Kronix est en vacances. Il ressort les bains de soleil et aère les fonds de tiroir.
La première tentative pour jouer simultanément au même endroit avec le même orchestre : le chant des partisans, ça plane pour moi, l'allegro de la neuvième de Beethoven, un menuet de Lulli et Night Train de Glass, se solda par un échec. Quand l'émeute fut calmée, on interrogea les organisateurs pour savoir ce qu'ils avaient voulu tenter là. Aucun ne sut expliquer ce qui les avait poussés à vouloir pareille expérience. A peine l'un d'entre eux crut-il se rappeler que, le jour de la mise au point du programme, ils avaient un peu bu, mais c'est tout.
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Coup de tête
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Zoo
Kronix est en vacances. Il ressort les bains de soleil et aère les fonds de tiroir.
Si cela faisait rire les enfants, les parents trouvaient très pénibles les efforts de l'éléphant pour se déconstiper avec sa trompe. -
Le grand jeu
Kronix est en vacances. Il ressort les bains de soleil et aère les fonds de tiroir.
Faute de moyen, le directeur du parc avait dû renoncer au Grand-Huit pour se payer tout de même un Grand-Cinq, mais il projetait déjà la construction d'un Grand-Six pour la saison prochaine.
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Polysémie
Le travail sur Pasiphaé est lancé, concrètement cette fois. Décors et costumes sont en cours de conception, le choix des comédiens sera confirmé en septembre et les répétitions pourront commencer à la fin de l'année pour les premières représentations en janvier 2015.
C'est un étrange destin pour cette pièce, déjà vieille de quatre ans, dont l'écriture était alors imprégnée de l'écho du ou des printemps arabes, avec cet enthousiasme iréniste que fait naître toute aspiration populaire à plus de liberté, à plus de jeunesse, à plus d'oxygène. Puis sont survenues, plus proches, les manifestations « pour tous », le fourre-tout des bonnets rouges, etc. Un questionnement sur la légitimité des populations à réclamer tout et n'importe quoi, a peu à peu corrompu les teintes de mon tableau. Une autre lecture s'impose. Et je m'aperçois avec satisfaction que la pièce autorise de telles nuances, que le propos est entre les mains du metteur en scène qui pourra, selon le moment, la synthèse qu'il aura faite de l'histoire récente, traduire un sentiment actuel sur les revendications populaires. Aucune raison que ce ne soit plus le cas dans dix, ou vingt ans. Ce qui signifie, en ce qui me concerne, qu'au moins un des aspects de la pièce est réussi. -
Aperçu
"Ce n'est que cela, c’est cela tout de même, les dorures, c'est cela, des mots lui reviennent, qui disent l'endroit, les tapisseries, les meubles, les tentures, c'est cela mais est-ce bien ce grand pan à motifs de soldats qui s'enlacent, une tapisserie ? est-ce bien cette énorme image de roi juché en haut d'un escalier au milieu d'une foule chahutée de couleurs, un tableau ? Les échos de ses pas dans le palais, plus loin, le silence des lieux, le frottement de ses semelles sur le parquet, les vitres brisées, le vent qui entre. Personne. Et puis quelques fantômes dépoudrés, sans livrées, mal réveillés, blafards."
Le reste, ce qui précède, ce qui suit, dans cinq ans. Ehé.
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Le temps trouvé
Quand j'ai quitté mon emploi, je pensais que j'aurai enfin du temps pour écrire. Je me trompais : j'ai enfin du temps pour ne pas écrire. C'est-à-dire du temps où rêver l'écriture.
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Punctum
Je n'aime pas l'histoire, je déteste le travail de la phase documentaire, je dois surmonter une paresse énorme pour compulser les dizaines d'ouvrages nécessaires pour me faire une petite idée du temps que j'explore. Moi, tout ce que je veux, bon sang, c'est écrire. Pourquoi alors une telle entreprise ? Peut-être que je sais ce qui se profile là-bas, au terme de la recherche : un plaisir démultiplié de me coltiner à une langue, un monde, un ailleurs qui m'oblige à penser, écrire de façon neuve. Oui, je suppose que c'est cela, l'enjeu véritable.
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Au fond
On a beau s'être déjà tenu maintes fois, bras ballants, devant un rectangle creusé dans la terre, on ressent comme neuve l'impression que c'est tout de même vertigineux, la somme de toutes ces années, résumée à une caisse de bois. C'est de cela dont nous sommes inconsolables.
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Homme et humus
L’homme s’est longtemps considéré -étant seul juge- comme l’aboutissement de la création, et les mots témoignent de cette ambition. Revenons dans le passé lointain pour dépoussiérer la racine indo-européenne Ghiom, la terre. Les Grecs y puisent le mot khtôn de même sens, qu’on retrouvera dans chtonien et autochtone. Les latins fabriquent un « homo », littéralement « né de la terre » (idem pour l’Adam hébreu, issu également du sol), dont on retrouve la facture terrienne dans l’humus et aussi, souvenons-nous en, dans l’humilité. Le genre humain, lui, est entièrement représenté, le savez-vous, quand vous dites ou écrivez « on ». Car dans « on » il y a l’ « homme ».
Grecs et latins ont puisé dans le Ghiom indo-européen (terre), leur khtôn et homo (voir plus haut). La logique inverse est possible : le Wiro indo-européen qui désigne l’homme en tant que principe masculin, a abouti au world anglais et au welt allemand : le monde. Il reste encore un peu de l’humain wiro dans le werewolf (le loup-garou anglais), dans la virilité, la virago et même la vertu (du latin virtus, courage, force). Enfin, une autre racine : Ner, le guerrier, a donné les préfixes andro et anthro, et les prénoms André (viril) et Alexandre (qui protège les hommes). -
Panique
Et d'ailleurs, comment on commence un roman, comment ça s'écrit, qu'est-ce qu'il faut faire ? C'est la première fois que je ne suis plus dans l'évidence de l'écriture, de la première phrase qui entraîne toutes les autres. C'est la première fois que je connais l'impuissance. C'est très désagréable.
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La langue du temps
J'ai commencé un voyage vers le XVIIIe siècle. Cadre d'un nouveau roman qui, comme « L'Affaire des vivants » (ou comme le livre tant attendu de certain confrère), va me demander quelques années de travail. Bien sûr, j'aimerais que d'autres romans soient publiés entre ces deux ouvrages pour ne pas être catalogué comme romancier « historique » mais, vous savez, les lois de l'édition...
En attendant, j'ai imaginé approcher de ce passé par le seul moteur de la langue, des mots qui servaient à dire le monde à l'époque. Déjà, des petits bijoux s'exhaussent de la terre que je refouille. Quant au sujet, il est trop tôt pour l'évoquer, mais je peux vous assurer que jamais la Révolution française n'aura été décrite de cette manière. Le meilleur moyen d'être sûr de parvenir au bout d'une machine de cette ampleur, est encore d'être excité par l'enjeu littéraire qui l'a inspirée. C'est le cas. Dans un an, pas avant, je vous donnerai quelques clés de ce nouvel opus.Lien permanent Catégories : actu, Ecrire, Livres, rencontres avec des gens biens, Travaux en cours 2 commentaires -
Dans la nuit
Viens que je te console, viens contre moi, ma douce. Ma douce orpheline.
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Son battement noir
Son battement noir circule dans la maison. Son battement noir réveille des échos de chagrin. Elle plane encore, patiente, se mêle de nos vies. Attend son heure. Fait lâcher prise, lentement. Sûrement.
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Gavé
Tout était prêt. J'avais posé mes pieds sur un bras du canapé, ma nuque sur l'autre, enlevé mes lunettes. J'allais digérer pépère la superbe formule assiette végétarienne+nan boli+boisson au choix du restau pakistanais où un végétarien comme moi peut manger à sa faim et au delà, quand soudain, j'ai réalisé que je n'avais pas fait de billet pour Kronix hier (actualité oblige, je vous en parlerai plus tard) et que je risquais, si je me laissais aller, de récidiver aujourd'hui. Alors, c'est bien parce que c'est vous, je me suis relevé de mon canapé, de l'atmosphère douillette et quiète du salon, pour venir écrire ces quelques mots. Vous pouvez trouver le sujet du jour un peu léger, mais je vous prie de considérer l'effort consenti.
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La Joyeuse - Extrait
"D'un mouvement de hanche, Shamat vient à toi et ton sexe en elle plonge. Elle se poignarde l'entrecuisse d'un coup de bassin, avale de tout son corps ton pieu meurtrier, obscur. Tu comprends que sous toi la chair est femelle, trouée, coupée en deux et qu'elle te veut enfoncé au terme, au plus profond, au creux de viscères accueillantes comme la mort. Tu découvres la mort. Elle est dans ce vertige, là-bas, dans cette tombe noire où ta verge est plantée."
Dire que "La Joyeuse", parue ces jours au Réalgar, est une histoire de fesses, est un peu restrictif mais enfin, indubitablement, il y en a.
Dans "L'Epopée de Gilgamesh", Shamat, la Joyeuse, prêtresse d'Ishtar, est envoyée à la rencontre du brutal Enkidu pour le civiliser par le sexe. Sept jours et sept nuits au bord du fleuve, et le triomphe des femmes qui humanisent pas l'amour. C'est cet épisode que "La Joyeuse" raconte.
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Question de temps
J'ai retrouvé trace des premières notes de "L'Affaire des Vivants", et me suis aperçu que j'en parlais ici. La date de cette première occurrence permet d'apprécier le temps de l'écriture, auquel s'ajoute celui de l'édition : nous étions en décembre 2008. Je commençais donc à imaginer le parcours d'Ernest Persant il y a six ans. Ernest, oui. Vous entendrez beaucoup parler de Charlemagne, personnage énorme et dévorant, mais il faut avoir en tête que celui qui m'intéressait, celui qui a motivé l'écriture de ce livre, était Ernest, son fils.
Six ans, donc. Soit environ deux ans entre la fin de l'écriture (disons d'une première phase de l'écriture) et la sortie du livre. Le temps de l'éditeur n'est pas celui de l'auteur. Soit qu'il voudrait plus de temps (il m'est arrivé qu'un éditeur m'arrache un roman qu'il me semblait ne pas avoir laissé mûrir suffisamment, pour le publier aussitôt), soit qu'il aimerait qu'un livre sorte vite (il se pourrait que l'an prochain et l'année suivante, aucun roman ne sorte sous mon nom, pour la première fois depuis 2008). A mon âge, on est impatient. Tandis que je ne m'occupais pas de ces aspects, plus jeune. Paradoxal.
Mais ce sont de petites misères. De toutes petites misères.
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LA JOYEUSE
2014 est pour moi une année riche en publications. Après "Lucifer Elégie" chez Sang d'encre, et en attendant "L'Affaire des vivants" chez Phébus, en septembre, je suis très heureux de vous faire connaître cette maison d'édition : Le Réalgar à Saint-Etienne, et le dernier opus d'une série déjà prestigieuse, une nouvelle illustrée par l'artiste Winfried Weit : "La Joyeuse", d'après un passage de l'épopée de Gilgamesh.
Merci de votre patience et de votre indulgence. (Après "L'Affaire des vivants", je vous laisse tranquille jusqu'en janvier 2015. Profitez.)Le message du Réalgar :
Le Réalgar continue avec détermination son travail d’éditions et après « Valse, Claudel » de Laurent Cachard, « La bête » de Thomas Vinau et « Juliettes » ouvrage collectif, et « Ce serait du moins quelque chose » de Lionel Bourg et vous propose un nouvel ouvrage : " La Joyeuse »
Nouvelle de Christian Chavassieux illustrée par les dessins de Winfried Veit que vous pouvez retrouver chez votre libraire ou sur :
www.lerealgar-editions.fr
Winfried Veit est né en 1945, en Allemagne. Il suit sa formation à l'école des Beaux-Arts de Karlsruhe et de Paris. Artiste peintre et sculpteur, il vit et travaille à Saint-Julien-Molin-Molette, non loin de Lyon.
Les premières lignes :« Si je ferme les yeux, je retourne sans effort près de ce fleuve. Voici ses eaux, tranquilles sous la lune. Et parmi les gazelles venues s'abreuver, trois fois plus haut que leurs échines, te voici, Enkidu. Enkidu, je te devine dans la nuit, massif comme un roc, vif pourtant, ramassé dans un geste au milieu des roseaux, la chevelure hirsute tombée sur ton visage, ta bouche qui lampe à grand bruit l'eau du Tigre. Le jour, les bergers effrayés fuient ta silhouette immense, ton regard fauve, tes muscles couverts de pelage. Le soir, ils redoutent tes cris sauvages, ta folie, ton mystère. Tu chasses leur gibier, tu mènes ta harde, impunie, au milieu de leurs champs. Et contre toi, les chiens sont impuissants. »
La Joyeuse - Prix public : 8 € -
Sankaku Tobi
La coiffeuse n'est pas du genre volubile, et on me l'a suggérée pour cette raison. Cependant, elle ne peut s'empêcher, après un bref bulletin météorologique, de me demander ce que je fais dans la vie. « Rien » lui dis-je, sur un ton tranquille et définitif. Désormais, elle travaillera sans plus ouvrir la bouche. Enfin, j'ai trouvé la parade.
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Entre nous
Par la sculpture, Catherine Chanteloube a choisi de construire un monde poétique et accueillant, tendre pour le visiteur. Elle utilise pour ce faire le matériau qui nous côtoie au quotidien de la façon la plus intime, le tissu. Le tissu, qui nous entoure de si près d’habitude, au point qu’on l’oublie, comme une peau, une mue aléatoire (ôtée puis reprise), se détache, s’élève, se structure et s’exhibe, se montre pour lui-même. Il devient un environnement dans quoi l’on voyage. Entre nous, Catherine sculpte des sémaphores, des madrépores, des coraux et des futaies vibrantes, et des voiles de nefs, prêtes à toutes les partances. Entre nous soit dit, le travail de Catherine Chanteloube nous dit « Entre ta peau et la peau de l'autre, entrons ». Entrons, nous : toi et moi. Entre l'air et nous, l'air de rien, le tissu s'étend. Et entre les tissus, par conséquent, c'est nous qui étendons nos gestes et nos places. Le tissu nous sépare, le tissu nous aimante. Par le vêtement, le tissu est notre langue commune. Notre langue à tous, humains, qui entrons dans le cercle des farandoles orchestrées par l'artiste.
Entre Nous. Exposition Catherine Chanteloube. Couvent des Cordeliers, St-Nizier/Charlieu jusqu’au 31 août, tous les jours sauf le lundi 10h/12h30 et 14h/18h 19 h 04 77 60 07 42 Résidence : présence de l'artiste le 24 août de 14 h à 18 h.NB : ce texte est une commande ce l'artiste, pour présenter l'exposition. L'image qui illustre ce billet est celle d'une autre exposition de l'artiste, en un autre lieu.
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Fumant
Qui avait jamais goûté son sens de l'humour ? En tout cas pas nous, qui prenions connaissance de son testament où il disait vouloir « être incinéré et donner [ses] organes » à condition que ce soit « dans cet ordre-là ».