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  • Comme un pot

    Je mets la radio, mais le son très bas. Comme je deviens sourd avec l'âge, je n'écoute plus les informations. Et à peine les bribes de chansons médiocres. Pourquoi mettre la radio, alors ? Ben, pour ne pas l'écouter, c'te question...

  • Bilan carbone

    La ville est sillonnée par d'énormes 4x4, noirs et luisants comme des corbillards, conduits par de petites blondes, seules. Chacune ne doit pas peser plus de 50 kilos, sac à main et bijoux compris. Ça fait cher le transport, au kilo de pétasse.

  • Hier, Golden Triangle à Villeurbanne

        Le dispositif est une architecture ouverte, aérienne et blanche, où se lit pourtant le présage  d'un enfermement possible. Dès la première seconde, on assiste à la course éperdue d'un homme entre les montants de la structure. Fugitif, souris de laboratoire jetée dans un labyrinthe, simple symbole de la condition humaine ? L'identification est instantanée. La structure à base de carrés entrecroisés, ce sera tout l'espace scénique, ce sera tout l'univers. Aux spectateurs de le comprendre, de s'y inviter, de participer. La circulation du danseur se heurte aux frontières que deux hommes, mécaniquement, froidement, matérialisent par des sangles de couleurs tendues entre les solives blanches. Une angoisse naît. Angoisse du danseur, montée de la musique, anxiété à laquelle concoure plus ou moins volontairement le spectateur qui se décide à pénétrer entre les montants de bois.
        Il existe une tentation peut-être cruelle d'anticiper le jeu, d'aller au bout de la logique et de participer au confinement du fou qui se débat dans des espaces de plus en plus petits, pour voir. Les sangles se multiplient, s'additionnent toujours aussi mécaniquement, par gestes chorégraphiés au millimètre. Au fil du temps, le réseau de sangles réduit l'espace d'expression du danseur, le public le plus volontaire s'est aventuré au plus près du danseur. On pourrait craindre l'emprisonnement, la peur. Mais les ruades révoltées ont eues lieu, les secousses et les velléités de dépassement, tout cela s'est effectué sous le regard de tous. Nous n'en sommes déjà plus là. A la fin, quand il ne reste plus au danseur qu'un triangle restreint, c'est l'apaisement qui survient. Pas la résignation ou le découragement, mais la certitude qu'enfin, chacun a trouvé sa place. Et, les bras ouverts, solaire, l'homme en son triangle irradie de sérénité.

        En une demi-heure, grâce à la complicité entre un musicien (Jérôme Bodon-Clair), un danseur (Philip Mensah) et un plasticien (Mark Klee et son assistant), ce spectacle hors-norme construit une histoire muette, fait vivre à tous, public et « agents », une expérience absolument commune, une symbiose rare. Tous lancés dans le même élan, les humains accueillis ce soir-là au Mikrokosm : spectateurs, danseur, musicien, plasticiens, ont vécu et généré quelque chose de l'ordre du mythe.

     

    Golden Triagnle est une coproduction NU laboratoire Compagnie, Mikrokosm (Villeurbanne) et Carré Currial (Chambéry), sur une idée orginale de Jérôme Bodon-Clair.

  • Face à face

    Du jour au lendemain, une personne qui jusque là s'acharnait à écrire dans la solitude, est publiée, propulsée en tête de liste des ventes, traduite en plusieurs langues. Désormais on la regarde différemment. Elle est pourtant toujours la même.

    Je suis assis en face de Carole Martinez. Elle sourit. Je lui dis « Ce doit être étrange pour un être normal d'être vu comme une bête curieuse ? » Elle ne répond rien, déploie ses ailes et disparaît.

  • GOLDEN TRIANGLE

    Ce soir, à 18 heures, au L.E.D. à Villeurbanne, 61, cours de la République, la compagnie NU vous propose d'entrer dans la danse (enfin dans l'espace du danseur, plus exactement). Une expérience NeUve.
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    Golden Triangle est une pièce qui combine danse, arts plastiques et musique dans une proposition d'exploration spatiale, de repoussement des limites/frontières. Ainsi, Philippe Mensah, corps en giration perpétuelle, optimise son appréhension de l'espace qui lui est imparti et se réduit peu à peu sous les amputations successives de Mark Klee (Stephan Koehler). Finalement contraint à un confinement extrême, c'est aussi l'immobilité qui guette le danseur, mais sans véritable angoisse : plutôt le sentiment d'avoir trouvé sa place, son triangle d'or.

    Plus qu'une simple pièce chorégraphique ou plastique, Golden Triangle questionne le spectateur ; en effet, ce dernier investissant progressivement les espaces confisqués au danseur, c'est à une nouvelle perception du spectacle que l'on assiste, loin des habitudes culturelles frontales.

    CONCEPTION : Jérôme Bodon-Clair
    SCENOGRAPHIE : Mark Klee, Jérôme Bodon-Clair
    DECORS : Mark Klee
    UNIVERS MUSICAL : Jérôme Bodon-Clair
    CHOREGRAPHIE : Philippe Mensah
    ASSISTANT : Willem Besselink
    COSTUMES : Alexia Schlaudecker

    Création le 25 février 2012 au L.E.D (Villeubanne 69), puis recréation les 22, 23, 24 mars à Chambéry (73).

    Une coproduction NU Laboratoire Compagnie, Chapiteau Théâtre Compagnie et Adhoc Project.

     

    Pour voir le travail en coulisses, rendez-vous sur le blog du spectacle.

  • Vie minuscule

    Je relis la note des courses : ce n'est pas la mienne ! Je regarde autour de moi : je ne suis pas dans le bon supermarché et d'ailleurs, me souviens-je, je ne vais jamais dans les supermarchés. Je paie cependant, un peu abasourdi, et je fonce vers le parking de cette ville que je ne connais pas, poussant devant moi un caddie plein de fournitures pour la robinetterie, moi qui ne suis pas bricoleur. A côté du véhicule patiente une femme inconnue, une petite dame replète, un peu vulgaire, avec des cheveux trop rouges et un accent parigot, qui me houspille et nous rejoignons une grosse maison à la décoration déplorable. Je découvre que j'ai beaucoup de grands enfants qui m'appellent pour me demander de l'argent, qu'il n'y a pas de vin à table et que mes analyses ont révélé un affreux cancer du colon. A la fin d'une journée terriblement ennuyeuse, je reçois un diplôme : « Félicitations. Vous avez vécu une journée de Nicolas Sarkozy en 2040. »

  • Sur une musique de John Williams

    J'ai quelque regret à le dire, mais il faut se faire une raison : Hollywood ne produira jamais de biopic sur moi.

    Imagine : la vie du type qui prend le car chaque jour pour compter des vieilles gravures, mange chez sa maman à midi et rentre le soir s'installer devant son écran pour écrire des romans que personne ne lit.

    Faudrait un sacré talent pour rendre ça supportable plus de cinq minutes.

    Mais soudain, il rentre et... Oh, un chat miaule ! Un autre non loin réclame pitance. Quelle action, quel suspens !

    Non, décidément, Hollywood est trop loin.

  • En attendant

    Drôle de période, hein ? On continue de travailler, de faire des projets, d'accepter des demandes, tandis qu'une ombre couvre tout, avance sa nuit, tonne au loin. Papillons oublieux de l'orage à venir, nous folâtrons, une vague angoisse tout de même, faisant trembler nos ailes.

  • Esprit d'entreprise

    Nouvel échec professionnel, nouvelle reconversion. Il abandonna l'élevage ruineux du gnou, inadapté aux alpages, pour se consacrer à la culture du genêt, prolifique sur les plateaux d'Ardèche. Pourtant les restaurateurs haut-de-gamme à qui il destinait sa production, renâclaient. Mais que veulent-ils à la fin ? Se lamentait l'entrepreneur, dépassé. Son fidèle ami Dédé haussait les épaules, également impuissant. « Allons, retroussons les manches, à coeur vaillant, etc. Nous n'avons pas dit notre dernier mot. Cette fois sera la bonne ! » On venait de lui apprendre que tout un lot de minitels était à vendre pour une bouchée de pain. La fortune lui souriait enfin.

  • N.

    Je ne l'avais vue que deux ou trois fois, beaucoup appréciée parce qu'elle était le symbole d'une exigence dans l'écriture, j'avais lu ses textes impeccables et inspirés. Mais je n'étais pas un proche. Quand un ami à elle (presque un parent tellement ils se connaissaient bien), nous a appris la mort de N. dans un mail laconique, hébété, assommé, j'étais sous le choc. J'ai appelé cet ami, redoutant les précisions qu'il allait me donner, et en effet : N. s'était suicidée. Submergé d'émotion, j'ai fondu en larmes incontrôlables, malheureux de cette démonstration, tandis qu'à l'autre bout du fil, un de ses amis les plus proches serrait les dents et affrontait sa douleur avec dignité.
    J'ai mal dormi ensuite, enfin encore plus mal que d'habitude je veux dire. Remuant les souvenirs de N., le peu de souvenirs que j'avais, le visage de N. souriant, N. lisant un texte, etc., mais surtout, mêlé à l'émotion que je ressentais, le sentiment que ma souffrance était illégitime. Que moi, qui l'avais si peu connue, je n'avais pas le droit de sembler plus accablé que ses amis intimes. Je voyais ma peine comme une indécence et m'insultais intérieurement d'une telle obscénité.
    J'ai longtemps hésité à me rendre aux funérailles, pour la même raison. Finalement, in extremis, j'ai décidé de m'y rendre, ma douce m'a accompagnée. Elle connaissait bien N. aussi. Nous sommes restés au fond pour ne pas être vus. Je n'ai pas pleuré, cette fois. Comme un qui a compris ce qu'est la vraie douleur.

  • Générique

    « Prédictions », « agents secrets », « burn after reading », quel est le point commun à tous ces films ?

    Chacun d'eux commence par une vue de la terre depuis l'espace et un zoom avant sur la zone où se passe l'action. C'est ce que j'appelle le syndrome « Google earth ». j'ai listé ceux-là mais cherchez bien : depuis quelques années, c'est devenu une véritable convention visuelle.

  • Qualifié

    Télérama disait du film « comment un tournage aussi épique appuyé par un casting  irréprochable, ont-ils pu aboutir à cette œuvre enflée et grotesque ? ce pourrait être mystérieux, si on oubliait que la mise en scène a été confiée à l’un des réalisateurs les plus confits et les plus fades d’Hollywood… » Quant aux inrockuptibles, ils dénonçaient : « Un monumental pudding, un nanard vertigineux, un ratage grandiose ! » Il fallait donc une bonne dose de cynisme pour oser afficher au dos de la jaquette du DVD : « Epique », « Mystérieux » « Irréprochable » (Télérama) « Monumental », « Vertigineux », « Gandiose ! » (Les inrock).

  • Coule

    Il les cherche aussi, les parodies ! Tout seul devant un horizon maritime, dans une prémonition de la phase ultime du réchauffement climatique, avec une montée des eaux qui recouvre définitivement toute trace de vie. N'est-ce pas une fanfaronnade pathétique de se dire fort quand on est totalement submergé ?

  • Parmi tant d'autres

    « Nous ne sommes pas une espèce spécialement réjouissante. Le problème est qu'on en fait partie. Se croit-on meilleur qu'elle ? Est-on meilleur, à l'échelle individuelle, que l'addition que nous formons avec les autres et dont nous condamnons si facilement les comportements ? Ou bien la proportion de salauds est-elle plus grande que celle des gens de progrès ? » s'interrogeait la fourmi.

  • Simple

    Si l'on s'en tenait à la simple logique, on devrait tirer toutes les conséquences du fait que, statistiquement, les voitures sont très majoritairement accidentées sur les routes, et on roulerait donc dans les champs, sur les trottoirs, parmi les forêts et les canyons, en toute sécurité.

  • Desireless

    La valise a pris en main le voyageur. Elle le conduit, vaguement hébété, dans les couloirs de l'aéroport. Un peu inquiète, elle devra le laisser tout seul sur un fauteuil tandis qu'elle rejoindra ses amis pour faire le trajet dans la soute. Elle songera au débarquement, ennuyée d'avance de tourner en rond longtemps avant de remettre la main sur son porteur, qu'elle s'abstiendra de morigéner pour sa lenteur. Car elle sait combien l'avion le stresse.

  • Indice

    - Pardon monsieur, la sous-préfecture, s'il-vous-plaît ?
    - Oui, alors : vous voyez le menhir bleu avec la plante en forme de colibri qui pousse dessus ?
    - Oui.
    - Et bien c'est que vous êtes complètement bourré, mon pauvre ami.

  • Incipit

    Début d'une nouvelle, acceptée par les éditions "La muse galante", (non) publiée dans la vagissante revue "Canicule". Pourquoi "non" publiée ? Parce qu'il s'agit d'un numéro zéro. Mais après tout, on peut imaginer que du numéro zéro au numéro 1, il n'y a qu'un pas. Ah oui, précision importante en ce qui me concerne, essentielle même : ce texte est une commande. Le bonheur d'être sollicité (pour un type comme moi, miné par un doute permanent), alors que je ne connais absolument personne, je vous assure...

    "Si je ferme les yeux, je retourne sans effort près de ce fleuve. Voici ses eaux, tranquilles sous la lune. Et parmi les gazelles venues s'abreuver, trois fois plus haut que leurs échines, te voici,  Enkidu. Enkidu, je te devine dans la nuit, massif comme un roc, vif pourtant, ramassé dans un geste au milieu des roseaux, la chevelure hirsute tombée sur ton visage, ta bouche qui lampe à grand bruit l'eau du Tigre. Le jour, les bergers effrayés fuient ta silhouette immense, ton regard fauve, tes muscles couverts de pelage. Le soir, ils redoutent tes cris sauvages, ta folie, ton mystère. Tu chasses leur gibier, tu mènes ta harde, impunie, au milieu de leurs champs. Et contre toi, les chiens sont impuissants.

        Alors, les bergers désespérés sont allés à Uruk chercher secours auprès du puissant Gilgamesh. Ils ont enlevé la poussière de leurs pieds, se sont inclinés devant le fils de Ninsuna et ils ont raconté tes rugissements, ta force, la steppe qui gémit sous tes pas. Gilgamesh a écouté. Il a reconnu dans leur récit des mots qui pourraient le décrire, lui, le roi aux deux-tiers divin. Il a noté l'envergure de leurs bras pour mesurer ta carrure, la hauteur de leur houlette pour dire la taille de tes jambes, l'image des braises pour définir ton regard. En tout cela, étrangement, il se retrouvait. Gilgamesh a réfléchi. Il a appelé sa courtisane, Shamat, et il l'a présentée aux bergers. « Voyez Shamat, la Joyeuse. Elle est attachée à mes pas, nulle femme ne lui est comparée. Elle prend la route avec vous, dès ce soir. Son escorte montera la tente sur les berges du Tigre. Là, elle attendra le monstre que vous craignez. » Les bergers considérèrent la courtisane, sa chair précieuse et son port de reine, avec étonnement et mépris : que ferait-elle que nos chiens n'ont pas fait ? Que pourrait-elle que nos fléaux n'ont pas pu ? Le géant la mettra en pièces, il la dévorera ! Elle tourna son visage vers son roi. Ils échangèrent un sourire. Gilgamesh dit : « Ayez confiance, allez ! » "

  • Prémonitoire

    Je me souviens qu'aux dernières élections présidentielles, nous étions avec des amis et leurs enfants devant la télé, quand les résultats du second tour furent annoncés. A l'instant où le visage de not'président s'afficha, le plus petit de la famille, environ 6 ans, fut pris d'une crise de vomissements. Le ton du quinquennat était donné.

  • Une bouteille à la mer.

    On nous montre sur l'écran une fiction très éloignée des faits réels qui l'ont inspirée. En réalité, le petit palestinien de Gaza qui cueillit la bouteille sur la plage, adressa à la petite israélienne un message qui disait en substance : « si vous pouviez arrêter de nous balancer vos déchets, en plus du reste. »