Etait-ce la tonsure du bidasse ? L'accoutumance à l'humour de chambrée ? Ce film, vu entre camarades de régiment, m'avait fait éclater de rire. J'en avais mal aux côtes, j'avais été asphyxié de rigolade pendant toute la projection. A la première perm', je me hâte d'emmener ma fiancée de l'époque voir ce bijou. Et je me retrouve, consterné, devant un film indigent, stupide, grossier, affligeant, insupportable. Je n'ai jamais aussi bien ressenti et compris le phénomène d'abrutissement généré par un groupe.
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Note 1770
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Dans la bulle
Dans les BD que je lisais, enfant, des personnages criaient parfois : « Au sec ! » et je me demandais ce que cette injonction à se mettre à l'abri pouvait bien signifier. Notamment quand un soldat subissait un bombardement en plein désert. Bref, il m'apparut enfin que « au sec » était suivi de trois petits points et que « au sec... » était la forme interrompue de l'exclamation « Au secours ! », qu'une bombe ou un autre incident brutal avait tronquée. Certaines BD perdirent immédiatement de leur mystère.
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Tenue de travail
En slip et en marcel à mon clavier. Je découvre que l'inspiration n’est pas liée à la décontraction de la tenue.
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Lecture, mode d'emploi
Ce soir, à partir de 18 heures, au jardin médiéval de Saint-Haon-le-Châtel (Loire), débuteront les 24 heures de lecture traditionnelles. 24 heures pour lire, chaque année, une œuvre majeure de la littérature. Depuis une douzaine d'années, 96 lecteurs se relaient jour et nuit, pour déclamer un grand livre, d'un seul et même souffle choral. Cette année, c'est « La vie mode d'emploi » de Georges Perec qui nous rassemble. La lecture est bénévole, l'audition est gratuite, chacun est là pour le plaisir et l'hommage.
La dernière page, si vous avez suivi le principe, sera lue dimanche à 18 heures. Ensuite, une petite promenade dans les rues du village en compagnie de Claude Burgelin, spécialiste de Perec, conclura l'événement. Venez nombreux. Et si vous en éprouvez le besoin irrépressible, sachez qu'on a encore besoin de quelques lecteurs pour les passages nocturnes vers 4 heures du matin (mais enfin, rassurez-vous, il y a tout de même au moins un brave qui assure). En cas d'intempérie ou de fraîcheur excessive, auditeurs et lecteurs pourront se mettre à l'abri chez Jean Mathieu, en face du jardin médiéval. -
Le surdoué
Un couple et une poussette. Dans la poussette, un tout petit enfant, un bébé, répète en criant : « Papa, j'ai tout vomi, papa, j'ai tout vomi ! » La mère admirative : « Il parle bien, hein ? »
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Le cauchemar
Quand il est entré dans la boîte, on l'a d'abord trouvé sympathique. Cette façon de dire « bonne année » n'importe quand sauf en janvier, c'était rigolo. Mais quand on a compris que c'était sa seule blague, quand on a vu surtout qu'il la continuait obstinément chaque semaine, et ce depuis onze ans maintenant, un certain abattement s'est produit. Je crois qu'il y a eu une tentative de meurtre. Enfin, le voici devenu chef de la boîte. On fait le dos rond, on ronge notre frein, on patiente. On attend le mois de janvier pour souffler un peu. L'autre jour, tout fier, il est entré dans le bureau en s'exclamant : « Joyeux Noël ». Il se marrait. On s'est regardé, consternés. On s'est dit que plus rien ne l'arrêterait maintenant. Lundi, tu vas voir qu'il va lancer « sacré mardi, hein ! » ou le jeudi « ça va comme un lundi ». Il peut en faire des milliers comme ça, infatigablement. Infatigablement !
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Dérouler
Essayez de modifier un aspect des choses et tout bascule dans une caricature comique du quotidien : utilisez une boule de bowling pour jouer au golf et une balle de golf pour renverser des quilles, et vous verrez ce que je veux dire.
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Mauvaise pente
Les pyramides, quand on y songe, quel échec ! Toutes ces tentatives pour faire tenir ces constructions sur la pointe et qui sont toutes, inévitablement, retombées sur leur base comme des culbutos.
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Pensons chaussons
Bien qu'il soit ourlé, doré, rebondi, généreux, le chausson aux pommes n'est pas ma viennoiserie préférée. Je voudrais bien théoriser là-dessus, mais je vous entends déjà bâiller.
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Comme un camion
Avons-nous appris à trouver les volcans beaux ou le sont-ils, intrinsèquement ?
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Changer de chaîne
En Grèce, ils ont peut-être déjà fermé les bibliothèques, mais personne ne s'en est ému ?
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Kronix du soir
Comme je suis en retard aujourd'hui, pour la peine, je double.
Sous le vent
Tous ces somptueux voiliers dans la rade ! Et qu'il faudra sortir un à un à grand renfort de remorqueurs, quand la fête sera finie.
Proverbes à une lettre près
Malin comme un linge
Fort comme un truc
Sérieux comme un Jap -
Ach !
Il y a eu un malaise quand papy a grogné « la guerre, on dit la guerre c'était dur, oui, bon. Mais c'est surtout à la libération qu'on a souffert ». Disant cela, il caressait la chevelure de mamy en soupirant.
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J'en n'avais pas fini
Son incessante reptation sur le ventre donne au faciès de la taupe mâle cet air renfrogné caractéristique.
(au point que j'ai créé une catégorie "Taupologie" -pour les fans)
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L'Eternel retour
- Et là, l'un d'eux se dresse et dit : non ! Plus jamais cet esclavage !
- Oui, c’est pas mal. C'est pas déjà le scénario de Planète des singes, origine ?
- Non
- De Spartacus, alors ?
- Non
- Django, Amistad ?
- No
- Quilombo ?
- Je ne crois pas
- I, Robot ?
- Non voyons
- Les Misérables ?
- Mais non enfin : c’est le scénario des Dix Commandements.
- Ah oui, je savais que ça me disait quelque chose... -
Des oranges sentimentales
Toujours aussi dépourvu de mots et d'arguments quand il s'agit de chroniquer de la poésie. Tant pis, mais je voudrais au moins faire savoir à mon peu de lecteurs : voici un livre que j'ai aimé et que je vous conseille de lire. Je viens de refermer le dernier recueil de Christian Degoutte, « des oranges sentimentales », édité chez Gros Textes. Et j'en sors bougé, ébranlé, déplacé de mon axe. Ce que je cherche dans la littérature, essentiellement. Si j'ai bien compris la post-face, nous sommes en présence de textes écrits à plusieurs dizaines d'années d'intervalle parfois (le premier date de 1983), publiés sous des formes diverses dans plusieurs revues, au fil du temps. Un ensemble cohérent malgré cette échelle distendue. Une suite de textes qui aurait eu sa place dans la récente exposition « Corps » du Labo de la Livatte, à Roanne.
Je ne sais pas parler de poésie, pas plus que je ne sais en écrire, et je ne suis pas bien sûr de savoir la lire. Que vous dire ? Il faudrait d'abord présenter l'auteur en quelques mots, mais sa discrétion décourage les biographes. C'est pourtant un auteur majeur, un écrivain exemplaire. Vous pourrez peut-être vous faire une idée du personnage dans la relation que je fis en son temps, d'une rencontre avec Christian Degoutte organisée par l'écritoire d'Estieugues, à Cours-la-Ville. Oui, commencez par là, puis revenez sur ces lignes.
(...)
Les oranges sentimentales sont les fruits ronds et juteux d'une écriture qui ne triche pas. Christian Degoutte nous l'a dit un jour : il n'a rien contre la mièvrerie, contre le pathos, le sentiment. Il n'a pas à s'en défier ou à travailler contre. Quand le sentiment est sincère, d'une source sincère, il prend une forme sincère. Et cela produit chez lui une écriture pleine de noblesse, et bienveillante, comme je les aime. Érotique, oui, gaie, émouvante. Le sexe, sans tourment, comme un dialogue solaire. Estivale, colorée, à peine traversée d'ombres, entre sueur et salive, souffles, haleines, entre les cuisses nombreuses, répétitives, et « la chair lunaire des bras », entre « la bouche sombre des aisselles » et les seins « jaspés de veines » entre pupilles et mains, et « sa bouche sur tes lèvres est un ocarina de glaise fraîche », tout l'inventaire des sources du plaisir des sens, des corps d'hommes et de femmes, accueillants, aimants, doux. Et la vitalité, le bonheur de l'amour, « comme on libère les fauves du souffle », « comme on croque tout le long du corps les petits bulbes des chagrins », « comme on pèse de toute sa chair sur l'impatience d'en venir aux lèvres », « comme on se jette de toute sa bouche de tout son sac de membres sur les récifs poivrés les paupières pétillantes d'une dormeuse ».
Les couleurs aussi, percent les visions. La couleur d'une pyramide d'oranges dans sa panière bleue, qui éclabousse « l'eau sale des vitres », dans une cabane de chantier. Les voix. Des souvenirs, des paroles, des questions, des échanges. Des conversations. Des répliques italiques dont on devine parfois celle qui les prononce, une voix qui séduit, qui pique, éclaire, s'amuse, relance. Des conversations entre trois générations de femmes, sous la fraîcheur d'un arbre. Et la mort, jamais bien loin, qui cueille au passage le lecteur, lui dit combien c'est précieux et grand, le spectacle d'une conversation de femmes dans un jardin, ou ramasser le linge avant l'orage.
Les fruits, l'eau, le sexe, boire à cette source, boire, boire. Les oranges, les poires, les coings, les pêches, les mangues, les cerises qui promènent leurs couleurs dans la lumière ou dans la nuit, le jardin qui « grésille d'insectes », l'herbe « embuée d'argent », les insectes, papiers ou aluminiums qui s'éparpillent sous les pas. Le fruit et la bouche, l'air qui sépare ces deux complémentaires destinées à se rejoindre. C'est là que Christian Degoutte fabrique sa poésie, dans cet espace infime entre la soif et la consommation de la soif, cet interstice que ses mots s'emploient à élargir pour qu'il devienne paysage, chambre, jardin, marche longue. c’est là que le lecteur est accueilli et jouit.
Quatre quartiers d'orange sont alignés sur la table devant elle. Elle, qui est une « eau désirante ». Ces morceaux de fruits posés là deviennent les babouches laissées au seuil de la mosquée, dans un tableau de Delacroix. Elles sont « abandonnées au soleil pour entrer pieds nus dans la fraîcheur comme on dirait : J'ai choisi la voie de la joie ». Et l'auteur conclut, comme nous : « de le dire ça se pourrait / aller pieds nus sur la voie de la joie ». Ça se pourrait bien oui. C'est en effet le sentiment que procure son livre.
Des oranges sentimentales. Christian Degoutte. Éditions Gros Textes, 2013. 9 euros. -
Pause déjeuner
Sur l'autoroute, tu as faim, et voici qu'une aire de repos avec restaurant est signalée. L'effet du hasard ? Non. J'ai beaucoup d'admiration pour ces types qui ont construit, testé, démoli et reconstruit, déplacé à nouveau, essayé encore, rebâti plus loin, un ou deux kilomètres, se sont acharnés, jusqu'à ce que leur établissement se situe pile à l'endroit où des types comme moi sentiront un petit creux.
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Sur la diagonale
Vous avez remarqué ? Le nombre de fous ? Sur la route, oui, mais pas seulement. Sur un damier d'échecs aussi.
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Derrière l'écran
Je ne te supporte plus, écran ! Ecarte-toi de là. Voilà. Oh, un mur ? Il y avait un mur derrière cet écran... Chérie, viens voir ! On a un mur, là. Regarde. Il est bien ce mur. On a beau dire, rien ne vaut un beau mur, bien droit. C'est beau. Je vais rester là. Aha, un écran, laisse-moi rire, maintenant que j'ai goûté à la saveur d'un bon vieux mur en briques recouvert de plâtre et d'une peau de papier peint. Franchement, on se perd un peu vite dans la technologie alors qu'on a là, sous les yeux, un mur authentique, fabriqué par un artisan. Ah là là... Bon. Hmm. Par contre, c’est toujours le même programme ?
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Prédateurs
Le requin le plus dangereux, ce n'est pas le requin tigre, c’est le requin déséquilibré.