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Au fil de l'Histoire - Page 9

  • Nihil novi sub sole

    "Viens, jouissons de ta vigueur, avance ta tête pour m'embrasser entre les cuisses".
    Extrait de L'épopée de Gilgamesh, écrite il y a près de 4000 ans. Rien de nouveau, n'est-ce pas ?

  • La question

    A son examen, l'apprenti bourreau était tombé sur « Une connaissance scientifique du vivant est-elle possible ? » et ça s'était mal passé. L'épreuve durait trois heures et à la fin, non seulement il n'avait obtenu aucune réponse, mais le type qu'il torturait avait à peine compris la question.

  • Le Malin

    Enfin tout de même : pourquoi Dieu avait-il créé Adam et Eve avec des sexes différents, aux temps innocents du Paradis, s'il ne voulait pas qu'ils s'en servent ? Qui est le premier tentateur, hein ?

  • L'Eternel retour

    Ulysse revient à Ithaque, dépenaillé, vieilli, au point d’être invisible aux yeux de son épouse, mais reconnu de son seul chien, dont la vie a été extraordinairement prolongée dans ce seul but. Que veut en réalité Odysseus ? Il pourrait très bien paraître avant l’arrivée des prétendants de Pénélope, lasse de résister depuis 20 ans. Il prouverait  son identité de la même façon que dans le chant final : son arc à lui seul obéissant. Pourquoi ne le fait-il pas ? Parce qu’il réalise un fantasme partagé par beaucoup : assister à ce qui se passera après notre mort. Observer l’affliction de ceux qui nous ont aimés, le cynisme des autres, découvrir l’affection que des inconnus peut-être nous ont portée, voir tomber quelques masques… A peine au large d’Ilion, peut-être imagine-t-il d’abord de surgir, en histrion, trop heureux d’arriver : « C’est moi ! Enfin ! Pénélope, dans mes bras ! » et puis, tandis que les sirènes s’époumonent, tandis que Circé tente de lui faire goûter la fadeur de l’oubli, qu’Eole cherche à le noyer, que Polyphème le maudit, finalement, peut-être se met-il à ruminer une vengeance, parce que les années s’additionnent et qu’il sait que, là-bas, dans son petit royaume, la roue tourne. A force, dans sa solitude, il doute aussi de son épouse. Qui aurait résisté si longtemps ? Il prend lentement cette résolution, dans le temps des épreuves : débarquer incognito et observer. Savoir. Connaître le monde après sa disparition. Et il découvre, avec la mort de son chien, que le monde va sans lui. Les récoltes sont faites, Pénélope va se marier. A Ithaque, le règne d’Ulysse est inscrit dans le passé, dans la déjà fabuleuse légende troyenne. Ce que fait Ulysse en révélant son identité ? Il remet les pendules à son heure, soit vingt ans en arrière. Il gomme la guerre, les compagnons disparus, les enfers et les délires. Il est arrivé dans son fief, sa jeunesse accrochée aux semelles, et il en redistribue la manne autour de lui, comme on plie le monde à ses désirs, dans les rêves. Enfin, quand tout est achevé, rejoignant Pénélope dans sa couche, peut-être la mère de Télémaque, soudain contaminée par ce souple regain qui vient de gorger le palais de sang jeune, revit-elle aussi ? Et son époux, sec et noueux, tanné et hâlé, retrouve une beauté sidérante, épargnée par le temps, plus jeune que lui et prête à revivre un amour recommencé.

  • Le fauve d'en face

    Certains éthologues estiment que les fauves sont en général déroutés par la position bizarre de l'homme, debout sur ses deux jambes, et que cette originalité lui vaut d'avoir survécu aux âges farouches. De son côté, l'homme -que rien n'étonne- lançait épieux et silex meurtriers.

  • C'était comme ça, sur le dessin ?

    Pharaon, jaugeant sa pyramide achevée, s'est dit que, finalement, elle n'était pas si grande que ça et surtout un peu lourde du cul, malgré les dénégations véhémentes de son architecte, vociférant de rage et de douleur, depuis le bassin aux crocodiles où la déception du prince l'avait précipité.

  • Parité

    On a réalisé à l'usage, qu'inviter les noirs à partager la place était plus efficace et plus pratique. Je veux parler des cases de l'échiquier.

     

    (à la relecture, je réalise que ce billet peut être mal compris. Tant pis, ceux qui me connaissent auront fait le tri)

    (à la lecture du commentaire ci-dessus, je me dis qu'on pourrait aussi mal l'interpréter et qu'il me faut peut-être être plus explicite)

    (en relisant la parenthèse qui précède, je crains que la succession de parenthèses n'améliore pas la compréhension des mal-comprenants)

    (et ça suffit comme ça)

  • Trou de mémoire

    La première oubliette fut commandée par Louis IX dont la réputation de roi juste et cool est exagérée. L'invention ne doit pas son appellation, comme on pourrait le croire, à sa fonction (jeter dedans des prisonniers qu'on préfère oublier), mais au fait que le roi, tout bonnement, oublia l'existence du machin pendant son périple en terre sainte. Quand il revint de croisade, le trou était rempli de toute une populace, de gens de cour, de pucelles, de damoiseaux, de pages, de troubadours et de jongleurs, de montreurs d'ours, de cracheurs de feu et autres saltimbanques, de dames de compagnie, de chevaliers et d'écuyers avec leur destrier, de moines et de nonnes, de bergers avec leurs troupeaux de vaches, de moutons et de chèvres, de serfs, de balistaires avec leur baliste, d'architectes avec leurs cathédrales, d'archers, de gens d'armes et de voleurs, de quantité de vilains et d'autant de beaux seigneurs que personne n'avait songé à avertir de la présence du piège. Saint-Louis en fut fort marri et, un peu agacé, repartit aussitôt pour une nouvelle croisade en maugréant "non mais si ils sont cons, c'est quand même pas de ma faute".

  • Confidences

    Le livre n'est pas encore sorti, mais entre écrivains, n'est-ce pas, on se permet de ces relations privilégiées ("tiens, si tu veux lire ça, tu me diras..."), et il arrive que le destinataire se fende d'un grand beau long texte au terme de sa lecture. Je ne vais pas bouder mon plaisir plus longtemps et vous propose de vous rendre sur le Cheval de Troie, le blog de Laurent Cachard. En ce qui me concerne, voici ce que 2014 vous réserve. Je n'en dis pas plus. Et la conclusion est superbe. Cachard est grand, loué soit son nom.

  • Passage du temps

    L'été roule encore sur vos épaules, il va tenir long ses feux plantés dans vos nuques jusqu'à la fin de septembre. Je vois ce soleil énoncer chaque pierre par son éclat, et les bêtes blanchies venir à l'auge, dans l'ombre des feuillards, aspirer à elles l'eau tirée du puits. Je regarde ces hommes par delà le temps, je considère leurs vies, leurs songes interdits, leurs existences abrégées et je vois en eux mes enfants inquiets, mes parents à la tâche, et pour tous la résistance des espoirs, le sérieux des secrets.

     

    Extrait de "L'affaire des Vivants". A paraître.

  • Au sommet

    La mode des stylites s'est éteinte depuis long. Après les colonnes où les premiers étaient installés, on trouva élégant d'orner son toit d'un stylite personnel. Et puis, on se rendit compte qu'ils prenaient la foudre, voire qu'ils l'attiraient, on se fatigua de les saluer chaque matin, de leur porter à manger deux olives pas jour, enfin on les délaissa. Abandonnés, ils se momifièrent, s'asséchèrent, devinrent fils, dans une prémonition antique de l'antenne de télé.

  • Dans l'espace, on ne vous entendra pas...

    Il fallait absolument se faire une idée des effets des flatulences dans l'espace, avant d'envoyer trois astronautes, serrés comme des sardines dans un habitat minuscule. Des tests alimentaires seraient nécessaires ainsi qu'un appareil pour recueillir les gaz. Le principe serait simple : une sonde métallique gaînée et ointe s'insinuerait en tournant dans le fondement et y resterait le temps nécessaire. Après qu'on lui eut présenté la sonde, un gros tube de 9 centimètres de diamètre et de 27 cm de longueur, on dit qu'Aldrin s'était porté volontaire pour pratiquer une dizaine de tests par jour.

    (d'après une histoire vraie).

    Cette note a une fonction, elle aussi : elle rappelle que je ne suis pas la créature raffinée que certains croient.

  • Un repas en hiver

    Nous sommes dans les premiers temps de la solution finale, les chambres à gaz ne sont pas encore construites, les camions avec circuit d'oxyde de carbone fermé ne sont pas encore au point, en attendant ça bricole ; on flingue, on flingue en masse. C'est déjà éprouvant pour les nazis les plus affermis (cela n’est pas dit dans le roman, mais c'est le fond historique qu'on possède avant d'aborder le texte de Mingarelli), ça devient carrément insupportable pour les jeunes appelés du rang. Outre la désertion dont il n’est question à aucun moment, les soldats allemands qui fusillent les juifs à longueur de journée n'ont qu'un choix disponible s'ils veulent échapper à cette ignoble corvée : partir dans la neige à la chasse aux juifs. Alternative peu enviable, mais les trois soldats qui tentent ainsi leur chance n'en peuvent plus de tirer à bout portant sur des hommes, des femmes et des enfants, par centaines, toute la journée. Le massacre est encore plus déprimant pour le bourreau quand il se lie avec sa victime, ce qui peut arriver sans prévenir, avec les types qui lavent son linge par exemple.
    Trois soldats allemands s'enfoncent dans l'hiver polonais et doivent absolument dénicher au moins un juif s'ils ne veulent pas se retrouver le lendemain arme au poing, à faire sauter des cervelles et voir basculer des corps dans des fosses, indéfiniment, comme dans un cauchemar. Bauer, Emmerich et le narrateur dont on n'apprendra pas le nom (parce que, tiens, il pourrait s'appeler comme moi),  débusquent un fugitif au fond des bois. Le froid est prégnant, ils ont le ventre vide pour des raisons trop longues à expliquer, une vieille bicoque abandonnée leur offre la possibilité d'une pause et d'un repas frugal. Alimenter et faire repartir une cuisinière, tiédir un intérieur pénétré de froid, ce n'est pas une mince affaire. Un Polonais de passage les rejoint et négocie sa part du repas. Tout le monde s'observe. Le jeu du huis-clos est la forme dramatique la plus délicate, mais aussi la plus efficace pour qui la maîtrise. Mingarelli maîtrise, et c'est peu de le dire.
    Le narrateur n'est dans aucune posture, aucun mensonge, y compris pour lui-même. Ses camarades sont irrigués d'une conscience identique. Tous savent ce qu'ils font et l'horreur de ce qu'ils font. Sauf que tout ça ne se discute pas. C'est l'Histoire qui se chargera de rendre les décisions discutables. Les soldats font l'Histoire, ils ne la pensent pas. A quoi pensent-ils alors ? A un fils, à un village, à faire fondre la neige pour cuire de la semoule. A se préserver, si possible.
    On préserve quoi, soldat, dans les forêts polonaises, tandis que les camarades, là-bas, exécutent leur sinistre besogne ? Le peu d'humanité qui reste, emmitouflée sous les couches de fringues, tenue fébrile au bout des doigts comme une cigarette, qui tient à peine chaud -et pas longtemps. On fait un prisonnier, on ne l'insulte pas, on ne le malmène pas, on ne se réjouit pas, on préfère ne pas se lier, parce qu'on sait quel mal ça peut faire, après. On pourrait aller plus loin. L'un des trois hommes, celui qui a débusqué sa proie (et ce n'est pas le narrateur, pas ce genre de posture factice qui permettrait au lecteur de se croire le héros une minute), a soudain cette idée : laisser filer, que celui-ci au moins en réchappe. Parce que, plus tard, si au moins on en a sauvé un, ça fera du bien d'y penser. Voici le peu d'humanité qui reste dans cet enfer. Une infime lueur. Mingarelli n'y croit pas. Il fait retomber la chape du réel sur cette arche humaine minuscule ; La raison l'emporte. Les meilleures intentions, le peu d'espace laissé à l'humanité, sera broyé par l'Histoire et la barbarie.
    Sur un mode minimaliste où tout est pourtant dit, sensations et sentiments, images et pensées, Un repas en hiver est un voyage intérieur, sensible et humain, un récit livré depuis le futur (puisqu'on sait ce qu'il adviendra de l'un d'eux) saisissant, émouvant sans les artifices du mélodrame, et loin de là bien sûr. Une tragédie en mode mineur, discrète, anti-spectaculaire mais qui vous hante. Un choix judicieux pour cette nouvelle sélection Lettres-Frontière.

    Un repas en hiver. Hubert Mingarelli. Stock, 2012. 137 pages. 17 euros.
    Sélection Lettres Frontière 2013.

  • Yoyo

    On déplore qu'Hillary, vainqueur de l'Everest, ait si peu rendu hommage à ses compagnons, aussi méritants que lui. Certes, mais il faut se souvenir que le sherpa Tersing avait malicieusement remplacé le drapeau néo-zélandais par celui du Tibet et que, furieux, Hillary a été obligé de descendre pour remonter avec sa bannière, sous les regards hilares et peu charitables des autochtones.

  • Un coup d'oeil dans le rétro

    La fin du monde du 12 décembre 2012 est une des moins meurtrières de l'histoire de notre planète. Si l'on rapporte le nombre de décès ce jour-là, à celui de la moyenne des morts sur 24 heures, la différence - qui devrait exprimer la quantité de victimes de la catastrophe – est extraordinairement faible. Quasiment nulle, même. Ce constat a amené certains esprits forts à conclure que la fin du monde n'avait peut-être même pas eu lieu.

  • A force, on se demande...

    Mais qu'est-ce qu'on leur veut aux femmes ? Pourquoi on s'acharne comme ça ? A les voiler, les cacher, les abrutir, les violer, les humilier, les encager, les enfermer, les menacer, les tuer à la naissance, les exciser, les réduire au silence, les découper, les harceler ? Mais qu'est-ce qu'elles nous ont fait, enfin ? Ah oui, crime impardonnable : elles nous ont faits. Voilà. Et on leur fait payer.

  • After schock

    « Je ne veux plus que tu me serves de viandes grillées, c'est compris ? »
    « Toi alors, ce que tu as changé depuis Hiroshima... »

  • Mauvaise pente

    Les pyramides, quand on y songe, quel échec ! Toutes ces tentatives pour faire tenir ces constructions sur la pointe et qui sont toutes, inévitablement, retombées sur leur base comme des culbutos.

  • Ach !

    Il y a eu un malaise quand papy a grogné « la guerre, on dit la guerre c'était dur, oui, bon. Mais c'est surtout à la libération qu'on a souffert ». Disant cela, il caressait la chevelure de mamy en soupirant.

  • (Ne pas) rendre à César...

    On ne devrait pas dire : un travail de Romains, mais un travail d'esclaves de Romains. Ah, cette injustice millénaire jamais réparée !