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  • Au Clair de la lune

    Les relations de Pierrot et Colombine illustrent parfaitement le principe que les atouts de la ressemblance sont un leurre. Le blanchâtre Pierrot chante à la lune pour séduire sa belle. Qu'attend-t-il en réalité ? Sa complémentaire : une tigresse en cuissarde et guêpière prête à lui arracher sa collerette et à le démaquiller à grands coups de langue. Et Colombine ? Je parie que le fade et évanescent Pierrot la laisse de marbre et qu'elle ne descendra jamais de son balcon pour s'enticher d'un type habillé et maquillé comme une poule. En fait, sous prétexte de se ressembler, ces deux-là sont les plus affligeants exemples de liaison vouée à l'échec et le diable si j'arrive à me souvenir de ce qui m'a amené à cette puissante réflexion.

  • Croisière nocturne

    Ce devrait être simple. Après une journée passée devant l'écran, enfin, je ferme et je rejoins les bras de ma douce. Dans la chambre, lumières éteintes, un bon sommeil devrait m'accueillir pour me lancer, le lendemain, tout frais, dans la grande aventure de l'écrit. Je suis fatigué, je le mérite bien, je m'enfonce la tête dans l'oreiller. Et c'est exactement à ce moment-là que tout surgit, s'impose dans une sarabande infernale : personnages, visions, péripéties, suspens à venir, détours dramatiques en tout genre. Rien à faire, le roman en cours me poursuit et ne me lâche plus. Je continue d'écrire au seuil du sommeil, et le sommeil est repoussé d'autant. Les nuits périlleuses que je passe ! L'avantage cependant, c'est qu'au matin, beaucoup de problèmes ont trouvé leur solution, de nouvelles pistes se sont ouvertes. Et l'envie d'écrire s'en trouve ainsi régénérée.

  • Le piège

    Et puis, tu crées un personnage subtil. Or, tu n'es pas subtil. Les difficultés commencent.

  • Précaution

    Nous sommes bien d'accord : la présence dans notre bibliothèque de « L'Agenda de la France nouvelle 1941 » (avec le portrait de Pétain en page de garde), de « Penser Français » (éditions de la légion, 1941), de « Toute la vérité sur un mois dramatique de notre histoire, 15 juin - 15 juillet 1940 », avec des exergues de Pétain et de Laval), et des livres sur l'occupation signés Patrick Buisson, n'augure d'aucune adhésion à certaines idéologies, mais est le signe que, pour bien combattre son ennemi, il faut le connaître.

  • Parlons cuisine

    Le mois dernier, il y a eu des changements chez l'un de mes éditeurs. Angoisse. Le nouveau directeur d'édition allait-il consolider certains choix de son prédécesseur, et notamment celui de me publier ? Il vient de m'appeler, chaleureux, délicat, agréable. Il voulait avoir lu "L'Affaire des Vivants " avant de me contacter. Il a beaucoup aimé mon roman et, "bien sûr", suivra mon travail. Un rendez-vous est d'ores et déjà fixé, où je lui donnerai les premiers chapitres du prochain manuscrit que je destinais à cette maison. Soulagé. Vraiment. A partir de maintenant, je peux considérer que j'ai deux éditeurs, que je vais pouvoir (mais aussi devoir) leur fournir régulièrement des textes, et qu'ils me seront fidèles. C'est un luxe qui me réjouit et valide le choix de vie décidé l'an dernier. Parce que, comme je le programmais de toute façon, il faut que je parvienne à écrire un roman en un an et demi, guère plus, et enchaîner les livres sans délai. C'est beaucoup, beaucoup de travail. Ce sera épuisant, ce sera difficile, ce sera merveilleux.

  • Naturlich

    Le parti nasique a des idées complètement coniques

  • D'abord

    Ce qui fait peur dans la piqûre, c'est cet accent circonflexe sur le « u ».

  • Travail, la reprise

    Parce que je n'en ai pas fini, avec cette histoire. Je ressasse le mot dans la nuit et je réalise que nombre d'écrivains (et pas des moindres) l'utilisent. Me viennent à l'esprit Pierre Michon (mon immense et vénéré Michon) qui parle des « infimes stratégies de la table de travail », Philip Roth, Milan Kundera, Primo Lévi (« Parlons travail ») ; je réalise aussi qu'une femme qui accouche, travaille. Elle ne le fait pourtant pas sous les ordres d'un patron, n'espère aucun gain matériel et n'est sous le coup d'aucune servilité (hors cas qu'on me permettra d'écarter). Je disais l'autre jour que je travaillais comme le bois mais finalement, l'effort bénévole pour obtenir une délivrance me rapproche davantage de ce noble modèle. Décidément, il a bien des avantages, ce verbe travailler, que n'offre pas écrire.

  • Il y a quatre ans

    Tiens, j'ai retrouvé ce billet, écrit en juin 2010, après la diffusion d'un tract présentant la maire PS de ma ville, à l'époque (nous étions sous la présidence d'un agité chronique, souvenez-vous), comme une complice béate des immigrés, coupables de tous les maux. Je me permets cette redite :

    "Un tract ignoble est diffusé dans la ville, assimilant le propos social de la gestion municipale (qu'elle soit faite à tort ou à raison, et avec ou non des résultats, serait la seule question digne d'intérêt) à une bienveillance à l'égard de l'immigration. Vieille rengaine dont on pouvait espérer que l'éclatante démonstration de l'incurie nationale avait eu raison. En effet, la chasse implacable aux immigrés, les expulsions nombreuses et impitoyables, la préférence « française » théoriquement niée mais appliquée dans les faits, les rodomontades diverses, n'empêchent pas la dégringolade de tous les curseurs, année après année. Le maintien des institutions sociales, seul contrepoids à la violence de la paupérisation et du chômage, est le dernier rempart à un libéralisme dévastateur.
    La vulgarité du torchon roannais (jeux de mots moisis, raccourcis à visée parodique, détournements de visuels) illustre donc -non pas l'aboutissement, mais- la suite logique d'une sape menée depuis des années par les tenants d'une société toujours plus brutale, toujours plus répressive et anxiogène, une société qui méprise la lenteur des intelligences scrupuleuses. Les mêmes espèrent un nivellement de la pensée par le bas, une recherche aux ordres, un enseignement fabriquant des prolétaires soumis, une légalisation des enrichissements les plus immoraux, une prescription réduite des affaires de délinquance en col blanc, des médias décérébrants et des humoristes inoffensifs, une santé publique à l'agonie, des employés précaires et des Valjean chenus trimant jusqu'à la mort. J'en passe, mais vous saurez compléter.
    L'histoire locale n'échappe pas à ce désir morbide d'aviver les souffrances en désignant, comme toujours, des coupables. Ils portent deux noms emblématiques depuis toujours : « Femme » et « Etranger ».
    Tous deux partagent le poids d'un péché immémorial : A la maison, ils coûtent ; sinon, ils prennent le travail des autres. S'il leur arrive d'accéder à un pouvoir quelconque, ils sont suspects de laxisme, de faiblesse d'esprit et de caractère. Enfin, la majorité de l'opinion silencieuse ne les défendra pas ; on peut donc les insulter impunément. C'est fort de ces principes, répétés à l'envi dans les dîners choisis, que les auteurs du tract ont frappé, certains d'être soutenus par les premiers produits de la société qu'on nous prépare depuis une dizaine d'années. Il s'agit d'une violence, une de plus, inspirée par les aboiements venus du sommet.
    Que ceux qui y voient l'aboutissement des excès d'une frange extrême ouvrent les yeux et les oreilles : ce n'est que le signe avant-coureur de luttes plus féroces, plus inégales, et meurtrières. Je ne cesse de le dire depuis les dernières présidentielles, et voilà pourquoi ce tract a selon moi valeur d'exemple hors frontières communales : le mépris des plus pauvres, la gabegie et l'aveuglement des élites conduiront la démocratie à l'effondrement. Ceux qui se réjouissent à présent de cette farce odieuse, ceux qui ricanent en y voyant un coup supplémentaire porté contre un adversaire politique, devraient y réfléchir : dans le cœur des plus désespérés, ils ne sont pas si loin de l'étranger et de la femme. Et si, au delà des organismes les plus prompts (et malheureusement habitués) à protester contre la moindre atteinte au respect humain, les politiques et les citoyens, sans idée partisane, ne disent pas haut et fort leur écœurement, ne se décident pas à prôner le temps nécessaire au travail de l'intelligence à l'école et dans les médias, le mouvement n'en sera que plus puissant, et les emportera tous."

  • Zuzu

    Vendredi, j'apprenais la mort de Serge Zuliani. Zuliani est un peintre roannais dont la puissance picturale a été marquante pour ceux qui ont eu la chance d'y être confrontés. Car on était confronté à un tableau de Zuliani, il n'y avait guère de pacte possible. Ses toiles parfois immenses ne cessaient de manifester colère et étonnement face aux grands crimes barbares, génocide indien, erreurs judiciaires, dictatures sanglantes... De grands hurleurs érigeaient leur silhouette sur un écran éclaboussé de sang, des visages amérindiens occupaient des formats carrés énormes de leurs faces puissantes et austères.  J'ai vu craquer un banquier, en Allemagne, à cause d'un de ces féroces tableaux. Nous avions installé une des versions des « dictateurs » en face du bureau du malheureux employé qui nous supplia, après une journée, de déplacer ce cauchemar éveillé. Après un voyage de jeunesse aux Etats-Unis, Serge Zuliani avait peint les déserts américains, était tombé amoureux de ces peuples, n'a sans doute jamais cessé de frémir de l'injustice qui leur avait été faite et se poursuivrait toujours.
    Nous l'avons connu massif, puissant, mains énormes, bras noueux, visage plié de rage ou de rire. Nous l'avons vu vieillir. Mon retrait de Roanne, mon éloignement de ce milieu, involontaire, m'ont au moins permis de ne pas le voir exagérément maigrir et se désoler.
    Quelques œuvres de Zuliani sommeillent dans les réserves du musée de sa ville, mais ce sont des dessins et des peintures mineures et, si plusieurs collectionneurs ont, un temps, adhéré à la force de ses représentations inconsolables et lui ont permis de vivre son art pendant de nombreuses années, ils se sont lassés de l'acheter et leur engouement n'a pas été suffisamment relayé. Cependant, lui était sans faiblesse, sans détours et, si certaines périodes l'ont amené à dessiner des processions de femmes Felliniennes, son travail brut et violent, disons conscient, n'a pas séduit au delà de quelques passionnés. Il est resté un artiste confidentiel, pour le reste du monde. La veille de son décès brutal à plus de 80 ans, il confiait à un ami : « Tout le monde m'a oublié, je n'existe plus. » Cette lassitude a fini par l'emporter, avec la même absence de pitié que la maladie.
    Je n'étais pas au courant, j'ai su trop tard, il a été enterré hier, samedi, je ne sais ni où ni à quelle heure. Je n'ai donc pas pu témoigner, comme on dit, je l'aurais fait, je crois. Mais il y a un avantage à ce manquement : c'est que je ne parviens pas à me l'imaginer sous la forme d'un cadavre enfermé dans une boîte. C'est impossible, il était trop grand et trop fort pour ce misérable confinement.

    Il y a une cinquantaine d'années, il habitait au quatrième étage d'un immeuble. Du balcon, il laissait descendre et reposer au sol un seau plein de sable attaché à une ficelle, et la ficelle, fichée dans un manche court qu'il tenait entre ses mains. Ensuite, de là haut, chaque jour, il faisait remonter le seau en tournant le manche entre ses mains. La ficelle s'enroulait sur le manche. Le seau remontait. Quatre étages. Un seau plein de sable. A la force des poignets. Et bien voilà, la peinture de Zuzu avait cette puissance-là.

     

    (NB : inutile de chercher sur le net, vous ne trouverez aucune image. Il faut me croire sur parole)

  • A Villequier

    Nous en parlions, avec Laurent Cachard, à Fleury, à propos de la fin de sa nouvelle, Marius Beyle. J'avais fait une vidéo qui n'existe plus (où est-elle passée ?). Mais il y a cet enregistrement sonore. Loin d'être parfait, mais c'est un hommage. Un des plus beaux textes de Totor.



    podcast

  • Ce qui subsiste

    « Il arrive cette période où le bouleversement est tel que ses témoins ne peuvent imaginer un avenir ; surtout un avenir où ce qu'ils ont aimé, ce qui les a construits, n'aurait pas disparu. Ce qui paraît perdu à jamais, et qui leur était si précieux, résiste pourtant mieux qu'on le croirait aux changements les plus radicaux. Tout est là, secret, tenace comme un parfum. Rien n'est absolument détruit. Mais nous ne vivons pas assez vieux pour en faire le constat et en être rassurés. C'est cela, le drame de notre condition. »

    Histoire des dix âges de Basal. Hammassi, conteuse de Bhaca de Memphée, témoin de la dixième chasse.

     

    Extrait de "Les Nefs de Pangée". Sortie en septembre chez Mnémos.

  • Préselection Lettres-Frontière

    Encore une fois dans le peloton final. Mais notre héros parviendra-t-il à la ligne d'arrivée ? (la concurrence est forte. Tellement de talents. Je n'aimerais pas être à la place des jurés, il va y avoir du sang).

    Les 20 titres suivants ont été sélectionnés parmi un nombre important d’ouvrages
    (près de 200) pour leurs multiples qualités. Le jeudi 30 avril prochain, le Jury votera
    pour ses 10 livres favoris qui constitueront la 22ème Sélection au Prix Lettres frontière
    et celle-ci sera annoncée le soir même au Salon international du Livre et de la
    Presse de Genève, sur la scène de L’apostrophe. Les auteurs des 10 livres retenus
    seront invités à participer à la manifestation L’Usage de Mots, qui aura lieu le samedi
    14 novembre 2015 à Genève (salle du Faubourg).

    Rhône-Alpes :
     Jacques A. Bertrand, Comment j'ai mangé mon estomac, Julliard
     Yves Bichet, L'Homme qui marche, Mercure de France
     Christian Chavassieux, L'Affaire des vivants, Phébus
     Christophe Fourvel, Le Mal qu'on se fait, La Fosse aux ours
     Bruno d'Halluin, L'Egaré de Lisbonne, Gaïa
     Isabelle Pouchin, Le Roman poème de Berthe et Emma, Gaspard Nocturne
     Emmanuel Ruben, La Ligne des glaces, Rivages
     Jean-Christophe Rufin, Le Collier rouge, Gallimard
     Camille de Toledo, Oublier, trahir puis disparaître, Seuil
     Eric Vuillard, Tristesse de la terre, Actes Sud

    Suisse romande :
     Xochitl Borel, L'Alphabet des anges, L'Aire
     Marianne Brun, L'Accident, L'Age d'Homme
     Slobodan Despot, Le Miel, Gallimard
     Julien Dunilac, Mes obsèques à Pâques, Slatkine
     Christophe Gérard, Osbet & Autres historiettes, L'Age d'Homme
     Valérie Gilliard, Le Canal, L'Aire
     Max Lobe, La Trinité bantoue, Zoé
     Sébastien Meier, Les Ombres du métis, Zoé
     Jean-Michel Olivier, L'Ami barbare, L'Age d'Homme
     Dominique de Rivaz, Jeux, Zoé

  • Travail

    Parce que, quand j'écris, je travaille, non ? Non, parce qu'il y a cette notion de servilité, de force mise au service d'un autre, pour l'enrichissement d'un autre. Donc, j'écris. D'accord, j'écris, je ne travaille pas. Mais quand je fouille et refouille de la doc, de vieux manuscrits, pour alimenter mon prochain roman, je n'écris pas, qu'est-ce que je fais, alors ? Bon, je vais quand même affirmer que tout ça, c'est du travail. Je travaille. Mais pas dans le sens commun.

    Je travaille, mais comme le bois.

  • Un sol neuf

    Ils avaient éprouvé l'étrange sensation d'un sol ferme sous eux. La plante de leurs pieds apprenait cette danse, cherchait à épouser cet épiderme inégal, cette alternance de surfaces meubles ou dures, la morsure des caillasses, le leurre des galets. Ce fut la première surprise. Se comporter par rapport à cette réponse nouvelle. Pieds, jambes, torses, colonne vertébrale, hauteur du regard. Il fallait tout réinventer. Après des siècles d'exil, il fallait apprivoiser un nouveau vocabulaire du corps. L'air avait une odeur singulière, les sons circulaient autrement, leurs voix semblaient plus proches, leur timbre avait une tenue, une tonicité qu'elle n'avait pas sur la mer. Les yeux ne traversaient plus l'atmosphère sans heurt jusqu'aux confins, ils trouvaient les obstacles des rochers, de la végétation, la diversion d'un oiseau, d'un envol de papillons. C'était tellement différent qu'ils en éprouvèrent un long vertige. Débarqué, le peuple suivait, marchait avec le même étonnement sur cette île qui ne bouge pas et répond à la marche par un son de conque pleine. Ils se penchèrent, s'accroupirent, saisirent une touffe d'herbe ou une poignée d'humus, un caillou, un peu de poussière. Les portèrent aux narines, toussèrent, rirent, pleurèrent. Humèrent la clarté abyssale de cette nature antagoniste. La terre.

    (...)

    Cependant, inévitablement, ils tournaient leur regard vers le large. L'océan qui avait été leur habitat depuis tant de générations, leur refuge et leur prison, et auquel ils avaient résolu, enfin, de s'arracher. Ils avaient pour lui des sentiments ambivalents, de la reconnaissance mais aussi une sorte d'épouvante, et tout cela se fondait dans une lassitude. Leur civilisation s'était construite avec et autour de lui, ils avaient su en tirer le meilleur, se nourrir, se vêtir, évoluer, créer des alliances avec d'autres créatures, leur langue désormais serait imprégnée des mots de la mer, ils diraient « vagues dures » pour parler des collines, « comme l'écume » pour évoquer la couleur de certaines fleurs. La vie sur l'océan avait marqué à jamais leur société, mais la colère d'avoir été repoussés hors du berceau ne les avait pas quittés. 

    (...)

    Nambrane ou Mantari, l'un ou l'autre ou les deux, désignèrent le Sud. « L'Arche nous attend » et tout un peuple s'ébranla. Des hommes, des femmes, vieillards et enfants, éblouis, étonnés de leur propre audace, supportant ou traînant le peu qu'ils pouvaient emporter. On échangeait des sourires à se voir si nombreux, on se confortait, on avait moins peur à se soutenir ainsi, on devinait l'Arche, sans la voir, au bout de ce nouvel horizon.

     

    Les Nefs de Pangée - Extraits. Sortie en septembre chez Mnémos.

  • L'envie de savoir

    Je marchais avec un bon copain à moi, une vieille connaissance. On se baladait comme ça. Et puis, sur le trottoir, on voit devant nous une énorme crotte de chien. Un truc ignoble. Et j'entends mon pote dire : « Tiens, quel goût ça a ? » Je crois qu'il rigole, je le regarde, mais il a un air sérieux et buté qui me fait soudain douter de son équilibre mental. Je lui dis : « Tu déconnes ? » Mais il ne répond pas, il avance comme fasciné, et répète : « Il faut que je sache. » Il se penche vers la matière ignoble répandue par terre, il va le faire, ce con ! je tente de le retenir, je l'engueule, rien n'y fait, je le vois avec horreur plonger ses doigts dans les fèces qui cèdent avec un bruit qui me révulse, il porte ce qu'il vient de cueillir aux lèvres. Je voudrais détourner le regard mais j'assiste au spectacle hallucinant de mon pote qui enfourne un morceau de merde et se met à le mâcher. Là, soudain, il écarquille les yeux comme s'il venait de comprendre son geste. Il me regarde comme cherchant de l'aide. Impuissant, je le vois alors, plié en deux, vomir sur ses chaussures. Je ne sais pas ce qui lui a pris. Il n'est ni plus bête ni moins instruit qu'un autre.
    Ah oui : il s'apprête à voter FN.

  • Chavassieux décortique Cachard I

    Première partie de la rencontre à Fleury. En espérant une deuxième partie, dès que Laurent aura surmonté les problèmes techniques.

  • Réseautons

    J'insistai pour lui représenter toute l'abjection de son projet, mais il n'en tint pas compte et rédigea une pétition pour alerter contre les souffrances des geôliers de DAECH, accablés par les insultes et les reproches incessants de leurs prisonniers. Je ne dis plus rien lorsqu'il me présenta en jubilant les 60 000 soutiens qu'avait recueillis son message, dès la première journée.

  • Rencontre avec Laurent Cachard

    La bibliothèque de Fleury, ses bénévoles avec le concours de la municipalité, ont eu l'excellente idée d'inviter l'écrivain lyonnais Laurent Cachard, pour une rencontre exceptionnelle (exceptionnelle « à plus d'un titre », comme le souligne le billettiste désirant passer à l'essentiel, contenu dans la suite).  D'abord, parce que Laurent est un écrivain rare, aussi parce qu'il s'agissait de tenter une approche de l'ensemble de sa production et enfin, parce que la soirée se poursuivait par un – peut-être – ultime récital « Littérature et musique ». Forme singulière alternant lectures d'extraits et chansons inspirées de ses livres, concoctée par l'auteur il y a quelques années, et imaginée avec la complicité des musiciens qui composent et/ou interprètent les chansons inspirées de l'œuvre de leur ami Laurent. Ici, Gérard et sa nièce Clara Védèche, et Eric Hostettler. Ce serait une journée-hommage en quelque sorte, bien que l'âge de Laurent n'incite pas au bilan ou à la rétrospective. Disons que cette rencontre était l'occasion d'un point à mi-parcours.

    Hier donc, Laurent Chachard était venu trouver un public neuf, celui de la bibliothèque de Fleury-la-montagne. Les lecteurs de Kronix connaissent bien cet auteur, souvent chroniqué ici et souvent « lié », blog à blog, car une ancienne complicité existe entre le Cheval de Troie et Kronix.
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    La rencontre d'hier avait pour objet de parcourir les différents aspects de son travail et de susciter pour le public présent le goût d'en découvrir plus, et de le lire. Je ne sais pas si nous y sommes parvenus, en tout cas, l'assemblée était nombreuse et attentive et l'échange, je crois, riche et intéressant.
    Romans, nouvelles, paroles de chansons, comédie musicale, théâtre, écrits sur l'art, essais... Il y avait matière. Prendre le temps de tout aborder, avec immédiatement la certitude que nous ne ferons qu'effleurer le propos mais donner à l'auteur, ce n'est pas si fréquent, l'occasion de dire, de digresser, de peut-être découvrir des choses sur lui-même, qui sait ? Il aura fallu deux heures, et il ne restait plus assez de temps à consacrer aux échanges avec le public. Il fallait se résoudre à conclure, car les musiciens, dans la salle voisine, étaient prêts pour la deuxième partie de l'événement, et des spectateurs arrivaient. Cependant, l'objectif difficile a priori, d'effectuer un tour d'horizon complet a été tenu. Les réactions dans l'assemblée étaient celles de personnes qui découvrent un auteur, ou un aspect méconnu de son œuvre, et ont pris goût d'en connaître davantage. C'était le but. Je ne suis pas mécontent. Un enregistrement a été fait qui, j'espère, pourra être mis en ligne, et qui permettra de suivre complètement l'entretien.

    Littérature et musique est cette expérience peu commune ou plutôt unique (j'en avais fait une description lors d'une représentation stéphanoise à lire ici), constituée à partir de l'œuvre de notre invité. Laurent, je l'ai dit, est un personnage autour de qui s'agrège avec naturel les amitiés durables. Ce n'est pas une chance, pas seulement, c'est son talent. Pendant plus d'une heure, les amis musiciens de l'auteur ont accompagné les musiques écrites par Eric Hostettler sur les paroles de Laurent, et soutenu parfois, ou laissé le silence nécessaire, aux lectures d'extraits des livres de Laurent par lui-même. Courts extraits, significatifs, de chaque roman ou recueil de nouvelles, un prolongement bienvenu de notre rencontre. Et chaque fois, les chansons ad hoc, parfaitement écrites et interprétées. Celles inspirées de « Tébessa, 1956 » ou de « La partie de cache-cache », sont des moments inoubliables, émouvants, forts. Autre moment assez estomaquant, l'interprétation de la jeune Clara Védèche (18 ans), violoncelliste, d'une pièce contemporaine virtuose. Rien que pour ça...

    Dans la dernière partie de notre entretien, celle qui na pas eu lieu faute de temps, nous voulions d'un commun accord, aborder la question de l'assèchement littéraire. Car Laurent subit comme nous tous, parfois, l'angoisse du vide, du « à quoi bon ». Il me semble que la séance à deux détentes d'hier devait lui donner de bonnes, d'excellentes raisons, de ne pas baisser les bras, et lui faire la démonstration, s'il en était besoin, que tout ce travail n'est pas inutile, qu'il a un public, un lectorat, attentif à la suite de ses productions, et du coup, un devoir envers eux.

     

    NB : Je connais Laurent. Il aurait pu évidemment rédiger avec l'aisance qui le caractérise, le compte-rendu de cette rencontre dès son retour à Lyon hier, dans la nuit, mais je crois qu'il m'en a laissé la primeur, par élégance, malgré ma rédaction tardive. C'est bien lui, ça.