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Livres - Page 38

  • Réponse d'éditeurs

    La Table ronde (tiens, on avait envoyé à la Table ronde ?), répond négativement, mais par courriel. Economie (rien à dire, d'ailleurs). Dans un livre sur l'édition en général, j'avais appris que, après un mois écoulé, il est inutile d'espérer une réponse positive d'un éditeur. En effet, quand les choses doivent se faire, elles se font vite. Point.

    Plus d'un mois est écoulé. Ce ne sera donc pas pour cette fois. Entretemps, j'ai fini mon court recueil "L'ermite", enfin une version courte publiable. On essaiera ça, et puis un autre roman très "particulier". Promis, je vous tiens au courant.

  • Retour des éditeurs

    Cette-fois, c'est Bourgois qui s'y colle. Bourgois est une maison sérieuse.

    Par exemple, la lettre commence par "Cher Léo Kargo". Déjà, on se sent choisi, copain avec la patronne. Ensuite, le nom du bouquin est cité (on perd l'habitude, forcément), et il y a un "merci de la confiance que..." pas loin. La lettre est même signée par Dominique herself (à moins que la signature soit imprimée aussi, mais alors c'est bien fait.)

    Enfin, Bourgois est une maison sérieuse parce que l'éditeur ne perd pas le nord. L'enveloppe était épaisse, je me réjouissais d'une lettre de refus (lucide, l'auteur raté) argumentée. Que nenni mon ami : Bourgois profite juste de l'envoi pour fourguer un exemplaire de son catalogue de nouveautés.

    Moi, j'aurais pas osé.

     A suivre.

  • Réponse d'un autre éditeur.

    Une de plus. Les éditions De Fallois. Un courrier gentil où ils avouent sincèrement qu'ils ne veulent pas tricher : ils n'ont pas lu, ils ne liront pas. Une petite structure, ils ne leur est pas possible de lire tout ce qui leur est apporté. Débordés, surpassés, submergés. Je sais. C'est un problème typiquement français, on dirait, le nombre de personnes qui écrivent et se croient écrivains. Dont moi, sûrement... Sauf que je n'éprouve pas le besoin vital de la reconnaissance. Un de mes amis écrivain (un vrai, qui publie), écrit pour ne pas communiquer, il est édité mais ses textes sont excessivement abstraits. Je ne sais pas trop où me situer là-dedans. L'an dernier, je m'étais amusé, sur Kronix, à ce petit paradoxe : transformer ce blog en suite de notes qui ne transmettaient rien, puisque la langue qui y était parlée n'était compréhensible que de moi-même, l'ayant créée de toutes pièces. Publier au vu et au su du monde entier des textes absolument incompréhensibles, c'était amusant. Mais on se lasse, même si CXZman s'était fendu de commentaires dans une approximation de ladite langue. Un dialogue de surréalistes sourds. Concept dérisoire. Dérisoire comme j'aime.

  • L'insecte missionnaire

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    André Brink.

    Il y a une histoire de l’Afrique du Sud, il y a des histoires en Afrique du Sud -avant qu’existe un pays appelé Afrique-du-Sud. Quand l’histoire de Cupido Cancrelas débute, en 1760, celle du pays est en marche depuis longtemps. Bien avant l’arrivée des blancs, peuples et mythes vivaient et se mêlaient sur cette terre immense. Heitsi-Eibib, dieu-chasseur des hottentots, renaissait constamment, et les peuples nomades lui dressaient des cairns énormes, pierre par pierre, au fil des générations ; la mante religieuse transmettait les paroles des hommes aux dieux, et adressait en retour la pensée des dieux aux hommes.

    Cupido Cancrelas est un personnage historique, premier pasteur noir d’Afrique du Sud, son destin étonnant et désespéré a inspiré à André Brink ce récit qui lui a demandé 20 ans de réflexion, sinon d’écriture et de travail. Les sources historiques sont nombreuses, mais suffisamment lacunaires pour permettre à l’auteur de L’Amour et l’Oubli (2006), d’insérer les personnages historiques de l’époque (d’autres pasteurs, tous plus ou moins illuminés et pathétiques) et surtout de mettre en scène les prémices de l’apartheid, au hasard des confrontations avec les Boers, les fermiers impitoyables et cruels qui appliquent leur propre justice.

    Cupido, gamin brillant aux pouvoirs étranges, apprend à lire et à écrire. Il découvre la religion des Blancs. Encouragé et baptisé par le père Van der Kemp, il apprend encore : à prier, à prêcher, à chanter. Il est enfin un pasteur à la foi inébranlable, battant les réfractaires, démolissant les cairns aux anciens dieux qu’il renie. Un homme assez fort pour que la Société des missionnaires de Londres l’envoie aux confins arides de terres sans limites, évangéliser les bushmen les plus inaccessibles. Brink trahit (de son propre aveu), la fin de l’histoire de Cupido, en fait un ermite abandonné de tous, lancé in extremis dans un nouveau voyage.

    L’insecte missionnaire se lit avec gourmandise jusqu’à la fin, mais les premiers chapitres sont les plus captivants. C’est au cours de ces pages que l’auteur imagine les racines de la foi et de la personnalité de son héros, c’est là qu’il noue l’écheveau du politique, du religieux, de l’humain et de l’amour avec le plus de pertinence et de sincérité. Sans doute parce que, de cette partie de la vie de son personnage, on ne sait presque rien. Le romancien a alors toute sa place.

  • Yves Bonnefoy récompensé

    Puisqu'en France, personne n'en parle, à part Assouline sur son blog...

    La poésie en France, misère... Mais on s'en fiche, pas besoin de popularité pour donner au monde la couleur des mots.

  • Premiers retours des éditeurs

    Premier retour d'UN éditeur, plus précisément.

    J'avais dit que je vous tiendrais au courant. Retour de chez Grasset ; négatif bien sûr. La lettre habituelle "votre livre ne correspond pas à notre ligne éditoriale", réponse faite en tel nombre qu'ils ne se donnent même plus la peine d'insérer le titre du bouquin dans un espace préparé à cet effet. Normal, je connais. Ma douce était très déçue. Ce qui m'a fait rire "Faudra t'habituer, parce que ce n'est qu'un début." En tout cas, ça me donnera le sujet d'autant de billets de Kronix, pour tenir ma promesse.

    Allez, on passe à autre chose.

  • De l'origine des dieux

    Bernardino de Sahagun (1500-1590). Traduit par Michel Butor (excusez du peu).

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    De Sahagun est arrivé en Nouvelle Espagne (le Mexique) en 1529. Il entreprit de collecter les légendes du peuple indien et toute sorte de documentation sur les peuples d'avant la conquête. Après avoir transcrit les témoignages, il en réalise une version en langue nahuatl, puis en espagnol. Son travail est resté clandestin, réservé aux prêtres agréés, pendant plus de deux siècles. De Sahagun semblait être animé d'une passion pour les peuples dont il recueillait l'histoire, autrement appelée à disparaître avec ses derniers représentants.

    Ce petit opuscule, traduit par Michel Butor, est constitué d'extraits de l'oeuvre énorme de De Sahagun (12 livres), mais recèle suffisamment de trésors pour justifier que je vous mette l'eau à la bouche. Il y est conté en partie l'histoire de Quetzalcoatl, le serpent à plumes.

    On apprend ainsi que Serpent-à-plumes séduisit la fille du seigneur Huemac, en se pointant nu au marché, vendre des piments verts. La jeune fille remarqua la virilité (sûrement assez spectaculaire) du héros (une sorte de demi-dieu, à la manière d'Hercule) et n'en dormit plus, jusqu'à ce que son père inquiet lui demande la source de son trouble, et qu'elle le lui avoue. Ni une ni deux, le papa, pour apaiser sa fifille toute émoustillée, fait chercher le bougre et en fait son gendre. Le récit décrit encore nombre d'aventures du héros, curieusement préoccupé à imaginer des blagues, meurtrières pour nombre de ses compatriotes toltèques. A tel point qu'on se demande pourquoi, lorsque Serpent-à-plumes décide de voyager et de partir au-delà de l'océan, vers Tula la rouge, le peuple le regrette aussi vivement. Cet exil volontaire de Quetzalcoatl sera, rappelez-vous, l'origine de la prophétie de son retour et causera la fin de l'empire aztèque lorsque, des siècles plus tard, Cortez débarqua et fut pris par Moctezuma, pour Serpent-à-plumes (via l'entremise d'une femme du pays, victime avec sa tribu, de la violence des maîtres aztèques. Mais c'est une autre histoire).

    Chronique un peu rapide, il y aurait encore des milliers de choses à dire, mais elles ressortiront à l'occasion, je vous assure...

  • Flagrant délit

     

    8c907ceedb5d38da5a4a931eae869fc5.jpgAndré Breton surprend toujours ! Même un petit fascicule, acheté au hasard de l'étalage d'un bouquiniste, dépasse par l'intérêt de son contenu, les promesses que vous vous délectiez de faire.

    Il y eut, en 1949, qui s'en souvient ? Une affaire de la "chasse spirituelle", qui permit de déboulonner quelques censeurs convaincus de leur science, quelques experts auto-proclamés, et qui donna à Breton l'occasion d'acérer sa plume à l'acier de ses meilleurs élans de révolte. Ce pour quoi il n'était pas nécessaire de beaucoup le pousser, d'ailleurs.

    La "Chasse spirituelle" est un inédit soudain réapparu de Rimbaud. En 1949, des extraits d'un livre à paraître au "Mercure de France", furent publiés dans la revue "Combat". Breton lut, intrigué. Immédiatement convaincu d'avoir affaire à un faux, il acheta néanmoins le livre pour parfaire son opinion. Définitivement sûr, il écrivit au chroniqueur littéraire de la revue et la polémique commença. Elle enfla dans des proportions drôles et terribles jusqu'au moment où deux comédiens, jadis éreintés par la revue Combat, révélèrent la supercherie : ils étaient les auteurs du pastiche.

    « Flagrant délit » est un pamphlet écrit par le maître du surréalisme, pour faire le point sur l'affaire, et régler leur compte aux critiques inconséquents qui avaient cru reconnaître dans ce style maladroit, des éclats rimbaldiens suprêmes.

    A la suite de ce texte réjouissant, Jean-Jacques Pauvert a eu l'excellente idée d'ajouter les correspondances nées de la polémique entre Breton et les critiques, ainsi que deux textes de Breton sur la peinture réaliste-socialiste, qu'il lamine avec une rigueur et une humanité délectables.

    Je pense que c'est plus ou moins introuvable (imprimé en 1964) autrement que chez des bouquinistes spécialisés. Tant pis pour vous ! Ehe he he...

  • Malaise dans les musées

     

    Jean Clair, grand conservateur de musées, spécialiste de l'histoire de l'art éminent et commissaire de plusieurs expositions à succès, fait le point sur la logique muséale aujourd'hui. Au terme d'un livre subtil et impitoyable, sa conclusion sans appel est que l'histoire des musées, qui aura duré deux siècles : de la révolution à nos jours, s'achève aujourd'hui.

    f7014ec0039df5c36c596e9c1395bd3d.jpgLes premiers chapitres, malgré toute l'affection que je porte à cet auteur remarquable et à ses capacités d'analyse, m'ont quelque peu agacés. Jean Clair y fait le constat atterré de l'art dévoyé, détaché de ses origines cultuelles, depuis que les musées en font une série d'images culturelles, propices aux visites décérébrées du tourisme de masse. Le culturel, voilà la fatalité : le cultuel, le sacré est perdu, les oeuvres nées de cette confrontation avec le divin ont perdu leur sens, des madones de Raphaël aux masques bambaras exposées quai Branly, les objets de culte, devenus objets d'art, ne résonnent plus dans le coeur discipliné des foules en extase, que par écho d'un a priori culturel. Clair regrette que les oeuvres soient ainsi livrées aux masses, aux peuples hébétés qui piquent un cent mètres au Louvre pour aller voir La Joconde, parce qu'on leur a dit que c'était beau. Les élites seules savent, les élites seules devraient avoir accès, elles qui peuvent goûter, comprendre, aimer une oeuvre dans toutes ses dimensions, et pas seulement en tant qu'icône du temps.

    La démonstration est par contre enthousiasmante sur les dérives des musées aujourd'hui et sur, aboutissement absurde de cette dérive commerciale, le louvre d'Abou Dabi. Quelles oeuvres, quelle logique scientifique dans un pays que les nus offusquent, quelle image d'un musée de France, perdu au milieu d'un lunapark des sables, entre un golf, un hôtel de luxe et des attractions abrutissantes ? Comment en est-on venu à faire entrer la logique commerciale (louer des tableaux, louer la « marque » louvre comme un logo, et pour même pas cher : 1 milliard d'euros pour 30 ans) dans la politique culturelle de notre pays, au mépris même de la loi (où il est dit que le patrimoine ne peut pas faire l'objet d'une cession à caractère pécuniaire) ?

    Tout cela parce que la France devait absolument vendre des armes à la famille royale des E.A.U. (une première encore : on loue des oeuvres à des particuliers désormais), et la location d'un louvre (il perd aussi sa majuscule), faisait partie de la corbeille de mariage, pour faire bonne mesure. Les collections, patiemment constituées par des générations de conservateurs et de donateurs, aujourd'hui utilisées comme argument commercial.

    Dire que pendant la guerre, des hommes ont risqué leur vie pour que des tableaux ne tombent pas aux mains des nazis. Nos élites (sous la gouvernance Chirac), complotant entre économistes, sans demander leur avis aux experts et aux conservateurs, ont réussi à faire pire. Cela, Jean Clair ne le dit pas. Permettez-moi de dépasser sa pensée. Mais j'enrage.

  • L'élégance du hérisson

     

    Muriel Barbery. NRF. Gallimard.

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    Il est difficile de juger impartialement un livre dont le succès de librairie n'est pas dû à une opération de marketing tonitruante, mais bel et bien au bouche-à-oreille. Lentement mais sûrement, on a vu le deuxième roman de Muriel Barbery (après Une gourmandise) grimper au hit-parade des ventes, remporter le prix du Rotary (oui, je sais...) et celui des libraires (ça aussi, pas de quoi se réjouir : les libraires sont assez sensibles aux qualités d'un bouquin qui se vend bien).

    C'est donc avec une certaine mauvaise humeur que j'en ai commencé la lecture. Parce que ce genre de littérature est, en général, très éloigné des exigences que j'ai pour un livre, et son succès en dit souvent plus sur la société qui en fait le succès que sur le sujet lui-même.

    L'histoire est celle d'une concierge, madame Michel, autodidacte et subtile dont la culture ferait pâlir Philippe Sollers, Umberto Ecco et Michel Serres réunis, et qui, parce qu'elle se soumet elle-même aux stéréotypes de la société, cache sous une apparence fruste et populaire, sa nature vive et profonde (l'élégance du hérisson). Ses réflexions érudites au quotidien sont entrecoupées du journal intime d'une fille de bourges surdouée, prénommée Paloma, qui projette de se suicider. On devine dès lors avec un certain agacement que la fin sera : madame Michel va mourir, et la leçon de vie qu'elle aura donné à sa petite copine Paloma décidera cette dernière à continuer de vivre. Gagné, c'est exactement ce qui va se passer. De mauvaise humeur, je vous dis.

    En fait, ce n'est pas mauvais, il y a même des percées vraiment magnifiques, des moments de vraie littérature, des phrases sur lesquelles on revient, comme ce passage où la concierge, apprenant la mort d'un locataire de son immeuble, médite sur cette idée de l'Art comme un secours face à la cruauté du destin : « Ces jours-là, vous avez désespérément besoin d'Art. Vous aspirez ardemment à renouer avec votre illusion spirituelle, vous souhaitez passionnément que quelque chose vous sauve des destins biologiques pour que toute poésie et toute grandeur ne soient pas évincées de ce monde. » Je trouve très belle cette notion de sa propre « illusion spirituelle ».

    Il y a beaucoup de beaux éclats de cette facture dans le roman. Mais c'est le principe et l'argument qui me gênent. Je vais tenter de dire pourquoi.

    Quel est le sujet du livre, au fond ? Ne jamais se fier aux apparences ? C'est du niveau de la problématique disneyenne (la belle et la bête, Shrek (OK, c'est pas Disney), etc.), mais pourquoi pas ? Sauf que, au fil de la description des locataires de l'immeuble et des personnages qui gravitent autour, Muriel Barbery ne fait qu'aligner des stéréotypes. C'est un livre qu'elle a écrit, peut-être, pour lutter contre ce qu'elle devinait de convenu dans sa conception des êtres. Raté : la concierge tellement intelligente et cultivée que c'en est grotesque (aucune lacune, dans aucun domaine), dessine en creux, le portrait que se fait l'auteur de ce qu'est véritablement une concierge, à ses yeux comme aux yeux de tout le monde et du coup, crédibilise et conforte la vérité du stéréotype ; le locataire japonais fut, comme par hasard, représentant de matériel hi-fi de pointe (un spécialiste de l'enfumage du jambon nous aurait surpris davantage), il aime le thé, a un goût raffiné, aime les films d'Ozu (dans le Japon actuel, autant dire que c'est une antiquité) ; la jeune bourgeoise suicidaire (trois mots qui forment déjà un stéréotype) est en révolte contre ses parents, comprend les jeunes qui brûlent des voitures, se complaît dans la description des plaisirs minuscules (bref, c'est la petite soeur de Vincent Delerme, quoi) et ne supporte pas l'hypocrisie de son monde ; le critique gastronomique est condescendant, le clochard est céleste, les chats roupillent... Pour lutter contre les préjugés, il me semble que « boule de suif » va plus loin et « la tache » est un point ultime, sauf que l'un et l'autre ne gueulent pas leur message dès le premier chapitre.

    Alors pourquoi un tel succès ? D'abord je l'ai dit, il y a de jolis moments dans ce livre, et une réelle qualité d'écriture (trop sage pour mon goût, mais ce n'est pas l'essentiel) ; ensuite, je me demande si, quelque part, la figure de cette autodidacte secrète, dont le savoir s'étend à peu près à tous les domaines des sciences humaines, n'est pas l'exacte figure du héros contemporain. L'accès à l'information, au savoir encyclopédique et immédiat que le monde actuel nous permet, nous laisse croire que nous sommes tous, peu ou prou, des madame Michel : extraordinairement cultivés, capables de comprendre ou dialoguer avec les spécialistes de tous bords, les Claude Hagège, les Derrida, les Coppens, les Wolton... plus rien ne semble hors de portée des autodidactes que nous sommes.

    Dans le secret de son écriture, Muriel Barbery a sans doute cru à son sujet sincèrement, mais elle s'est laissée rattraper par ses démons. Grand bien lui fasse : les lecteurs sont à l'unisson.

    Enfin, tout ça nous fera un bon film de divertissement, dans un an ou deux, avec un rôle écrit pour Catherine Jacob. Les paris sont ouverts.

  • Une décision par semaine

    Cette fois, ça y est, c'est décidé : grâce au précieux concours de ma douce compagne, je vais envoyer mes deux derniers romans aux éditeurs. En plus, un autre ami (éditeur, mais pas du genre de littérature que je produis), va envoyer mes manuscrits de son côté, avec ses recommandations.

    Bon. Autant d'occasions de subir des échecs, mais il se trouve qu'à mon âge, on s'en fiche un peu.

    Evidemment, je vous tiens au courant.

  • Gilgamesh

    f74c1cf93bf661b555b58674bad871ed.jpgAdapté par Léo Scheer. Editions Léo Scheer.

     

    L'épopée de Gilgamesh est le tout premier roman de l'histoire mais, du haut de ces 3500 ans, il vous flanque la gifle bienveillante du patriarche.  La lecture de l'aventure du roi d'Uruk a ceci de particulier, qu'elle vous renvoie à tous les textes fondateurs que vous avez déjà pu lire ou parcourir.

    Le déluge ? Dans Gilgamesh. Les lamentations d'Achille sur le corps de Patrocle ? Dans Gilgamesh. Les travaux d'Hercule ? Dans Gilgamesh. Lilith ? Dans Gilgamesh. L'Odyssée, L'Ecclésiaste (des passages) ? Idem.

    On n'en finit pas de retrouver les types et structures de tous les récits. Et on est épaté par la nouveauté, l'originalité de certains passages. par exemple, j'ai été abasourdi de découvrir que Gilgamesh commence par un flash back !

    La scène est écrite comme l'ouverture d'un film : au fond du temple d'Ishtar, dans un coffre de cuivre vérouillé, caché, et à l'intérieur d'un tiroir secret, est enfermé une tablette de lazulite sur laquelle est gravée l'épopée de Gilgamesh. Et l'histoire peut commencer.

    Gilgamesh n'est pas tout de suite un héros positif : c'est un mauvais roi. Sa force immense lui confère un pouvoir indiscuté : il sait que personne ne peut se mesurer à lui, il se bat avec les garçons, les tue souvent, il couche avec les filles, exerce un droit de cuissage systématiquement. Ses sujets en ont assez et se plaignent aux dieux.

    Rebondissement assez inattendu : les dieux créent un double de Gilgamesh, Enkidu, aussi puissant que lui, mais vivant innocemment au milieu des animaux (tiens j'y pense : voilà Tarzan. On n'a vraiment rien inventé). Apprenant l'existence d'un monstre velu et puissant, Gilgamesh lui envoie d'abord une courtisane. La Joyeuse (c'est le nom de la prostituée) séduit Enkidu et l'invite à la luxure la plus débridée. Ils font l'amour 6 jours et 7 nuits, après quoi, Enkidu se sent tout de même un peu fatigué (on ne dit rien de l'état de la Joyeuse). Rassasié d'amour, rasé et habillé de frais par les soins de la prostituée (tiens, la prostituée au grand coeur : voilà Irma la douce), Enkidu se laisse convaincre de rejoindre Uruk, la cité de Gilgamesh, et la civilisation. Là, des noces se préparent, et Enkidu apprend que le roi, Gilgamesh, l'insatiable, va venir exiger son droit de cuissage sur la future mariée. Indigné, Enkidu barre le passage à Gilgamesh, et une lutte titanesque commence. Les deux adversaires sont de force égale et le combat dure longtemps. Enfin, les deux hommes-jumeaux deviennent amis.

    Les deux amis vont partager encore quelques aventures, mais malheureusement Enkidu finit par mourir. Gilgamesh, inconsolable, veut comprendre pourquoi Enkidu est mort, pourquoi lui aussi, comme tous les hommes, risque de mourir un jour. Un seul homme connaît la réponse : Ut-Napishtim, seul survivant du déluge, seul homme auquel les dieux ont offert l'immortalité. Et je n'en raconterais pas plus.

    Permettez-moi seulement d'insister sur quelques aspects remarquables :

    La sensualité torride de certains passages "viens, jouissons de ta vigueur, avance ta tête pour m'embrasser entre les cuisses".

    La quête désespérée de Gilgamesh que tout le monde traite de fou, et qui revient enfin chez lui, le coeur en paix et bienveillant envers ses sujets, parce qu'il a compris que vouloir échapper à la mort était une folie.

    Les procédés narratifs très modernes : pensées de chacun, dialogues, descriptions poétiques, récit alterné.

    Le récit du déluge par Ut-Napishtim a inspiré nettement celui de la Bible, à une notable différence : dans la religion sumérienne, les dieux, assistant au terrible carnage qu'ils ont déclenché, pleurent : ils regrettent. Notable différence, disais-je.

    L'édition présentée est une version dépouillée des nombreuses répétitions et de la contextualisation érudite des versions précédentes. ca ne coûte que 15 euros. C'est très vite lu. Bonne lecture.

     

     

  • Le refus

    Imre Kertész

    Te26c80b55047b9ecf006095701a566c4.jpgraduit du hongrois par Natalia Zaremba-Huzvai. Chez Actes Sud. Collection BABEL.

    "Le vieux se tenait devant le secrétaire"

    "Le vieux" est écrivain. Ecrivain hongrois d'origine juive, et il ressemble beaucoup à Kertész. Dans la hongrie pro-stalinienne, un écrivain digne de ce nom a des difficultés. Notamment pour être édité. Le refus, est celui des éditeurs qui rejettent son roman : "Etre sans dépit". "Le refus" est aussi le volet central d'un triptyque composé de "Etre sans dépit" (justement) et qui s'achève avec "Kaddish pour l'enfant qui ne naîtra pas".

    Le début du roman est une passionnante analyse de l'acte d'écrire comme une fatalité, une évidence de la nature qu'il ne s'agit pas de sublimer ou de maudire, et que même l'écrivant ne peut que constater. Ensuite, l'auteur cesse son introspection, parce que, forcément, l'écriture commande et, reprenant de vieilles notes, écrit l'histoire d'un auteur appelé Köves, venu de l'étranger, débarquant dans son pays natal. Et le roman psychologique devient cauchemar kafkaïen, déambulation joycienne.

    Né à Budapest en 1929, déporté en 1944, Kertész a reçu le prix Nobel de littérature en 2002.

    "Il referma dessus ses doigts tremblants et insensibles et le serrera sûrement à l'instant du dernier, de l'ultime élan -quand il tombera sans vie de sa chaise devant son secrétaire."

  • L'aube le soir ou la nuit

    b007332ea5e00027a5dfb0caeeeccd14.jpgJ'imagine votre stupéfaction : Léo a lu un livre sur Sarkozy ? De plus, suspect d'avoir été commandité par le petit furieux à l'usage de sa propre gloire ? Je profite de votre hébétude pour vous achever : j'ai aimé.

    Bon, je vous le concède, on me l'a prêté. N'empêche... En observateurs avisés que vous êtes, vous aurez noté que ce petit billet n'est pas entré dans la catégorie "Sarko et moi", mais dans la rubrique "Livres". car c'est un livre. De la littérature, de la bonne. Il faut l'admettre.

    La preuve, c'est que les imbéciles sarkozystes n'ont pas aimé : après la première vague pendant laquelle les mêmes incultes venaient en librairie acheter "le dernier livre de Sarkozy", les ventes ont ralenti, pour s'éteindre pratiquement au bout de deux-trois semaines. Evidemment, les pauvres ne sont habitués qu'aux formules hagiographiques des journalistes vénaux. Reza a écrit un livre. Nuance.

    En fait, l'erreur est de croire qu'il s'agit d'un livre sur l'Hyper président, tandis que l'auteur a écrit une chronique de la vanité. "L'aube le soir ou la nuit" (titre incompréhensible, mais sa  pseudo-poésie peut laisser croire à un sens quelconque -je me marre) est surtout un livre sur le désenchantement. On ressent de la pitié pour ce pauvre type, écoeuré par sa victoire, ce vainqueur désormais désemparé, puisque son élection lui a apporté tout ce qu'il pouvait désirer.

    Le personnage principal (on peine à le nommer ; d'ailleurs l'auteur n'y parvient que tardivement, comme à regret, en même temps que la séduction du chef opère -mais qu'elle s'en défend), on le sait, n'en sort pas grandi, le portrait est cruel, l'anecdote refouille le caractère irascible et mauvais. Sans insistance, Reza découpe une silhouette de grand malade. Je pense aux lecteurs désarçonnés qui ont cru aborder une nouvelle et lénifiante épopée sarkozyste, et ont découvert un texte, très beau, complexe, sans compromis. Ils savent au moins, maintenant, ce que c'est que de l'écriture.

    Un détail : je suis évidemment fâché que l'auteur se moque de mon cher Michel Onfray, mais bon...

    J'avais cru intelligent de signaler que "terre-plein" (utilisé plusieurs fois dans le livre), s'écrit en réalité "terre-plain" (de plaine, plat, plan), et -après vérification- la bonne orthographe est bien : terre-plein. Pourtant, il me semble bien que cela s'écrivait "plain" à une époque... Mais je suis sans doute plus rétrogade que je ne pensais.

  • Lecture du Voyage

    Le Voyage au bout de la nuit de Céline, sera lu en 24 heures, par plus de 80 volontaires, depuis ce samedi 18 heures, jusqu'à demain dimanche (18 heures, donc), à Saint-Haon le Châtel (Loire).

    Cela fait plusieurs années que Jean Mathieu et son équipe de bénévoles organisent cet événement, bien avant que la lecture à haute voix soit à la mode (Jean, tout gamin, lisait à haute voix au milieu des vaches qu'il gardait. Sa colossale culture littéraire s'est entièrement construite de cette manière : à haute voix).

    L'Astrée, Gargantua, Madame Bovary, le Rouge et le Noir... ont été lus dans ces conditions : en 24 heures, nuit comprise, les lecteurs se relayant pour venir à bout du texte. Et le texte, tout le texte, rien que le texte ! Pas de mise en scène théâtrale ou musicale, pas de mélange des genres. La lecture, seulement, l'intérêt concentré sur cette magie de l'écrit. L'hommage de la voix à la construction d'une pensée.

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    Quant au "Voyage...", pour la premère fois, est apparue une résistance. Certains lecteurs ont refusé de se compromettre à lire le texte d'un monstrueux antisémite notoire. L'interrogation est respectable. Mais je considère qu'il y a une erreur originelle dans cette réticence. C'est que lire "le voyage" ne signifie pas qu'on cautionne son auteur. Au contraire. Comment ça au contraire ?

    Lire "le voyage" c'est s'approprier, nous, qui sommes à l'opposé des haines, révoltés contre l'extrêmisme, nous qui aimons la paix, l'amour, la solidarité, la vie, l'Homme, c'est s'approprier disais-je, un texte qui parle de la condition humaine, lui extirper ce qu'il a à dire de notre société, et renvoyer Céline à ses malédictions, plus isolé que jamais. Parce que son livre ne lui appartient plus, parce que nous, qu'il aurait repoussés de son mépris, nous qu'il aurait vus comme des cloportes, nous lirons ce texte par amour de la littérature, par amour du genre humain.

     

  • Maisons closes de province

    Elles sont closes, nos "maisons".

    Un livre paru chez Thoba's éditions.

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     Le plus vieux métier du monde reste un sujet de société controversé. De la Rome antique à nos jours, les relations entre les "femmes de mauvaise vie" et le monde qui se sert d'elles, ont oscillé entre la tolérance à distance et la vindicte haineuse. Elles sont closes nos maisons, explore l'époque peu suspecte de romantisme de la fin des maisons closes et de leur survivance pendant la guerre.

    Ce livre sympathique d'un éditeur d'art roannais, construit, autour du texte autobiographique d'Alain Garnier "Roanne au temps des lupanars", une petite somme sur la vie des prostituées dans une ville de province -entre réglement de la police des moeurs et échanges de courrier préfectoraux hallucinants.

    Des photos des lieux où  Alain Garnier a vécu, et une série de dessins de Christian Daniel, hommage légèrement décalé aux photos polissonnes de l'époque, illustrent avec justesse ce petit bijou aux accents céliniens.

     

  • Voyage au bout de la nuit

    Céline - folio Gallimard, 1952 (édition de 2007, avec le dessin de Tardi).

     

     

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    Ca a débuté comme ça.

    (...)

    De loin, le remorqueur a sifflé ; son appel a passé le pont, encore une arche, une autre, l'écluse, un autre pont, loin, plus loin... Il appelait vers lui toutes les péniches du fleuve toutes, et la ville entière, et le ciel et la campagne, et nous, tout qu'il emmenait, la Seine aussi, tout, qu'on n'en parle plus.

  • L'iliade

    Homère.

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    Chante, déesse, la colère du Péléide Achille, pernicieuse colère qui valut aux Achéens d'innombrables malheurs, précipita chez Hadès les âmes généreuses d'une foule de héros, et fit de leur corps la proie des chiens et de tous les oiseaux -ainsi s'accomplissait la volonté de Zeus- depuis le moment où, sitôt après leur querelle, se séparèrent l'Artide roi des guerriers, et le divin Achille.

    (...)

     Et c'est ainsi qu'ils eurent soin de célébrer les funérailles d'Hector dompteur de chevaux.

     

    Nota bene : ce qui nous rappelle que, dans l'Iliade, il n'est question que de la colère d'Achille, point de l'enlèvement d'Hélène, ni du cheval de Troie. Autant d'événements, certes donnés en référence dans plusieurs dialogues de l'Iliade et de l'Odyssée, mais jamais décrits ici, faisant partie de la tradition orale, "rédigée" par les boins soins de Virgile et de (à vérifier) Hérodote.

     

  • Les versets sataniques

    Salman Rushdie - Pocket Plon, édition 1999.

     

     

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    Pour renaître, chantait Gibrel Farishta en tombant des cieux, il faut d'abord mourir.

    (...)

    J'arrive, répondit-il, et il se détourna du paysage.

     

    Anecdote au passage : le jour que j'allais acheter ce livre, dans une de ces grandes surfaces qui les vendent comme ils vendraient des brosses et des slips, le jeune vendeur qui me renseignait s'est précipité vers le rayon "ésotérisme". Je l'ai remercié, l'assurant que je me débrouillerais, le suppliant de ne pas perdre de temps avec moi.

  • Middlesex

    Jeffrey Eugenides -éditions de l'olivier, 2003;

     

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    J'ai eu deux naissances.

    (...)

    J'avais perdu le sens du temps, heureux d'être rentré chez moi, pleurant mon père, et songeant à ce qui m'attendait.

     

     

    (Jeffreyx eugenides est l'auteur de Virgin suicides. Middlesex a reçu le prix Pullitzer en 2003.)