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kronix - Page 168

  • Suisse et fin

     

    On a fait le débat, c'était très bien. Sita, un peu nerveuse, nous présente. Dominique de Rivaz est une drôle de bonne femme, elle digresse un peu sur son histoire, sur l'impact de l'émission « La course autour du monde » à laquelle elle avait participé, il y a... un certain nombre d'années, et qui l'avait rendue brusquement célèbre. Elle parle enfin de son livre, dénonciation de ces expositions morbides où des cadavres plastinés sont offerts à la vue du public. Quand à moi, il a fallu que je raconte à nouveau l'événement qui m'a inspiré l'écriture dans l'urgence du « Baiser de la Nourrice ». Des questions, l'animatrice parfaite, le public est attentif et, parfois, s'amuse. Et que dire ? C'était formidable, quoi.

    Bon, j'en ai ma claque. Je pourrais continuer le compte-rendu, vous raconter l'excellent spectacle du soir, mis en scène dans la somptueuse Bibliothèque (surchauffée) de la cité, Il s'agissait, pour un groupe de jeunes élèves, de faire vivre chaque roman sélectionné par la lecture d'extraits, à chaque étape d'un parcours dans l'architecture de ce lieu superbe (j'ai été alors particulièrement gâté, parce que la lecture du « Baiser » s'est faite dans une salle de lecture, élèves distribués à des tables, sous les lampes de lectures vertes. C'était superbe). Voilà, buffet, adieu à tous, merci vraiment, génial, touchant, surchauffé, on s'en va, on traverse le Rhône en compagnie de Laurent, crevé, et on dort sans couple anglais qui s'engueulent, le bonheur. Le lendemain, nous sommes partis, passage par la bibliothèque de la Part-dieu, à Lyon, pour consulter des documents d'époque, dont j'ai besoin pour mon roman en cours. Ma douce, aux anges, m'aide dans ce travail. Et nous voici cheuNou.

    « Alors, c'était comment ? »

    « Très chaleureux »

  • Muet

    Du chagrin pour quelqu'un que je n'ai vu que trois fois dans ma vie. Rien d'autre.

  • Lettres-frontière suite

    Après un buffet où la lutte pour la survie trouve une nouvelle illustration, il est l'heure de la remise des « coups de cœur ». Je suis tellement détaché de l'enjeu que je reste en retrait dans la foule, comme spectateur. Les discours commencent et puis quelqu'un rappelle aux auteurs qu'il faut s'approcher. Ah oui : j'en suis. Je m'immisce dans un bloc compact de lecteurs, ce qui cause une sensation surhumaine, jusqu'au petit groupe qui se rencogne derrière orateurs et micros. Je découvre Yasmine Char et Julie Delaloye, mais l'heure n'est pas aux présentations, je leur dirai plus tard combien j'ai aimé leur livre. En fait, l'occasion ne me sera plus donnée, et je repartirai sans avoir pu même leur dire bonjour.

    Un auteur de l'édition précédente a l'honneur de décacheter les enveloppes ; il s'en acquitte avec beaucoup d'humour. Le palmarès tombe, sans surprise : « Twist » de Delphine Bertholon pour Rhône-Alpes, « La main de Dieu » de Yasmine Char, pour la Suisse romande. On se presse pour congratuler les lauréates, après qu'elles ont, elles aussi, sacrifié au rituel du discours.

    Tout cela donne faim, car ma douce et moi ne sommes pas les plus compétents en matière d'approche stratégique de buffet. Et puis, il fait toujours terriblement chaud. Nous sortons, accompagnés par Durif, qui n'en peut plus. Grâce à d'autres affamés partis en éclaireurs, nous trouvons une sorte de boulangerie-café surchauffée, où nous pouvons nous restaurer. Durif est décidément un être étonnant. Nous pouvons enfin discuter un peu. J'évoque timidement le beau moment de lecture que son livre m'a offert, et ma surprise de voir un livre des éditions « la rumeur libre » (« l'homme imprononçable », de Patrick Laupin) dans ses livres favoris. L'étonnement vient du fait que cet éditeur est quasiment invisible, Laupin presque inconnu ; mais Eugène Durif connait tout le monde, vraiment, sa culture, une fois de plus, me cloue d'admiration. Sa voix douce, son regard paumé continuellement. J'aime bien ce personnage. Retour au palais Eynard. Dans la journée, je parviendrai à écouter le débat sur le thème de l'adolescence où Delphine Bertholon et Yasmine Char sont présentes, avec Thomas Sandoz, auteur de « la Fanée » (que je n'ai pas encore lu). Le niveau des interventions est impressionnant, l'animateur (un pro de la radio Suisse romande, je crois) excelle dans les passages de relais, les liaisons intelligentes. Delphine parle de l'enfermement, physique et subi autant que psychologique et volontaire ; Yasmine évoque la construction d'un personnage, et son enfance. C'est un beau moment. Dans la même salle, j'étais, quelques minutes auparavant, en compagnie de Dominique de Rivaz (excellent « Douchinka »), interrogé de la même manière, par une jeune femme ravissante : Sita Potacheruva.

     

    A suivre

  • Vigilance, toujours

    Ce n'est pas en France, c'est en Italie, mais les menaces sont du même ordre. Après les journalistes, ce sont les écrivains dont la liberté d'expression est menacée. Ici, on commande à un auteur un "droit de réserve" inédit dans notre démocratie, là-bas, un politique qui refuse de s'expliquer sur son passé, assigne un écrivain (l'auteur de Nocturne indien, que je vous conseille vivement), et non pas le journal, à une somme astronomique, acte destiné à intimider tous ceux qui oseraient, désormais, demander des comptes.

    Une pétition (une de plus, je sais), lancée par médiapart, est disponible ici :

    http://www.mediapart.fr/club/blog/la-redaction-de-mediapart/181109/signez-l-appel-international-pour-antonio-tabucchi

  • Blue note

    Quelle merveille, Facebook ! Je retrouve un vieil ami du temps des solitudes militaires, un type adorable, compositeur de musique, et tout, pour découvrir qu'il est sarkosiste. Bon, il n'a pas à souffrir de la politique de notre Hyper (il habite en Suisse, le pays où l'équivalent de l'UMP : le MCG, a prévu entre autres, de le renvoyer dans son pays), et après tout, j'ai d'autres amis qui taisent prudemment leur satisfaction de vivre sous un régime autoritaire, mais quelque part, ça fait mal, ça pose des questions : toi avec qui j'ai ri, avec qui j'ai douté, tremblé, tu aurais cette vision du monde où les bons sont riches et les mauvais sont destinés à la pauvreté et à la délinquance, tu verrais la vie à l'aune du matériel et de l'avoir ? Un coup de blues, là.

  • Lecture au salon

    J’assiste à la lecture de Claudie Gallay dans le très joli salon bleu surchauffé. Une nombreuse assistance entoure l’auteure. Elle lit un court passage, le public questionne, elle répond avec douceur à propos des lieux qui l’ont inspirée, des personnages qui sont nés sous sa plume. Elle est applaudie. L’organisation de la manifestation sur une seule journée nous oblige, ma douce et moi, à nous partager les débats et les lectures, qui se chevauchent en partie. Je manque ainsi la plupart des débats, et je me prépare pour ma lecture, dans le même salon bleu. Quelques minutes auparavant, je m’angoisse comme toujours, et tente de me convaincre que, s’il n’y a que dix personnes pour m’écouter, ma foi, c’est déjà pas si mal. Quand je m’avance pour rejoindre le responsable de la médiathèque de Saint-Etienne qui doit me présenter (tâche ingrate, comment parler d’un auteur qui n’a concrètement rien publié jusque là ?), stupéfaction : tous les sièges sont occupés, et on se rencogne contre les murs pour m’écouter. Le présentateur rame comme prévu, me lance tout de même, et je commence ma lecture asphyxiante (si vous avez lu mon bouquin vous aurez compris). Je dois dire que ça fonctionne pas mal, on applaudit la performance (oui, oui, car performance il y a !). J’ai réduit la lecture de moitié, de façon à garder du temps pour le dialogue. Je m’assois, les questions s’enchaînent, ma douce me mitraille, trop trop contente de me voir dans le rôle de l’auteur qu’on honore. Et je dois dire que ce n’est pas désagréable du tout. Un monsieur explique que la lecture à haute voix a éclairé le sens du texte, et qu’il va y revenir maintenant.

     

    A suivre.

  • Nous y sommes

    Nous prenons le bus surchauffé pour nous rendre au Palais Eynard, dans le mauvais sens évidemment, ce qui me laisse assez de temps pour dire à Claudie Gallay mon admiration pour « L’Office des vivants » et pour « Dans l’or du temps », et avouer aussi ma perplexité à la lecture des « Déferlantes », son dernier roman, grand succès, également sélectionné. Claudie comprend mes réticences, elle sait que ce livre n’a pas l’ambition littéraire de ceux que j’admire et qui ont eu peut-être moins de succès.

    Le Palais Eynard est une belle bâtisse XIXème dans le style néo-classique-à-glands-et-dorures-pousse-toi-de-là, où l’on repère vite les portraits de la famille peints par Horace Vernet, rien que ça. Le grand salon surchauffé est comble. Après les discours, des centaines de personnes sont là pour communier dans l’amour de la littérature. Nous mourrons étouffés mais le sourire aux lèvres. Déjà, des bibliothécaires, des lectrices m’approchent, on parle de mon livre, on s’étonne de découvrir un type normal, pas plus poilu que soi, sans cornes au front, habillé comme un plouc de sa région. Une telle forme d’intérêt enthousiaste se reproduit pour chaque auteur, il faut le souligner. Cette curiosité pour l’acte d’écrire fait beaucoup pour créer une ambiance exaltante de bonheur.

     

    A suivre.

  • Lettres-frontière, suite

    La soirée au restaurant surchauffé est très agréable, j’ai même l’impression fugace d’être un écrivain. Eugène remplit sa barbe de paëlla et Delphine son verre de rouge, l’éditeur bougonne contre Facebook, personne ne parle des scores du MCG, négligence ou politesse, les échanges sont intéressants. Au cours de la conversation, je comprends que je suis le seul à avoir lu tous les livres des autres. Par politesse d’abord, et puis (parce que la qualité est là), par grand plaisir. Laurent est peut-être le seul du groupe à avoir lu le mien. Agréable dialogue avec l’intimidante Delphine et écoute émerveillée des anecdotes d’Eugène, de son érudition phénoménale, de sa connaissance du milieu littéraire et de sa vie, qui en fournirait mille autres de ses expériences. Nous rentrons. Sur le chemin, Laurent Cachard me parle de sa comédie musicale, de son Dom Juan en alexandrins, de son amour pour le flamenco et la littérature espagnole, je renonce à lui réciter le poème de Machado que je connais par cœur (enfin, pas complètement). Genève est mouillée, dehors, genève est grande et froide, dehors. Et calme et droite dans sa vêture de verre et d'acier.
    La nuit est affreuse, un couple d’anglais règle ses comptes jusqu’à une heure du matin derrière la porte qui sépare nos chambres surchauffées. J’ai beau cogner, gueuler fort « shut up ! » ou « silence ! » (prononciations française et anglaise), rien n’y fait, le couple est dans une phase critique que les appels internationaux échouent à apaiser. Au matin, nous apprenons que Durif et Cachard ont très mal dormi eux aussi, Durif crevait de chaud et Cachard a eu lui aussi à faire avec un voisin indélicat. Pour Claudie Gallay, tout baigne, quant à Delphine Bertholon, elle n’apparaîtra qu’en fin de matinée, fraîche et comme sortie du berceau. On voit par là que les fées se penchent toujours sur les mêmes berceaux, et bon c’est comme ça, on va pas refaire le monde.

     

    A suivre.

  • Les livres ? Les quoi ?

    Par décret du 15 novembre 2009, la Direction du livre et de la lecture au ministère de la Culture est purement et simplement liquidée.

    Cependant, je dois à l'honnêteté intellectuelle que le livre n'est pas tout-à-fait oublié. extrait de l'article 5 :

    "Elle (La direction générale des médias et des industries culturelles ndK) veille à l'équilibre entre les différents acteurs qui interviennent dans le domaine du livre et, à ce titre, au développement de l'économie du livre, en France et à l'étranger. Elle favorise le développement de la lecture et procède à l'évaluation des politiques dans le domaine de la lecture publique. Elle contribue à la modernisation des bibliothèques et des médiathèques, et notamment au renforcement des réseaux et services de coopération, ainsi qu'à la formation de leurs personnels. Elle veille à la conservation, à l'enrichissement et à la valorisation du patrimoine des bibliothèques et des médiathèques. Elle exerce le contrôle technique de l'Etat sur les bibliothèques et les médiathèques des collectivités territoriales."

    Le problème est qu'il s'agit des seules lignes qui rappellent que le Livre existe (ou existait, pour reprendre la formulation atterrée de tiers-livre.net, que je découvre aujourd'hui grâce à Eugène Durif). le reste est consacré à ce qui intéresse surtout nos édiles : les autres produits culturels. Après l'imbécile apostrophe de Raoult sur "le devoir de réserve" des écrivains, et la légion d'honneur à dany Boon, on sent bien de quel côté penche la balance. C'est vrai, le livre, c'est pas comme si c'était important.

    Pas grave. Plus que 3 ans.

  • En Suisse on sue

    La journée Lettres-frontière à Genève. Première partie.

    D’abord, Genève est surchauffée. Les hôtels, les commerces, les bâtiments officiels, tout baigne dans une température de 22 à 25 degrés celsius. Quand plus de cent personnes s’agglutinent dans une même pièce, c’est carrément insupportable. Les économies d’énergie ne sont pas le problème des Suisses, apparemment. Rien de grave, il suffit de sortir prendre une goulée d’air frais, ou d’ouvrir les fenêtres tandis que les centrales nucléaires françaises s’activent pour le confort des genevois.
    Ma douce et moi sommes arrivés en voiture jeudi dans l’après-midi. Le temps de poser les bagages à l’hôtel surchauffé, de saluer Pascale Debruères, présente incidemment au même instant pour déposer des documents dans les chambres, et nous prenons le bus surchauffé, direction le musée d’art et d’histoire surchauffé de Genève. Remarquables collections préhistoriques, remarquable collection de peintres flamands, remarquable collection d’estampes, des Rembrandt comme s’il en pleuvait, en plus c’est gratuit, youpie, fait trop chaud, on sort, tiens la pluie. Au loin, entre deux tranches de bâtiment gris, l’église russe et ses bulbes d’or, on verra ça samedi. Nous avons rendez-vous à 19 h 30 à l’hôtel avec d’autres auteurs et les organisatrices.
    Je découvre Laurent Cachard que ma douce a reconnu, et nous saluons la coordonnatrice, installée dans un petit salon au rez-de-chaussée. Quand ai-je su que je ne serai pas le « coup de cœur » 2009 ? m’a demandé ma douce, plus tard. Là, ma douce, là j’ai su, quand la coordonnatrice a essayé de me présenter aux autres auteurs et éditeurs en oubliant à chaque fois mon nom, que je lui répétai pourtant patiemment. Je n’avais pas beaucoup d’espoir à l’origine, mais là, ça devint lourdement évident.
    Ensuite, Eugène Durif, Laurent Cachard, Delphine Bertholon, Claudie Gallay, l’éditeur de « Voix d’encre » (que la coordinatrice présente d’abord comme l’éditeur de « encre fraîche »), un journaliste, Pascale Debruères, ma douce et moi, toute la troupe part au restaurant. Sur le trajet, j’ai une heureuse conversation avec Catherine, la coordinatrice gaffeuse dont la mémoire est revenue, et je me sens moins nul. Ma douce réalise qu’elle est la seule compagne à avoir suivi son auteur favori, s’en trouve un peu embarrassée, mais je la rassure : j’ai bien besoin d’elle en de tels moments.

    A suivre.

  • A confesse

    Elle avait dix ans, onze ans, pas plus. Ses parents, redoutant de la voir isolée des autres enfants du village, car elle était une des rares élèves de l'école publique, l'avaient tout de même inscrite au catéchisme. Consciencieuse comme toujours, elle y apprit la vie du petit Jésus et ses merveilleuses aventures. Elle excellait. Le catéchisme conduisait logiquement au cérémonial de quelque communion, solennelle ou autre. Un curé lui fit passer sa première confession. Il fallait donc qu'elle confesse ses péchés. La petite ne comprenait pas : quel mal avait-elle bien pu faire ? Le curé se porta à son secours : tu as bien volé un bonbon, mal répondu à tes parents un jour, fais du mal à un petit camarade, mal appris tes leçons ? Non, non, rien de tout ça. Elle aimait doucement tout le monde, adorait apprendre, il ne lui serait jamais venu à l'idée de voler quelque chose, et sûrement pas d'élever la voix contre ses chers parents. Elle avait beau chercher, la petite était dans la plus grande confusion : elle n'avait jamais péché, à sa connaissance. Pourtant, elle faisait preuve de bonne volonté, se torturait l'esprit pour faire plaisir au bonhomme noir qui lui répétait : « mais si, enfin, cherche, tu as forcément péché ! » Rien à faire. Le curé lui imposa donc d'avouer n'importe quel forfait, pourvu qu'il puisse lui octroyer le pardon de Dieu qui, là-haut, guette les faux-pas des innocents. Elle avoua donc, mortifiée, ulcérée, un acte qu'elle n'avait pas commis. Le curé bénit son mensonge, satisfait d'avoir bien œuvré pour cette âme déjà pervertie par l'enseignement public.

    Cette âme pervertie est celle de ma douce, restée confiante malgré tout dans le genre humain, et toujours aussi incapable de faire du mal.

    Et c'est son anniversaire aujourd'hui.

  • Un jour à Genève

    Chers amis, nous partons ma douce et moi pour Genève, où nous assisterons demain à la journée « l'usage des mots », organisée par le jury « Lettres-frontière ».

    Rencontres, débats, lectures, spectacle autour des dix livres de la sélection, une journée entière de plaisir rare. Et puis, la révélation des « coups de cœur», un pour Rhône-Alpes, un pour la Suisse. Les coups de cœur ont été décidés lors d'une journée, le 3 novembre je crois, qui devait être passionnante. Chaque libraire, bibliothécaire, lecteur avisé, a défendu son vote, son choix. Il a été, quelque part dans ce monde, question de littérature toute une journée. J'aurais aimé être là, comme une mouche, pour écouter les arguments des uns et des autres.

    Je vous en dirai plus à notre retour, samedi ou dimanche (on va prendre le temps de rentrer). Je vous laisse avec un petit billet pour demain.

  • D'excellents français

     

    Pour une fois, je ne suis pas d'accord avec Michel Onfray.

    Parfois, j'émets des nuances sur ses jugements, souvent -très souvent- j'adhère absolument, mais là, non, je ne suis pas d'accord. Michel Onfray propose de ne pas laisser le débat sur l'identité nationale à la droite, qui l'a provoqué. Il veut ainsi forcer ceux qui recherchent par le moyen de ce débat la division et l'exclusion, à tenir compte de l'avis des autres. Ne pas laisser à la droite le drapeau, la patrie, la nation... Toutes notions qui, excusez du peu, sont nées dans la Révolution.

    Non, je dis qu'il ne faut pas tomber dans ce piège. Personnellement, je n'ai aucun problème avec mon identité, ni avec l'identité des autres, de mes amis, de ma famille, des étrangers naturalisés. Si la droite a un problème avec ça, je le lui laisse bien, tant pis pour elle. Qu'elle s'interroge seule, qu'elle définisse seule ce qu'est un français, un bon français, un mauvais français, un français plus français qu'un autre, etc. Ce sera sans moi. Quand ils en auront fini de recueillir, en sous-préfecture ou sur leur site (submergé, dit Besson, tout content, mais submergé de quoi ? D'insultes ?) les témoignages et avis d'une population qui aime, qui veut, qui désire la séparation, l'apartheid, la ségrégation, peut-être alors serai-je déchu avec quelques autres de ma nationalité, parce qu'il y a fort à parier que je ne correspondrai pas à leurs critères de français bon teint. Et alors ? Je m'en fous. Je suis français, j'aime mon pays, j'assiste, désespéré, à la sape de sa cohésion, je vois son corps se fissurer, s'effriter, je vois sa pensée abêtie, simplifiée, détournée, je vois ses principes bafoués, et je vois un gouvernement, cynique et triomphant, réclamer qu'on réfléchisse soudain à ce qui distingue un français d'un autre citoyen du monde. Je ne participerai pas à cette infamie.

    Eric Besson reprenait l'autre jour, les mots de Sarkozy lors de son premier discours de président, pour expliquer le surgissement de cette question que personne ne songeait à poser. Je me souviens que l'expression « identité nationale » était reliée en l'espace de deux phrases, à l'expression « auto-flagellation ». « C'en est fini de l'auto-flagellation ». En quoi ces deux concepts sont-ils en rapport, sinon dans une perspective pervertie à l'origine ? En effet, cela sous-entend qu'un bon français est fier de sa patrie, quelles qu'en soient les actes. Il est sommé de trouver formidable tout ce qui y est décidé, tout ce qui s'y produit. Justement, j'aime ma France, je l'aime passionnément, et je ne suis pas fier -à cause de cela- de ses exactions, de ses manquements aux principes qui l'ont fait naître. Je ne suis pas fier du massacre des malgaches, je ne suis pas fier des algériens jetés dans la Seine, du mépris pour les harkis, du plasticage du Rainbow Warrior, du bombardement de villages tunisiens, des essais nucléaires en Algérie et en Polynésie, de la collaboration avec le nazisme, de la torture, du silence sur l'amiante, des représailles à Ouvéa, du tapis rouge déroulé pour recevoir Kadhafi. Je n'ai pas à me féliciter de telles hontes, infligées, justement, au pays que j'aime.

    Il est donc possible que je sois un mauvais français. C'est possible. Tandis que parade un président qui prend son pays pour son usine, et méprise les ouvriers qui travaillent dedans.

    Nous vivons un long cauchemar, et je ne vois poindre aucune lueur.

     

  • Les sentinelles en 60 secondes

    Ce n'est pas une littérature exceptionnelle, mais on apprend des choses. A partir d'un personnage central, fictif (Patrice Orvieto, un diplomate français), témoignages, lieux et dates, égrennent le déroulement terrible des faits jusqu'à la fin de la guerre, et ces conséquences intimes chez ceux qui ont croisé la route de l'impensable, de nos jours. La sensation de l'inéluctable, de l'irréparable, et au final, une meilleure compréhension des décisions prises par "ceux qui savaient" pour, surtout, ne rien faire. Aucune condamnation, le triste constat que chacun avait ses raisons, y compris, à l'époque, les juifs américains ou la SDN pour ne pas croire "les sentinelles". Dans la vidéo, j'évoque une digression : le récit des expériences de Von Braun. Ce qui n'apporte rien au propos, et Tessarech imagine aussi un personnage fictif mal exploité : Sergio, le frère de Patrice, censé figuré la part d'ombre, celui qui adhère aux thèses du nazisme. L'auteur aurait mieux fait de s'épargner cette digression et ce personnage, qui éparpillent un récit, autrement, d'une indéniable qualité documentaire. A la toute fin, il est question d'une oeuvre musicale que je vous conseille, si vous ne la connaissez pas : La symphonie des chants plaintifs, de Gorecki.


    Les sentinelles, Bruno Tessarech. Grasset. 378 pages, 19 euros.

    Jan Karski, Yannick Haenel. Gallimard. 187 pages. 16,50 euros. (si quelqu'un l'a lu et veut en dire deux mots, ces pages lui sont ouvertes)

  • A tous les gaffeurs

    Au fil des ans et dans certaines circonstances, on peut avoir l'occasion de faire des gaffes coûteuses. Moi, par exemple, je dois avouer que j'ai fait imprimer des dizaines d'affiches 4x3 m. avec une belle énorme faute d'orthographe (non, je ne vous dirai pas laquelle, tant j'ai honte), ce qui a entrainé le retrait immédiat des affiches. beaucoup d'argent perdu. J'en ai fait des cauchemars pendant longtemps, je rasais les murs, j'étais mal.

    Si à l'époque, j'avais vu ça, j'aurais sûrement relativisé. Et puis, je l'aurais montré à ma chef de l'époque, histoire de la mettre en condition, avant de lui dire, un matin : "euh... Je peux vous parler ? On a un problème, là."

  • Quand deux écrivains...

    Cet écrivain me reconnaît.

    - Eh ! T’as vu ta chemise ?

     

    - Eh ! T’as lu ton livre ?

     

    (très inspiré de Chevillard, avec mes excuses)

     

  • futurs réactionnaires

    Un des problèmes auquel nous allons être confronté bientôt, et qui pointe son nez depuis le début de l’élan citoyen pour une défense de l’environnement, est la réaction de « ceux-qui-gardent-les-pieds-sur-terre-et-refusent-de-céder-au-catastrophisme ». Le genre Allègre ou Chabrol, dont l’incrédulité s’appuie sur les travaux des rares scientifiques qui contestent l’influence des activités humaines sur le climat (oubliant de préciser que de telles études furent payées par les grands pétroliers de l’ère Bush).

    Ce type de réactions va aller croissant, au rythme des prévisibles contraintes sur le budget et les modes de vie du citoyen, avec la grogne, la nostalgie de la surconsommation et des actes négligents, tellement plus simples que la vigilance constante. Nous devrons affronter bientôt plus d’incrédulité, plus de paresse, et des actes volontairement et ostensiblement anti-écologiques, par goût de la rébellion, par refus du suivisme bêlant. L’écologie paraîtra un jour comme une empêcheuse de tourner en rond, comme une nouvelle église morale et sévère.

    Il faut s’attendre à voir surgir, en pleine période (imminente si vous m’en croyez) de restrictions, des attitudes de défi, outrageusement polluantes et dispendieuses, se réclamant plus ou moins de principes anarchiques. L’écologie sera ringardisée par certains people, détestée par toute une jeunesse prompte à la révolte.

    Je vois ça comme ça, mais je ne vois pas comment lutter, à mon niveau, contre ces réactionnaires du futur. Aussi, il est possible que je me trompe. Mais je ne pense pas.

  • Le hasard

    Emplois fictifs, angolagate, affaire Boulin... Bien sûr, toutes ces affaires étaient en cours, avant. Bien sûr. C'est le hasard, ce subit acharnement sur la chiraquie. Le hasard. Bien sûr. Rien à voir avec le fait que de Villepin apparaisse soudain comme un présidentiable qui souhaite en découdre avec son ennemi. Le hasard, oui.

    Et pendant qu'on parle d'identité nationale, on ne parle plus de Karachi, des rétro-commissions, des comptes désastreux de l'EPAD sous la présidence de papa, de la libéralisation des jeux d'argent. Le hasard.

    A propos, vous avez remarqué qu'on ne voit plus Carla depuis quelque temps ?

  • Haine d'écrivains en 3 fois 60 secondes

    Bien. Le livre est d'un intérêt moyen, alors, parfois...






    Une histoire des haines d'écrivains, Anne Boquel et Etienne Kern. Flammarion. 315 pages. 19 euros.

  • Combat pour une presse libre


    Combat pour une presse libre, Edwy Plenel. Galaade - hauteur de vue. Le manifeste de Mediapart. 54pages. 9 euros.