis-je, je crois que je le connais, mais alors, impossible de me souvenir.
    « C’est le candidat Front National local. » dit-elle sans ménagement.

    Et merde.

  • La nature est bien faite

    Avez-vous remarqué que la taille des adultes, longueur des bras et des doigts, est calculée de façon à ce que les petits enfants qui commencent à marcher puissent s'accrocher pile-poil aux mains de leur grand-mère d'un côté, de leur grand-père de l'autre ?

  • Vis ma vie

    La valise qui n'a jamais servi
    Le calendrier qui n'est marqué d'aucun projet
    La panière du chat vide
    Les livres empoussiérés
    Le téléphone muet
    L'assiette et le verre seuls
    La porte où s'infiltre le froid
    La boîte aux lettres qui déborde de publicités

    Et alors ?

    C'est toujours mieux que :


    Les nuits à l'hôtel
    L'agenda bourré de rendez-vous essentiels
    Le chien de garde enchaîné sur le seuil
    L'absence de livres
    Le portable et le fixe qui sonnent sans arrêt
    Les bouffes obligées et les apéros mondains
    La double porte blindée et matelassée
    La boîte aux lettres qui déborde de factures

    Et de toute façon, ça sonne moins bien.

  • Ego-centré

    Je remarque qu'on n’est plus guère antimilitariste de nos jours, c'est un engagement un peu démodé. Et puis, je réalise que l'armée est maintenant de métier, et que le spectre de se trouver enrôlé dans un conflit et d'y mourir, ne menace plus que les pauvres qui n'ont aucune autre perspective professionnelle. Du coup, il devient moins urgent d'être contre la guerre. On se tourne vers la protection des loups. Sauf les bergers et les moutons, bien entendu.

  • Pas tout de suite

    Un petit café. Avec un morceau de chocolat. Non, deux. Non, un. Voyons. Le monde, Courrier international, Le Monde diplomatique, Facebook, Les blogs, Laurent Cachard, Calamités quotidiennes, Eric Chevillard et Vents contraires, Humoétique. Tiens, un petit chocolat. Juste un carreau. Mes mails. Rien. Bon. Par la fenêtre, un chantier de l'autre côté de la route. Énorme excavation. Intéressante noria des camions. Bon. « L'art français de la guerre » est à portée de main, je lis quelques pages. C'est un superbe travail. Très bon roman (pour l'instant : je n'en suis qu'au premier tiers). Enfin un Goncourt qui tient la route. Je poursuis un peu « Le serment de Rome ». Désagréable impression de relire la prose du « Baiser de la Nourrice ». Même travail de la langue. Bien sûr, il est peu probable que Ferrari l'ait lu, mais je ne peux me débarrasser de cette idée, ligne après ligne. Vais abandonner, sûrement, ça parasite. Un coup de fil à un copain. Un tour sur Facebook. Envoyer un ou deux mails. Un petit café. Brosser le chat. Dehors, une bétonneuse manœuvre. Quoi de neuf sur Allociné ?
    (soupir)
    Toutes ces stratégies pour retarder le moment de l'écriture...

  • Rompu

    Je vois ce type, sur la place, descendre de sa voiture et extirper avec peine un énorme bouquet de fleurs de la banquette arrière. Son portable sonne, il décroche. Il écoute et l'expression de son visage s'est figée, le bras qui tient le bouquet est inanimé, et les fleurs, seconde après seconde, piquent plus verticalement vers le sol. Il ne dit rien. Raccroche. Jette son bouquet par terre et remonte dans la voiture. Je viens d'assister à un petit drame merdique.