Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Au fil de l'Histoire - Page 10

  • Week end *

    - Je voudrais parler à Monsieur Staline.
    - Monsieur Staline est occupé. Le petit Père dépeuple en ce moment.

     

    * Pour dire que je vais pas me forcer un samedi.

  • Recours aux forêts

    N'en a pas fini avec la tentation de s'abstenir de lire de nouveaux auteurs, s'abstenir d'écouter de la musique actuelle, d'aller voir des artistes contemporains et des films récents et de rester connecté à l'actualité. Parce que, à un certain moment, le cerveau se fatigue de n'être que médiocrement stimulé, ou découvre que toute cette soif de culture contribue, paradoxalement, à l'engourdir. Alors, reprendre les livres et les musiques, reconsidérer les œuvres qui nous ont déjà émerveillés, et celles-là seulement. Quant à l'actualité, son triste bégaiement rabâché par les échotiers assoupis, quelle nécessité ?

    Et puis, soudain, une invention hallucinante, un livre remarquable, une musique inouïe, un tableau bouleversant... C'est désespérant, ce déferlement incessant de merveilles.

  • In hoc signo

    Les cieux s'ouvrent au dessus de l'empereur Constantin. Une vaste croix de lumière éventre les nuées tandis qu'une voix immense proclame : « Par ce signe tu vaincras ». Constantin fronce les sourcils : « Et d'où qu'on se tutoie, nous ? »

  • Rencontre avec Michèle Goldstein-Narvaez

    C'est ce soir à partir de 19h30 à la Brasserie Saint Philibert - place Saint Philibert - à Charlieu que j'aurai le plaisir de participer à une  rencontre avec Michèle Goldstein-Narvaez, auteure de "Nous attendons de vos nouvelles", dont je vous avais parlé ICI.

    La soirée est organisée par la librairie Le Carnet à Spirales, à Charlieu, et son responsable, Jean-Baptiste Hamelin, sera également présent (nous ne serons pas trop de deux pour aborder ce livre et ce thème intimidants).

  • Le sport contre la migraine

    Le fameux Jeu de Front se pratiquait à l'origine avec des carreaux d'arbalète que les joueurs tentaient d'arrêter avec la tête. Cette pratique n'eut qu'un temps. On s'avisa qu'on pourrait remplacer les flèches par des ballons. Le jeu perdit en intensité ce qu'il gagna en nombre de survivants à la fin d'une partie. Mais un certain ennui se fit jour et le jeu tomba rapidement en désuétude. Glorieuse histoire du sport.

  • Du côté du petit Marcel

    Appréciation de monsieur Humbert, au sujet de son élève de 5e D, le petit Marcel Proust. Premier trimestre : « Cet élève fera beaucoup mieux quand il se laissera moins entraîner par son imagination déréglée ». Au deuxième trimestre : « Bon élève, absent et malade depuis la fin de janvier. » troisième trimestre : « A le plus vif désir de bien faire, mais se laisse trop entraîner par son imagination (l'expression peu ordinaire qui suit est barrée). »
    Appréciation de M. Darlu, en philosophie, 6 ans plus tard : « Travaille autant que sa santé le lui permet. » Au deuxième trimestre, le même : « Beaucoup de facilité et de goût. Travaille autant que sa santé le lui permet. »
    Tout Proust est là, en germe, dans ces notes.


    Moi, en 6e, j'avais : « L'élève Chavassieux est incompréhensible. » Voyez ?

  • Parole et pensée

    « La grammaire est un art qui enseigne à parler et à écrire correctement. Cet art, composé de différentes parties, a pour objet la parole, qui sert à énoncer la pensée.
    La grammaire admet deux sortes de principes : les uns sont d'une vérité immuable et d'un usage universel ; ils tiennent à la nature de la pensée même ; ils en suivent l'analyse, ils n'en sont que le résultat. Les autres n'ont qu'une vérité hypothétique et dépendante de conventions libres et variables, et ne sont d'usage que chez les peuples qui les ont adoptés librement, sans perdre le droit de les changer ou de les abandonner, quand il plaira à l'usage de les modifier ou de les proscrire. »

    Grammaire des grammaires, par Girault Duvivier, 1822.

    D'une époque où un traité de grammaire était aussi de la littérature. (Merci Jean).

  • Du Ghetto

    Nous attendons de vos nouvelles est le récit croisé des parents de l'auteur à partir des lettres qu'ils lui ont laissées. Cette correspondance, dont Michèle Goldstein-Narvaez a toujours su l'existence, mais qu'elle n'avait jamais osé lire avant la disparition de sa mère, est le point à partir duquel l'écrivain greffe ses propres souvenirs, son rapport avec ses parents, les récits de sa jeunesse à Lyon, des points de sa vie, enfin tout ce qui la constitue et qui, réalise-t-elle alors, est imprégné de ce passé.
    Janka, sa mère, et Stasio, son père, juifs polonais de Lodz, se sont évadés du ghetto de Varsovie et ont survécu aux bombardements, au siège, aux combats pour la prise de la ville à la fin de la seconde guerre mondiale.
    C'est un livre terrible et intelligent, précis, généreux. Le récit de juifs qui échapperont à la Shoah, avec tout ce que ce statut de survivant peut avoir d'heureux et d'inconfortable.
    La lecture de Nous attendons de vos nouvelles a été un temps suspendu. C'est un livre à plusieurs niveaux de lecture dont il n’est pas facile de parler succinctement. Il faut dire d'abord la qualité de son écriture. Ce n'est pas une surprise quand on a lu les moindres travaux de Michèle, mais c’est le viatique de tout le reste, et c'est essentiel. Pas de sophistication inutile, de virtuosités qui auraient amoindri l'hommage en jouant le pathos ou l'emphase. C'est l'élégance, une écriture intelligente et sobre, un phrasé sûr, de la force, la forme nécessaire.
    Le croisement des récits, l'organisation des histoires dans l'Histoire, chevauchements complexes, sont rendus fluides grâce à un travail que l'on devine énorme, à partir des lettres traduites, des ouvrages référents (de la grande histoire à Sept dans un bunker de Charles Goldstein en passant par le Karski de Haenel, etc.), de la voix des parents, de la mémoire collective. Tout cela est parfaitement tissé au long du livre. Le déroulement des faits est clairement exposé, le chapitrage est fait dans une volonté d'informer. Seule ma méconnaissance des lieux et la difficulté du français avec les patronymes juifs ou est-européens m'ont obligé parfois à des retours en arrière, des vérifications. Mais que l'auteur soit louée pour l'effort didactique qu'elle a privilégié en rédigeant. A la fin, avec la lecture des lettres, le peu de doutes s'éclaircit tout à fait.
    Il est très difficile, alors que je sors juste de ma lecture, de donner une vue en hauteur et pertinente de ce texte émouvant. La première chose qui me vient, sans aucune analyse, c'est cette scène où l'auteur est sur le quai de la gare (c'est dans l'introduction, je crois, véritable livre dans le livre, déjà un formidable morceau de littérature), quand un train de marchandises stoppe ses wagons vétustes devant elle et que, pendant quelques terribles secondes, Michèle sent comme une aspiration, ses pas attirés vers eux, vers un destin inéluctable. C'est magnifique, c'est vertigineux, je crois qu'on n'a jamais traduit de façon aussi puissante la force de ce traumatisme particulier, et aussi ce que c’est que d'en hériter. On n'en finit jamais, et le monde et ses visions sollicitent constamment le survivant avec l'éternelle question du pourquoi. Un wagon qui s'arrête et c'est l'incompréhensible qui vous saute à la figure.
    Survivante, petite Thérèse (Oui, son autre prénom est Thérèse, malgré les réticences de la famille, mais cette trouvaille trouve son explication dans le beau passage du bombardement et du garçon à qui Janka sauve la vie), miraculée parce que ses parents ont eu la chance de vivre (la chance, insiste Lipietz dans sa superbe postface, car l'argent, la volonté et le courage n'ont pas suffi pour la grande majorité, hélas), il y a donc cela que l'auteur doit supporter. Comme il faut supporter que l'humanité un jour, se révèle sous l'angle de sa plus néfaste nature. Je rejoins encore Lipietz quand il souligne cette scène où les domestiques polonaises, tout à leur joie carnassière, volent rideaux et objets, dans l'appartement et sous les yeux de leurs employeurs, avec la bénédiction des soldats allemands (quand je vois l'effet qu'ont sur moi les minuscules trahisons, les petits désordres de l'amitié, je me dis qu'être témoin de toutes ces bassesses doit être absolument dévastateur, et d'une dévastation durable). Avoir confiance en l'humanité après ça... Heureusement, comme toujours, il y a les exceptions. L'étonnante Jula, polonaise catholique, qui cache des juifs  en plein Varsovie, se brosse innocemment les cheveux tandis que les nazis fouillent son appartement, en est un merveilleux exemple. Quel courage !
    Les témoignages des parents seront livrés au fil des ans à leur fille avide de détails, livrés par bribes ou par distraction, avec de l'humour souvent. On saisit comment tout cela a construit l'identité de l'auteur. Et comment les lettres disent l'angoisse pour ceux dont on doit se séparer, malgré ou à cause de l'amour qu'on leur voue, les tracas quotidiens, les espoirs même dans les moments les plus sombres, et la façon dont la vie triomphe, au bout du compte. L'importance du quotidien est peut-être un des apports les plus importants de ce livre. Il n'est pas absent des grands textes exemplaires sur la Shoah ou le Ghetto de Varsovie, de Primo Levi ou de Martin Grey, il n'est pas oublié par Lanzmann, mais il est toujours livré sur le mode édifiant, pour expliquer la dureté de la vie, donner un détail significatif (ce pourrait être ici la façon de se laver dans un verre d'eau, par exemple). L'idée de citer les lettres in extenso ou presque, au cours et surtout à la fin du livre, renvoie à celle de l'impensable. Je m'explique. Au jour le jour, un cataclysme inédit est impossible à analyser, parce que le quotidien l'emporte. Se nourrir, se vêtir, trouver un travail, s'informer sur tel ou tel, sur une mère ou un fiancé, voilà ce qui importe. Les grandes colères des nations et les idéologies ont le caractère des éruptions volcaniques. S'en inquiéter ne changera rien et, de toutes façons, on le saura quand ça arrivera. C'est cela que les lettres disent. C'est pour cela que la mémoire est importante. C'est pour cela que, disant le quotidien, les lettres familiales, quelques objets, ce minuscule trésor tassé dans une enveloppe repliée ou dans une boîte métallique, disent aussi combien la litanie des jours est un danger. Un danger mais aussi la substance de la vie. La marque de son obstination. Que l'auteur aie, toute jeunette, dressé ses poings pendant mai 68, soutenu la résistance chilienne, n'est pas anodin. C'est qu'elle avait compris le désastre de l'autisme face aux mouvements idéologiques. C'est un autre héritage.
    Je trouve remarquable et significatif que Michèle Goldstein-Narvaez ait attendu la disparition de sa mère, dernière survivante, pour se lancer dans ce travail. Je comprends cet atermoiement. Je crois qu'il s'agit davantage d'une maturation nécessaire que d'une hésitation à se confronter au passé, aux événements trop durs, à la mémoire de ses parents, d'êtres trop proches pour qu'on leur substitue une traduction scripturaire, aussi respectueuse soit-elle. Il s'agit de transmettre, et je me dis là aussi que le  métier de l'auteur (elle est professeur) n'est pas venu par hasard, mais qu'il est bien le fruit de cette idée, née quelque part sur un coin de table, à la cuisine, quand Janka et Stasio lui racontaient, encore une fois, la survie dans les égouts.
    Michèle Goldstein-Narvaez a produit là une belle œuvre de transmission, importante, que je vous invite à découvrir.


    Nous attendons de vos nouvelles : voix du Ghetto de Varsovie.

    Michèle Goldstein-Narvaez. Editions Max Milo. 18 euros.

  • Ego-centré

    Je remarque qu'on n’est plus guère antimilitariste de nos jours, c'est un engagement un peu démodé. Et puis, je réalise que l'armée est maintenant de métier, et que le spectre de se trouver enrôlé dans un conflit et d'y mourir, ne menace plus que les pauvres qui n'ont aucune autre perspective professionnelle. Du coup, il devient moins urgent d'être contre la guerre. On se tourne vers la protection des loups. Sauf les bergers et les moutons, bien entendu.

  • Beau, mais sec

    Il y avait aussi un conseil scientifique sur l'île de Pâques, qui disait chaque année aux habitants : attention, nous n'avons plus que 3000 arbres, attention, plus que 350, attention, nous n'avons pas tenu les objectifs de notre dernière résolution et nous n'avons plus que 50 arbres. Si ça continue... Les autres faisaient : ah ouais, carrément ouais, ils ont carrément raison, faut faire gaffe. Les derniers arbres, ils les ont coupé pour poser sur les pelouses des nains de jardin qui aient un peu de gueule.

  • Le mystère enfin révélé

    La silhouette de la grande pyramide fut inspirée par celle du drap de Chéops, un matin où il se réveilla particulièrement en forme.

  • Western

    Les signaux de fumée indiens étaient moins sophistiqués qu'on le croit. Un nuage : « j'ai fait un feu », deux nuages : « J'ai remis du bois », trois nuages : « Tu viens ? Je prépare les grillades », une colonne de fumée : « De l'eau, vite ! »

  • Année Rousseau

    Ce soir, à la Médiathèque de Roanne : Conférence : « Jean-Jacques Rousseau (1712-1778) : expérience d'une vie et naissance d'une pensée critique » par Claude Mazauric. C'est à 19 heures. Si vous passez par là, je crois que ça va être un beau moment.

  • La tête à Toto

    L'inventeur du zéro était un homme-tronc (comptant sur ses doigts comme ses contemporains, trouvant toujours le même résultat, tenté de trouver un nom à ce vide). Nombriliste probablement, aussi.

  • L'indice

    Pour les papous, les premiers blancs étaient des dieux. C'est en découvrant l'un des explorateurs accroupi derrière un bosquet pour se soulager que les indigènes ont compris que les étrangers étaient des humains, comme eux. A quoi ça tient, hein ?

  • Avantage à l'amour.

    Ce qui m'émerveille depuis disons une bonne vingtaine d'années (je lance ce chiffre, il a ses raisons, mais trop longues ici à détailler), c'est la bienveillance des gens que j'ai rencontrés. Leur gentillesse à mon égard, leur générosité et leur faculté à pardonner mes petitesses et mes duretés. Tout cet amour m'a rendu meilleur, je l'espère, je le crois. En cela, il y a un peu de moi dans l'Ernest de mon dernier roman. On s'évertue aussi par la grâce de la douceur versée par les autres, sur nos têtes bénies. Élevés par une telle offrande, le moins que l'on puisse faire, c'est d'en redistribuer à son tour. Dans « Tree of Life », Malick montre un dinosaure qui renonce à dévorer sa proie et s'éloigne. Peut-être esquisse-t-il cette idée, que la douceur des caresses est née loin dans des temps immémoriaux, mais que son héritage se transmet depuis et se poursuit, jusqu'à la fin des temps. Comme des milliards d'autres, me voici un passeur de cette compassion héréditaire. Elle équilibre la cruauté du monde. Il ne faut pas négliger la force de notre bienveillance.

  • Mouillé

    A-t-on bien considéré ce qu'il y avait de mou dans le pseudonyme de M. Poquelin ? Molière... une mollière est une étendue de sable et de vase, vaguement marécageuse, dans quoi le pied se prend et que le chasseur sobre évite. On peut mesurer dans ce choix d'un nom qui l'accompagna sa vie entière, le peu d'estime que l'auteur de théâtre avait pour sa propre personne et comprendre ainsi qu'il vienne sécher son humilité aux feux du Roi Soleil.

  • Aux prises avec l'Histoire

    Tandis que je mets la dernière main à mon roman « historique » (la fin d'un chantier d'écriture est toujours longue, c'est parfois un long accouchement alors qu'on croit que tout est terminé), je pense à l'ami Cachard, qui est en pleine écriture et plongé dans les affres que j'ai connues : comment faire une histoire avec de l'Histoire ? Comment ne pas paraître distribuer des notices documentaires sur un costume ou un moyen de locomotion ? Comment vous faire voyager dans le temps, chers lecteurs, comme s'il s'agissait d'une aptitude tout à fait commune ? J'ai tenté ma solution ; j'attends avec impatience de découvrir celle d'un autre écrivain et néanmoins ami. Je pense à lui. Voilà.

     

    Hier, au restaurant, ma douce et moi avons travaillé sur ce titre qui nous a tellement donné de fil à retordre. Nous avons trouvé. J'attends un peu que des choses se dessinent sur ce livre, et puis vous saurez.

  • Souriez

    Sur les murs de ce musée, la photo du personnel d'une usine des années 20. Curieusement, le groupe s'est figé sous les consignes du photographe devant un coin de fabrique anonyme, plutôt que vers la porte où la marque triomphante auréolerait les employés. Alignés, des ouvrières essentiellement et quelques jeunes gars, encadrés par des messieurs à col de cellulose qui font des balises éclatantes dans le camaïeu sépia. Les cadres ont la mine sévère des professionnels qui se déjugeraient en souriant ; les femmes ont un visage d'une tristesse affreuse. Toute joie s'évapore à les observer l'une après l'autre. Leurs visages sont étrangement asiates, mongols, leur peau cuivrée. Elles sont de contrées ou l'on cuit au soleil pour arracher à la terre de quoi ne pas mourir. Elles sont de la montagne austère, où il n'était pas déjà fréquent de rire. Mais sur la photo, les faces rangées sont plombées par une indifférence à la vie, un accablement définitif. Une humanité qui ne sait que la double malédiction du travail et de la mort, fratrie indissociable. Aucun espoir, jamais, le labeur constamment et la disparition dans les limbes au terme du trajet. Pas étonnant qu'il ait fallu lui promettre le paradis, après, pour enchaîner ce peuple à sa géhenne.

  • Monologue en humanité

    Cet après-midi, tandis que Laurent Cachard vous recevra à la librairie Gibert Joseph - Carré de Soie pour célébrer entre autres son prix du deuxième roman, je serai cour d'honneur Jean Puy, à Roanne, dans le cadre de la manifestation « Dialogues en humanité » (d'après une initiative humaniste lyonnaise à l'origine) pour signer les derniers exemplaires de « J'habitais Roanne » encore disponibles.