En plein sud, en plein jour, transis, vous vous aimerez. Les nouvelles seront bonnes, les vieillards seront beaux, vous oublierez le mal. Vos bouches verseront des joies, vos yeux panseront les blessures des autres. Parce que vous aimerez. La pluie vous sera douce, les jours seront trop courts, les attentes trop longues, vos respirations seront des poèmes clamés. Parce que vous aimerez. Vous serez à la fin des temps, et les premiers du monde. Vous inventerez tout, les caresses, les serments, les bouderies, le ciel inédit. Parce que vous aimerez.
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Combattre les idées reçues est une idée reçue.
Mais ça vaut la peine d'essayer.
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2540
C'est un premier frémissement, une lame encore paisible contre la carène, avant que le vent n'emporte la dixième flotte vers son destin. Le premier aperçu de la sortie des Nefs de Pangée. Bon, avec déjà une petite erreur dans le texte de présentation : la chasse à l'Odalim ne se produit pas tous les dix ans, mais tous les vingt-cinq ans. Pas très grave, les futurs lecteurs corrigeront.
En attendant la sortie officielle le 21 août, vous pouvez picorer des extraits sur Kronix (taper "Nefs de Pangée" dans la recherche).
Prochain grand rendez-vous le 12 septembre, à Paris, pour la rentrée Fantasy des indés de l'imaginaire. Ensuite, le 14 septembre, à Lyon, villa Gillet, pur la rentrée littéraire de l'ARALD, et puis, et puis... Je vous reparlerai de tout ça, bien sûr.
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2539
Hier, revu « Alexandre le Bienheureux » d'Yves Robert, avec Philippe Noiret. Voici un film daté, dont les intérieurs sentent le studio de Billancourt, dont certains gags sont mous et l'interprétation pas toujours parfaite, cependant... Je l'ai revu avec beaucoup de plaisir et d'émotion. Parce que ce film m'a sauvé la vie.
J'avais 14 ans, peut-être, j'étais pensionnaire dans une institution religieuse, on m'imposait des mathématiques ad nauseam, moi qui ne rêvais que d'art et de littérature, je ne comprenais pas le monde du travail et des adultes que je voyais arriver sur moi, non comme une promesse d'avenir, mais comme un train.
Et puis, un jour, un type qui passait avec son projecteur, nous montra ce conte innocent. Je ne sais pas si nos curés apprécièrent l'apologie de la paresse et du temps long que prônait le film, en tout cas, ce fut pour moi une révélation. Quelqu'un d'autre, quelque part, pensait comme moi !
Ce que je devinais du monde, le désir que j'avais de me placer dans une lumière toute bonne et désinvolte, tandis que je voyais les adultes pliés sous des contraintes qui les faisaient renâcler à longueur de journée, se trouvait soudain confirmé par l'autorité dune œuvre cinématographique. C'est ainsi que je comprenais la vie, elle pouvait être douce à qui choisissait de ne pas se vautrer dans l'obscure fatalité du labeur. L'exemple d'Alexandre me donna confiance, me rendit moins amer, moins suspicieux envers la nature humaine. Je n'étais plus seul. On pourrait estimer que son message m'a maintenu dans une sensualité puérile, a retardé ma maturité, c’est le contraire : il m'a fait mûrir, a dégagé la place où je savais pouvoir me redresser.
Bien sûr, tant d'autres films, plus importants filmiquement, mieux achevés et plus riches, m'ont apporté beaucoup, mais « Alexandre le bienheureux » est le seul qui aie su me dire que je n'étais pas une sous-merde vouée au désespoir pour le reste de mes jours. Voilà. De malheureux, j'étais passé à potentiellement bienheureux. Merci, monsieur Robert. -
2538
Se référer à la figure d'Ulysse pour vanter l'idée du voyage, c'est oublier un peu vite que, d'abord, Ulysse aurait beaucoup donné pour rester chez lui, pépère, et que, en plus, son périple est un modèle d'accumulation de calamités et de mauvais coups, qui ferait fermer boutique à n'importe quelle agence de voyages.
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2537
Parmi le charnier innombrable,
un poète, une pianiste, une architecte, un réparateur d'ascenseur, un pêcheur, une conteuse pour enfants, une joueuse de belote.
Dans la vaste nécropole, les talents enterrés.
On se désole des morts indistincts,
quand c'est, pour chacun, une galaxie qui s'éteint. -
2536
Il fait chaud, c’est l'été, le jardin est harassé de lumière.
Et toi, fermé dans ton bureau, tu racontes un hiver ancien.
Tu pourrais tout aussi bien parler de la lune.
Qu'y a-t-il de véritable dans la sensation que tu décris,
des pieds nus entourés de paille qui cahotent dans les sabots usés, deux siècles avant toi ?
A quel souvenir celui qui te lit, qui n'a jamais connu que des verticales d'acier et le confort de la clim', va-t-il s'appuyer pour te comprendre ?
Lecteur et auteur s'accordent pour partager l'idée d'une sensation, et doivent s'en tenir là, s'ils ne veulent pas que s'effondre tout l'édifice.Le décor est maintenu par les deux étais qu'ils forment, ensemble, complices dans l'aventure du livre.
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2535
L'Affaire des Vivants, vue et lue par Marielle, médiathécaire de Gilly-sur-Isère. Grand merci à elle et à l'équipe. Et à l'année prochaine.
"Par quoi commencer pour exprimer mon ressenti à la lecture ? Peut-être par le mot qui me vient spontanément à l’esprit sitôt la dernière page tournée : « MONUMENTAL».
Est-ce le personnage de Charlemagne, colosse insondable, qui me souffle ce mot ? Le gigantisme de l’époque, dans laquelle s’inscrit cette saga familiale, cette fin XIX°, si bien restituée, avec son développement tentaculaire et sa capacité à broyer les hommes ? les 352 pages qui invitent à de multiples questionnements : sur le destin, le poids de la famille, le poids d’une époque, le faux semblant des relations humaines, le sens du bonheur, celui de l’argent, du travail, de la liberté, l’absurdité de la guerre, l’importance des mots… ? Ou la puissance de l’écriture, quand elle nous plonge avec effroi, humour ou douceur dans des scènes que l’on retiendra ?
Je ne sais ce qui a motivé ce monument, cet « ouvrage d’architecture remarquable d’un point de vue esthétique ou historique » (définition du Larousse) : un hommage à Flaubert, Hugo, Balzac ? Une expérience stylistique (très réussie) avec l’envie de s’immerger dans la langue du XIX° et ses mots oubliés ?
Mais qu’importe et que l’on ne s’y trompe pas : Ce livre est plus qu’un hommage ou un vrai faux roman du XIX° : Pas du Hugo, du Balzac ou du Flaubert, mais leur égal : du Chavassieux pur jus. Avec toute la malice et le brio singulier de celui qui sait emmener le lecteur et les personnages là où il veut… Avec les mots, qu’il aime tant, et les noms savamment choisis comme autant de boussoles.
Le roman, très contemporain, nous convie au concert (tantôt Wagner, Gorecki, chanson populaire, petite musique de chambre voire expérimentale façon Cage), au cinéma avec des scènes à couper le souffle, la puissance de l’écriture en lieu et place de la caméra. Et bien plus sûrement au théâtre avec sa galerie de personnages, et ses phrases en fin de chapitre comme un tombé de rideau. Sans compter le procédé brechtien pour nous rendre complice de ce qui se joue dans les pages ! Pas moyen de nous défausser : nous sommes pris au piège de nos émotions et notre esprit « bourrasque » face aux ruptures des destins ou , à contrario, face aux consternantes linéarités des vies qui se déroulent sous nos yeux : colère, empathie, admiration, détestation face aux personnages que l’écrivain modèle à sa guise… ou presque. Comme Abel Gance aux soldats figurants de « j’accuse », l’écrivain leur impose de bien terribles épreuves ; on lui en veut un peu, mais on lui pardonne bien vite car il nous invite à l’indulgence pour les plus détestables…
Et se forme au fil du récit un idéal hybride : nous rêvons secrètement à l’étoffe de Charlemagne, l’élégance de Jean Baptiste, « l’âme complète » et libertaire de Louis, la pétillance de Jeanne, la force de résilience d’Alma, celle de rédemption d’Ernest, la sagesse de Victor et la simplicité solaire du père Martanche…
Enfin, nous quitterons le livre à regret…
…Comme une mise en abyme, nous terminerons cette rencontre, assis à la table d’un écrivain. Nous fermerons la porte comme nous avons tourné la dernière page, en nous sentant plus beaux, plus riches et… plus vivants !" -
2534
Cette faculté humiliante que j'ai, de trouver qu'un tel a raison, puis un autre qui est exactement de l'avis contraire, avant de me ranger à l'opinion d'un troisième qui nuance l'idée du premier, avant de découvrir un avis pertinent qui contredit les précédents, etc. Je ne sais ce qu'il faut en déduire : Suis-je si bête ? Suis-je incertain ? Toutes les opinions se valent-elles, quand elles sont comprises dans une fourchette acceptable pour moi ? Ou encore, n'y a-t-il simplement pas de vérité ? Peut-être, enfin, que le monde ne réclame aucune pensée, qu'il génère une conviction par le fait qu'il existe, et que cette conviction est telle : toute idée donne du sens ; or, rien n'a de sens.
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2533
J'ai entendu ton souffle près de moi. Je n'ai pas saisi les mots. C'était doux, bien sûr. Je me suis réveillé et tu n'étais pas à côté de moi. Il y a eu cette fraction de seconde. Une fugace parcelle de temps où j'ai cru t'avoir perdue. Et, de toutes les heures avant et après, et de tous les moments depuis très longtemps, cette brève panique occupe mes pensées désormais.
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2532
J'ai calculé qu'il fallait sept heures de marche à un cheval au pas, pour faire le tour du Parc du château de Versailles, en 1789. Le genre de détails qu'on est susceptible d'étudier, quand on écrit « La Grande Sauvage ». On est aussi susceptible de ne pas utiliser cette information pourtant capitale. Il est même très probable qu'au bout du compte, on se soit juste fait plaisir à se pencher sur la question. Et maintenant, combien fallait-il de types armés d'arrosoirs pour que les milliers d'hectares de pelouse du parc restent impeccablement verts pendant l'été ?
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2531
Chaque année, je viens, à l'invitation de l'équipe de Marielle, présenter ma "carte blanche". Chaque année, je viens avec un nouveau livre, une brioche aux pralines, un ou des invités, et un ou des kilos en plus.
Cette année, ce seront trois invités et trois kilos.
Ce soir, nous évoquerons les ouvrages de la dernière sélection Lettres-Frontière (et incidemment, "L'Affaire des Vivants", qui a le bonheur et le privilège d'en faire partie).
Demain, c'est l'instant carte blanche avec, cette année, des potes auteur(e)s de BD. Tous issus de cette belle expérience que fut l'association Ikon&Imago, il y a.. hum... Euh... 15 ans !? Bref.
Léah Touitou, dessinatrice, vidéaste, bédéaste, globe-trotteuse, engagée sans se déclarer telle mais parce que c'est comme ça...
Quelqu'un qui va vous donner une pêche formidable. C'est peut-être le point commun de mes trois i
nvités, parce que Sarujin et Petelus n'engendrent pas spécialement la mélancolie, non plus.
Petelus, c'est un univers tellement singulier que... je ne saurais pas en parler. Le mieux est que vous veniez vous en faire une idée. J'espère bien, par mes questions, donner un aperçu de l'univers de ce cosplayer, vidéaste, mélomane, lecteur de Nietzsche et fin analyste des absurdités de la société (il en déniche qui m'étaient restées invisibles, c'est dire s'il est fort).
Quand à Sarujin, le stéphanois de la bande, il a fait lui aussi ses premières armes dans l'association roannaise, et se consacre désormais à son art. Comme les amis sus-cités, il s'exprime rarement sur son métier, et ce sera l'occasion d'évoquer son travail, de l'illustration pour des jeux, des couvertures de livres, chez Fleurus ou Bordas, la colorisation... J'insère ici un dessin que ce talentueux garçon avait réalisa pour me soutenir, lors de la censure de "J'habitais Roanne" par le Pays Roannais (hebdomadaire local). Une attention qui me touche toujours.
Ce sera donc, samedi matin à 11 heures, une rencontre passionnante, la découverte d'un métier aux multiples surprises (comment modifie-t-on une bulle de manga pour la remplacer par une onomatopée allemande interminable, sans détériorer l'ambiance du dessin original, par exemple).
Venez nombreux, ça en vaut vraiment la peine.
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2530
Il est seul à présent, médite autour des bêtes lentes. L'une d'elles s'est éloignée, un peu trop, il l'appelle, elle détourne son mufle, poursuit indifférente sur une pente qui s'incline vers le hameau. Martin la connaît, il faut qu'il aille lui parler, il n'y a pas de chien pour rabattre, enfin ceux qu'on lui a confiés sont joueurs et inefficaces, il préfère rassembler lui-même. Il descend sans hâte à sa rencontre, sans hâte et sans mot, presque sans bruit, à son habitude. La vache s'est arrêtée vers une haie d'aubépines. Soudain, elle fait un écart, détale la queue en l'air, effrayée. Dans ce mouvement, elle libère la vue et Martin découvre une femme vêtue d'une délicate robe de linon blanc, coiffée d'un chapeau de paille rond et large. Et le visage, dans l'ombre du chapeau qui se relève, l'ovale qui est alors porté dans la lumière, est celui de la reine.
Extrait. La Grande Sauvage. Écriture en cours.
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2529
« Et cette prise illégale d'intérêts ? » L'élu toussa, et détourna l'attention du journaliste vers les caméras de surveillance, ou encore ces agents municipaux, qui peuvent tirer à balles réelles sur une délinquance, moins réelle certes, mais tellement plus intéressante.
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2528
La bonne volonté murmure au milieu du vacarme des tragédies.
Pour la distinguer, écouter ne suffit pas.
Il faut anticiper son existence.Bref, c'est aussi un acte de foi.
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2527
Elle piqua un phare. Faut dire qu'elle était du genre costaud.
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2526
"La Grande Sauvage" : c'est reparti !
Au premier plan : des livres, revues et récits sur la Vendée, les colonnes infernales, etc. ; tout près, un récit de la journée du 1er janvier 1789 ; à côté, un livre sur les bibliothèques des colporteurs au XVIIIe ; ensuite, une série de documents, dictionnaires, livres d'historiens (Mona Ozouf -merci les Leroux- Furet, Michelet, Taine, Bertaud, etc., etc.), plus loin, on reconnaît les dos de deux Pléïades (c'est Rétif de la Bretonne : tout ce qu'il me faut sur la langue de l'époque) ; ensuite, quelques romans, dont "Quatre-vingt-treize" du père Hugo, "Les Onze" de Michon, le (pas encore sorti) "Fleuve Guillotine" de Antoine de Meaux, etc. ; pas loin : les numéros de la revue "Papilles" qui parlent de la gastronomie sous la Révolution ; les reliures anciennes sont celles des huit volumes du Tableau de Paris, de Mercier (éditions d'époque, prêtées par mon éditeur) ; et enfin, à côté de l'ordinateur, parce que c'est le sujet des premiers chapitres : revues, beaux livres et documents sur le hameau de Marie-Antoinette. Tout cela ne tient pas compte, bien entendu, des documents trouvés sur Gallica (le site de la BNF) et où j'ai pu trouver encore et encore des milliers de choses précieuses. Rassurez-vous, la moitié des livres ont déjà été sondés et annotés, la plupart des revues ont été décortiquées et ce que je devais en retirer, repris sur l'ordinateur. N'empêche, c'est effrayant et heureusement que ma douce me soutient.
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2525
Craquants, tendres, colorés, savoureux,
ainsi les macarons offerts par Bernadette
et à Neulise, l'accueil de la Médiathèque.
C'était chouette.
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2524
Puisque je suis aujourd'hui dans une médiathèque, parlons livres, avec ces quelques ouvrages qui ont fait récemment mon bonheur :
La femme du Héros, de Jean-Pierre Poccioni, aux éditions Pierre-Guillaume de Roux. Récit élégant et original décrivant le parcours d'une jeune femme, Solange, gentille mais effacée (tellement, que sa mère est capable de l'oublier, enfant, dans une scène d'ouverture qui donne le ton de la suite : distancié, savoureux, clinique). Solange qui se marie avec Gérard. Un agité, hâbleur, amateur de belles voitures, plutôt du genre agaçant et superficiel mais qui, un jour, se conduit en héros. Chez Poccioni, les êtres sont émoussés par le temps, sans pour autant s'en trouver détruits, mais à terme, les héros sont fatigués. C'est la terne Solange qui traverse les aléas de la vie avec le plus de force, aidée par sa constance, le peu d'illusions qu'elle se fait sur elle-même. Un personnage attachant. Solange est tenue par une volonté qui ne doit rien à personne, elle s'est construite presque sans racine, et ce n'est pas la moindre surprise de ce roman élégant, raffiné, cruel ou tendre, toujours juste.
Se taire ou pas, d'Isabelle Flaten, au Réalgar édition. Le dernier ouvrage de l'auteure de Noces incertaines explore cette lisière ténue qui se situe entre le moment où les mots vont surgir et celui où on les autorise à se dévoiler et qu'il ne sera plus possible de revenir en arrière. Pour examiner ce phénomène sous toutes ses coutures, en analyser toutes les subtilités et les nuances, Isabelle Flaten a choisi la succession de nouvelles, courtes, variables, sans titres, ponctuées d'axiomes (tels que « si elle écrit, c'est qu'elle ne sait pas parler, tout simplement », dans quoi chaque écrivain se reconnaît) et c'est un régal d'intelligence. C'est drôle, épuré, intrigant, nerveux, il y a parfois des chutes, mais souvent le récit se concentre sur une tranche de vie, l'instant décisif où la parole est livrée ou non. Sujet passionnant, qui exige un sacré talent et une grande connaissance de l'humanité. Isabelle Flaten possède les deux. Le plaisir de voir toute cette galerie de portraits, ces couples de toutes natures ou ces égoïsmes à l'œuvre, se débattre avec ce problème universel, est multiplié par une grande qualité d'écriture, qu'on avait déjà repérée dans le livre précédent. Mais ici, le format n'est plus celui du roman, et il semble que l'auteure soit plus à l'aise dans cette mosaïque et les variations qu'elle autorise. Une expérience de lecture qui évoque l'écoute d'un concerto, riche de nuances. Je ne m'épanche pas davantage, puisque Laurent Cachard a signé sur ce livre, une chronique complète et essentielle, sur son blog, comme je suis bien incapable de le faire.[Ajout du 27 avril 2016 : Je découvre que Isabelle Flaten, dans une interview récente, évoque son livre. C'est ICI]
Je vous écris dans le noir, de Jean-Luc Seigle, chez Flammarion. Le livre a du succès et beaucoup de choses ont été dites auxquelles je n'aurais pas la prétention d'ajouter la moindre analyse, mais je confirme que, pour moi, cette réhabilitation féroce et inspirée de la figure honnie de Pauline Dubuisson, tondue à la libération, plus tard meurtrière de son fiancé, est un roman fort, passionnant, qui laisse un goût amer, la dernière page tournée.
Dix décembre, de Georges Saunders, éditions de l'Olivier, traduit par Olivier Deparis. La littérature en général exige des thèmes forts, puissants, profonds, la nouvelle réussie requiert une grande maîtrise technique, l'humour est un explosif délicat d'utilisation, le portrait de société demande beaucoup d'humanité en même temps que beaucoup de lucidité, le récit palpitant est affaire de travail, l'anticipation nécessite de la mesure dans la fantaisie, et le style n’est pas donné à tout le monde. Saunders, le bougre, est la somme de tout ça, portée au carré. En dix nouvelles de qualité égale, stupéfiantes, drôles ou angoissantes, ce maestro encore peu connu en France, et superbement traduit ici, donne au lecteur l'envie de recommencer dès la première ligne et, à l'écrivain qui se croit parvenu à un certain niveau, une leçon d'écriture. Dans les deux cas, vaut la peine de s'y confronter. M'a valu entre autres, quelques rires mal retenus dans le train.
Karoo, de Steve Tesich, éditions Monsieur Toussaint L'ouverture (magnifique édition), traduit par Anne Wicke (magnifique traduction). Karoo est le dernier roman de cet auteur, scénariste reconnu à Hollywood, et son statut de livre posthume fait résonner étrangement et douloureusement le dernier chapitre. Vous ne me croirez pas sur parole si je prononce le mot « chef-d'œuvre », c'est normal, je vous invite donc à vérifier par vous-mêmes, assuré que vous ne me contredirez pas. Saul Karoo est un quinquagénaire désabusé, lucide y compris sur sa propre nature et sa peur absolue de manifester de la tendresse (il se trompe peut-être sur sa prétendue résistance à l'alcool, mais c'est une autre histoire). Son travail, très bien rémunéré, est de « réparer » des scénarios bancals, de proposer des remontages de films que des producteurs sans scrupules lui donnent en pâture. Un jour, pourtant, un film parfait lui est confié. Impossible d'améliorer ce qui lui semble un bijou sans défaut. Le cas de conscience est de courte durée, mais une scène du premier montage va lui inspirer de quoi se racheter à ses propres yeux. C'est un récit terrible, drôle, cynique, bouleversant, c'est virtuose, c'est un monument. La quatrième de couverture vante une parenté avec Philip Roth ou Bret Easton Ellis, et on ne peut que la confirmer, en ajoutant cependant que Tesich a, bien sûr, sa propre voix. Et comment !
On peut lire aussi avec bénéfice : L'involontaire, de Blandine de Caunes, et Villa du Crépuscule, de Jesse Browner, Échapper, de Lionel Duroy. On doit pouvoir continuer de vivre sans avoir lu le pourtant célèbre Jour des Corneilles de Jean-François Beauchemin, ou le pourtant remarqué et encensé Un après-midi d'automne, de Mirjam Kristensen. -
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Je serai donc à la Médiathèque de Neulise, demain, à partir de 10 heures, pour rencontrer des scolaires (Cm 1 et Cm 2 !)
A partir de 17 heures, l'équipe de la Médiathèque et moi-même, aurons le plaisir de vous accueillir pour évoquer à bâtons rompus "L'Affaire des Vivants" et autres bricoles; Venez nombreux (enfin, venez, quoi).