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rencontres avec des gens biens - Page 21

  • Entre nous

    Im01.jpgPar la sculpture, Catherine Chanteloube a choisi de construire un monde poétique et accueillant, tendre pour le visiteur. Elle utilise pour ce faire le matériau qui nous côtoie au quotidien de la façon la plus intime, le tissu. Le tissu, qui nous entoure de si près d’habitude, au point qu’on l’oublie, comme une peau, une mue aléatoire (ôtée puis reprise), se détache, s’élève, se structure et s’exhibe, se montre pour lui-même. Il devient un environnement dans quoi l’on voyage. Entre nous, Catherine sculpte des sémaphores, des madrépores, des coraux et des futaies vibrantes, et des voiles de nefs, prêtes à toutes les partances. Entre nous soit dit, le travail de Catherine Chanteloube nous dit « Entre ta peau et la peau de l'autre, entrons ». Entrons, nous : toi et moi. Entre l'air et nous, l'air de rien, le tissu s'étend. Et entre les tissus, par conséquent, c'est nous qui étendons nos gestes et nos places. Le tissu nous sépare, le tissu nous aimante. Par le vêtement, le tissu est notre langue commune. Notre langue à tous, humains, qui entrons dans le cercle des farandoles orchestrées par l'artiste.

    Entre Nous. Exposition Catherine Chanteloube. Couvent des Cordeliers, St-Nizier/Charlieu jusqu’au 31 août, tous les jours sauf le lundi 10h/12h30 et 14h/18h 19 h 04 77 60 07 42 Résidence : présence de l'artiste le 24 août de 14 h à 18 h.

     

    NB : ce texte est une commande ce l'artiste, pour présenter l'exposition. L'image qui illustre ce billet est celle d'une autre exposition de l'artiste, en un autre lieu.

  • Juste à temps

    Nous lui confions notre manière de vivre, le pain que je fais, les lectures que nous nous faisons l'un à l'autre, nos alanguissements en bord de Loire. Elle éclate de rire : « Mais c'est le XIXe siècle ! » Il me semble pourtant que nous sommes parfaitement modernes, voire un peu en avance.

  • Note sur "Mausolées"

    Une note de Marielle Gillard, responsable de la Médiathèque de Gilly (bon, d'accord, aussi quelqu'un de généralement bienveillant à l'égard de mon travail, mais enfin qui n'est pas du genre à faire des courbettes pour autant), sur Mausolées:

    Nous sommes en Europe, après « les conflits » en lutte contre les mafias et où un tiers de l’humanité a disparu. A quelle époque ? Libre au lecteur, selon son optimisme, à situer l’histoire dans ce siècle ou non. Léo Kargo, jeune écrivain, débarque à Sargonne, commune libre de cette Europe ralliée, sur la demande du richissime et controversé Pavel Adenito Khan, grand héros nés des conflits. La mission de Léo Kargo, dont il s’étonne lui-même : s’occuper de l’immense collection de livres de l’une des dernières bibliothèques au monde. Monde où l’on reproche aux livres de trahir et la littérature de ne servir à rien. Monde où les enfants sont en voie de disparition et où beaucoup d’adultes ont contacté la maladie des conflits, un vieillissement prématuré. Léo comprend vite que sa mission ne doit rien au hasard, au fil de ses rencontres improbables : un veilleur de nuit coprolalique, des femmes envoutantes, un expert et conseiller intrigant, une énigmatique créature mi-femme-mi-machine …

    Roman de science-fiction ? Polar ? Roman d’aventure ? Roman hors genre ? Hors normes ? Je me risque malgré tout, sans vouloir l’enfermer, à le nommer roman épique. Parce qu’au-delà de l’histoire à rebondissements qui nous emmène jusqu’à nous perdre, ce roman a une dimension fondatrice essentielle. « miroir de notre époque troublée » nous dit la quatrième de couverture ; nous pourrions ajouter « miroir de nous-mêmes » : Le lecteur, pris au piège, pourrait faire partie intégrante de la galerie de personnages qui peuplent ce roman… Personnages nés du chaos, monolithiques ou thérianthropes, impressionnants ou troublants, prisonniers de leurs corps, effrayants ou magnifiques, aux noms qui convoquent notre imaginaire et nos sens …Tous sont décrits avec minutie, sauf Léo Kargo, reliés à chacun d’eux, personnage fil rouge, fil d’Ariane, fil de l’histoire, fil tendu entre les siècles au hasard de ses découvertes livresques…Tissage méticuleux, allégorie de ce que pourrait être une bibliothèque idéale.

    « Mausolées » est un roman gigogne, labyrinthique, où la vérité, le bien, le mal s’opacifient au rythmes des trahisons, des morts impromptues…leurres et

    illusions font le terreau de l’histoire et on a hâte de découvrir le dénouement… de découvrir la vérité, tangible . Mais existe-t-elle ?

    Roman visionnaire dont la lecture nous glace ou nous révolte, nous interroge et nous préviens d’un possible : le chaos. La date charnière de « mai …16 » , la paralysie du monde suite à un virus informatique, arme de guerre, la barbarie qu’elle engendre , fait froid dans le dos …

    Roman graphique où l’esthétique architecturale s’accorde avec l’histoire, les personnages : dédales baroques où l’on se perd. Rues sans issues, cours des miracles, bâtiments mégalomanes. Fac-similés. Bibliothèque, lieu refuge ou de perdition. Architecture vivante : ressort poétique du récit.

    Roman mathématique, aux équations insolubles : intelligence, barbarie, culture, médiocrité, humanisme… Doubles jeux, sur l’échiquier du « palais des fous » et des relations humaines…

    Roman sensuel, où les corps se jaugent, se mêlent, appellent à la vie.

    Roman mythologique qui convoque le minotaure, Ariane, Ulysse, et Europe. L’auteur, familier des mythes, doit s’être délecté…

    Roman philosophique qui questionne notre rapport au temps, notre place dans le monde, notre légitimité de démiurge face à la science, et où la quête du « sens » (livres, littérature, existence) est obsessionnelle ; On pense à Camus, Sisyphe et la phrase sibylline du « pont de Ran Mositar » de Franck Pavloff : « le monde est illisible ».

    Enfin, comme une échappée possible pour nous lecteurs, une mise à distance, ce roman emprunte au théâtre ses coups, ses actes, ses monologues, ses apartés, son quatrième mur et le rideau qui tombe à la fin. Mais l’auteur n’entendra pas nos applaudissements muets, car nos bras, comme ceux de lilith, femme tronc, nous seront tombés…

    Un roman riche, puissant, d’une grande maitrise, indispensable mausolée de nos certitudes : Et si c’était ça la littérature ?

  • Languide du routard

    D'aussi loin qu'il parte, aussi loin qu'il aille, le voyageur ne rencontre jamais que deux catégories d'individus : d'autres voyageurs, qui ne lui apprennent rien, et des gens immobiles, restés fixés à leur terre, et qui lui disent ce que son voisin aurait pu lui confier.

     

  • Bougel en chasse-patate

    Chaque année désormais, l'équipe de la médiathèque de Gilly-sur-Isère me laisse carte blanche pour inviter un auteur. En 2013, Laurent Cachard avait essuyé (fort bien) les plâtres. Pour 2014, ma première idée était de présenter des éditeurs, car les rencontres public/éditeurs sont rares en médiathèque, tandis que les venues d'auteurs sont (presque) monnaie courante. J'avais imaginé présenter le beau travail de deux maisons de la région grenobloise : La petite fabrique et Pré#carré. La première ne pouvait pas se libérer à cette période. Focus, donc, sur Pré#Carré (ne pas oublier le dièse, qui forme, dit son fondateur Hervé Bougel, un carré qui se prolonge). Entre-temps, Hervé Bougel a le bonheur d'être édité à La Table Ronde, prestigieuse maison qui fait partie de la non moins prestigieuse maison Gallimard, et nous avons donc choisi de nous attarder davantage sur l'auteur que sur l'éditeur.
    Rappelons tout de même que Pré#Carré est née il y a plus de dix-sept ans, Hervé Bougel reprenant le flambeau laissé par Roland Tixier, poète et éditeur également, fondateur d'un mythique Pré de l'Âge dont Bougel fut le dernier auteur publié, justement. Depuis, Pré#Carré fonctionne principalement sur abonnement et produit quatre fois l'an un de ces précieux recueils aux couvertures somptueuses, réceptacles d'une poésie souvent débarrassée des séductions et effets propres au genre (« on va pouvoir dire 'il neige', quand il neige » dit l'un des auteurs, ce qui résume bien l'intention). Mais c'est donc plutôt l'auteur que le public de Gilly a écouté vendredi soir. Après un rappel de ses ouvrages précédents, dont je ne connaissais que les derniers sortis : « Travails » et « Les Pommarins », Nous avons pu évoquer ensemble « Tombeau pour Luis Ocaña », tout juste sorti ce mois-ci. Le récit en 71 chapitres courts (71 comme 1971, l'année de la chute, puisqu'il s'agit du récit d'une chute) de la vie du champion cycliste. Bougel a choisi de saisir « L'Espagnol » au dernier jour de sa vie, en 1994, dans ses vignes, un flingue à la main. De lui faire raconter enfance, épreuves, triomphes et chute, depuis ce moment et à la première personne. Point épineux, ce choix de la première personne. Gonflé. Il a fallu des années de réflexion à l'auteur pour tourner autour de l'idée et finir par décider que c'était la seule solution. Une décision logique car Hervé Bougel admet que, finalement, ce Tombeau est son livre le plus personnel et que, d'une certaine manière, il entre pleinement dans un projet autobiographique mis en chantier depuis peut-être « Osram Osram » et de plus en plus évident avec les ouvrages précédents, dont je parlais plus haut.
    Bougel sait de quoi il parle. Cycliste lui-même, la montée d'un col a inscrit dans sa chair, définitivement, ce qu'il y a de souffrance et de dépassement de soi dans l'épreuve, et rend sèche et vraie l'évocation de la dureté de la route, des poings fermés sur le guidon, le goût du sang. Il n'est pas nécessaire de connaître ce sport pour apprécier ce livre, j'en témoigne, et le récit est celui d'un homme autant que d'un champion. D'un homme, fils de l'homme, héritier d'un sang, d'une fierté, d'un orgueil, arrogante. Un homme marqué par le destin, décidé très tôt à la vue d'une de ces magnifiques machines, émerveillement de l'enfance, avec laquelle il fera corps et qui, abandonnée un jour, laissera une chair sans vraie colonne, démunie de ce qui le faisait se tenir fier.
    A Gilly, le Théâtre du Sycomore a entonné avec conviction et à deux voix les mots venus du Tombeau, paroles de spectre toujours incarné, orgueil encore une fois, regrets, pardon... Lecture émouvante qui ôtera les mots des lèvres de leur auteur ce qui, de son propre aveu, est exceptionnel.

    La rencontre à Gilly se clôt toujours par un repas convivial entre participants. Il faut tout de même que je précise le joli prologue que Marielle, responsable de la Médiathèque, avait imaginé : déçue (comme moi), de l'absence de Mausolées dans la dernière sélection Lettres frontière, elle m'avait préparé une petite surprise. Je peux me vanter d'être le seul auteur lauréat du pris « Pomme », « le fruit le plus populaire à la chair élégante », dans l'idée qu'il me porte chance « sur le long et laborieux chemin de l'écriture ». Si je n'ai pas d'autres pépins, ma foi, c'est tout le bien que je nous souhaite. Le prix était concrétisé par une très jolie pomme découpée dans des pages balzaciennes et trône actuellement sur une étagère de la bibliothèque du bureau. Merci à celle qui l'a réalisé. Je suis très touché (et conscient du privilège).
    Je publierai dans les jours qui viennent le ressenti de Marielle sur Mausolées.

    Le titre de cette chronique est inspiré d'une revue publiée par Pré#Carré, dont le nom est une expression du milieu cycliste. Se trouver "en chasse-patate", c'est être trop loin derrière les premiers pour les rattraper et trop loin devant le peloton pour bénéficier de son élan. Isolé ainsi, le cycliste prend tout le vent, rame et rumine. La destinée du poète ?

  • Retour à Gilly

    J'arrive un peu tard pour en parler (un retard qui ne doit rien à la SNCF, mais à une invitation supplémentaire que j'ai voulu honorer), mais demain, je publierai un aperçu de la soirée du 20 juin, à la Médiathèque de Gilly-sur-Isère. C'était, comme d'habitude, chaleureux et authentique, et Hervé Bougel a été impeccable.

  • Carte blanche

    Ce soir, à partir de 18h30, vous êtes cordialement invités à nous rejoindre pour une soirée riche en événements, avec : la présentation des 10 heureux élus de la 21e sélection Lettres Frontière, la séance de rattrapage sur Mausolées, qui n'a pas franchi la barre ultime mais tant pis, et la venue en chair et en voix d'Hervé Bougel, éditeur (le Pré#Carré éditions) et auteur (pour son dernier ouvrage « Tombeau pour Luis Ocana »). C'est à la Médiathèque de Gilly-sur-Isère que ça se passe et tout cela en excellente compagnie, je vous assure.

  • Un peu d'autosatisfaction

    Lucifer-Elegie.JPGC'était la jolie surprise de l'an dernier, quand Jackie Platevoet, responsable des éditions Sang d'Encre et poète elle-même, me demanda si j'avais des textes pour elle. C'est toujours une grande émotion d'être voulu, sollicité, apprécié au point qu'on veuille des textes de vous. Au cadeau initial, s'ajouta celui de la participation de Corie Bizouard. L'artiste ne s'est pas contentée de sortir quelques images de ses fonds de tiroir (nous sommes dans une économie de la petite édition, et c'est tout ce que Jackie pouvait oser proposer), mais elle a pris les sujets à bras le corps, a élaboré une belle série de dessins et peintures, expressément dédiés à « Lucifer Elégie » et à « Nos Futurs », pour cette belle édition. Beau papier, format agréable, jolie mise en pages, typographie classieuse, reproductions de bonne qualité.
    Voilà, c'est arrivé, c'est là, et c'est un fleuron supplémentaire dans mon parcours. Je suis très heureux.

    Sauf incident, un petit événement (exposition, musique, lecture) aura lieu à la Médiathèque de Roanne en septembre pour présenter cet opus. Je vous tiens au courant, bien sûr.

  • Faire le métier

    TombeaupourLuisOcana.jpgIl y a 20 ans, le champion cycliste Luis Ocaña se donnait la mort. Je dois avouer que je n'en ai rien su, car je me tenais à l'écart (à l'époque et encore aujourd'hui) de tout ce qui peut ressembler à un vélo. Comme dirait l'homme qui choisit sa fin au milieu de ses vignes, « j'en demande le pardon ». En tout cas, grâce à Hervé Bougel, le champion espagnol revient au jour, cara el sol, marche un peu sous le ciel de Caupenne-d'Armagnac, médite et remâche triomphes et chutes à la première personne.
    Un Tombeau est un hommage. Voici un bel hommage, « or-ga-ni-sé » en 71 courts chapitres, clé mathématique qui se réfère à l'année de la chute du champion dans un fossé de boue noire, sous un orage d'apocalypse, chute qui l'empêcha de gagner le Tour de France cette année-là. Il gagna celui de 1973, ouf. Je suis rassuré. Beaucoup plus tard, Luis dépose le vélo, sort les pieds des cale-pieds, décroche le dossard, c’est fini, il n'en peut plus, il n'est plus champion depuis longtemps mais son corps a semble-t-il décidé d'arrêter la course. L'arme au poing, Luis contemple ses vignes, se revoit, enfant, découvrant un garçon sur une bicyclette d'un gris étincelant. Il est alors saisi par l'élégance et la souplesse du jeune coureur, et plus encore, ébloui par la beauté de sa monture. Un choc esthétique peut-il décider d'un destin ?
    Le petit bûcheron qui suit les traces de son père, échappé au franquisme, qui est tellement de son sang, pareillement dur au mal, devient un champion. Et, champion cycliste, courbe son corps comme la tilda qui couronne son N et arpente les routes de l'épreuve-reine de cette discipline : Le Tour de France. Un monstre l'attend, Merckx, le Belge, le monstre, le grand con, la bête à abattre. Du mépris pour cet adversaire de haut vol ? Probable qu'il en a eu, puisqu'il a donné son nom à son chien. Mais de cela, comme d'autres broutilles, Ocaña demandera le pardon en cet ultime jour de 1994.
    Le duel, les duels Merckx-Ocana, le Belge jamais nommé contre celui qui restera dans le cœur des foules, « L'Espagnol », donnent d'ailleurs le meilleur du livre, on sent la rage. Bougel excelle dans la description physique de la hargne. C'est un énervé, Hervé. La lutte est âpre, on s'observe par en dessous, roue à roue, dos raidi, tension du regard, tension des rayons, le paysage devient fluide, et le vent est cet élément « dans lequel il faut s'engager », Luis s'engage en course comme Hervé en poésie, c’est un combat aux poings, c'est comme ça qu'on le voit, qu'on le ressent, ça va saigner. Le routier Ocaña est à sa place, il « fait le métier » et on pourrait se dire que voilà l'obsession de cet auteur, le thème sur lequel il revient sans cesse, en O.S. qui peaufine l'ouvrage : le métier, la langue du labeur, le vocabulaire des corps coltinés au travail. Je remarque, je n'en suis pas sûr, mais il me semble bien, qu'il y a chez Hervé Bougel, un incessant désir (mais un effroi aussi, sans doute) du retour à l'atelier. Ce n'est pas que la moindre pièce ait un défaut, mais il n'a de cesse de réviser l'ouvrage, en maniaque.


    Nous tenterons d'éclaircir ce point, et d'autres, d'évoquer le parcours de cet écrivain singulier, de son travail d'éditeur, le vendredi 20 juin à partir de 18h30, à la Médiathèque de Gilly-sur-Isère, dans le cadre des « cartes blanches » dont cet établissement m'honore depuis maintenant trois ans.


    Tombeau pour Luis Ocaña, Hervé Bougel, La table Ronde, 100 pages (à peu près, riche idée de ne pas folioter, merci !), 12 euros.

  • En pleine chaleur

    Présentation Lucifer Elégie.jpgBondeCde_Lucifer Elégie.jpg

    Tandis que l'auteur s'amollit sous les feux de l'été, l'éditrice continue d'œuvrer, et comment la remercier ?

    Jackie Plaetevoet, auteure et éditrice (Sang d'Encre), vient de faire paraître une série de mes textes dans sa collection Opuscules. Il s'agit de deux textes réunis en un seul recueil : « Lucifer Elégie » et « Nos futurs ». Deux textes au propos et aux tonalités très éloignés voire antagonistes quoique parents, dont la genèse et la forme semblent si différentes qu'elles paraissent issues de deux auteurs. C’est le cas, d'une certaine façon : le premier a été écrit par le quadragénaire que je fus, le second par le quinqua que je suis.

    "Lucifer Elégie".

    Les grandes figures mythologiques m'ont toujours paru proches et touchantes, tangibles comme les membres de ma famille et mes amis. Je les sollicite souvent pour bénéficier du raccourci que permet leur caractère universel. « Lucifer Élégie » est une suite de confidences de la figure de Prométhée, confondue ici avec celle de Lucifer. Parce que, étymologiquement, Lucifer (lux, ferre) est le porteur de lumière, celui qui n'admet pas la décision injuste de(s) Dieu(x) d'abandonner l'humanité à son innocence. Lucifer et Prométhée sont des philanthropes. Mais une bonne action est toujours punie. Ces confidences sont émises depuis les lieux où le grand révolté est enterré, par volonté divine. Elles font écho bien sûr, aux colères enfouies chez chacun de nous par souci de conventions sociales, mais aussi aux regrets des défunts, quand il est trop tard pour exister. Ce sont des paroles de spectres.

    « Nos Futurs » est une série de variations autour de l'idée de lendemain, de futur, d'avenir, autour de la notion du temps. Un embryon de cette série de textes courts avait été initiée après une première collaboration avec Jérôme Bodon-Clair, compositeur de la musique du « Rire du Limule », justement. Tout se tient. Laissé en jachère, « Nos Futurs » a trouvé sa forme définitive grâce à l'élan donné par Sang d'Encre. Il me semblait que c'était le texte inédit le plus adapté pour accompagner « Lucifer Élégie ». Jackie a approuvé ce choix, par goût littéraire bien sûr, mais aussi parce que des passages font écho à certains aspects de sa vie.

    Aujourd'hui, ces deux textes rassemblés bénéficient du travail de l'artiste Corie Bizouard, qui les a illustrés (n'ayons pas peur de parler d'illustrations, me disait-elle), prolongeant les peurs et les ténèbres, révélant des images à peine esquissées entre les lignes, maniant un certain humour parfois. Des images d'une grande intelligence et d'une grande force graphique, car nées dans la puissance de la spontanéité. Les corps y apparaissent en creux dans la texture de l'encre noire ou en surfaces pleines, contours déchirés par la sécheresse d'une brosse (et essayez de répéter dix fois très vite cette dernière partie de phrase). Plusieurs dessins ont été faits à la peinture rouge, ils apportent des ruptures bienvenues. Corie a vraiment fait un travail de grande qualité, et c’est toujours intimidant, déstabilisant même, de se voir épauler par tant de talents.

    En vignette, la présentation et le bon de commande de la maison d'édition Sang d'encre.

    Le produit de la vente des livres par bon de commande revient intégralement à cette petite maison d'édition de la région lyonnaise.

    Merci de votre soutien et de faire suivre aux personnes susceptibles d'être intéressées par ce message.

    Bonne journée à tous.

  • ALIROULU 2-E4

    Dernière livraison du P'tit Lab, de l'ami Yohann Subrin, un Aliroulu qui évoque un livre dur, méchant, à part: Sida Mental, de Lionel Tran, chez Ego comme X.

     

    Ce n'est pas le billet du jour, c'est un bonus. Les billets sont postés paresseusement vers la fin de journée, à peu près.

  • Demain

    Ô le futur que je devine ! Ô la peur que je ressens au rappel de mes visions !
    Rétines éblouies par les marbres, échines raidies par la gloriole, danses muselées, fronts carrés levés, femmes et hommes abrutis par les bottes.

     

    Extrait de "Lucifer Elégie", à paraître en juin chez Sang d'Encre. Illustrations de Corie Bizouard.

  • Réversibilité

    Il était là, en spectateur discret, tandis que je me pliais pour la deuxième fois à l'exercice qui consiste, en moins de dix minutes, à donner envie à des libraires de s'intéresser à mon livre. Avec le secret espoir qu'une fois prochaine, cet exercice soit le sien. Je vous suggère un petit tour sur le blog de Laurent Cachard.

  • C'est pas tous les jours facile

    - Alors, comment ça va ?
    - Pas terrible, pas terrible. Je suis libre, je me consacre à l'écriture, à la lecture et aux promenades dans la campagne, il y a des hirondelles sous nos solives et un fleuve sauvage à cent mètres, je suis publié chez une belle maison où l'équipe est adorable, mes enfants sont en bonne santé et heureux, j'ai des amis remarquables, ma compagne m'adore, tu vois, c'est un peu la catastrophe, quoi. Enfin, je suis fort, je sais que je vais surmonter tout ça.

  • Cachard's Tour

    De retour de sa tournée triomphale à New-York, Laurent Cachard et ses musiciens se produiront ce 11 mai, à L'ATMO, à Lyon. Cachard, c'est littérature et musique parfaitement combinées. Entre spectacle musical, chanson, lecture et poésie, entre jubilation et recueillement, un équilibre étonnant, à découvrir. Il n'existe rien de comparable.

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  • Universel

    D’après l'idée d'un pote de toujours mais que je ne vois plus beaucoup, je réfléchis sérieusement à la création officielle (statuts, bureau et tout le bazar) d’une amicale des cons. L’Amicale des Cons rassemblerait tous ceux qui, sentant au fond de leur âme bouillir des élans de connerie irrépressible, se sentent sporadiquement frères des plus cons d’entre nous mais qui ignorent l’être. Le programme des activités irait de l’envoi de lettres de félicitations à nos édiles les plus méritants, à l’occasion de l’une ou l’autre connerie proférée en public, à une demande auprès de l’ONU, de reconnaître Monaco comme notre capitale. Capitale qui pourrait d’ailleurs varier en fonction de l’actualité. L’Amicale des Cons pourrait aussi distinguer, à titre honorifique bien entendu, certains acteurs de la vie publique, dans tous les domaines, car la connerie n’a pas de limites.

  • Pareil, bien au contraire

    La superbe chanson de Delpech, J'étais un ange, me touche, je ne l'écoute jamais sans émotion. Cette idée que nous étions ces innocents, gamins, et que l'âge nous a faits mesquins, lâches et égoïstes, est terrible et juste. Et puis, à la réflexion, je me dis : « pas du tout » si je considère le chemin parcouru. Ce demi-siècle d'expérience (on commence à se faire une idée à cet âge-là, je vous assure) me conduit à dire qu'au contraire, j'étais un petit merdeux égoïste et vindicatif, en guerre contre tout et tout le monde et que, maintenant, je suis en paix avec les autres, je suis plus généreux, je me suis amélioré. Et je suis sûr que, comme pour la chanson, tout le monde va se reconnaître dans ce portrait. Ou bien sommes-nous restés les mêmes, et tout est affaire de nuance et de moment.

  • Un tri dans la nuit

    Ce n'est pas qu'on ne croit plus à l'amour, mais c’est qu'on y a collé tellement de choses et surtout tellement n'importe quoi, qu'on finit par ne plus savoir de quoi l'on parle. C'est comme une bibliothèque monstrueuse où se côtoient le pire et le meilleur sous prétexte qu'il s'agit de livres. Va trouver de la littérature dans  ce fatras, toi.

  • Le dernier mot

    [Billet supprimé. Un effet de la solidarité que je dois à mon éditeur. Inutile d'alimenter une polémique qui, au fond, n'a pas d'intérêt]

  • Shakes pire

    Je signe à côté de Lisa Tuttle, célèbre écrivain écossaise dont je vous conseille « Les chambres inquiètes » recueil de nouvelles traduites par Nathalie Serval, chez Dystopia. Bref, je suis donc à côté de cette étonnante personne, dans l'excellente librairie Charybde, à Paris. Poliment, nous échangeons quelques mots. La pauvre me pose une question sur la réflexion borgésienne présente dans « Mausolées » (car l'éditeur a conclu son livre par une phrase de Borges, et j'ai réussi à dire que certains passages du mien pouvaient évoquer la bibliophilie du grand auteur argentin). Inconsciente du danger, Lisa a franchi un seuil. Je me lance dans une explication longue et périlleuse. Après un quart d'heure de massacre de sa langue et de supplice pour elle, Lisa Tuttle me supplie de parler français : elle saura se débrouiller.