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kronix - Page 86

  • Fond de tiroir

    Extrait non retouché d'un très vieux roman (probablement années 85-90) heureusement inédit, mais il y avait quelques petits éclats, comme ça :

    "Me revient un très beau moment de ma vie ; la seule fois où j'ai vu l'amour littéralement  illuminer le visage de quelqu'un. J'étais dans le métro, à Paris ; j'attendais debout dans une voiture bondée. Arrive une station, filant à toute allure vers les flancs de la voiture. La première chose que j'ai vue, ce n'est pas le quai, la foule, les affiches, l'éclairage, non… C'était le sourire d'un garçon de vingt ans. Il était radieux, vraiment, c'est-à-dire qu'il éclairait tout ce qui se trouvait autour de lui, autour de son seul sourire. En une fraction de seconde j'ai pensé : celle qui est aimée de ce type doit être exceptionnelle. De celles pour qui les hommes sont capables de devenir meilleurs. C'était un sourire magnifique qui enflait le cœur, qui me rendit immédiatement heureux. Et puis un autre garçon descendit de la rame et vint embrasser son ami, voluptueusement. J'avais vu un véritable amour, comme les hétéros n'en connaissent peut-être pas. En tous cas, je ne pense pas qu'aucun de mes sourires, adressé à la femme que j'aime, aie pu faire un effet semblable sur le chaland moyen. Etre hétéro, je crois que cela vous coûte une certaine paresse des sentiments. Dans nos sociétés, les homos ont peut-être encore une urgence à vivre leur amour, qui le rend entier."

    D'une certaine manière, en y repensant, il s'agissait d'une tentative d'écriture mêlant les réflexions intimes et la déambulation qui se cristalliserait 20 ans plus tard dans "J'habitais Roanne". On marche toujours sur les pas de ses rares obsessions.

     

  • Inspirer

    Il est très rare que cela m'arrive. Même, je crois que la situation est unique. Je viens de finir un roman sans avoir attaqué le suivant. Non pas que les sujets manquent : j'ai au moins quatre projets qui ont dépassé la seule nébuleuse idée d'un « tiens, et si je faisais ça ? », mais j'attends la réponse d'un éditeur sur le premier volume d'une saga pour décider si j'attaque le deuxième volume ou si je me consacre, par exemple, à un énorme prochain chantier autour d'un thème historique. J'attends un peu car la deuxième option m'obligerait à m'y consacrer entièrement, et pour plusieurs années. Cette attente, c'est un peu la goulée d'air prise avant la plongée en apnée dans les abysses.

  • En pleine chaleur

    Présentation Lucifer Elégie.jpgBondeCde_Lucifer Elégie.jpg

    Tandis que l'auteur s'amollit sous les feux de l'été, l'éditrice continue d'œuvrer, et comment la remercier ?

    Jackie Plaetevoet, auteure et éditrice (Sang d'Encre), vient de faire paraître une série de mes textes dans sa collection Opuscules. Il s'agit de deux textes réunis en un seul recueil : « Lucifer Elégie » et « Nos futurs ». Deux textes au propos et aux tonalités très éloignés voire antagonistes quoique parents, dont la genèse et la forme semblent si différentes qu'elles paraissent issues de deux auteurs. C’est le cas, d'une certaine façon : le premier a été écrit par le quadragénaire que je fus, le second par le quinqua que je suis.

    "Lucifer Elégie".

    Les grandes figures mythologiques m'ont toujours paru proches et touchantes, tangibles comme les membres de ma famille et mes amis. Je les sollicite souvent pour bénéficier du raccourci que permet leur caractère universel. « Lucifer Élégie » est une suite de confidences de la figure de Prométhée, confondue ici avec celle de Lucifer. Parce que, étymologiquement, Lucifer (lux, ferre) est le porteur de lumière, celui qui n'admet pas la décision injuste de(s) Dieu(x) d'abandonner l'humanité à son innocence. Lucifer et Prométhée sont des philanthropes. Mais une bonne action est toujours punie. Ces confidences sont émises depuis les lieux où le grand révolté est enterré, par volonté divine. Elles font écho bien sûr, aux colères enfouies chez chacun de nous par souci de conventions sociales, mais aussi aux regrets des défunts, quand il est trop tard pour exister. Ce sont des paroles de spectres.

    « Nos Futurs » est une série de variations autour de l'idée de lendemain, de futur, d'avenir, autour de la notion du temps. Un embryon de cette série de textes courts avait été initiée après une première collaboration avec Jérôme Bodon-Clair, compositeur de la musique du « Rire du Limule », justement. Tout se tient. Laissé en jachère, « Nos Futurs » a trouvé sa forme définitive grâce à l'élan donné par Sang d'Encre. Il me semblait que c'était le texte inédit le plus adapté pour accompagner « Lucifer Élégie ». Jackie a approuvé ce choix, par goût littéraire bien sûr, mais aussi parce que des passages font écho à certains aspects de sa vie.

    Aujourd'hui, ces deux textes rassemblés bénéficient du travail de l'artiste Corie Bizouard, qui les a illustrés (n'ayons pas peur de parler d'illustrations, me disait-elle), prolongeant les peurs et les ténèbres, révélant des images à peine esquissées entre les lignes, maniant un certain humour parfois. Des images d'une grande intelligence et d'une grande force graphique, car nées dans la puissance de la spontanéité. Les corps y apparaissent en creux dans la texture de l'encre noire ou en surfaces pleines, contours déchirés par la sécheresse d'une brosse (et essayez de répéter dix fois très vite cette dernière partie de phrase). Plusieurs dessins ont été faits à la peinture rouge, ils apportent des ruptures bienvenues. Corie a vraiment fait un travail de grande qualité, et c’est toujours intimidant, déstabilisant même, de se voir épauler par tant de talents.

    En vignette, la présentation et le bon de commande de la maison d'édition Sang d'encre.

    Le produit de la vente des livres par bon de commande revient intégralement à cette petite maison d'édition de la région lyonnaise.

    Merci de votre soutien et de faire suivre aux personnes susceptibles d'être intéressées par ce message.

    Bonne journée à tous.

  • Non-billet

    J'ai bien pensé à écrire quelque chose, mais le fleuve, le soleil, l'ombre sous le saule, le silence bercé par le murmure du vent, la chaleur, un bon livre, ma douce allongée à côté de moi... Personne à l'horizon. Il aurait fallu être un sacré goujat pour partir et faire cet affront à mère Nature qui avait si bien fait les choses. Je sais compter sur votre compréhension.

  • Profil

    La silhouette de la grande pyramide fut inspirée par celle du drap de Chéops, un matin où il se réveilla particulièrement en forme.

  • La loi des séries

    Décidément, c'est à une véritable série noire à laquelle on assiste. Cette semaine, dans la Loire, une quatrième personne a trouvé la mort après s'être enfoncé des bouchons de champagne dans les oreilles et des crevettes dans les narines. Le docteur Molcru, expert en cette matière, relativise la catastrophe en rappelant que ce nombre de victimes a été atteint en deux siècles.

  • Raté

    Le Jury du prix Lettres frontière a voté pour ses dix livres préférés parmi les vingt présélectionnés. Mausolées n'a finalement pas été retenu, pas plus que le Rainbow Warrior d'Ayerdal. En cause, le genre ? Je note tout de même, pour la première fois il me semble, un choix qui ne consacre que de grands éditeurs (pour Rhône-Alpes en tout cas). Un des aspects les plus louables de cette sélection a donc été sacrifié. La volonté d'attirer un public plus nombreux ? J'espère que non. Cela dit, aucun de ces titres ne désoblige le jury. Tout est excellent.

    Rhône-Alpes 

    Suisse Romande

  • La menace

    Sa phobie des plaques d'égout expliquait sa conduite imprévisible. Il faisait de brusques écarts sur la route pour les éviter et entraient souvent en collision avec l'infortuné automobiliste, arrivé face à lui. La fréquence de ses accidents étaient pour lui la preuve de la dangerosité de ses cercles de fontes. Il était difficile de le contredire sur ce point précis.

  • D'une pierre, deux coups

    Derrière les barreaux des cages miteuses des cirques et des zoos, remplaçons les animaux qui n'ont rien fait de mal par des criminels costumés en singes, tigres, lions et otaries. La surpopulation carcérale s'en trouverait diminuée ainsi que les mauvais traitements infligés à nos amies les bêtes. Et tout cela en apportant une saine distraction pour les enfants. Que l'on me contacte, à Paris, j'ai des solutions !

  • 1%

    Pour le nouveau groupe scolaire, l'artiste avait proposé une sculpture composée de ferrailles contondantes et rouillées, hérissées de pointes de ciseaux, lames de scie tranchantes, couteaux, bords affûtés. Le projet avait été rejeté à l'unanimité des enseignants moins une voix, celle d'un vieux professeur de Français, désabusé par ailleurs, et qui réclamait la présence de cette œuvre au milieu de la cour, avec une lueur exaltée dans le regard.

  • Se dé-fouler

    La foule se pense comme pensant à l'unisson, et puis elle se disperse et les individus reprennent forme et caractère. Comme ils étaient bien, fondus dans le groupe, cohérents, en place ! et les voici rendus à leur solitude, leur amertume, leur vraie dimension dont ils n'ont que faire. Leur revient comme un rêve le désir de se réduire, de se tapir au milieu des autres, s'agglomérer aux flancs et aux pensées des autres. Disparaître à force d'être nombreux.

  • Non fiction

    Je vois ce type, sur la place, descendre de sa voiture et extirper avec peine un énorme bouquet de fleurs de la banquette arrière. Son portable sonne, il décroche. Il écoute et l'expression de son visage se fige, le bras qui tient le bouquet se détend, et les fleurs, seconde après seconde, piquent plus verticalement vers le sol. Il ne dit rien. Raccroche. Jette son bouquet par terre et remonte dans la voiture. Je viens d'assister à un petit drame merdique.

  • ALIROULU 2-E4

    Dernière livraison du P'tit Lab, de l'ami Yohann Subrin, un Aliroulu qui évoque un livre dur, méchant, à part: Sida Mental, de Lionel Tran, chez Ego comme X.

     

    Ce n'est pas le billet du jour, c'est un bonus. Les billets sont postés paresseusement vers la fin de journée, à peu près.

  • Souvenir de Moscou

    C’est pendant la visite du mausolée de Lénine que la fille tenta de lui voler un baiser. Il la détestait, le lui dit sans ambages, ajoutant même qu'il préférerait rouler un patin à la momie de Lénine plutôt que de l'embrasser, elle. Mis au défi de le prouver, il s'était exécuté. Après coup, franchement, il avait regretté ses paroles.

  • MICA

       Au-delà de la route immuable, la campagne retenait son souffle. Marie quitta sa contemplation pour regarder devant elle. Les fauteuils lui cachaient les nuques de la conductrice et de son mari et elle distinguait juste le haut de leur visage, reflété déformé dans le verre du pare-brise. Ce sera une étrange journée pensa-t-elle. Elle arrêta sa réflexion sur l’idée de la souffrance de son compagnon. Ressentait-elle de la pitié ? Elle s’était habituée au mal, avec lui. La maladie était de ces plaies dont on doit s’accommoder avec la grêle, le gel précoce ou les grandes sécheresses. C’est terrible mais on apprend à supporter l’obstination du malheur. C’est ainsi. Le Dieu de Marie avait la férocité de la nature et, comme elle, souriait au printemps, dévorait son monde avec les mouches de l’été. Et le vieil Henri boitait vers sa mort. Marie s’était habituée à le voir mourir plusieurs fois par jour.
       Le mari que l’élan de la vie lui avait donné ; pas vraiment choisi, présenté comme indéniable, l’Henri. Un parent lointain. Un bon bougre, pas méchant, travailleur, il n’aimait pas trop boire et ne l’ennuyait pas avec des fatigues superflues, les soirs. Dur à la tâche, oui, mais pas si costaud que ça, toujours des petites plaintes, des ennuis aux reins ou aux jambes. Rien de grave, mais une gêne permanente. Elle, ne s’était jamais plaint, son corps la portait encore fidèlement malgré l’âge, juste ses jambes douloureuses à cause de son poids, mais le reste… Alors elle pouvait se permettre de faire attention à son homme, l’aider à mourir au mieux. Même l’aider à croire qu’il pouvait vivre encore. Il y avait un dernier espoir. Un seul, puisque le Bon Dieu se tournait les pouces, assis sur son trône, et puisque la médecine avait baissé les bras. Ensuite… Ils savaient tous les deux qu’un répit est ce qu’il est, rien de plus, juste une pose pour souffler avant de reprendre l’outil. Il n’y avait aucun mystère là-dessous, les hommes se crevaient dans la poussière des champs ou la manducation des machines, précipitaient la course avec le vin et le tabac, et les femmes, assises dès l'alliance au chevet des hommes agonisants, restaient pour faire un tour le dimanche désherber les tombes, discuter avec les autres veuves à la sortie de la messe.

     

    Extrait de "MICA", reprise d'un ancien manuscrit et dernier roman que je viens d'achever, ce jour.

  • Demain

    Ô le futur que je devine ! Ô la peur que je ressens au rappel de mes visions !
    Rétines éblouies par les marbres, échines raidies par la gloriole, danses muselées, fronts carrés levés, femmes et hommes abrutis par les bottes.

     

    Extrait de "Lucifer Elégie", à paraître en juin chez Sang d'Encre. Illustrations de Corie Bizouard.

  • Sur le métier...

    Séance de rattrapage pour un manuscrit déjà ancien. Dans la perspective de ma mise en disponibilité, j'avais programmé ce travail de révision cette année. Ce roman dont l'action se déroule en 2003 avait déjà connu plusieurs versions. Il a intrigué des éditeurs, mais n'a jamais passé le cap de la parution. Je l'ai donc repris, considérant qu'il y avait de bonnes choses, reprenant les critiques faites par plusieurs éditeurs et prêt à les suivre, impitoyablement. La relecture de cette semaine me l'a montré tel qu'il a dû leur apparaître : encombré, débordant de personnages et de monologues intérieurs un peu conventionnels. Pour commencer, j'ai viré une dizaine de personnages, supprimé les métaphores laborieuses, les envolées pleines de pathos et réduit le volume d'une quarantaine de pages. On commence à y voir plus clair. Les séances suivantes auront pour finalité une réécriture complète. Le procédé ne m'a pas mal réussi il y a peu. Et ce texte, en fait, dit des choses que j'ai envie de faire passer. Quand ce chantier sera fini, dans deux ou trois mois, et bien, j'aurai tenu mon pari de boucler trois romans cette année... avec six mois d'avance, ce que je n'espérais pas. Oui, travailler tous les jours a ce premier avantage, qu'on voit les projets avancer. Ça tombe bien, j'en ai deux autres sous le coude. Au moins.

  • La sortie, s'il vous plaît ?

    On rit encore un petit peu, mais de plus en plus faiblement. Comme si le clown sur la piste s'était emparé d'une kalachnikov et hurlait : « Je vais tous vous buter ! » On se dit que le gag devient de plus en plus bizarre, et qu'il faudrait peut-être songer à se barrer. Mais personne ne bouge, les spectateurs n'y croient pas vraiment, ils se disent : « Nan, c'est pas possib' »

  • Dommages collatéraux

    Depuis deux mois aujourd'hui que je me consacre exclusivement à l'écriture, je ne suis pas sûr d'avoir amélioré mon style, gagner ma vie je ne sais pas non plus, par contre, j'ai gagné bien trois kilos.

  • Haïku funèbre

    La vieille chienne sous le prunier
    empêchée de venir jouer
    trop de terre couchée sur son flanc droit