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kronix - Page 78

  • La force des mots

    Les mots parlent à ta place. Ils disent ce que tu veux ressentir, mieux que toi. Ils sont plus forts que tes sentiments vrais. Il suffit de dire : « je te pardonne », et on offre la paix. Il suffit de dire. Je frémis davantage quand je dis que j'ai froid. J'aime plus fort quand je crie je t'aime. Je pleure quand je pense : « c'est triste ». Sinon, si je me tais, si je n'éveille pas le monde avec des mots, le monde ne vient pas à moi. Il reste dehors. Et je ne ressens rien. S'il n'y avait pas de mots, peut-être. Peut-être que je vivrais. Peut-être que je sentirais le monde, sans leur aide.

     

    Extrait de "Le Rire du Limule"; Création NU Compagnie, 2009.

  • Les couleurs de la vie

    L'Adulte : « Il me semble. Une confusion de couleurs. Pour chaque âge, une couleur. Des ocres, des roses nacrés, du vert, du bleu. Des rehauts de teintes scintillantes et des plongées nocturnes. Et de toutes ces couleurs mêlées, quand je vois ma vie passée, est issu un gris uniforme. Plus rien ne se détache. Aucun âge n'apparaît plus fade ou brûlant qu'un autre. Un gris continu, depuis la naissance. »

    La dompteuse : « Vous vouliez autre chose ? Vous vouliez mieux ? »

    L'Adulte : « Bien sûr. Un éclat, une explosion, une irradiation qui aurait éclairé tout le reste. Une dominante au moins, de rouge ou de blanc, qu'importe. »

    La dompteuse : « Ce n'est pourtant pas si mal le gris, et toutes les nuances de ce gris. Etiez-vous préparé à cette incroyable épreuve qu'est la vie ? Non. Vous avez surgi, l'un après l'autre du néant, et puis, confrontés à cette lumière, à ce tout –à l'humanité même pour qui, quelques minutes auparavant, vous n'étiez rien encore– il vous a fallu vivre. Et finalement, voyez-vous, considérant l'énormité du défi, vous vous en êtes plutôt bien sortis, non ? »

     

    Extrait de "Le Rire du Limule" Création NU compagnie, 2009.

  • Première scène

    « Quand nous nous sommes séparés, je n'ai pas pleuré. J'avais le cœur sec. Lui n'a pas pleuré non plus. Nous étions secs tous les deux. D'ailleurs, ce fut une rupture sèche. Ça a cédé comme une branche morte, en hiver. Tac, comme ça. Pas de pleurs, pas de pluie ; mais du gel, un amour mort de froid sec. Je n'ai pas souffert, j'étais anesthésiée. Lui ? Non. Pas l'impression. D'ailleurs, le froid venait de lui. Il le soufflait à chaque parole. Tu as des façons, il disait, tu as des façons de dédaigner les autres, qui me font froid dans le dos. Tu parles ! Je ne dédaigne personne. Ses amis m'ennuyaient, voilà tout. Ils m'emmerdaient. Ah, les soirées à parler politique ! Il refaisait l'économie comme on refait un match ou une guerre, comme on refait le monde. Je lui disais : « t'en as pas marre de refaire le monde ? » Le monde ? Il répondait, le monde, ils l'ont défait, faut bien que quelqu'un le refasse ! Toujours une réplique, toujours une réponse... Une de ses phrases préférées, c'était : « C'est mon ex qui te paye pour m'emmerder ? » Mais j'avoue : il avait une façon de le dire qui me faisait rire –au début. Au temps des pêches, comme disent les marocains ; le beau temps des fruits à la peau de velours, juteux et clairs, ronds sous la main pleine. Quand les amoureux se tiennent chaud. Je ne dédaignais personne, non. C'est pas vrai. J'aime les gens. Je m'intéresse à eux. Ils m'ont toujours passionnée... Lui aussi, au début, je le trouvais intéressant, intelligent, subtil. C'est un mystère, ça : à la fin, tout ce qu'il disait me paraissait idiot. Est-ce que j'étais devenue plus intelligente, est-ce qu'il était devenu plus con ? Mystère... Je suppose qu'au début, on est tellement étonné qu'une personne s'intéresse à nous, que chacune de ses pensées paraît neuve et originale. Ça doit être ça. Les paroles de l'Autre ont l'attrait du regard neuf qui s'est posé sur nous. Parce que chaque parole nous est adressée. Ensuite, quand les mots reprennent leur fonction, quand l'Autre parle pour lui-même comme il l'a toujours fait, avant de nous connaître ; quand nos propres mots sont dirigés à nouveau vers nous, alors... C'est l'hiver. »

     

    Extrait de "Le Rire du Limule" Création NU compagnie 2009.

  • Voir grandir "Voir Grandir"

    Quelle frustration ! Je ne peux pas, je ne peux pas mettre en ligne ce qui motive cette énorme frustration, mais je vous assure, je suis tout ébaubi : le compositeur attitré de la compagnie Nu, le musicien de chacune de mes pièces en fait, travaille en ce moment sur la mise en chanson d'une série de textes que je lui ai dédiée. Cela s'intitule « Voir Grandir » et vous avez pu avoir un aperçu des thèmes via Kronix, qui en a publié quelques extraits. Chaque semaine ou presque, Jérôme Bodon-Clair m'adresse les fichiers de ses somptueuses maquettes, qui sont à chaque fois un tel régal, un tel régal... Ah, j'ai hâte de pouvoir vous faire goûter ses mélodies, ce travail hors-normes, prélude à un « vrai » album !
    L'aspect original de cette production tient dans la manière dont nous avons abordé sa construction. Après la superbe expérience musicale de Jérôme sur « Nos Futurs » et « Lucifer Elégie », nous sommes convenus qu'il ne fallait pas changer de méthode et j'ai donc écrit les textes de l'album sans tenir compte d'une possible mise en musique, d'une versification, rimée ou pas. Une sorte de poésie brute, telle que vous la découvrez dans les billets intitulés « Voir Grandir », sur ce blog. C'est à partir de ce matériau non conventionnel que Jérôme travaille. Et cela donne forcément une forme différente, des mélodies qui épousent la musique du texte, enfin une vraie découverte pour nous tous. Et ce n'est pas fini : l'autre comparse de la compagnie Nu, Marc Bonnetin, va au final s'emparer de tout ça et imaginer des sortes de vidéo-clips (là aussi, forcément en marge des clips existants). Tout ce travail, avec des bribes d'écriture préparatoire, des infos, des photos, sera l'an prochain mis en ligne sur un site dédié. J'ai hâte de vous faire partager cette merveilleuse aventure, cette histoire aussi amicale qu'artistique.

  • A Poligny

    A Poligny, j'ai rencontré une jolie librairie, une charmante libraire, de passionnantes personnes engagées autour d'elle. A Poligny, il y a une gare, mais je ne l'ai pas vue. Ce qui fait que j'ai pu découvrir Arbois, sa gare, la maison de Pasteur, et la gentillesse de Geneviève, accourue me chercher loin du point d'arrivée convenu. En fait, je cherchais un moyen de me distinguer. C'est donc fait. A Poligny, il y a 4000 habitants, une grande rue vibrante sous le pas des camions, il y a aussi La Glantine, une chambre d'hôtes je-ne-vous-dis-que-ça, il y a un général, Travot, connu comme pacificateur de la Vendée, où on le considère plutôt comme un massacreur mais heureusement, sa fiche Wikipédia m'apprend qu'en réalité, il était très apprécié des autorités locales. De toute façon, la postérité s'est vengée : sa statue, sur la place, a été démontée par les Allemands, et remplacée par une pseudo copie façon classique raté, raide et moche. A Poligny, site clunisien, il y a un projet de Center Park contre lequel des citoyens s'élèvent, et à Poligny comme partout, on les méprise, on ne les écoute pas et comme partout, ils ne se découragent pas. A Poligny, les rivières s'appellent Cuisance, la Furieuse, les Planches. A Poligny, il y a la Nouvelle Librairie Polinoise, lieu culturel sauvé par une association créée spontanément, il y a Corinne, la libraire qui a eu la merveilleuse idée de m'inviter, et il y a ses lectrices, venues me découvrir et découvrir mon travail. On a parlé beaucoup, de plein de choses, un peu de mes livres, de mon univers, mais ça n'a pas empêché la curiosité et une belle série de signatures ce soir-là. A Poligny, ville où le père d'un ami a payé sa tournée après avoir passé la ligne de démarcation (et où il a oublié son portefeuille), il y a Marc, photographe, boule d'humanité cabossée, et c'est une des raisons qui font que je dis « non, vraiment, ça me fait plaisir » quand on me remercie de me déplacer pour rencontrer les belles personnes qui font vivre la « petite » librairie d'une « petite » ville.

  • NLP

    Ce jour, à 17h30, j'ai le grand plaisir et l'honneur d'être l'invité de la Nouvelle Librairie Polinoise, une des premières librairies à avoir défendu "L'Affaire des Vivants" et dont la responsable, Corinne Desies-Dalloz, avait parlé sur l'antenne de France Bleu, lors du salon du livre de Besançon.

    J'aurai des bretelles et je serai sobre. Mais si ces aspects de ma personne ne vous intéressent pas, j'ajoute que je parlerai de mon livre et de mon travail d'écriture. Si on me pousse un peu, je suis capable d'évoquer l'histoire de Spoutnik, le chien d'une amie. C'est vous qui voyez.

  • Ce matin, un chasseur...

    Le chasseur innocent qui passe à portée de la maison, subit la vindicte de ma douce, plus douce du tout en l'occurrence. Le pauvre se défend comme il peut  « Mais... Mais puisqu'on vous dit... Mais c’est pour réguler... Mais... Mais madame... » Rien n'y fait, sous le feu des quolibets et remontrances, le porte-fusil bat en retraite en bougonnant et va plus loin. Encore une victime de ce sport cruel : le mitraillage de chasseur à l'insulte.

  • Hold up

    Étouffant sous les bas de contention enfilés par erreur sur la tête, le cambrioleur s’en débarrassa en plein hold-up, au risque de révéler son identité. Fort heureusement, son visage compressé pendant des heures avait été déformé au point de le rendre méconnaissable sur les bandes vidéos.

  • L'invention de l'invention

    Rahan, accroupi derrière un bosquet, venait de découvrir qu'un essaim de guêpes n'aime pas qu'on lui fasse dessus. Il en profita pour inventer dans la foulée le sprint, l'épreuve du cent mètres, la course de haies, le saut à la perche, le cent mètres nage libre, le saut en hauteur, la gymnastique improvisée, le jerk, le roulé-boulé, et la thérapie du cri primal. Une belle journée de progrès pour l'humanité !

     

    (Et si vous avez une impression de déjà-vu, ce n'est pas qu'une impression, je vous rassure. Très occupé en ce moment et, en bon écolo, je recycle. Avec mes excuses.)

  • Voir Grandir

    Et vous, que dites-vous ? Quelles sentences mûrissez-vous dans les lignes archaïques ? Et nous. Nous. Tant pis, nous resterons à l'abri. Tant pis. Aveugles, sourds, autruches, pas indifférents mais égoïstes, pas détachés mais conscients de ne rien pouvoir. Ô les temps redoutables, Ô les désastres que vous préparez ! Allez au massacre, faites-vous mal, rejetez-nous dans l'impuissance. Vous ne nous épargnerez pas, je le sais, mais venez tard, laissez-nous un peu de répit. Que nous soyons repus de tous nos festins quand vous viendrez enfoncer la porte.

  • Têtu

    Le premier type qu'on mit sur un bûcher était persuadé que le pain n'avait pas de croûte. On lui montrait un pain bien cuit avec une bonne croûte craquante mais non, il s'enferrait : « il n'a pas de croûte, aucun pain ne fait de croûte, vous ne m'aurez pas ». On citait des témoins, on faisait paraître devant lui des boulangers qui essayaient de lui expliquer, avec des petits schémas, on lui avait fait visiter une boulangerie pour lui montrer mais rien à faire : « c'est pas vrai », il disait. A la fin, les mecs en ont eu marre et voilà comment ça a fini.

     

    Et c'est la 2300è note, folks !

  • Un nain capable

    Sur les sept nains, seuls six avaient reçu de Blanche-neige un surnom. Pas étonnant que le septième, qu'elle avait complètement dédaigné, se fut appelé, finalement, Grincheux.

  • Voir Grandir

    Quel adulte, quelle fée, quel apôtre ? Grandis, allons grandis ! Fais vite, j'ai hâte de te connaître. De savoir la personne dont tu n'es que l'amorce. Une personne vraie. Je me réjouis de découvrir celle que tu seras, avec qui je jouerai sur les mots, à qui je conterai mes joies. Une personne tout entière, avec ses grandeurs et ses failles. Grandeurs et failles qui ne seront pas miennes. Dépasse-moi, sois grand, allons grandis ! Grandis et montre-moi, dis-moi ce que tu penses, partage, fais-moi tes confidences. Que j'apprenne de toi, que tu me dises demain. Demain qui t'appartient, demain que tu comprends, demain qui est ton monde, déjà, où je suis un enfant.

  • Plan carrière

    Le sage Hong Li vit partir ses nombreux disciples quand il commença, après des années de transmission de son savoir, à parler d'une petite rémunération.

  • 14

    Depuis le fond de sa tranchée, au milieu des cadavres déchiquetés, les pieds dans la boue froide, Pierrot avait beaucoup de mal à partager le chagrin de sa femme qui, dans sa dernière lettre, lui apprenait la mort de Pimpin, leur lapin domestique.

  • Tauromachie

    Un minotaure qui se masturbe au fond de son labyrinthe est-il coupable de zoophilie ?

  • Roues cool

    L'escort girl décida d'arrêter ce boulot quand son dernier client lui montra un fauteuil roulant identique au sien où il souhaitait qu'elle s'installe, pour l'accompagner faire ses courses main dans la main.

  • Relativiser

    Je l'avoue, il a pu m'arriver tout récemment, de m'inquiéter du trop de chantiers d'écriture que j'ai à gérer. Produire, entre autres, un roman qui soit « un livre ambitieux, à la hauteur de Mausolées » (dixit mon éditrice), d'ici le mois de juin 2015, et enchaîner avec un roman « historique » dont j'ai promis le manuscrit pour décembre de la même année à mon autre éditeur, cela génère des moments de panique. Et puis je me souviens des temps où être seulement édité était de l'ordre du fantasme, et je me remets au travail, dix heures par jour, avec enthousiasme et une sorte de reconnaissance.

  • Arcadie

    Exigeons une fois pour toutes, une terre où se réfugieraient les gens ouverts, tolérants, généreux, sensés, raisonnables, en gros les gens strictement et constamment du même avis que moi.

  • Minnie perchée

    C'est très haut, un hall de gare. Notamment celui-ci, dans une partie ancienne de la gare de Lyon. Et le ballon qui s'y trouve collé -un ballon en forme de tête de Minnie gonflé à l'hélium- son kiki rouge à pois incongru fixé aux moulures XIXe comme une gargouille pop', est manifestement inaccessible. Je pense à l'enfant qui l'a échappé, l'a vu monter pour s'immobiliser dans ce ciel d'architecture. En voici un aux humeurs duquel, depuis le berceau, les parents ont peut-être cédé et qui, là, au spectacle de son jouet irrémédiablement perdu dans des hauteurs si vertigineuses, a soudain compris que, cette fois, aucun caprice, aucune réclamation ne saurait lui rendre la tête de Minnie. En voici un qui a pris conscience des limites du désir.