Exigeons une fois pour toutes, une terre où se réfugieraient les gens ouverts, tolérants, généreux, sensés, raisonnables, en gros les gens strictement et constamment du même avis que moi.
rencontres avec des gens biens - Page 19
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Arcadie
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And now, again...
La Librairie Gibert Joseph de Saint-Germain-en-Laye (1, rue de Pologne), a été la première à se manifester pour m'inviter, dès la lecture d'un service de presse de "L'Affaire des Vivants", c'était en mai, leur premier coup de cœur pour la rentrée littéraire. L'heure est venue de leur rendre la politesse. J'y serai, à 15h30. Venez nombreux. On y parlera bouleversement industriel au XIXe siècle, écriture, destins individuels et collectifs... Plus qu'à me préparer.
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And now....
Si vous voulez connaître la suite de mes aventures stéphanoises, retrouvez-moi à Paris, à la librairie Charybde, 129, rue de Charenton, pour une rencontre exceptionnel avec des libraires exceptionnels. Il sera aussi question de "L'Affaire des Vivants".
C'est à 19h30. Vous me reconnaîtrez facilement, j'aurai des bretelles.
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L'affect du livre à Saint-Etienne - 3
Après l'épouvantable nuit, un petit déjeuner consommé entre deux vertiges mous, je suis à l'heure sur le stand, en me promettant une sieste en début d'après-midi. La foule, dès 10 heures. Parmi les badauds, un grand balaise qui semblait dépourvu de but, m'interpelle, s'approche, tout sourire, crâne dégarni auréolé d'une masse de cheveux blancs. Il se dit sociologue, m'accapare en gesticulant, langage soigné, phrasé rapide et brillant, nous discutons, il me fait rire, je le fais rire, le courant passe bien. Il ouvre brusquement un cahier, geste qu'il me dit avoir répété des dizaines de fois depuis qu'il travaille sur « L'Homme Nouveau ». Ah bon. Depuis des années, il demande ainsi aux personnes de son choix de lui écrire, là, rapidement, leur conception de l'Homme nouveau, est-ce que je veux bien, à mon tour, lui rendre ce service ? La foule passe sans me prêter attention, le bonhomme est convaincant, délirant, chaleureux, le défi est amusant et puis surtout, je ne sais pas dire non. J'accepte. Je m'acquitte ma foi assez honorablement de ma tâche (le « sociologue » me le dira, le lendemain, après lecture) en une petite demi-heure, interrompu plusieurs fois par des personnes qui, sans doute parce qu'elles me voyaient occupées, s'étaient soudain décidées à sortir des rangs indifférenciés de la foule pour acheter un livre.
Beaucoup d'amis ou de connaissances, beaucoup de Roannais (dans des proportions moindres que celles des dessinateurs de BD, mais enfin beaucoup) viennent me saluer. Mes voisins arrivent. Claudie submergée de signatures, Serge nettement moins. Il s'emmerde. Je crois qu'au bout du compte, il a « fait » moins que moi (pardon pour cette vilaine expression). C'est surprenant. Les passants ne s'arrêtent guère. Chaque auteur a expérimenté cette sensation d'être une vache dans un comice ou au salon de l'agriculture. Je parfais mon imitation en mâchant un cheming-gum et en posant un regard vide sur l'allée, devant moi. La température monte. Je regarde l'heure, il faut que je me rende dans une salle de l'Hôtel de Ville pour ma rencontre avec Alexis Jenni.
J'arrive. Personne. Les deux bibliothécaires que je connais grâce à Lettres-Frontière sont là, tout penauds. En fait, Jenni ne viendra pas. On ne l'aurait, paraît-il, pas prévenu et il refuse une rencontre dans ces conditions. Si, comme moi, il a découvert cette invitation sur sa feuille de route, une semaine avant de venir, je veux bien le comprendre. Pour moi, être en présence d'un Goncourt, et pas n'importe lequel, avait annihilé une possible protestation ; pour Jenni, je suppose que se voir mis d'office en présence d'un auteur inconnu, a dû lui sembler proprement scandaleux et vexatoire. Bon. Il n'y a décidément personne, sauf ma prof de latin du collège privé qui a pris la peine de venir. Désolée pour moi (oui, non, ce n'est rien, pas grave, bouhouuu), elle passera en famille sur le stand, plus tard. Les bibliothécaires et moi décidons d'aller noyer notre déception dans un jus d'orange, quelque part. En fait, nous ferons l'intervention entre nous, et ce sera très bien. Tant pis pour Alexis Jenni à qui je me promettais de lui dire toute mon admiration, en prime.
L'après-midi, les mots de soutien de mes libraires ont largement de quoi me remonter le moral que, d'ailleurs, je garde excellent. Ils ont vraiment aimé « L'Affaire des Vivants », mais vraiment ! ils me le disent et me le répètent, détaillent ce qui leur a plu, s'excusent presque de me fatiguer avec leur éloge (je les rassure), sans que j'aie besoin de les menacer. Les libraires, comme d'autres avant eux, comparent « L'Affaire... » à un livre que je ne connais pas, mais la parenté semble évidente pour les lecteurs des deux romans. Il s'agit de « L'Inauguration des Ruines » de Jean-Noël Blanc.
Un monsieur grisonnant, moustache sympathique, vient me saluer, il désigne les piles devant moi « Votre livre m'attend à la librairie. On me dit qu'il faut absolument que je le lise. » Il se présente : Jean-Noël blanc. Nous nous serrons chaleureusement la main. On m'a tellement parlé de lui et de son roman. Je lui dis qu'on m'a conseillé de le lire, pareillement. Une des nombreuses lectures que je dois faire le plus tôt possible. Et j'ai de plus en plus hâte depuis que j'ai rencontré cet agréable gentleman habitant Saint-Etienne.
Il est important pour une manifestation de ce type d'inviter des célébrités, garantes de l'affluence du public. On ne parle plus de littérature, évidemment : les gens viennent évaluer la distance qui sépare la représentation télévisuelle (puisqu'il s'agit principalement de ce medium) et la réalité de l'objet télévisé. L'énergie déployée pour capter ces stars doit l'être efficacement vu le nombre présent. On marche dessus, on les bouscule, on les salue distraitement, on les évite. Pardon Audrey (Pulvar), pousse-toi Francis (Lalanne), tu veux un café Laurent (Joffrin) ? Et puis il y a Romain Bouteille et lui, on n'ose pas l'aborder, parce qu'on se sent tout petit à côté.
Le soir tombe, guère moins chaud que la journée, à peine un répit. Il y a un apéritif et puis, le dîner de gala dans de beaux salons anciens, non loin de l'Hôtel de Ville, et la soirée VIP s'achève avec un bal masqué. Evidemment, je fais la totale, je goûte tous les vins, je me baffre, je chante avec l'orchestre vénitien, je fais valser Audrey Pulvar et, pendant le bal masqué, je me jette dans la fontaine de chocolat avec Ismaïl et des femmes nues nous rejoignent en riant. -
L'affect du livre à Saint-Etienne - 2
La tente est déjà bondée, mais c'est une illusion d'optique, les jours suivants, elle concentrera largement plus du double de visiteurs, contenant ou contenu, je ne sais lequel offre le plus d'élasticité. En attendant, je fais connaissance avec l'équipe de Lune et l'autre, cette librairie qui a cité « L'Affaire des Vivants » comme son coup de cœur de la rentrée. Avis collectif de toute l'équipe. Des gens biens, donc. La charmante responsable, qui a confirmé son choix devant les caméras de France 3 il y a peu, et ses complices, autant de personnes précieuses dont je suis obligé soudain de taire les noms parce que l'un d'entre eux m'échappe et je ne voudrais pas faire d'impair, avec mes excuses. L'ambiance est bonne, on me propose du café, ça change de Besançon. De façon générale, d'ailleurs, l'accueil, le personnel, les bénévoles, tous seront aux petits soins. On m'a placé entre Claudie Gallay et Serge Joncour. Je rappelle à Claudie qu'on se connaît déjà. Ah bon ? s'étonne poliment Claudie. Pas grave. J'achète le dernier livre de chacun. Pas par politesse, mais par goût de la découverte.
La librairie s'est donné la peine de chercher mes titres précédents. C'est heureux car, pendant ces trois jours, tous les livres susciteront la curiosité du public et seront achetés dans des proportions évidemment différentes. Je ne vends pas de « La Joyeuse » à des mineures, ni de « Baiser de la Nourrice » aux femmes enceintes, aux personnes cardiaques et plus généralement aux lectrices qui ont des maris costauds.
La journée s'achève sur un bilan plutôt positif. Je retourne à l'Hôtel, en prenant l'ascenseur cette fois. A Besançon, j'avais été surpris par la voix extraordinairement sensuelle de la cabine, chaude à rendre fou, capable de débraguetter n'importe quel gars un peu sensible. Ici, pas de ça mon ami, c'est une voix de colonel en retraite qui déclare depuis son cercueil : « Etage Principal ». Je demande ma clé tandis qu'un client avise l'ordinateur qui « Hélas monsieur » ne marche toujours pas. La chambre est bien. Enfin, pas mal. En tout cas, la porte ferme quand on insiste, et puis la douche envoie de l'eau, même si elle hésite, elle propose de vous infliger de cruelles brûlures ou de vous figer le sang par le froid. Je choisis un peu le froid, un peu le chaud, un peu le froid. C'est fatiguant. Epuisé, j'appelle ma douce qui me lit le superbe article de Jean-Claude Lebrun. Je suis ravi, c'est un texte impeccable, tout ou presque y est dit. Ma douce conclut en expliquant que, par contre, il y a grève et que, donc, personne n'a pu lire ce magnifique hommage. Chaud, froid, je suis blindé, pas de problème. On m'attend à l'accueil, me prévient-on. J'arrive.
J'ai le grand bonheur de découvrir là Cédric Fernandez, un grand pote dessinateur aujourd'hui publié chez Glénat, complice depuis des années, avec qui je conçois des BD invendables, ce qui ne nous a curieusement jamais découragés. Je suis d'autant plus heureux que sa présence signifie que je vais rejoindre, malgré mon grand âge, la bande de dessinateurs, agrégés au staf de « Des bulles et des Hommes », librairie spécialisée dans la BD. Heureux parce que, entre nous, je préfère cent fois la compagnie des dessineux que celle des écrivains. Avec eux, on se marre vraiment. En plus, une loi de cette discipline dit que, sur dix dessinateurs de BD dans le monde, sept sont de la région roannaise, ne contestez pas, c'est statistique, c'est ainsi, ça surprend au départ, mais c'est un principe naturel et que voulez-vous.
J'ai donc la vraie joie de retrouver mes compatriotes, Steve, Maud, Olivier et Cédric, le lendemain, je n'aurais qu'un peu de temps pour saluer Guillaume et Franck, la suite de la caravane. Et puis je découvre Ismaïl, publié chez Glénat également. Un jeune homme précieux. Mais tous le sont, bien entendu. Je dis seulement que c'est bon d'en découvrir constamment de nouveaux.
La soirée s'achève tard, il fait chaud dehors, c'est l'été en octobre, je me suis habillé en fonction. Le colonel râle « deuxième étage », je donne un coup d'épaule dans ma porte, je fais ce que j'ai à faire (oui, bon) et je me couche, pas mécontent de ma journée. Des beuglements avinés montent de la rue, c'est la poésie urbaine, la vie des grandes villes, les alcooliques sont résistants, ils vocalisent en se relayant jusqu'à trois heures du matin. Là, impossible de se rendormir. Je compte les heures, essaye tous les trucs pour trouver le sommeil, sans succès. Demain, je dois rencontrer Alexis Jenni. Je vais être bien. Sur l'écran de télé que je me suis résigné à allumer, les Simpson dialoguent avec Katsumi qui fait la gueule, un débat sérieux s'envenime, qu'est-ce que je fais là déjà ? Qu'est-ce que j'ai écrit ? On parle de quoi, demain. Comment je vais faire, comment je vais faire, comment je vais... -
L'affect du livre à Saint-Etienne - 1
J'étais encore dans le souvenir si bon de la rencontre de la veille, avec Laurent Cachard, à la librairie Le Tramway, à qui je réitère mes remerciements ici. Départ pour la suite de mes pérégrinations, à la Fête du livre de Saint-Etienne. Train plutôt calme, lecture des premiers chapitres d'un manuscrit du même Laurent, rassuré par le plaisir que j'y prends. J'ai en main le portable que ma douce m'a confié en pleurant comme si j'allais me sacrifier dans quelque tranchée. Tentative d'envoyer un SMS pour dire à l'auteur que tout se passe bien, je réussis à taper « chapitre » je réussis à basculer en mode chiffre et exécute magistralement un « 3 » pour préciser où j'en suis. Impossible de revenir en mode lettres pour expliquer que, jusque là, tout va bien, obligé d'éteindre ce foutu machin, de rallumer, etc. Enfin, je parviens à écrire « c'est que du bon » encore que, sans apostrophe. Bref.
D'autres auteurs comme moi sont pris en charge à la gare où nous arrivons, tous jeunes, minces et beaux. Pas commencer à faire des complexes. La ville brûle sous un été impossible, la rencontre de la veille, le manuscrit, tout ça, je vais bien, je souris. Je remonte une bretelle qui glisse. Après les petits calages administratifs faits à l'accueil VIP, à l'hôtel de ville (oui, je suis à présent un VIP, le badge en témoigne), j'entraîne ma grosse valise à l'hôtel, quelques rues plus loin. L'entrée est vide, c'est que la réception est perchée trois étages plus haut. Situation inédite que je n'ai pas anticipée et qui m'a donc valu de négliger l'ascenseur pour grimper jusque là. Je transpire, pas le temps de me changer, de prendre une douche, je vais puer, tant pis. L'hôtel est étrange, on sent une trop longue pratique, une routine épuisée. J'avise un ordinateur qui me permettra de répondre à mes mails, ce soir, j'apprends « hélas monsieur » qu'il ne fonctionne pas.
Le premier rendez-vous est un repas organisé au lycée dit du Portail Rouge, que je connais bien : c'était l'internat d'une des périodes assez absurdes de ma vie. J'y ai participé aux plus somptueuses batailles de polochon dont un surveillant puisse avoir le douloureux souvenir. Je dois intervenir dans un collège privé et les deux personnes qui m'accueillent avec de larges sourires, sont la documentaliste d'origine roannaise et la professeure de Français et de Latin (« ah bon, il y a encore des élèves qui veulent apprendre le Latin ? » « De plus en plus » me révèle Emilie, la professeure. Ce qui m'inquiète un peu, au fond). Nous nous installons à une table où nos noms sont déjà inscrits. Un chevalet annonce que François Bégaudeau est attendu face à moi. Tandis que nous devisons tous trois puis que commencent les discours, une dame aux cheveux blancs vient s'asseoir là. Je renonce à serrer la main de la dame en m'exclamant « salut François » et finis mon assiette de légumes. Le célèbre auteur de l'oubliable Entre les murs n'apparaîtra pas.
Déplacement automobile jusqu'au collège, une salle avec grande figure de la vierge ; nous y sommes ; les enfants arrivent. Ce sont les 4ème, les classes fushia, beige et vert, redécoupées en deux groupes pour l'occasion. « L'Affaire des Vivants » aux mains d'élèves de 4e, d'un collège privé qui plus est ? Oui, le choix s'est fait au cours d'une réunion, il fallait faire vite. Mes hôtesses sont un peu désolées. Je suppose qu'après lecture, les yeux écarquillés d'effroi, elles ont tenté de limiter les dégâts. Les enfants sont sages, ils lèvent le doigt pour énoncer les questions écrites sur des feuilles qu'ils tiennent fébrilement. Une question, je commence à répondre, une forêt de doigts se lève aussitôt. J'explique que je suis du genre à développer mes réponses et qu'il leur faudra subir ma logorrhée jusqu'à la lie avant d'envisager de poursuivre la liste sur laquelle leurs regards sont arrimés. Je les comprends : s'ils lèvent les yeux, ils ont le choix entre un barbu à bretelles et une grande vierge en faux vitrail.
Deux séances d'une heure se succèdent ainsi, avec les mêmes questions (les mêmes réponses ou pas loin), les mêmes enfants sages, très sages, pas du genre à provoquer une monumentale bataille de polochons comme leur aïeul, enfin je ne sais pas. Les enfants demandent : « Etiez-vous un bon élève ? », je réponds immédiatement « Une autre question ? », ce qui les laisse de marbre. Je remonte une bretelle qui glisse.
La documentaliste me dépose vers le centre. Je trouve facilement mon stand où les libraires de Lune et l'autre m'attendent, avec la suite de mes aventures. -
Dans l'Huma
Je ne me permettrais pas de le faire autrement, mais il se trouve que ce superbe article de Jean-Claude Lebrun n'est pas paru, pour cause de grève dans la presse, pile ce jour-là. On me dit qu'il n'y a aucune chance pour que le papier soir re-publié. Je le mets donc en ligne. Sinon, vraiment, ce serait gâcher.
Lire donc L'épopée industrielle, par Jean-Claude Lebrun, dans l'Humanité du 17 octobre.
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Sur les rails
Un résumé de la belle rencontre au Tramway, à Lyon, voulue et organisée par Laurent Cachard, écrivain et néanmoins ami, dont je suis actuellement en train de lire le dernier opus, en avant-avant-première. Et ça se passe très bien.
Il existe un enregistrement de la rencontre du 16 octobre mais il était trop lourd pour une mise en ligne. Je peux l'adresser à qui voudra, il suffit de m'en faire la demande en commentaire de ce billet ou par mail pour ceux qui ont mon contact.
Merci aux libraires du Tramway et à Laurent de cet accueil exceptionnel. Soirée parfaite. Un moment de bonheur. L'occasion aussi de rencontrer les nombreux amis de Laurent (assez nombreux pour faire l'essentiel du public), de voir ainsi se confirmer l'aura de bienveillance du bonhomme.
Vraiment, si toutes les rencontres étaient de cette qualité...
(La photo est d'Olivier Rocken, un ami de Laurent, justement. Avec mes remerciements)
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En attendant
Godot chante généralement en Anglais. Godot est extrêmement talentueux, Godot est un bosseur infatigable, et c'est la moindre de ses qualités. En ce moment-même, Godot s'empare d'une série de textes dont Kronix a dévoilé quelques extraits. Godot mitonne ce que je serais tenté d'appeler un bijou, une perle, une merveille. L'élaboration d'un album est un long long voyage, un périple, une odyssée. Un autre partenaire rejoint l'aventure et va apporter la magie de ses images. Au terme de tout ça, je suis très confiant, je suis sûr qu'on va vous épater. Vous l'avez compris, Voir Grandir sera le beau projet de 2015, après Pasiphaé et avant Les Nefs de Pangée, autant de façon pour moi d'aborder l'écriture, et de rencontrer des gens de qualité. Je vous tiens au courant, bien sûr, d'ici la fin de l'année je pense, un site dédié vous contera les escales de cette grande traversée.
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A Saint-Etienne
Un point pour information de mes présences et absences pendant les trois jours de la Fête.
Je suis accueilli sur le stand de la librairie LUNE ET L'AUTRE
Elle se situe sous la Grande Librairie, Place de l'Hôtel de Ville. C'est le STAND G4
On m'y verra peu VENDREDI 17 OCTOBRE, puisque j'arrive en fin de matinée et interviens en milieu scolaire en début d'après-midi, mais je serai de retour sur le stand vers 17 heures.
SAMEDI 18 octobre, si je ne suis pas sur le stand, vous pourrez me retrouver Salle Lamberton, à l'Hôtel de Ville de Saint-Etienne pour une rencontre intitulée : De quelques auteurs rhône-alpins, de 11h30 à 12h30. Et devinez avec qui je partage ce beau moment ? Avec Alexis Jenni, les amis, ce qui va me permettre de lui dire mon admiration pour "L'Art français de la guerre", enfin en théorie, parce que ma timidité va sûrement me réduire à lui dire bonjour, ça va ?
DIMANCHE 19 OCTOBRE, je m'échapperai un temps de la librairie (où un service d'ordre est prévu pour canaliser la foule) et me rendrai Kiosque Massenet, Place Jean Jaurès, pour une interview de France Bleu Saint-Étienne Loire, de 12h à 12h30. Avec moi, l'écrivaine Béatrice Tracol.Ensuite, de 14h30 à 16h ce même dimanche, je me joins à d'autres auteurs, dont Janine Boissard, pour discuter, débattre, rêver autour du thème "L'esprit des lieux". Ce sera Salle Aristide Briand, à l'Hôtel de Ville.
A part ces exercices de pure auto satisfaction, je vous attends sur le stand de la librairie Lune et l'autre, qui a défendu mon livre comme un de ses coups de cœur de la rentrée.
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Frères humains
Ce texte archi-célèbre, qu'il faut veiller à transmettre, toujours. La ballade des pendus, ou "L'Epitaphe", c'est de François Villon, ça n'a que cinq siècles après tout.
Cette monodie désespérée n'a rien à voir, bien entendu, avec le bonheur d'être reçu ce soir à la librairie du Tramway, à Lyon, et d'être cuisiné par mon ami et néanmoins passionnant auteur, Laurent Cachard. C'est à partir de 19 heures. Entrée et sortie sont libres.
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Demain, à 19 heures
Grâce à l'ami Laurent Cachard qui, de son côté sort en ce moment une trilogie théâtrale incontournable pour parler de l'absurdité délétère du milieu du travail, j'ai le grand honneur d'être invité dans sa librairie préférée.
C'est jeudi 16 octobre, l'entrée est libre, comme la sortie. Il y aura des petits fours et de la musique, Laurent et moi prévoyons de faire en sorte de ne pas vous ennuyer, au contraire. Aucune raison de ne pas venir, donc.
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Le 11
Il y a six mois, je déposai sur le bureau de mes supérieurs les clés de mon travail et partis. Six mois déjà. Je savais, nous savions ma douce et moi, que tout cela passerait très vite. Plus que deux ans et six mois à présent pour consolider mon entrée dans le milieu littéraire, pour produire encore et trouver de quoi survivre. Je savais, nous savions que ça irait vite mais là, c'est le passage de la foudre. Qui laisse abasourdi et interroge sur la réalité de ce qui vient de se produire. Et cela risque de se résumer à ça, au terme des trois ans : Nous étions heureux ? C'était bien ? C'était quand ? C'est fini ?
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Voir Grandir
On n'évite pas les ombres, quand le soleil est bas, on n'évite pas les ténèbres des gouffres. Y'a pas que des saillies, il y a des abysses, de mauvais précipices. Des fois ça grouille et tu es pris de doute. Est-ce bien là que je vis, à ça qu'on me destine ? Des fois, le soleil est plus fort et l'ombre plus opaque. Alors mon doux péril, ma ressemblance, le froid t'enveloppe, alors la peur applique sur ta nuque la mouillure de ses lèvres. Ce n'est pas que l'on soit mauvais. C'est qu'on est bête. C'est que la clarté sur nos têtes allonge sur la terre de noirs épouvantails. Et pour quelques uns, les silhouettes étendues sont un désir de cadavre. Il faudra faire avec. Les ombres t'accompagnent, elles font des grimaces qui ne te ressemblent pas. C'est pourtant toi, petit, crois-moi, c'est pourtant nous, tout aussi bien. Il faudra faire avec.
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Aurélia et le cerisier
Un rendez-vous réussi, c'est rassurant, cela donne à croire qu'on peut parfois contrôler la vie, lui faire les cadeaux promis, tels qu'imaginés longtemps avant. C'était sous le cerisier, c'était tout à l'heure, et c'était comme prévu, un verre de blanc frais à la main, avec le soleil pour compagnon. Il s'agissait de préparer la rencontre du 16 octobre, au Tramway à Lyon. Une idée de Laurent Cachard, m'invitant dans sa librairie préférée. Une bonne idée, donc.
Forcément, tandis que Laurent, venu expressément chez nous pour cette raison (et grand merci à lui), évoquait les questions qu'il poserait et que j'esquissais les réponses qu'elles m'inspiraient, nous échangions des réflexions parallèles et complices, et réalisions cette évidence : les mêmes contraintes romanesques et historiques placent les auteurs face aux mêmes interrogations. C'est que Laurent, dans le même temps, pense à son travail actuel sur Aurélia, qu'il achève en ce moment-même. Ce que lui dis de mon « Affaire », du processus qui a présidé à son écriture, fait écho aux problèmes qui fondent son actualité scripturale.
Des livres certainement très différents, deux univers, et un impeccable renvoi d'expériences. La rencontre d'aujourd'hui était très belle, elle augure d'une belle soirée, le 16. -
Les bienveillants
Sous la plume de Nicolas Blondeau, et en attendant le 16 octobre, au Tramway avec Laurent Cachard, les Lyonnais s'intéressent à mon dernier roman.
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Bomber le torse
Bon, après le coup de blues de l'autre jour à l'issue des Mots Doubs, les désillusions de certains partenaires (et d'autres petites choses, mais passons), ces tout derniers jours ont été une suite de retours rassérénant. Des personnes que je connais ou pas, des mails, des lettres ou des témoignages, des mots venus de libraires, qui assurent que "L'Affaire des Vivants" s'accroche, prend ses marques, existe parmi le grand Tohu-Bohu de la rentrée littéraire et qu'il "sera un vrai livre de fond, sans grosse médiatisation, mais qui survivra,(...) et qui par le bouche à oreille sera un succès de librairie...et de cœur!". En fait, selon mon éditeur, il y a les libraires qui l'ont lu et le défendent, et les autres.
Je vous livre ce témoignage d'une amie, du genre qui allège les doutes et permet tout de même d'y croire : "Je suis allée commander le dernier livre auprès de ma petite librairie ..., inutile de commander m'a-t-elle dit, ils sont en rayons, ils s'arrachent, ce n'est pas par un que je commande mais par 25 ! (Là, j'ai des doutes). Devant tout le monde, elle a parlé de son coup de cœur, de la belle langue. Une cliente a acheté juste après moi. (...) J'étais un peu abasourdie, et contente, elle ne me connait pas et je ne lui ai pas dit que je te connaissais, ainsi c'est spontané..."
Bon, bon bon... Il y a donc de la place pour autre chose que les nouvelles délayées et inconsistantes.
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Persiste et signe
Cet après-midi, je suis au Carnet à Spirale, belle librairie installée dans ses nouveaux locaux, place de la Bouverie, à Charlieu. J'y dédicace de 15 h à 18h mon nouveau roman « L'Affaire des vivants ».
A 17h30, France Bleu Loire consacre une émission sur ce livre, désigné par Isabelle Rabineau et Lucas Rodriguez comme « précédé par la rumeur des libraires qui aiment ce livre, c'est un phénomène de la rentrée littéraire ». Si la technique suit, on pourra écouter l'émission dans la librairie, en direct. -
Au Mots Doubs, le temps dure - 2
Le lendemain, je reprends mon poste de travail. Je salue gentiment le staff de vendeuses qui ne me propose toujours pas de café mais ce n'est pas grave. Bougel apparaît, me demande ce que je suis devenu, hier, il m'a cherché partout entre les plateaux de toasts, a vérifié sous les tables, pas de Chavassieux. Je lui explique sinon mon agacement, en tout cas, ma préférence pour les pizzerias exilées. Bougel s'étonne que je sois peut-être moins mondain que lui, ce qui serait remarquable.
Une femme s'arrête devant ma table, demande si j'ai « des romans d'amour » ; je ne m'attarde pas à lui dire que, peut-être, tous les romans sont des romans d'amour et la dirige vers mon voisin de gauche, dont le livre peut entrer dans cette catégorie. Le garçon se fend d'un début de pitch mais la dame l'interrompt après cinq secondes : « ça ne me plaira pas » et tourne les talons brusquement. Nous éclatons de rire. Un moment complice.
Au téléphone, comme la veille, ma douce se désole pour moi. Je considère surtout ce précieux week-end, autant de temps d'écriture, jeté aux orties.
Et puis, comme je m'obstine à griffonner sur mon calepin, s'approche une jeune femme. Elle m'annonce d'emblée qu'elle a crevé son budget aujourd'hui et qu'elle ne pourra pas acheter mon livre, mais que me voir écrire à la main l'a touchée. Je la rassure sur le fait qu'aujourd'hui pas plus qu'hier, il ne m'est paru urgent de vendre mes livres. Nous entamons un échange qui va ensoleiller ma journée. Les réponses que je fais à ses questions, ce que je lui dis de l'écriture, de mes choix de vie, les mots que je mets derrière le titre de mon livre, tout cela la bouleverse, et elle fond en larmes. Je crois que je ne suis pas loin d'être aussi bouleversé qu'elle. Elle décide finalement d'aggraver son dépassement de budget et achète deux livres, que je lui dédie avec une sincère émotion. L'un est pour un oncle et sur l'autre, j'ose déclarer que sa venue a expliqué la mienne, et que j'ai bien fait de venir. C’est un peu mélo mais le contexte, la beauté de ce partage, peuvent pardonner cet élan. La jeune femme repart, mes voisins sont silencieux, ils ont assisté à l'échange et sont remués eux aussi.
Je note dans mon calepin que je pense à ceux que j'aime, à cet instant.
Après le repas, je traîne pieds nus dans la pelouse du parc, le long du Doubs aux eaux transparentes. J'aime ce contact, je m'y livre dès que je peux, où que je sois. Je m'allonge dans l'herbe. Des nuages d'orage accumulent leur masse sur la moitié du ciel. La rencontre de tout à l'heure m'a rasséréné. Sur le stand, mon rentable voisin est parti. Je fais un sondage dans son ouvrage. Ma brève lecture est une confirmation. L'orage crève, la pluie gronde sur le toit de toile, le chapiteau fait chambre d'écho. L'effet hypnotique que produit sur une personne assise, la noria des visiteurs, est décuplée par le grondement qui enveloppe les lieux. Je flotte dans un éther blanc, coloré de silhouettes qui défilent.
Corinne Desies-Dalloz, la charmante libraire de la Nouvelle libraire de Poligny a fait le chemin (pour la deuxième fois, apprends-je) pour me rencontrer. Elle veut me recevoir en novembre (nous avons choisi le 12 de ce mois, ce sera la saint Christian et pourquoi pas), et nous discutons un peu. Ce qu'elle me dit de sa librairie et sa façon de la conduire m'évoque irrésistiblement celle de ma douce. Corinne sera reçue dans quelques heures par France Bleu pour parler de « L'Affaire des Vivants » avec mon éditeur, Lionel Besnier, revenu expressément dans ce but. Lorsqu'ils seront au micro tous les deux, je serai dans le train. J'aime bien l'idée qu'un livre soit « défendu » autrement que par son auteur, qui n'est pas forcément le plus légitime pour ce faire.
Sur le stand, Jeanne Labrune ne tient pas en place, je la vois sortir sans arrêt de son poste, marcher rapidement dans les allées puis revenir derrière ses livres.
Une maman approche, tenant sa fillette devant elle. « Elle voudrait vous poser une question ». La petite qui doit avoir dix ans, prononce timidement une phrase que je ne saisis pas dans le brouhaha. Sa mère traduit : « Elle veut écrire un roman et elle aimerait avoir des conseils ». Pourquoi est-elle venue s'adresser à moi ? Je dois être le seul auteur désœuvré, je suppose. « Est-ce que vous travaillez tous les jours ? » je lui dis que oui, justement, pour écrire un roman, c'est la formule que j'ai choisie. « Mais même si tu n'écris pas, mets-toi au travail quotidiennement, ne serait-ce que pour relire ce que tu as écrit la veille, avec un esprit critique. Interroge chaque ligne, chaque mot que tu as écrit. » Après quelques conseils du même tonneau « fais lire ton travail, sois humble, accepte les critiques, enrichis ton vocabulaire, enlève les doigts de ton nez », ponctués d'encouragements, j'énonce un principe fort répandu : « Et surtout, lis, lis beaucoup. » Ce qui me vaut les remerciements de l'auteur-éditeur-agent littéraire à côté de moi, qui voit constamment s'adresser à lui de jeunes écrivains qui écarquillent les yeux quand il ose leur demander ce qu'ils lisent, ce qu'ils aiment lire, quel livre ils ont lu récemment. « Lire, pourquoi faire ? »
Oui. -
Aux Mots Doubs, le temps dure - 1
Je suis à Besançon, au festival des Mots Doubs, devenue une institution en 13 ans d'existence. Comme toutes les fêtes du livre, c’est pour les auteurs l'occasion de montrer leur mufle aux passants qui n'en voient pas souvent et leur tâtent la croupe, les flattent, leur disent des gentillesses, s'étonnent de la taille de l'un, de l'âge de l'autre, qu'un tel soit encore vivant. L'occasion pour les visiteurs surtout, de voir en vrai les gens qu'ils ont vu à la télé. On y trouve aussi des écrivains et des lecteurs.
Je rends d'abord visite à mon pote Bougel, tout gracieux et souriant (si si), tellement un salon avec des vraies gens et des écrivains qui ne se prennent pas pour des génies incompris, le change des cercles poétiques qu'il pratique depuis trop longtemps.
Je prends ma place sur mon stand. Je suis entre, à ma gauche, un jeune auteur qui a commis un best-seller traduit en trente langues après avoir fait un stage pour apprendre à écrire un roman de 120 pages écrites en caractères 20 et, à ma droite, un malicieux et paisible auteur, éditeur et agent littéraire (la première fois que j'en rencontre un), tous gens de bonne compagnie par ailleurs.
Je vois assez vite que j'aurai du temps devant moi et entame le synopsis d'une BD sur les pirates, demandé par un copain.
A ma gauche, le futur Marc Lévy livre à ses lectrices une combinaison de platitudes qu'elles reçoivent en gloussant et en achetant. A ma droite, le malicieux auteur-éditeur-agent littéraire me glisse sa carte.
Les piles de mes bouquins, devant moi, font sur la foule le même effet que la proue des brise-glace sur la banquise : elles semblent la partager régulièrement en deux, un flot se dirigeant à babord vers le type qui a produit un livre « qui fait du bien » et un flot vers tribord et les productions décentes de mon voisin.
L'après-midi passe plus lentement que les badauds. Parfois, un visiteur bloqué dans la foule soulève un de mes bouquins pour se donner une contenance, puis reprend le fil de sa promenade. Inconsciemment ou pas, le staff de vendeuses ne propose un café qu'aux écrivains qui vendent. Pour me remonter le moral, je lis les lettres d'Alice Ferney et de Christian Degoutte, qui sont agrafées dans le calepin sur lequel, après le synopsis de mon histoire de pirates, j'écris quelques vers de « Voir Grandir », production future en collaboration avec Jérôme Bodon-Clair.
En fin d'après-midi, mon éditeur vient me voir. Il habite dans la région, a eu la gentillesse de sacrifier son temps familial pour venir voir son auteur, non plus grincheux, mais assez déprimé. L'occasion de mieux se connaître, de parler de son parcours. Je me vois confirmer l'impression première que j'ai la chance d'être tombé sur un type bien.
Sur le stand retrouvé, une dame qui fait partie d'un comité de lecture m'annonce que je fais partie de la sélection du Goncourt des Lycéens. Devant ma surprise, elle s'excuse en bredouillant qu'elle a dû me confondre avec quelqu'un d'autre. Je reviens à mon calepin où je griffonne des lames de couteaux et des viscères qui pendouillent.
Le soir tombe enfin sur mes piles, absolument intègres. Je découvre mon hôtel, à 5 minutes à pied. Dans l'ascenseur, la voix féminine qui signale les étages est tellement torride qu'on cherche une serrure, un bout de moquette épaisse, un mouchoir, n'importe quoi pour vite se soulager.
Tout le monde est invité à manger le soir au « restaurant des auteurs ». Docile, je m'y rends. C'est un pince-fesses avec Crémant et petits fours. Autour de moi, j'entends évoquer des succès de signatures impressionnants. Je saisis une coupe et me rencogne près d'un plateau apparemment négligé par la foule, grégarisée au centre du dispositif. Peut-être que quelqu'un a éternué sur le plateau, avant que j'arrive ? M'en fous, je meuble ma mauvaise humeur en raflant la moitié des toasts. Il y a de la viande, tant pis, rien n'a de sens, pas plus le fait de se casser le cul à peaufiner la moindre virgule d'un roman de 300 pages, que de tenir à rester végétarien. Le repas n'est toujours pas servi, je décide de partir.
La marche est agréable dans la douceur des rues. J'avise une pizzeria qui n'a jamais entendu parler de l'Italie. Je m'installe dans une pénombre à peine désorganisée par des taches de lumière bleue, verte et rose. Tandis que le cuisinier s'active derrière une vitre, en retrait de la salle déserte, je regarde fixement le mur décoré façon Tahiti, en face de moi. Une chanson pop, diffusée par un ordinateur, devient dans le contexte, un magnifique cantique élégiaque discourant de la fin du monde et de la vanité des entreprises humaines. Le cuisinier apporte la pizza. Surprise : elle est merveilleusement bonne, et accompagnée d'une sauce-maison préparée avec amour. En voilà un qui doit se demander comment, malgré tout le soin qu'il met à travailler ses énormes pizzas, les gens peuvent leur préférer des surgelés insipides.