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choses vues - Page 25

  • Echange de bons procédés

    Un texte de Fabrice Pousserot, de Calamités quotidiennes


    Au départ, l’idée paraissait rigolote : 7 Mars 2012- 7 Mars 2013, une année complète de « Calamités Quotidiennes », il fallait marquer le coup, un billet mémorable, un dessin avec un gâteau des bougies et des « tsoin tsoins », ça aurait pu le faire.
    Et puis, bon, quand même, tout cela aurait à mes yeux, détonné, égard à l’humour parfois potache, mais discret au regard des chiffres de fréquentation de ce blog nouveau né.
    Quelle idée donc, quel trait de génie permettrait de marquer dignement le 365ième jour d’existence de mon défouloir quotidien ?
    Un Génie ? Mais, bonsangmaiscébiensurje m’exclamait ! Un Génie ? Un Génie ! Je l’avais trouvé ! Ne me restais plus qu’à contacter par mail l’imenssissime Christian Chavassieux qui m’avait chaudement recommandé, plus d’un an avant, de compiler sur un blog les inepties que je semais à tout vent sur un célèbre réseau social : « Ouvre un blog ! » qu’il m’avait écrit, laconique et impératif, « Ouvre un blog ! », j’avais imaginé, fertile penseur que je suis la suite de ce court message :

    « Ouvre un blog ! »

    Ou je te pète la gueule
    Ou je te crève tes pneus
    Ou je te scie ta canne

    J’avais donc imaginé tous les scénarios possibles devant cette simple suggestion bienveillante de ce vieux Chavass’ ( je sais, Christian, je suis certainement le premier à t’affubler de ce sobriquet ridicule, mais c’était simplement une volonté facile de créer une intimité fictive, une espèce de vieille camaraderie qui me pousserait à t’interpeller ainsi en te gratifiant d’une solide bourrade alors que nous dégusterions un verre de « Préfontaines » accoudés à un zinc minable, mon vieux Chavass’ alors que je le sais bien, moi, que tu préfères le Chivas, mais cessons là cette parenthèse incongrue qui m’amène une fois de plus bien loin du sujet dont c’est y que je voulais causer, ça m’énerve quand je m’éloigne comme ça du thème  que je voulais traiter, vous ne pouvez pas savoir à quel point ça m’angoisse cette tendance lourde à la digression, ça me coûte une fortune chaque semaine, allongé sur un divan freudien à me demander s’il est bien judicieux de………)

    Le mail que j’envoie à Christian est également concis, précis : je lui propose de lui laisser, ce 7 Mars, la page blanche de mon blog !

    10 minutes après le mail

    Réponse de Christian, l’idée l’amuse, l’intrigue même, il me propose donc carrément d’échanger nos blogs ce jour là ! Mince alors, moi qui  comptait me la couler douce ce jour là, non seulement il va falloir que j’écrive mais , de plus, en essayant d’y glisser un peu de talent, écrire sur « Kronix », quand même, ça mérite de transpirer un peu……….
    L’idée me vient d’un Conte, d’une Fable, une aventure improbable qui mettrait en scène l’Auteur du « Psychopompe » et du « Baiser de la Nourrice ».
    Café, noir, fort, gnole de coing dans le café, les doigts transpirent sur le clavier comme lorsque ,enfant, je participais aux auditions de piano de l’école de musique, l’histoire commence, Chavassieux, tel un Jack Torrance hexagonal, décide, le temps des quelques mois nécessaires  pour écrire un roman , de devenir gardien d’un Musée, on ne se refait pas, fermé l’hiver, dans un coin perdu d’une lointaine cambrousse de montagne, loin des stations à la mode, on imagine la neige , le vent dans les sapins. Le Musée, on n’en doute pas est hanté des âmes des personnages qu’il présente, et, tout au long du temps, la terre est durcie par le froid, Christian ne peut, pour se détendre, chasser les taupes, Chavassieux est gagné par une psychose, une folie violente, qui le pousse au Crime.
    A la toute fin du film, de ce « Shining » franco rural, gros plan, sur une photo jaunie, au fond de la vitrine qui présente la maison du rebouteux, du sorcier, on reconnaît sans peine le visage halluciné de Christian Chavassieux, en paria du village tel le Zorg inquiétant de «  La Maison assassinée ».

    L’idée est bonne, amusante même, mais………………………………..
    ….. Mais la pensée, tout soudain que Christian Chavassieux  puisse, ne serait ce même que moralement persécuter sa Douce, me semble intolérable, si ce n’est inqualifiable !!!!!!!!

    Au panier donc le Kubrick de pacotille, parodie avortée, il me faut une autre idée ! Et je repense à l’insolent et inachevé : « Radical Hennelier ».
    Coup de main que j’imagine précieux à l’auteur en panne je décide de terminer l’histoire qui nous laissait sur notre faim, agacé, ou désespéré, cochez les mentions inutiles,  au matin du 4 Janvier sur ces derniers mots :
    « Dans le sourire de mes frères et sœurs, je perçois la vie nouvelle et libre qui nous attend. Dès que nous serons assez nombreux. »
    Que je conclus, désintéressé que je suis par un glorieux :
    « TSOIN TSOIN ! »


    Calamiteusement……………..

     

    Ehé. Et voilà, rendez-vous donc, vous l'aurez compris, ce même jour, sur le blog de Fabrice pour considérer l'autre facette de l'échange. On aurait pu se dire, pour rester du côté de Jack Torrance : "Viens jouer avec moi."

  • Du Ghetto

    Nous attendons de vos nouvelles est le récit croisé des parents de l'auteur à partir des lettres qu'ils lui ont laissées. Cette correspondance, dont Michèle Goldstein-Narvaez a toujours su l'existence, mais qu'elle n'avait jamais osé lire avant la disparition de sa mère, est le point à partir duquel l'écrivain greffe ses propres souvenirs, son rapport avec ses parents, les récits de sa jeunesse à Lyon, des points de sa vie, enfin tout ce qui la constitue et qui, réalise-t-elle alors, est imprégné de ce passé.
    Janka, sa mère, et Stasio, son père, juifs polonais de Lodz, se sont évadés du ghetto de Varsovie et ont survécu aux bombardements, au siège, aux combats pour la prise de la ville à la fin de la seconde guerre mondiale.
    C'est un livre terrible et intelligent, précis, généreux. Le récit de juifs qui échapperont à la Shoah, avec tout ce que ce statut de survivant peut avoir d'heureux et d'inconfortable.
    La lecture de Nous attendons de vos nouvelles a été un temps suspendu. C'est un livre à plusieurs niveaux de lecture dont il n’est pas facile de parler succinctement. Il faut dire d'abord la qualité de son écriture. Ce n'est pas une surprise quand on a lu les moindres travaux de Michèle, mais c’est le viatique de tout le reste, et c'est essentiel. Pas de sophistication inutile, de virtuosités qui auraient amoindri l'hommage en jouant le pathos ou l'emphase. C'est l'élégance, une écriture intelligente et sobre, un phrasé sûr, de la force, la forme nécessaire.
    Le croisement des récits, l'organisation des histoires dans l'Histoire, chevauchements complexes, sont rendus fluides grâce à un travail que l'on devine énorme, à partir des lettres traduites, des ouvrages référents (de la grande histoire à Sept dans un bunker de Charles Goldstein en passant par le Karski de Haenel, etc.), de la voix des parents, de la mémoire collective. Tout cela est parfaitement tissé au long du livre. Le déroulement des faits est clairement exposé, le chapitrage est fait dans une volonté d'informer. Seule ma méconnaissance des lieux et la difficulté du français avec les patronymes juifs ou est-européens m'ont obligé parfois à des retours en arrière, des vérifications. Mais que l'auteur soit louée pour l'effort didactique qu'elle a privilégié en rédigeant. A la fin, avec la lecture des lettres, le peu de doutes s'éclaircit tout à fait.
    Il est très difficile, alors que je sors juste de ma lecture, de donner une vue en hauteur et pertinente de ce texte émouvant. La première chose qui me vient, sans aucune analyse, c'est cette scène où l'auteur est sur le quai de la gare (c'est dans l'introduction, je crois, véritable livre dans le livre, déjà un formidable morceau de littérature), quand un train de marchandises stoppe ses wagons vétustes devant elle et que, pendant quelques terribles secondes, Michèle sent comme une aspiration, ses pas attirés vers eux, vers un destin inéluctable. C'est magnifique, c'est vertigineux, je crois qu'on n'a jamais traduit de façon aussi puissante la force de ce traumatisme particulier, et aussi ce que c’est que d'en hériter. On n'en finit jamais, et le monde et ses visions sollicitent constamment le survivant avec l'éternelle question du pourquoi. Un wagon qui s'arrête et c'est l'incompréhensible qui vous saute à la figure.
    Survivante, petite Thérèse (Oui, son autre prénom est Thérèse, malgré les réticences de la famille, mais cette trouvaille trouve son explication dans le beau passage du bombardement et du garçon à qui Janka sauve la vie), miraculée parce que ses parents ont eu la chance de vivre (la chance, insiste Lipietz dans sa superbe postface, car l'argent, la volonté et le courage n'ont pas suffi pour la grande majorité, hélas), il y a donc cela que l'auteur doit supporter. Comme il faut supporter que l'humanité un jour, se révèle sous l'angle de sa plus néfaste nature. Je rejoins encore Lipietz quand il souligne cette scène où les domestiques polonaises, tout à leur joie carnassière, volent rideaux et objets, dans l'appartement et sous les yeux de leurs employeurs, avec la bénédiction des soldats allemands (quand je vois l'effet qu'ont sur moi les minuscules trahisons, les petits désordres de l'amitié, je me dis qu'être témoin de toutes ces bassesses doit être absolument dévastateur, et d'une dévastation durable). Avoir confiance en l'humanité après ça... Heureusement, comme toujours, il y a les exceptions. L'étonnante Jula, polonaise catholique, qui cache des juifs  en plein Varsovie, se brosse innocemment les cheveux tandis que les nazis fouillent son appartement, en est un merveilleux exemple. Quel courage !
    Les témoignages des parents seront livrés au fil des ans à leur fille avide de détails, livrés par bribes ou par distraction, avec de l'humour souvent. On saisit comment tout cela a construit l'identité de l'auteur. Et comment les lettres disent l'angoisse pour ceux dont on doit se séparer, malgré ou à cause de l'amour qu'on leur voue, les tracas quotidiens, les espoirs même dans les moments les plus sombres, et la façon dont la vie triomphe, au bout du compte. L'importance du quotidien est peut-être un des apports les plus importants de ce livre. Il n'est pas absent des grands textes exemplaires sur la Shoah ou le Ghetto de Varsovie, de Primo Levi ou de Martin Grey, il n'est pas oublié par Lanzmann, mais il est toujours livré sur le mode édifiant, pour expliquer la dureté de la vie, donner un détail significatif (ce pourrait être ici la façon de se laver dans un verre d'eau, par exemple). L'idée de citer les lettres in extenso ou presque, au cours et surtout à la fin du livre, renvoie à celle de l'impensable. Je m'explique. Au jour le jour, un cataclysme inédit est impossible à analyser, parce que le quotidien l'emporte. Se nourrir, se vêtir, trouver un travail, s'informer sur tel ou tel, sur une mère ou un fiancé, voilà ce qui importe. Les grandes colères des nations et les idéologies ont le caractère des éruptions volcaniques. S'en inquiéter ne changera rien et, de toutes façons, on le saura quand ça arrivera. C'est cela que les lettres disent. C'est pour cela que la mémoire est importante. C'est pour cela que, disant le quotidien, les lettres familiales, quelques objets, ce minuscule trésor tassé dans une enveloppe repliée ou dans une boîte métallique, disent aussi combien la litanie des jours est un danger. Un danger mais aussi la substance de la vie. La marque de son obstination. Que l'auteur aie, toute jeunette, dressé ses poings pendant mai 68, soutenu la résistance chilienne, n'est pas anodin. C'est qu'elle avait compris le désastre de l'autisme face aux mouvements idéologiques. C'est un autre héritage.
    Je trouve remarquable et significatif que Michèle Goldstein-Narvaez ait attendu la disparition de sa mère, dernière survivante, pour se lancer dans ce travail. Je comprends cet atermoiement. Je crois qu'il s'agit davantage d'une maturation nécessaire que d'une hésitation à se confronter au passé, aux événements trop durs, à la mémoire de ses parents, d'êtres trop proches pour qu'on leur substitue une traduction scripturaire, aussi respectueuse soit-elle. Il s'agit de transmettre, et je me dis là aussi que le  métier de l'auteur (elle est professeur) n'est pas venu par hasard, mais qu'il est bien le fruit de cette idée, née quelque part sur un coin de table, à la cuisine, quand Janka et Stasio lui racontaient, encore une fois, la survie dans les égouts.
    Michèle Goldstein-Narvaez a produit là une belle œuvre de transmission, importante, que je vous invite à découvrir.


    Nous attendons de vos nouvelles : voix du Ghetto de Varsovie.

    Michèle Goldstein-Narvaez. Editions Max Milo. 18 euros.

  • Repentir

    J'avais d'abord exhibé ici ma rage envers certaines choses dans un billet virulent. Et puis, il se trouve qu'à l'instant, alors que je viens de demander à ma douce de mettre de la musique sur l'ordinateur, elle avoue en être incapable. Mais, lui dis-je, tu m'as bien vu faire, plusieurs fois même ? "C'est que, me répond-elle, quand je suis à côté de toi et que tu es sur l'ordinateur, je n'ai aucune idée de ce que tu fais, ce n'est pas l'écran que je regarde, c'est ton visage, tes yeux, tes cheveux, c'est toi."

    Infatigablement, ma douce me réconcilie avec l'humanité. je ne vois pas qui pourrait refuser d'aimer une telle personne, et je ne vois pas comment je ferais pour l'aimer moins.

  • Après un sondage

    Les statistiques le prouvent : les français écrivent beaucoup et lisent de moins en moins. Mais bon, ils écrivent plus de merde qu'ils n'en lisent. Ceux qui lisent de la merde écrivent beaucoup plus que ceux qui ne lisent rien, tandis que ceux qui lisent moins de merde qu'ils n'en écrivent, écrivent moins. Sans oublier ceux qui écrivent de la merde sur la merde de ceux qui en écrivent.

  • Le bon sens

    « C'est vrai que des livres, y'en a beaucoup », conclut-il. Je le regarde et comprends qu'il faut passer à un autre sujet. Je tente : « Le temps s'est rafraîchi, ce soir, non ? »

  • Hors antenne

    C'était le jour où papa avait prévenu qu'il passerait à la télé. Toute la famille était devant le poste. Papa est apparu, on se poussait du coude : regarde, c'est papa. Il répondait au journaliste qui posait des questions sur son élevage d'autruches. Papa avait commencé genre : « Oui, nous sommes très fiers de » quand l'une de ces bestioles s'est précipitée sur lui et lui a donné des coups de becs sur le crâne. Papa hurlait en lançant des abominations et en essayant de se protéger la tête tandis que le journaliste criait et que la caméra bougeait dans tous les sens. On se disait que demain, à l'école, la journée allait être dure.

  • Les oreilles rouges

    Enfant, du coup de règle sur les doigts, je n'ai retenu que le coup de règle, et aucune leçon.

  • Monsieur Lefaure

    Mon petit Rachid, je ne sais pas si tu t'appelles Rachid et tu ne liras sans doute jamais ce billet, mais c’est plus facile quand on s'adresse à quelqu'un de lui donner un nom, et puis tout de même, je voudrais t'expliquer. Tu viens de m'appeler au nom de la société « Ouverture 3D » ou un nom original de ce genre, pour me conseiller (je suppose) de faire changer les fenêtres de la maison. Très bien. Quand tu t'es présenté comme « Monsieur Lefaure » avec un accent à couper au couteau, j'admets que j'ai pouffé. Je ne voulais pas te vexer. Je suis désolé. Je ne sais pas comment convaincre tes patrons de ne pas tenter de cacher ton identité, sous prétexte que le Français moyen ne s'intéressera pas à des fenêtres vendues par un nord-africain, mais bon. J'ai pouffé, donc, mais pas contre toi : j'ai pouffé de la bête grossièreté du procédé, et tu t'es vexé, tu m'as dit : « Pourquoi vous rigolez, monsieur, vous vous foutez de ma gueule ? » avec le timbre excédé de qui s'est fait remballer systématiquement pendant les quatre heures de son boulot de merde. Dans ta colère, tu as raccroché sans que je puisse m'excuser. Je suis désolé. D'autant plus que, les appels étant enregistrés, tu vas sûrement avoir droit à une remontée de bretelles (non, ça doit s'appeler un debriefing) et que ta colère envers moi va alors enfler jusqu'à la haine. Je t'en prie, mon petit Rachid, c'est pas moi qu'il faut haïr. C'est pas moi le salaud dans l'histoire. Moi, j'étais un gros père fatigué de sa journée qui a ricané devant une démonstration supplémentaire de l'absurdité de ce monde. Un monde où on dit à un type, pour vendre une fenêtre : « Rachid, tu t'appelleras monsieur Lefaure. » Ça, ça devrait vraiment te mettre en colère.

  • La suite dans les idées

    La première idée née du premier cerveau artificiel fut, comme on pouvait le prévoir, tout à fait conforme aux idées du cerveau qui l'avait conçu.

  • Et sinon, ça va ?

    Quand je conclus une lettre ou un courriel par « porte-toi bien » ou « prends soin de toi », ce n'est pas une formule, je le pense vraiment, je VEUX que vous preniez soin de vous. Par pitié, faites attention à vous, les amis, par pitié, prenez soin de vous. Marre des deuils. Marre !

  • La chanson du chauffeur de car

    Je suis le chauffeur de car
    Je conduis les gens endormis
    Je suis le chauffeur de car
    Je les ai à ma merci

    Il y a les gamins qui vont à l'école
    Il y a des mamies
    Il y a les gamins qui rigolent
    Et un type qui lit

    Celui-là, je l'aime pas bien
    Alors pour l'emmerder
    Je mets RTL et Europe 1
    Zemmour et Ruquier

    Radio Scoop, NRJ,
    les grosses têtes et les grandes gueules
    Tout ce qui contre le livre agit
    Je lui mets à fond dans la gueule

    Je suis le chauffeur de car
    Je n'aime pas le type qui lit
    Je suis le chauffeur de car
    Je lui pourris la vie

  • Coup dur

    Je ne sais pas, je ne sais plus, il n'y a plus d'espoir. Le monde est au bord du gouffre, plus rien ne sert à rien, tout fout le camp, c'est la fin.

    On m'a offert « Féfé de Broadway » avec Jacqueline Maillan.

  • Un point

    Vous avez remarqué : on ne donne pas vraiment l'impression de souhaiter une bonne année par écrit si on ne clôt pas l'expression Bonne année d'un point d'exclamation. Sans ce signe de ponctuation qui souligne son essence performative, la pseudo phrase semble dépourvue d'enthousiasme, sans réelle volonté que l'année soit véritablement bonne pour le destinataire. Cependant, en ajouter n'arrange rien : Bonne année !!!!!!!!!! n'est guère plus convaincant que Bonne année !!, on voit que le nombre ne fait rien à l'affaire.
    Insérer un point d'interrogation teinte l'affirmation d'un peu de lucidité : Bonne année !?! Mais l'effet à la lecture est assez cruel. Le récipiendaire ressent un doute, en effet, mais dirigé vers celui qui adresse le vœu. Il peut traduire cette intrusion comme un mal qui s'insinue, contamine le projet, comme une tentative nuisible de distiller l'inquiétude dans la bienveillance de l'annonce. La série de trois points n'est pas agréable non plus: Bonne année... laisse supposer une condition à venir, qui pourrait la rendre bonne, oui, mais sans laquelle le désastre est assuré. Un signe de ponctuation rarissime est le point d'ironie (une sorte de point d'interrogation inversé, on ne le trouve pas sur le clavier et je ne peux le produire ici), on le déconseillera.
    Bon, et bien, restons-en à la tradition.
    Bonne année !
    (tout ça pour en arriver là)

     

    Et c'était la 1600ème note.

  • Les oreilles dégagées

    Chère coiffeuse, ne le prenez pas mal. Si j'ouvre un livre dès que vous ouvrez la bouche, si je me plonge dans la lecture sans vous regarder, ce n'est pas que votre babil m'insupporte ou que je méprise le spectacle de votre savoir-faire. Au contraire, je suis gêné pour vous, je refuse d'assister à votre humiliation. Que quelqu'un s'abaisse à me couper les cheveux me semble un reliquat de rapports inféodés, comme si vous me ciriez les chaussures ou me laviez mes slips.

  • Rétro

    Ce que je vais retenir de 2012, à part les problèmes de santé des proches, les inévitables deuils et les évitables naissances, à part les aléas de la vie et l'affirmation du bonheur que nous vivons à deux, c'est l'enchaînement de hasards qui m'amènent à porter désormais mon regard au delà de 2014, littérairement parlant. 2012, donc. Sortie de « J'habitais Roanne », avec des retours bienveillants et, malgré le boycott d'un journal local (dont je croyais le concours essentiel), un beau succès en librairie et par internet ; un manuscrit retenu chez Gaïa avant d'être retoqué en seconde lecture (mais pour moi, déjà, un petit triomphe), un manuscrit envoyé en pdf (rapide et économique, ce système) et retenu par Mnemos, puis contrat signé (sortie prévue courant 2013) ; un manuscrit présenté à Phébus et retenu pour sa collection de littérature française, puis contrat signé (sortie prévue pour la rentrée littéraire 2014) ; mes apparitions sporadiques sur ventscontraires, des publications dans « Microbe » et « Comme en poésie », une lecture sur la scène du cabaret poétique de Frédérick Houdaer, des textes pour Christine Muller et Jean-François Claustre, une commande de Corie Bizouard pour sa prochaine exposition (texte accepté par l'artiste, un soulagement). 2012 qui ouvre aussi sur 2013 avec : de petites émissions télé réalisées par MCA Prod, la mise en chantier de ma prochaine pièce par Nu compagnie, une préface pour une anthologie de textes sur Roanne et la perspective d'un nouvel opus avec Anne-Laure Héritier-Blanc (La petite fabrique), vous comprendrez que ce fut pour moi une année bénéfique, et porteuse de tant de promesses. Avoir l'automne 2014 pour horizon éditorial et donc 2015 pour horizon scripturaire (si vous me passez cette étrange expression) avec déjà des engagements plus lointains, est un confort que je n'ai jamais connu, une sécurité presque anxiogène (mais ça va passer). Confort qui va me permettre de me consacrer à quatre projets : deux romans, une pièce de théâtre et un essai.
    Du côté des échecs, il y a eu l'abandon par Delcourt d'une série de BD, dont le premier album, contrat signé et travail payé, scénarisé et dessiné entièrement, ne sera donc jamais publié. Il y a aussi la commande d'une nouvelle pour une revue qui n'a finalement pas vu le jour. Si j'étais mature et conscient, ces expériences m'apprendraient à ne pas me réjouir si vite des nouvelles que je vous livre plus haut mais, que voulez-vous, je suis d'un naturel confiant. J'ai remarqué qu'en général, les gens se tiennent à ce qui est convenu.

  • Histoire drôle

    Je songe à faire un petit bilan peu original de l'année qui s'achève. Pour l'instant, il me revient le bonheur que je dois à un échotier local. Le fou rire de mes enfants. Quand j'ai raconté à table que j'étais tricard dans le plus grand hebdomadaire de la région, ma fille a demandé : « mais qu'est-ce que tu as encore fait, papa ? » J'ai raconté cette histoire débile. On a beaucoup ri. Merci, monsieur l'échotier. J'aime voir mes enfants rire aux éclats.

  • Tête d'affiche

    Vernissage d'une exposition l'autre soir. J'y croise souvent des amis, des connaissances, et des visages que je connais sans pouvoir mettre un nom dessus (ma spécialité, mémoire affligeante). L'un de ceux-ci, justement, s'adresse à moi. Belle face lumineuse,  sourire franc, bien habillé, cheveux blancs, il me dit « ça va ? » je suppose qu'on se connaît, son visage ne m'est effectivement pas inconnu, je salue à mon tour. On passe. Plus tard, autour du traditionnel pot qui clôt ce genre d'événement, je retrouve le gars qui m'interpelle : « Et Untel, qu'est-ce qu'il devient ? » (Untel est un archéologue réputé chez nous) « Je l'ai vu hier, il est toujours en forme » L'autre : « C'était mon prof dans Tel lycée... » etc. Bon. Toujours très souriant, le type (mais oui, je le connais, un ancien copain de classe ? Non...) me parle comme ça un moment, on échange sur l'expo, sur l'archéologie locale. Je le quitte enfin, retrouve des amis, on discute. Une collègue me désigne de loin le type avec qui je viens de parler : « Tiens ? Il est venu, lui ? » Justement, dis-je, je crois que je le connais, mais alors, impossible de me souvenir.
    « C’est le candidat Front National local. » dit-elle sans ménagement.

    Et merde.

  • La nature est bien faite

    Avez-vous remarqué que la taille des adultes, longueur des bras et des doigts, est calculée de façon à ce que les petits enfants qui commencent à marcher puissent s'accrocher pile-poil aux mains de leur grand-mère d'un côté, de leur grand-père de l'autre ?

  • Vis ma vie

    La valise qui n'a jamais servi
    Le calendrier qui n'est marqué d'aucun projet
    La panière du chat vide
    Les livres empoussiérés
    Le téléphone muet
    L'assiette et le verre seuls
    La porte où s'infiltre le froid
    La boîte aux lettres qui déborde de publicités

    Et alors ?

    C'est toujours mieux que :


    Les nuits à l'hôtel
    L'agenda bourré de rendez-vous essentiels
    Le chien de garde enchaîné sur le seuil
    L'absence de livres
    Le portable et le fixe qui sonnent sans arrêt
    Les bouffes obligées et les apéros mondains
    La double porte blindée et matelassée
    La boîte aux lettres qui déborde de factures

    Et de toute façon, ça sonne moins bien.

  • Ego-centré

    Je remarque qu'on n’est plus guère antimilitariste de nos jours, c'est un engagement un peu démodé. Et puis, je réalise que l'armée est maintenant de métier, et que le spectre de se trouver enrôlé dans un conflit et d'y mourir, ne menace plus que les pauvres qui n'ont aucune autre perspective professionnelle. Du coup, il devient moins urgent d'être contre la guerre. On se tourne vers la protection des loups. Sauf les bergers et les moutons, bien entendu.