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kronix - Page 172

  • Sous les voûtes

    Une vingtaine de courageux ont assisté à la lecture de "Ermite" hier. C'est le double de ce que je pensais. Donc, très bien. D'abord nous avons commencé avec quarante minutes de retard. A cette heure de la nuit, chaque minute compte. Commencer la lecture d'un texte aussi ardu à 0h 40 était un obstacle pour beaucoup. Nous avons lu dans le noir, comme convenu, avec nos seules lampes de poche et la ponctuation, sous les voûtes de ce beau lieu, de quelques lumignons. Peu de gens se sont endormis. Nous étions quatre : Jean, Dominique, Julien (qu'ils soient remerciés ici, à nouveau, pour leur gentillesse et leur enthousiasme) et moi. La variété des voix a permis de maintenir un minimum d'attention.

    Cette lecture à haute voix m'a permis d'y voir plus clair dans les défauts de ce texte. Il me semble que son architecture souffre d'un manque de ligne de force. Il faudrait que je le reconstruise autour d'un axe dramatique, quelque chose de récurrent. Je crois aussi que certains passages enfoncent des portes ouvertes ou, en tout cas, n'apportent rien de vraiment fort et original. On pourrait s'attendre à ce qu'un ascète, reclus dans la nuit d'une grotte, refusant de se nourrir, explore des pensées surprenantes, aborde des terrains inédits. S'il y a de tels moments, ils sont trop rares, à mon goût. Je regrette d'avoir eu la prétention de proposer ce texte à Jean. Il n'était pas abouti. Dire que certaine auditrice ont pris le travail ce matin, dès sept heures... franchement, je me demande si cela en valait la peine. C'est comme ça.

  • La nuit se livre

    Demain, à minuit, nous tenterons une petite expérience, à Saint-Haon-le-Châtel, fief de l'association "Demain dès l'aube", association qui a pour unique but de partager son goût de la lecture et de la découverte des textes.

    Le texte à découvrir ce soir-là, au fond d'une cave plongée dans le noir, s'intitule "Ermite", et il s'agit d'un texte étrange, du récit poétique d'un homme qui choisit de tout quitter pour se réfugier dans une grotte, et mourir là, tranquille, dans l'espoir de trouver sa vérité. Y parviendra-t-il ?

    Ce moment suspendu est une initiative de Jean Mathieu, qui avait fait découvrir l'an dernier, à la même période "Le baiser de la nourrice". "ermite" ne connaîtra évidemment pas la même trajectoire, parce que je le trouve encore inabouti. Mais j'attends justement de cette expérience un retour des auditeurs, pour avoir une vision plus claire de ce travail.

    Une des belles idées de Jean pour demain, est la lecture dans le noir, les lecteurs seuls étant équipés de petites lampes de poche. Nous serons plusieurs à lire, dont Dominique Furnon, déjà complice pour le baiser, et décidément toujours partant pour ce genre de délire.

    Comme je les aime, ces types...

    Autrement, tout le week end, en cours de journée, se succèderont les lectures de Kafka, de Musset, de Hugo, de Maupassant... des formes courtes qui entrent dans la thématique de la nuit. Sans y être forcément liés directement.

  • Vous reprendrez bien un peu de limule ?

     

    Je ne sais pas si vous allez me croire, mais le livre existe, et surtout, il est sorti tout récemment :

     

    Limules : Une histoire naturelle

    de Martin Daigneault avec une préface de Georges Brossard, à partir de 30 euros.

     

    En plus, les illustrations sont superbes. Je pense avec émotion à notre bon ami Demaître, qui est un pionnier, et dont le travail, ici, n’est pas reconnu. Misère ! (ça, c’est pour ceux qui ont vu la pièce).

     

  • Pierre Etaix

    Une pétition, pour une fois. Ici, c'est pas si souvent, avouez.

    Un compatriote célèbre est plongé dans un imbroglio juridique terrible. Sa gentillesse légendaire en a fait une proie idéale pour les requins. En attendant, ses films s’abîment, leur restauration devient de plus en plus problématique, et il faut agir vite. Voici le texte qui accompagne la pétition pour la ressortie des cinq longs métrages de Pierre Etaix.

    A quatre-vingts ans, Pierre Etaix, clown, dessinateur et cinéaste ne peut plus montrer ses films !!

    Ses cinq longs métrages (dont quatre co-écrits avec Jean-Claude Carrière) sont aujourd'hui totalement invisibles, victimes d'un imbroglio juridique scandaleux qui prive les auteurs de leurs droits et interdit toute diffusion (même gratuite) de leurs films.

    Alors, si comme moi, vous souhaitez comprendre les raisons de ce rapt culturel et signer la pétition pour la ressortie des films de Pierre Etaix, visitez ce lien:

    http://sites.google.com/site/petitionetaix/

    N'hésitez pas à faire suivre ce mail à tous vos contacts et amis avant le 10 mai 2009, date de remise de la pétition à  Madame Christine Albanel, Ministre de la Culture et de la Communication.

    Par avance, merci de votre aide.

  • 2026 par Finis Africae

    Par Pascal, le délicieux blogueur de "Finis Africae", ce petit pamphlet joliment troussé.

    Régalez-vous : 

    http://www.finis-africae.net/index.php?post=1187

  • Spéciale dédicace

    Je suis tout de même épaté qu’un type comme Johnny Halliday (ce nom !) soit toujours adulé par son (vaste*) public.

    Voilà pourtant un chanteur qui s’est fourvoyé dans tous les genres à la mode (vous vous souvenez de ses tenues mad max ?), qui n’a jamais réussi à sortir trois phrases sensées à la suite, qui se fait relayer sur scène pour gratter les morceaux difficiles (mais en coulisses), ou doubler sa voix désormais défaillante ; un type surtout qui a préféré filer en Suisse pour payer moins d’impôts que dans le pays dont le peuple l’a enrichi, inconditionnellement, année après année. Et il est là, il revient, tranquille, pour une nouvelle tournée (la dernière ? Non ? Vraiment, la dernière ?), fait pratiquement le plein à chaque fois, s'offre à la béatitude de ceux qui l'aiment et ne lui demandent rien d'autre que de continuer de chanter.

    Je me demande si l’abnégation de son public, fidèle, indéfectible, n’est pas un équivalent des dons aux bonnes œuvres. Je pense que ça fait du bien aux plus désemparés, aux plus démunis, à tous les déshérités, de savoir que leur argent alimente un mythe, un vrai. Johnny est leur idole, certes, mais aussi l’incarnation de ce qu’ils ont contribué à construire : une star. Plus que n’importe quel autre, Johnny est le produit des sacrifices de chaque foyer français depuis quarante ans ou plus. Et de cela, les français lui sont reconnaissants. Johnny, c’est comme le France, le Concorde ou le Rafale : ça coûte cher, c’est obsolète, ça ne se vend qu’en France, mais bon dieu c’est la Patrie, c’est le peuple français, quoi ! Pour cela, tout lui est permis, même de mépriser ceux qui l’ont fait milliardaire. On lui pardonne tout. Inattaquable.

     

    * Etymologiquement, "vaste" a la même racine que "vide". (J'aime bien rappeler des petites choses comme ça, au passage).

  • Vagissant

    "Vagissant"... ce mot singulier est dit quatre ou cinq fois dans "le rire du limule". Ce qui m'a valu deux réactions amusées de spectateurs, cette semaine. L'un, un ami, me disait "tu l'aimes bien ce mot", en sous-entendant que j'aurais pu ne pas prendre garde de sa multiple occurence. C'est bien mal me connaître. L'autre, une figure importante de la culture à Roanne, a avoué s'être amusée avec son mari, sur la route du retour, à employer vagissant à tout propos "tu ne trouves pas que la route est vagissante ?", "c'était une soirée vagissante", etc. Humour dont je suis assez client d'ailleurs. Elle avait gardé l'impression que j'avais exagéré l'emploi de ce mot. Je profite de Kronix pour éclaircir ce point. Le mot est placé dans la bouche de lucifer (et de ses diverses incarnations), de la même façon que revient dans la bouche d'un accusé, le mot "innocent". Dans "je n'étais que vagissant", il y a le même caractère d'étonnement et de désarroi que dans le "Je suis innocent", que clame le suspect. La répétition me semble alors logique.

    Demain, je vous parle du mot "poireaux", dans ma liste de courses du 20 avril 2009. Tant qu'à parler de trucs intéressants... 

  • Ermite

    Je glisse ici un prochain rendez-vous pour les personnes qui, en 2009, après avoir subi la lecture du "baiser de la nourrice" ont supporté la vision du "Rire du limule", et ne sont pas soulés par mes productions.

    La fête de Saint-Haon le Châtel, village amoureux des livres et de la littérature, aura pour thème la Nuit. Plusieurs lectures ponctuelles en journée un peu partout, lecture de "la métamorphose" de Kafka à 18 heures, un petit repas vers 19 h 30 (vous voyez, jusque là, tout se passe bien), une visite du village aux fambeaux, sous la houlette de Jean Mathieu, avec précisions historiques, recréation par le discours et l'esprit, de la vie quotidienne des maisons de Saint-Haon et de ses habitants il y a cinquante ans, et puis à minuit, lecture d'un de mes inédits : "Ermite", à plusieurs voix.

    Vous aurez le droit de dormir pendant la lecture.

    Ah oui : c'est le samedi 23 mai. Il y a des courageux ?

  • Des nouvelles du baiser

    Pendant ce temps, "le baiser de la nourrice" fait son petit bonhomme de chemin. Il est dans la dernière ligne droite pour la sélection Lettres-Frontière. Un prix prestigieux, attribué à cinq finalistes sur 300 romans, choisis par deux jurys, l'un suisse roman, l'autre rhônalpin. Après une première liste d'une trentaine d'ouvrages, nous sommes maintenant une dizaine, retenus par chaque jury. L'étape qui suit, et qui est en cours actuellement, est organisée de sorte que le jury suisse travaille sur la sélection française, et vice-versa. Parmi les sélectionnés, je suis très fier et flatté d'être en compagnie d'un autre roannais, Daniel Arsand. La collection "les soeurs océanes" où je suis publié, avait déjà été primée il y a deux ans, avec l'excellent et terrible "Cyclope" de Catherine Dessales, livre que je vous conseille.

    Au-delà de mon cas personnel, ce qui me plait, c'est le principe d'une sélection de cinq ouvrages, plutôt qu'un prix attribué à un seul. Je crois en effet, qu'à ce niveau-là, aucun livre n'est assurément meilleur qu'un autre. Ils ont tous leurs qualités. Conserver cinq auteurs limite l'arbitraire qui prévaut habituellement dans ce genre de couronnement littéraire.

    Résultat le 4 juin. Je vous tiens au courant, bien sûr.

  • Le silence du limule

    Et bien voilà. Le rideau est refermé. Nous sommes "après". On peut dire honnêtement que, à l'échelle de notre petite ville, "le rire du limule" a été un succès. En tout cas, une expérience marquante pour tous ceux qui y ont participé. Pour moi, d'abord, l'émotion de voir des hommes et des femmes s'échiner pendant des mois pour apprendre, porter, réinventer les mots écrits dans la solitude de mon bureau. Pour tous, la fierté d'avoir accompli quelque chose de différent.

    limule3.jpgJe ne cesse depuis des jours de remercier celles et ceux qui ont permis ce miracle. Bernard, qui est à l'origine concrète du projet, et qui en a trouvé le financement, François, qui a mis en scène, (qui a dû convaincre parfois), qui a travaillé le texte d'une manière extraordinairement intelligente, Jérôme et son complice Benoît, qui ont additionné leur talent pour fabriquer une ambiance et un caractère à l'ensemble de la pièce, par le son et la musique, Marc qui, en plus de signer l'affiche et les photos d'ambiance s'est révélé un acteur solide, capable de créer le lien de tout un spectacle par sa présence, et la finesse de son interprétation, Dominique, qui a créé un parcours lumineux minimaliste mais élégant, et tous les comédiens, impliqués et tremblants, sincères, vibrants, qui ont tenu jusqu'au bout, malgré les obligations familiales et professionnelles : Brigitte, Nathalie, Sandrine, Tatiana, Virginie, Jean-Michel, Marc, Nicolas, Patrick, Renaud, tous éblouissants... et débordant de bonheur et d'énergie au final.

     Et la Ville de Roanne, bien sûr, sans laquelle rien n'aurait été possible, comme on dit.

    Et permettez-moi une pensée pour ma douce, toujours pas remise de l'émotion générée par l'aventure.

    limule7.jpg

    Les photos d'illustration sont de mon vieux pote Christian.

     

    En haut : Jean-Michel, Nicolas et Renaud.

     

    En bas : Patrick, Tatiana et Virginie.

     

    Lire aussi le billet de Jérôme alias Godot :

    http://jeromebodonclair.wordpress.com/

    (billet du 26 avril, soit le lendemain de la représentation. C'est que jérôme n'est pas un feignant, lui).

  • La routine

    Les interdits se multiplient, pas une raison pour se résigner, et considérer que c'est normal.

    Merci à l'Autre, qui m'a tuyauté sur ce fait-divers.

  • Avec les doigts

    Des amis musiciens pestent souvent contre la manie des guitaristes de jouer deux-cent notes quand une suffirait, mais des fois, bon sang, c'est franchement beau. Allez, prenez cinq minutes et admirez. Merci à Steve, au passage. Et vive internet, des fois.

    http://www.youtube.com/watch?v=6VAkOhXIsI0

  • Un quoi ?

    Un limule. Li-mu-le. Quand j'ai proposé le titre, la première fois, et ainsi presque à chaque fois que je le prononce, ou l'annonce, j'obtiens cette réaction : "un QUOI ?".

     

    Alors, un limule ressemble à ça (quand il est mort) :

    limule1.jpg Et comme dirait Nicole Rieu (dans la pièce. Oui, il y a Nicole Rieu dans la pièce...) :

    " Sa couleur terne, qui hésite entre la bouse durcie et la noisette moisie, ses formes, qui causent chez l'homme l'ennui généralement provoqué par l'examen d'une motte de beurre, ses pattes petites et frêles, incapables de le dresser à plus de trois centimètres au dessus du limon, ses yeux presque aveugles, sa surdité avérée, sa lenteur et son caractère désespérément égal, l'ont éloigné durablement des élans lyriques qu'inspirent le lion et l'aigle."

  • Jour sans

    Aujourd'hui est un jour sans. Sans achat. En tout cas, au moins, pas d'achat dans les grandes surfaces. Il paraît que ça aurait pour effet de faire diminuer les prix, aussitôt. J'en connais qui doivent bien rigoler. Bon, comme ça ne coûte rien, essayons tout de même.

  • M comme Montreuil

    Vous souvenez-vous de la fin de "M le Maudit" de Fritz Lang ? je veux dire, la toute fin, après l'angoissante poursuite engagée par le bon peuple, dans les rues noires et luisantes de Berlin (d'ailleurs est-ce Berlin ? Disons une ville allemande, un quartier populaire), pour attraper le pédophile qui terrorise la population ? La toute fin, c'est-à-dire, après que le bon peuple, aidé par la pègre, a capturé Peter Lorre et improvise un procès dans quelque sous-sol. Vous vous souvenez ? Non ?

    M%20le%20Maudit%205%20(capture).jpg

    Alors, je vous rafraîchis la mémoire :  la police intervient, et s'empare du criminel. Oui. C'était pour Lang une manière de dire (nous sommes en 1931, les nazis ne sont plus du tout une menace risible), que la république de Weimar fonctionne peut-être mal, qu'elle est à bout de souffle, mais que, n'empêche, c'est un régime toujours plus juste que celui de la haine populiste, une forme de pouvoir préférable au nazisme.

    J'ai pensé à M le Maudit, l'autre jour, quand j'ai appris qu'un pauvre gars, parce qu'il ressemblait au portrait-robot d'un pédophile (maghrébin de surcroît), avait failli être lynché par le bon peuple vigilant qui faisait ses courses, ce jour-là, et trainait son quotidien autour d'un supermarché. Il a failli y passer, est à l'hôpital dans un état grave. Un homme a cru le reconnaître, a tiré un coup de flash ball (que faisait ce type, au supermarché, avec un engin pareil ?), a hurlé à la catonnade au pédophile comme on crie au loup, au feu, à mort, et les braves gens, les héroïques citoyens de Montreuil, les futurs miliciens de la Ville, ont cerné le type qui cherchait à s'enfuir (tu m'étonnes) et ils ont cogné. Ils ont cogné, coups de pieds, dans les côtes, le ventre, la tête, ils y sont allés de bon coeur, avec la jubilation du travail bien fait et qui ne doit pas attendre d'autre forme de procès. Les braves ordures. Vous imaginez ce groupe de bons français tapant sur un homme effondré à leurs pieds, suppliant et gémissant, égaré par la peur ? Ils se sont acharnés jusqu'à ce que la police arrive.

    La France est aujourd'hui pire que les pires fantasmes de Lang dans l'Allemagne pré-nazie. Je n'arrête pas de le dire, je n'arrête pas d'alerter, mais tout le monde se moque de moi. Vous ne voyez pas que ce pays devient fou ?

  • Bonus 4

     Un scène muette ou presque. J'aimais bien. François n'en a pas voulu. Elle n'apportait rien, il est vrai.

    Une table longue, deux hommes à chaque extrémité, une femme sur un côté, mangent. Silencieusement, avec le sérieux et l'application qu'on met dans un travail minutieux. Un autre homme approche, une assiette à la main. Il déambule autour de la table. Il y a une série de chaises vides, plus ou moins éloignées. L'homme prend beaucoup de temps pour en choisir une. Les autres convives l'observent à la dérobée, mais continuent de manger. Enfin, l'invité s'assied et commence à manger. Les autres ont suspendu leur geste pour le regarder puis, comme s'ils s'étaient habitués à ce nouveau détail, reprennent leur repas. Au bout d'un certain temps, l'invité regarde la femme à côté de lui, et semble s'interroger sur ce qu'elle a dans son assiette. Il se décide enfin, tend une cuiller vers l'assiette de sa voisine. Tous les convives s'immobilisent et observent le manège de l'invité. La femme ne dit rien, attend que l'homme plonge sa cuiller dans l'assiette, mais son expression est désapprobatrice. L'invité se sert avec la lenteur qu'on peut mettre à désamorcer une mine, tandis que les autres le regardent, et porte la cuiller à sa bouche. Il apprécie, fait un signe de tête à sa voisine pour dire : « C'est rudement bon votre truc », il lui montre son assiette, offrant ainsi de lui faire goûter son propre potage. Mais elle le dédaigne et tous reprennent leur activité dans un bel ensemble. Un moment encore, puis l'invité fixe l'homme le plus proche de lui. On voit qu'il aimerait bien goûter aussi sa soupe, mais hésite. Enfin, il approche timidement sa cuiller. L'autre s'arrête. Tous s'arrêtent. Visages contrariés. Comme le convive ne proteste pas, l'invité s'enhardit à plonger la cuiller et à goûter. Un temps, puis tous reprennent le repas. Au bout d'un moment. L'invité, pourtant dernier arrivé, repose sa cuiller : il a fini. Les autres mangent encore, très lentement.

    L'invité avise le troisième convive, qu'il n'a pas encore importuné. Cette fois, il doit se lever pour approcher. Ce qu'il fait, la cuiller en main. L'autre, tout en mangeant, surveille du coin de l'oeil la manoeuvre de l'invité, sans s'interrompre. L'invité s'assied à côté de lui. Il approche la cuiller de l'assiette. Le convive pose sa main libre en paravent sur l'aile de l'assiette. L'invité tente de contourner l'obstacle. Le convive, farouche, éloignant son assiette : « Oh ! » Les autres s'arrêtent. Observent la scène. L'invité a un recul, fait un geste d'excuse. Il revient à sa place. Après un temps, les autres se remettent à manger. L'invité se lève, décide de tourner autour de la table. Les autres jettent de temps en temps des coups d'oeil inquiets. Quand il s'approche, le troisième convive se penche plus près de son assiette. L'invité s'éloigne. Le manège peut durer longtemps. L'invité va imaginer plusieurs ruses pour pouvoir goûter la dernière assiette. A la fin, j'imagine qu'il se rassoit, sort une cigarette et un briquet de sa poche. Les autres le regardent, médusés, scandalisés. L'invité approche la cigarette de ses lèvres, puis allume le briquet... il approche le briquet... Les autres sont terrifiés (il ne va tout de même pas ? Il ne va pas oser ??...). L'invité fait durer le suspense. Allumera  ? allumera pas ?. Enfin, il allume la cigarette. Les convives fuient en hurlant. Satisfait, l'invité éteint sa cigarette, se dirige vers l'assiette tant convoitée. Elle est vide.

  • Bonus 3

    Même séance d'écriture que celle décrite précédemment. J'avais produit presque la totalité de la pièce en quelques jours, tout envoyé à François et attendu sa réaction. Il y avait de bonnes choses (ah si. Si, si, c'est François qui me l'a dit !), elles seront dans la pièce. Et puis... il y avait le reste. Dont cette scène, d'une symbolique particulièrement lourdingue. Mais bon, vous savez, quand on est lancé.

    Sur la scène, un livre. Un passant remarque à peine le bouquin par terre, s'arrête plus loin et revient sur ses pas. Il approche prudemment du livre. De plus en plus prêt, de plus en plus prudent, presque surpris de sa propre audace. Il regarde autour de lui. Personne. Du bout du pied, il touche la couverture, recule, attend, s'approche à nouveau. Il s'enhardit, bouscule maintenant vraiment l'objet. Le livre s'ouvre. Le passant effrayé, s'enfuit. « Monsieur l'agent, monsieur l'agent ! ». Il sort de scène, revient avec un autre personnage.
    Le passant désigne le livre : « Là, regardez. »
    L'agent : « Ah mais oui. Oui, c'est vrai. »
    Le passant :  « Et il bouge encore. »
    L'agent, pas rassuré : « Ah bon ? Vous êtes sûr ? »
    Le passant : « Oui, oui. »
    L'agent, après un moment d'hésitation : « Bon. On va pas prendre de risque, hein. » (il dégaine, tire une première fois. Il approche, rassuré par le premier coup. Tire encore une fois, puis encore. Vient tout près du livre abattu. Le passant derrière lui.) L'agent : « Voilà. Je crois que c'est fait. » Il se penche pour le ramasser.
    Le passant le retient : « Attention, monsieur l'agent » L'agent hausse les épaules, mais on sent qu'il n'en mène pas large. Précautionneusement, il saisit enfin le livre et le soulève, le tient à bout de bras, comme une charogne. Il secoue le livre, inoffensif à présent. Le passant se met à rire, soulagé.
    L'agent, triomphant : « Voyez ? Hein ? Fini. Aha. Bon, je l'emmène au poste. Vous, vous me suivez. »
    Le passant : « Ah bon ? Pourquoi ? »
    L'agent : « Faire mon rapport, c'te bonne blague. Vous êtes le premier à l'avoir vu, non ? »
    Le passant : « Ah ben je sais pas, moi. Je passais juste, j'ai... »
    L'agent : « Allez, pas d'histoire, vous venez avec moi. »
    Le passant : « C'est-à-dire... J'avais un rendez-vous, et... »
    L'agent : « Un rendez-vous ? Avec qui ? »
    Le passant : « Mais... Enfin... »
    L'agent : « Y'a un problème ? »
    Le passant : « Non, non. Un problème ? Non, pourquoi ? »
    L'agent : « Vous ne vous souvenez pas de la personne avec qui vous avez rendez-vous ? »
    Le passant : « Ah ça ? Mais non, enfin si, mais. Je voulais dire... Je n'ai pas précisément rendez-vous, en fait... »
    L'agent : « Houlà, m'paraît bien compliquée votre histoire, là. Vous allez m'expliquer ça au poste calmement. »
    Le passant : « Vous croyez ? »
    L'agent le fixe. Ça ne rigole plus du tout. L'agent, glacial : « Si je crois ?? Je vous dis : suivez-moi au poste, et vous me demandez si je crois ? Ça vous paraît contestable, ce que je vous dis ? »
    Le passant : « Oh non, m'sieur l'agent. »
    L'agent regarde le livre : « Vous l'avez trouvé où, ce machin, vous m'avez dit ?... »
    Le passant : « Ben, là. Par terre. »
    L'agent : « Ah. »
    le passant : « Oui. Il était là, quoi. »
    L'agent : « Ah. C'est vous qui l'avez posé ? »
    Le passant : « Non, non - Oh mais non, m'sieur l'agent, pas moi. Oh non, je ne mange pas de ce pain-là, moi. »
    L'agent : « Mouais. Vous allez me suivre au poste, et sans rechigner, vous. On a sûrement plein de choses à se raconter. » (il le pousse hors de la scène)

  • Bonus 2

    Cette scène, produite lors d'une session d'écriture particulièrement prolifique, a été refusée par François, d'emblée. Il ne l'aimait pas, et puis, c'est une idée de mise en scène, sans vrai fond, qui ne dit rien. Une fausse piste, quoi. je la livre ici, pour souligner combien on s'égare parfois, dans des registres de pure forme. Cela apparaît quand on est soudain persuadé de tomber sur une bonne idée. Dangereux, les bonnes idées.

     

    Un personnage entre, un livre à la main. Ses lèvres articulent sans bruit le texte qu'il lit. Un autre entre, même jeu. Et ainsi de suite. Beaucoup de personnages se croisent ainsi, marchant, le nez dans leur bouquin. Ce sont des textes divers, parfois en langue étrangère. Leur voix s'élève au fur et à mesure qu'ils accélèrent la marche. Bientôt, on assiste au ballet de ces promeneurs, vociférant leur lecture. Sur scène, une sorte de chef d'orchestre intervient. Il frappe de sa baguette. Silence. Les marcheurs s'arrêtent, silencieux. Le chef fait un geste, les lecteurs, cette fois immobiles, se remettent à lire et, par les mouvements du chef, lisent à hauteur de voix différentes ; crescendo ou decrescendo.

    Pendant ce temps, dans le public, d'autres distribuent des copies de textes divers, incitent à lire à haute voix. Petit à petit, les voix du public se mêlent à celles des acteurs sur la scène. On crée un brouhaha qui monte, monte. Puis le chef se tourne vers le public, module la hauteur des voix, comme il vient de le faire avec les acteurs. Il ordonne des silences, des reprises, des moderato, etc. Jusqu'à un crescendo final, puis silence.

  • Bonus

    En attendant le 25 avril, et la représentation du "Rire du Limule", je vous livre en exclusivité la scène suivante, supprimée dans la version qui sera jouée au théâtre de Roanne. François et moi nous l'aimions bien, ainsi que certains acteurs, mais, rien à faire, impossible de l'intégrer dans le patchwork pourtant hétérogène de la pièce. J'ai eu beau la réécrire, la réécrire, François a eu beau chercher un angle, une manière, un jeu... Cette scène résistait. Finalement, nous avons résolu de la supprimer définitivement, comme cinq ou six autres, je ne sais plus (mais là, François a été beaucoup plus clair tout de suite : elles ne lui plaisaient pas. Point). Tiens, je vais peut-être les disposer ici, dans les jours qui viennent. Pour pas gâcher.

     

    Thot approche d'un groupe en train de discuter tranquillement, choisit tel ou tel, écarte un homme, une femme, sépare un couple impitoyablement, éloigne avec brusquerie l'un d'eux, renvoie carrément un autre. Certains renâclent, mais la plupart, dociles, se laissent expulser sans un mot. L'un d'eux, au public : « Vous ne dites rien ? » Il hausse les épaules, se résigne, dans l'indifférence générale.

    Ra s'aperçoit que la table est bancale, et se met dès lors à tenter une réparation. Thot l'observe. Ra met du temps, soupire, reprend, se trompe, est sur le point d'abandonner, puis revient à sa tâche. Thot ricane.

    Ra : «Ne te moque pas. »

    Thot : « Je veux bien, mais tu es risible, mon ami. Tu ne sais rien faire. Le moindre geste te prend une plombe. »

    Ra : « Peut-être. Je ne vois pas le problème, si j'ai une plombe pour le faire, le geste. »

    Thot : « C'est ce côté médiocre assumé qui m'agace vraiment chez toi. »

    Ra : «  Le monde serait pire sans les médiocres. »

    Thot : « C'est idiot. »

    Ra : « J’ai longtemps assisté au spectacle de la frénésie des plus « efficaces » d'entre nous, l'énergie qu'ils dépensent pour partir plus loin en vacances, acheter de plus grandes piscines ou manger moins gras, s'acheter de plus grosses voitures et des dents alignées, dépasser les collègues, performer, optimiser, qualifier. Tout le monde s’acharne à faire les choses au mieux, mais en réalité, la dépense d’énergie et de talent, c’est scientifiquement prouvé, équivaut sur le long terme aux résultats des plus incompétents ; les deux s’équilibrent. Bref, je suis convaincu que le bilan de l'efficacité est négatif à l'échelle individuelle, quand elle n’est pas compensée par l’effet modérateur des médiocres. »

     

    Thot : « L’effet modérateur… »

     

    Ra, qui s'échauffe : « Reporté à l'échelle des nations, la compétence comporte aussi des dangers ; mais d'une autre nature. L'efficacité divise, elle scinde, partage, elle ne cimente jamais. Elle permet de distinguer avec plus de netteté ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas ; elle permet d'isoler les éléments improductifs, les tarés et les feignants, elle détermine des talents, des aptitudes et des assuétudes, elle sépare les gènes positifs, choisit les races supérieures. Elle fait le tri dans l'énorme matériau humain. La compétence et l'efficacité sans frein mènent tout droit aux camps de la mort. »

     

    Thot : « Ze démonstrachîeun »

     

    Ra : « Heureusement, les faibles, les maladroits, peuvent à tout moment faire capoter, ou au moins ralentir le grand projet des forts. Heureusement, l'humanité a sa réserve naturelle de médiocres qui la retient de foncer dans le mur avec le moteur surpuissant que ses éléments les plus intelligents ont su lui construire. Voilà pourquoi je dis que les médiocres, depuis le début des temps, ont sauvé l’humanité. Oui, le monde serait pire sans les médiocres.»

     

    Thot : « Pfff… »

     

    Ra : « Mais enfin, regarde ce qui se passe : on va dans le mur ! Des gens supra-intelligents, des cerveaux extraordinairement efficaces et pointus nous entraînent vers la fin du monde ! et tu sais pourquoi ? Pas parce que l’intelligence et l’efficacité sont nuisibles a priori, mais parce qu’on les a laissé seules, parce qu’on a évacué toute forme de maladresse et de naïveté dans les processus de fabrication, dans les mécanismes de décisions, parce qu’on n’a pas compris que la médiocrité, l’erreur, la faute, étaient les ressorts naturels de l’évolution des choses. Je dis : vive l’inertie, vive la lenteur, vive les défaillances, les arrêts, les contre-temps, vive l’inefficacité. Vive la médiocrité !»

     

    Ra s'en va. La table est toujours bancale. Thot émet un grognement d'exaspération devant ce résultat pitoyable. Un des « exilés » du début, revient. Thot l'observe, sur ses gardes. L'exilé pose sa joue sur la table, la caresse, dit « Parfait. » et s'étend sur la table pour dormir.

    Ra hausse les épaules, et sort.

  • Reviens

    Vous aurez peut-être remarqué, mais il m'arrive de laisser des petits mots sur Kronix, ces jours-ci. Il se trouve que mon dernier roman bafouille et patine. Il se trouve que je m'agace et désespère d'y voir clair dans cette saga sur deux générations au XIXème siècle, mêlant vie paysanne et bourgeoise, guerre et paix, moeurs familiales et industrie. Il se trouve que, parfois, j'abandonne mes documents historiques, pour vous retrouver un peu et glisser là mes pensées matinales (donc pas profondes, nous sommes d'accord).

    Il se trouve surtout que je n'ai rien de plus à dire. Pfff.