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choses vues - Page 21

  • La ri rette

    Ma communion solennelle. Je suis en aube (photos détruites aujourd'hui), une petite croix en bois sur le torse, la famille fête le rituel autour d'un bon repas. On m'enjoint de pousser la chansonnette. Je n'en connais qu'une, malheureusement, dont j'ignore les sous-entendus. Je commence "Janeton prend sa faucille..." Il y a une ou deux voix de mon âge pour entonner le refrain "La rirette, lariré-éteu !", mais je sens bien qu'il y a comme un manque d'entrain du côté des seniors.

  • Un des aspects de l'absence

    Un envoi de mail groupé et voilà : il y a cette adresse que plus personne n'ira visiter. Alors, avec des remords énormes, m'interrogeant simultanément sur la trahison que, peut-être, le geste recèle, je la supprime.

  • Prescrire

    Je suis son antidépresseur, son anxiolytique, son somnifère et son excitant,. Mais il y a des effets secondaires. L'accoutumance notamment.

  • Cinérama

    Sur les vitres du car, le film de la ville flouté par la buée et la trace mouillée des gouttes. Balade dans un rêve myope.

  • Dans la limite des places disponibles

    A. : Par exemple, tu vas pas me dire le contraire : Picasso c'est pas beau, quoi.

    B. : Compliqué, le beau. Picasso disait toujours qu'à 14 ans, il savait peindre comme Raphaël, et qu'il a mis toute une vie de travail pour tenter de peindre comme un enfant...

    A. : Et c'est qui, Raphaël ?

    B. : Ah. Et bien, c'est l'un des plus grands peintres de la Renaissance, avec Léonard de Vinci ou Michel Ange.

    A. : Michel Ange, ça me dit quelque chose.

    B. : Bon. Je disais, pour Picasso, en fait, à 14 ans, il peignait vraiment comme Raphaël, c'était incroyable. Il faut voir ses premiers dessins, ses premiers tableaux, c'est éblouissant de maturité et de...

    A. : Et il est mort ?

    B. : Picasso ? Oui. Il est mort.

    A.: Et l'autre, Raphaël ?

    B. : Mais, tu as écouté ? C'est un peintre de la Renaissance. Bien sûr qu'il est mort.

    A. : ...

    B. : Quand on parle de la Renaissance... La Renaissance, c'était il y a plus de cinq cents ans, alors oui, il est mort, Raphaël.

    A.: J'y connais rien, moi. Mais en tout cas, y'a plus de bons peintres.

  • La Bonne Maison

    L'attitude paresseuse du poney dans son pré inquiétait ma douce. De même, l'excroissance abdominale d'un des chatons récemment accueillis et aussi la mère de ce dernier, dont le ventre rond pouvait indiquer une nouvelle grossesse, mathématiquement improbable pourtant. Le vétérinaire, appelé en urgence, ausculte ce petit monde et son verdict tombe : Tout va très bien, sauf qu'ils sont gras comme des gorets, vos animaux !

    Nous redoutons maintenant l'avis du médecin de famille, quand je serai passé sur sa balance.

  • La dent dure

    On s'installe, le menu a l'air tout à fait correct. Un couple de vieux est assis à la table voisine. Je vais aux toilettes, je reviens. On discute. Soudain, la patronne sort de sa cuisine et s'adresse au monsieur du couple. Un vieil homme assez élégant, apparemment en pleine possession de ses facultés physiques et intellectuelles.

    La patronne : "Monsieur, je peux vous assurer que ma viande, c'est du charolais, achetée chez un très bon boucher, et que je fais attention. C'est de la meilleure qualité"

    Le client: "Elle était nerveuse, votre viande."

    (Mon copain m'explique que, pendant que j'étais aux toilettes, le vieux a fait retourner le plat en disant que c'était du surgelé industriel et que c'était mal cuisiné)

    La patronne : "Monsieur, c'était de la meilleure qualité, j'y tiens." (le ton monte, la patronne est offusquée, indignée par cette attaque)

    Le client: "Vous ne savez pas cuisiner, et puis c'est tout. C'était du surgelé." (voix plus forte, tout le monde se retourne)

    La patronne (bras tendu): "Sortez monsieur !"

    Le client: "Attention, hein, m'énervez pas. Vous êtes nulle, vous ne savez pas cuisiner. C'était dégueulasse !"

    La patronne: "Monsieur, quand on n'a pas de dents, on ne prend pas d'entrecôte !"

    Le client se lève, va pour empoigner la cuisinière. Le patron (un type plutôt jeune, silencieux), tente de s'interposer. Les belligérants se toisent. Elle: "Sortez !" Lui : "je vais vous en coller une, moi!" Elle : "Vous voulez me frapper? Ah ben c'est la meilleure !"

    Tout le monde est consterné, sauf moi, j'admets que je me bidonne comme au cirque. La patronne répète plusieurs fois "sortez" jusqu'à ce que l'ordre soit suivi d'effet. La petite dame du couple ne dit rien, elle, d'ailleurs la patronne la plaint de vivre avec "un mari aussi con". La petite troupe, tout en s'agitant beaucoup, se trouve vers la porte, le couple est mis dehors (là, ça se bouscule un peu. Je crois que le patron a carrément poussé le type sur le trottoir). J'entends quelque chose qui ressemble à une calotte. La patronne : "Je connais le truc, c'est pour pas payer!" Le vieux : "J'ai de l'argent, je peux payer!" Elle referme la porte, on l'entend encore gueuler dehors : "J'ai de l'argent, je peux payer!"  Et il disparaît.

    La patronne vient s'excuser pour ce spectacle lamentable. Je me marre comme un bienheureux. Le patron approche pour s'excuser lui aussi et apporter la commande. Soudain, un bruit énorme. Le patron se précipite. Dehors, le vieux est en train de piquer une rage monumentale et vide la terrasse de ses chaises et de ses tables. Il balance les chaises contre la baie vitrée du restaurant.

    Là, on ne voit pas, mais sûrement, le patron et le vieux décidément en pleine forme, s'affrontent grotesquement l'un évitant les chaises que l'autre lui balance à la tête. La patronne appelle les flics.

    Eh, franchement, on est pas bien à Roanne ?

  • 0,1 %

    Mnémos est un des rares éditeurs de littérature de l'imaginaire à permettre à de nouveaux auteurs français de publier dans ce genre, généralement dominé par la culture anglo-saxonne. C'est risqué, c’est compliqué, c'est courageux. Les éditions Mnémos reçoivent chaque année environ 2000 manuscrits de langue française. Vous avez bien lu : 2000. Travail titanesque de sélection. Bien sûr, on s'en doute, plus de la moitié de ces fichiers (l'éditeur propose l'envoi par mail, ce qui est fort commode), est éliminé à la lecture de la première page ou de la note d'intention style « J'ai 15 ans et je suis fan du Seigneur des Anneaux que jai fai dans se roman un homage ». Il en reste cependant environ 1000. Pour ceux-là, un sondage plus consciencieux permet de faire un nouveau tri : thème rebattu, absence de style, dynamique de l'écriture. Un professionnel a vite fait de repérer s'il a à faire à un écrivain ou pas (l'éditeur d'ailleurs éliminera également les manuscrits d'auteurs paranoïaques assortis de l'avertissement : « Ce texte est protégé sous les N°s --- et --- de la SACD, ne vous avisez pas de le publier sans mon accord ou même de reprendre les idées qui y sont car je n'hésiterai pas à vous intenter un procès. » Il en reste donc encore 500 qu'une équipe d'une dizaine de lecteurs bénévoles vont se partager et pour lesquels une fiche de lecture argumentée est demandée. Là-dessus, les derniers choix sont effectués. Cette année, Mnémos publie deux nouveaux auteurs français dans ce genre de littérature. Si vous m'avez suivi jusque là, vous conclurez que Mausolées avait 0,1 % de chance d'émerger de la masse. Un survivant.

  • On connaît la chanson

    Trois jours épatants. Pendant lesquels Aurore Pourteyron, Philippe Noël et François Podetti ont répété les chansons de la prochaine pièce de la NU compagnie : Pasiphaé. Aux manettes, Jérôme Bodon-Clair, jovial, enthousiaste, précis, corrigeant une intention, un souffle. Et grâce à cette exigence de tous, des progrès tangibles au terme de cette courte période. Des ajustements de texte aussi, normal, et même une chanson supplémentaire. Lundi après-midi : découverte un peu contrite que Dédale n'a pas « sa » chanson. Mardi matin, écriture du texte sur un coin de table (mais vraiment un coin de table) ; mercredi matin, création de la mélodie par Jérôme et enregistrement de la musique. Le pire, c’est que le résultat est bon. On est vraiment des bêtes.

  • Infidèles

    Je sais que, parfois, vous m'êtes infidèles. C’est normal, pas de culpabilité je vous en prie. Vous allez en lire d'autres, je sais. Moi, même Chevillard parfois, me lasse. Et puis je reviens. Je comprends donc parfaitement que vous ne veniez pas chaque jour ici pour lire mes élucubrations, pas toujours fines il faut bien le dire. C’est la raison du rythme quotidien de Kronix, d'ailleurs : car je me veux fidèle envers vous. Je suis la Pénélope du web (comme d'autres, hein), je vous attends, je patiente. Chaque jour je prépare votre couche, fais le ménage, dispose un bouquet de fleurs sur le guéridon et aère les pièces, pour le cas où, soudainement, vous réapparaîtriez sur le seuil. Allez, allez en voir d'autres, va ! Je ne vous hais point. Non non, ne culpabilisez pas, surtout pas, moi je suis là, je vous attends. Voilà voilà.

  • Parité

    On a réalisé à l'usage, qu'inviter les noirs à partager la place était plus efficace et plus pratique. Je veux parler des cases de l'échiquier.

     

    (à la relecture, je réalise que ce billet peut être mal compris. Tant pis, ceux qui me connaissent auront fait le tri)

    (à la lecture du commentaire ci-dessus, je me dis qu'on pourrait aussi mal l'interpréter et qu'il me faut peut-être être plus explicite)

    (en relisant la parenthèse qui précède, je crains que la succession de parenthèses n'améliore pas la compréhension des mal-comprenants)

    (et ça suffit comme ça)

  • Vu par

    Que ma relation de la soirée Littérature et musique par Laurent Cachard et ses complices au Réalgar ne vous retienne pas de lire celle de l'intéressé, sur son blog, ici. Et puis moi, ça me fait un billet sans effort et c'est toujours ça de pris.

  • Que d'émotions

    Daniel Damart est un jeune homme de 51 ans. Pour qui l'ignorait, Laurent et ses complices se chargent de le faire savoir, cadeau d'anniversaire à l'appui. Et voici le quatuor lancé dans un interprétation métaphysique de Poussin Piou. Œuvre symbolique du XXIe siècle naissant, anti-romantique et post-humaniste, martelant son phrasé régressif dans les oreilles des oisifs en sueur sur les pistes de danse de la perdition. Laurent prononce l'antienne avec une neutralité grand style et les musiciens tentent d'élever leur art à la hauteur de la virtuosité de cette pièce magistrale, écrite pour la postérité. Nos enfants ont bien de la chance, qui hériteront d'un tel manifeste. Après les applaudissements de circonstance, il est temps de revenir à des choses moins graves, moins solennelles, plus distrayantes bien sûr, mais on n'est pas en vie pour se prendre inconsidérément la tête, et le spectacle littérature et musique reprend.
    Tandis que Laurent distille des extraits de Ciao Bella (une nouvelle de son dernier recueil, dont la fin provoque, selon le lecteur, attendrissement ou colère), et de Tébessa 1956 (moment particulièrement émouvant), dans la ville, un couple anonyme sort du restaurant, les enfants sont repus et fatigués, tout le monde est heureux de retrouver la voiture. « C'est la vie, c'est écrit » chante Eric Hostettler. Après le passage bouleversant de Tébessa, premier roman de Laurent, les musiciens concluent la représentation par L'Embuscade. Je crois que nous sommes tous profondément remués. Personnellement, les premières minutes qui suivent, dans le brouhaha et les déplacements des invités, je ne peux émettre et répéter qu'un stupide « Que d'émotions », seule expression qui me vienne, capable d'exprimer ce que je ressens. Heureusement, d'autres ont plus de vocabulaire que moi, Daniel, les amis et parents venus de Lyon soutenir l'auteur, Fabienne Bergery (auteure qui il y a peu, lut ses textes courts et inédits sur la scène du cabaret poétique), que je découvre « en vrai » et qui a la gentillesse de me demander mes projets. La pauvre. Après vingt minutes d'énumération, je propose qu'on boive un verre parce que ça suffit comme ça. Je félicite les musiciens (c'est le truc le plus nécessaire et le plus débile, féliciter ceux qui nous ont donné tellement de bonheur, on ne sait jamais quoi dire, en général, ils sont entre eux, discutent boulot, on arrive comme des intrus : « Que d'émotions, merci. » voilà c’est fait, je suis définitivement un gros bouseux qui passe). J'avise Clara, la violoncelliste, la félicite pour la maîtrise avec laquelle elle joue de son « gros violon », mon humour tombe complètement à plat, il vaut mieux que je prenne un deuxième verre, et un morceau de tarte aux pralines apportée par l'adorable sœur de Laurent. Je ne fais pas connaissance avec la compagne de Laurent, dont je ne capte qu'un sourire (il avait qu'à nous présenter correctement, aussi), j'échange quelques mots émus avec madame Cachard, maman de l'auteur, je découvre le travail d'une artiste argentine et l'artiste elle-même, je me fais dédicacer un exemplaire de Valse, Claudel, par Laurent Cachard bien sûr et simultanément par David Foenkinos (mais oui ! C’est incompréhensible mais j'ai bel et bien un ouvrage dédicacé du parrain de la fête du livre, quelques mots inscrits directement sous la signature de Cachard : « je m'ai bien régaler », agrémenté d'une petite fleur.) Il est temps de prendre la route du retour. Je remercie Laurent, je remercie Daniel, je remercie tout le monde, que d'émotions, mais oui mais oui, on lui dira, je sors. La nuit est douce. Tout imbibé de musique et de mots, je dépasse les limites de Saint-Etienne, m'engage sur la voie expresse qui me conduira jusqu'aux bras de ma douce. Devant moi, à quelques kilomètres, je ne le sais pas encore, mais un couple anonyme avec ses enfants vient de croiser un vieillard qui a pris l'autoroute à contre-sens.
    Après une heure et demie bloqué dans la voiture, quand je croiserai enfin les lieux de l'accident, au milieu des gyrophares et des carcasses défoncées, j'aurai en tête le refrain entonné par Hostettler, « c’est la vie, c’est écrit ». Je ne sais pas, si je n'avais pas assommé Fabienne de mes projets pendant vingt minutes, ma douce ne m'aurait peut-être jamais retrouvé.
    Que d'émotions.

  • Soirée cadeaux au Réalgar (suite du billet d'hier)

    Entourés des peintures et estampes de Mourotte, nous sommes une trentaine de personnes, pieds de chaise enfoncés dans le beau gravier blanc qui tapisse le sol de la galerie. Les toiles exposées sont de puissantes compositions qui mêlent corps drapés et draps musculeux, villes organiques, concrétions, cristallisations, confrontent et articulent des intérieurs et des extérieurs, des réseaux et des fibres qui hésitent entre nature animale et végétale, entre scarifications et écorces, rides des rivières et plis de peaux. Face à nous, instruments et micros sont disposés sur une scène improvisée. Laurent a pris place le premier. Il présente le programme et, donc, nous fait le premier cadeau de la soirée.
    L'un des projets d'écriture de Cachard, défi énorme, est le récit de la vie d'une jeune fille au cœur de la révolution russe. Elle se nomme Aurélia Kreit, et le fait qu'elle n'a jamais existé n'importe pas. Laurent décrit les circonstances de sa création puis lève une feuille imprimée devant lui. Mon cœur bondit : depuis le temps que j'attends ce moment. Difficile d'exprimer ce que je ressens, alors. Comme si ce cadeau était d'abord tourné vers moi. L'écriture de son vaste roman russe est donc lancée et nous, spectateurs du Réalgar ce 19 octobre 2013, sommes les premiers témoins que, cette-fois, il y est et que, désormais, même si ça doit lui prendre « 25 vies », il prend l'engagement moral de venir à bout de son histoire. Une page lue impeccablement, un phrasé proustien qui décrit le départ de la famille Kreit, enveloppe sensations et description dans le même flux, des détails qu'on ne retient pas à l'écoute, mais qui augurent d'une richesse et d'une dynamique à la hauteur de l'enjeu. Si tout le roman est de cette eau-là, Aurélia Kreit sera une expérience littéraire marquante. Première émotion d'une soirée qui en comptera tant (et j'écris comme une brouette aujourd'hui, décidément).
    Quelque part, dans la rue, un couple anonyme et ses enfants, chargés de livres, passent. Ils sont en quête d'un endroit où manger. Ils n'ont pas encore repris la route. A l'intérieur, Laurent invite son vieux complice Eric Hostettler à le rejoindre. Eric empoigne sa guitare et chante un extrait de son premier album solo, une chanson écrite par Laurent, Faire l'hélicoptère. Laurent Cachard est une sorte d'aimant qui attire d'abord la fidélité de ses amis proches puis, dans un mouvement naturel, comme gravitaire, celle des enfants de ses amis. « Face à l'école du profit, celle de l'amitié et de la famille ». Les projets font un lien fort, une marche commune. Pauline, fille d'Eric, a rejoint le casting de la comédie musicale lycéenne Trop pas ! et interprète comme une pro, L'Ecole buissonnière. Ainsi, Gérard Védèche, musicien, arrangeur, est venu avec sa nièce Clara, violoncelliste. Un plus évident dans le registre des thèmes abordés par l'auteur, mis en musique par Eric. Les accents de l'instrument pénètrent le cœur, soulignent l'émotion des lectures que Laurent enchaîne. La formation complète prolonge l'univers de La Partie de Cache-Cache par la superbe chanson Au dessus des eaux et des plaines. Puis Quantifier l'amour fait suite à la lecture d'un extrait du dernier recueil de Cachard La troisième jouissance du Gros Robert et ainsi pour Le Poignet d'Alain Larrouquis ; chaque livre se voit attacher une couleur musicale, dressant un inventaire conjoint des domaines explorés par l'écrivain. L'écoute de ce spectacle très au point (malgré l'impréparation dont s'accuse l'auteur, élégamment) confirme une double cohérence : celle de l'univers littéraire de Laurent Cachard et celle de l'univers musical du compositeur Hostettler.
    C'est le moment que choisit Laurent pour suspendre le fil de la représentation et faire un nouveau cadeau.

    La suite demain.

  • Début de soirée

    D'abord, il s'est agi de franchir un rempart de foule agglomérée. Dans les remugles de la promiscuité, le visiteur égaré pouvait soudain saisir la raison de cet encombrement. Une vieille tête connue. Michel Drucker, je crois, dédicaçait un livre, son livre dit-on sans rire, un objet de papier avec des signes imprimés dessus, tout à fait convenable je suppose pour toute personne qui ne lit pas mais veut serrer la paluche d'une icône de la télé, ou seulement la voir. Mon objectif étant de retrouver Laurent Cachard, je hurlai au dessus du public compacté : « Je ne veux pas voir Michel Drucker, laissez-moi passer. Je ne veux pas voir Michel Drucker, je veux voir Laurent Cachard, laissez-moi passer. » etc. Petit à petit, l'étau se desserra et je pus enfin approcher Laurent. Il était à la foire aux bestiaux du livre de Saint-Etienne, sur le stand de la librairie Quartier Latin, à la même table que Leny Escudero.
    On se salue. Je suis ravi de le retrouver. La foule est moins dense ici mais tout de même, nos fronts luisent, nos barbes (Laurent laisse pousser, ce qui ne lui va pas mal) transpirent. Il dédicace sa Partie de Cache-cache à une de ses anciennes élèves, pas fâchée du souvenir de son prof de français, voire plutôt reconnaissante, venue avec sa maman (j'affirme qu'il existe un lectorat féminin de Cachard, je commence à accumuler des preuves.) Une dame venue voir Leny Escudero demande où il est, nous désignons le vieillard souriant, à quelques places de là mais elle ne comprend pas, elle répète après un moment d'hésitation « Il est là, Leny Escudero ? » Il faudra que je le désigne comme « celui qui ressemble à une vieille dame, là-bas » pour que le regard de la visiteuse s'éclaire et qu'elle émette une sorte d'exclamation désolée, exprimant ainsi un mélange de plaisir (voir enfin son idole) et de déception (Mon Dieu, tu ne nous épargnes donc rien). Laurent a beau expliquer à la dame que lui est plus jeune et qu'il fera de l'usage plus longtemps, ce que je confirme, la visiteuse ne quitte pas son objectif et nous abandonne. Je renonce à tenter d'approcher Delphine Betholon ou Thomas Sandoz, découvre à côté de Laurent l'écrivain Valère Staraselski, auteur d'une biographie d'Aragon. Le placer à côté d'un nizanien était de l'inconscience, mais les deux hommes sont courtois et intelligents et tout de passe très bien.
    Dans la foule, une famille anonyme passe. Les enfants sont fatigués, ils réclament de l'espace, à boire, enfin qu'on arrête de piétiner comme ça au milieu d'une foule absurde.
    J'ai quitté Laurent pour repérer la galerie Le Réalgar où dans quelques heures, ses amis et lui se donneront en spectacle. En reprenant et en déplaçant ma voiture pour la rapprocher, je revois des lieux de ma vie étudiante. C’est émouvant. Aucune nostalgie, pas de paradis perdu, d'âge d'or, rien de tout ça, mais le constat que les lieux sont là et nous, qui les regardons, également. Des survivants. Un effet de boucle aussi (était-il nécessaire que tu pérégrines ainsi pendant des années pour revenir ici, à cette place ? Qu'as-tu fait de tout ce temps ?) et un autre constat : les lieux ont peu changé. Et nous ? Finalement, en présence de son passé, on mesure le chemin parcouru et on réalise qu'on est le même, à peu de choses près. Fatigué, renouvelé, mais foncièrement identique. Bref.
    Le Réalgar (nom étrange emprunté au vocabulaire de l'alchimie) est une galerie d'art dirigée par Daniel Damart qui l'a fondée en 2007, après un parcours professionnel sans rapport avec le monde artistique. L'homme s'est seulement senti un jour, las de travailler comme une brute pour des projets certes enthousiasmant, mais vides de sens. Ses goûts le portaient vers la peinture et la littérature. Il a tout arrêté pour se consacrer à sa galerie stéphanoise et depuis peu, Daniel Damart édite des nouvelles illustrées par les artistes qu'il défend. La première nouvelle publiée est le « Valse, Claudel » de Laurent Cachard, illustrée par un des nombreux complices de l'auteur, Jean-Louis Pujol. Ce dernier est exposé dans une salle attenante, tandis que Laurent, ce soir-là, s'exposait, assis derrière un micro, entouré de ses amis musiciens, devant une assemblée aussi exigeante que bienveillante.
    Là, il commença par offrir un cadeau exceptionnel à l'assistance...

    La suite demain.

  • Papamobile

    Le bus s'arrête. Le chauffeur obligeant me fait signe de traverser la rue. Derrière la vitre, son geste est celui du pape bénissant. Je me demande si la position élevée des conducteurs de cars ne finit pas par leur taper sur le système.

  • Le môme à la valise

    Le gamin monte dans le car avec une énorme valise. Le chauffeur l'engueule : « Tu prends deux places avec un engin pareil, fallait mettre ta valise dans la soute. », mais on n'a plus le temps, il démarre. Le gamin s'assied devant moi, écrasé par son énorme bagage qui occupe effectivement tout le siège latéral. Je l'entends bougonner « Ben oui, mais on m'avait pas dit. » Arrivé à la gare routière, les parents du gamin l'attendent. Il fait des prouesses pour descendre la valise du marchepied sans blesser personne et sans se faire mal. Les parents assistent à la cascade en s'énervant : « Mais qu'est-ce que t'avais besoin de t'encombrer comme ça ? » « Mais qu'il est con ce gamin ! » « Dépêche-toi, tu vois bien que tu ralentis tout le monde ! » etc. La mère lui colle une gifle, le père aussi. Le chauffeur les rejoint : « C’est votre fils ? Ah excusez-moi mais quel boulet ! » et il lui colle une calotte à son tour sous les hochements de tête sévères des parents, tournés vers leur coupable progéniture. Je n'étais pas loin, j'avais bien envie de profiter de l'hallali pour mettre une mandale à ce petit con, mais je devais aller au boulot et vous savez ce que c'est.

  • Emballé

    L'emballage du carré de chocolat cite Aristote : « Rien dans notre intelligence qui ne soit passé par nos sens ». Sûrement une façon cruelle de faire prendre conscience à l'acheteur qu'il a payé dix fois trop cher un produit tellement bien emballé.

  • La piste aux étoiles

    Le cracheur de feu  peut bien envoyer ses volutes brûlantes au plus loin, tout disparaît dans l'instant. Ne reste qu'une fumée nauséabonde qui flotte dans la nuit. Le cracheur de feu sait qu'il fait le pire métier du monde, car les enfants, secrètement lui en veulent.

    ***

    Au bar du cirque, un panneau : défense de cracher du feu par terre.

  • Confidences

    Le livre n'est pas encore sorti, mais entre écrivains, n'est-ce pas, on se permet de ces relations privilégiées ("tiens, si tu veux lire ça, tu me diras..."), et il arrive que le destinataire se fende d'un grand beau long texte au terme de sa lecture. Je ne vais pas bouder mon plaisir plus longtemps et vous propose de vous rendre sur le Cheval de Troie, le blog de Laurent Cachard. En ce qui me concerne, voici ce que 2014 vous réserve. Je n'en dis pas plus. Et la conclusion est superbe. Cachard est grand, loué soit son nom.