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choses vues - Page 15

  • 2482

    Par la fenêtre, le vieillard
    grise la rue de son regard

  • Légume des jours

    Pour s'éplucher un doigt, il faut veiller à affûter l'économe. Ensuite, l'intérêt de l'opération est votre problème.

     

     

    Autrement, la première hirondelle est revenue, ce matin. C'est toujours un moment particulièrement émouvant, pour nous. Une vraie réconciliation avec le monde. Avec ce qu'il a de beau, encore.

  • Un an

    Il y a un an exactement, je déposais les clés de mon travail sur le bureau de ma chef.

    La vie depuis, si elle n'est pas confortable sous certains aspects, est facile, bonne, bénie. Je vais en reprendre un an, tiens.

     

  • Rencontre avec Laurent Cachard

    La bibliothèque de Fleury, ses bénévoles avec le concours de la municipalité, ont eu l'excellente idée d'inviter l'écrivain lyonnais Laurent Cachard, pour une rencontre exceptionnelle (exceptionnelle « à plus d'un titre », comme le souligne le billettiste désirant passer à l'essentiel, contenu dans la suite).  D'abord, parce que Laurent est un écrivain rare, aussi parce qu'il s'agissait de tenter une approche de l'ensemble de sa production et enfin, parce que la soirée se poursuivait par un – peut-être – ultime récital « Littérature et musique ». Forme singulière alternant lectures d'extraits et chansons inspirées de ses livres, concoctée par l'auteur il y a quelques années, et imaginée avec la complicité des musiciens qui composent et/ou interprètent les chansons inspirées de l'œuvre de leur ami Laurent. Ici, Gérard et sa nièce Clara Védèche, et Eric Hostettler. Ce serait une journée-hommage en quelque sorte, bien que l'âge de Laurent n'incite pas au bilan ou à la rétrospective. Disons que cette rencontre était l'occasion d'un point à mi-parcours.

    Hier donc, Laurent Chachard était venu trouver un public neuf, celui de la bibliothèque de Fleury-la-montagne. Les lecteurs de Kronix connaissent bien cet auteur, souvent chroniqué ici et souvent « lié », blog à blog, car une ancienne complicité existe entre le Cheval de Troie et Kronix.
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    La rencontre d'hier avait pour objet de parcourir les différents aspects de son travail et de susciter pour le public présent le goût d'en découvrir plus, et de le lire. Je ne sais pas si nous y sommes parvenus, en tout cas, l'assemblée était nombreuse et attentive et l'échange, je crois, riche et intéressant.
    Romans, nouvelles, paroles de chansons, comédie musicale, théâtre, écrits sur l'art, essais... Il y avait matière. Prendre le temps de tout aborder, avec immédiatement la certitude que nous ne ferons qu'effleurer le propos mais donner à l'auteur, ce n'est pas si fréquent, l'occasion de dire, de digresser, de peut-être découvrir des choses sur lui-même, qui sait ? Il aura fallu deux heures, et il ne restait plus assez de temps à consacrer aux échanges avec le public. Il fallait se résoudre à conclure, car les musiciens, dans la salle voisine, étaient prêts pour la deuxième partie de l'événement, et des spectateurs arrivaient. Cependant, l'objectif difficile a priori, d'effectuer un tour d'horizon complet a été tenu. Les réactions dans l'assemblée étaient celles de personnes qui découvrent un auteur, ou un aspect méconnu de son œuvre, et ont pris goût d'en connaître davantage. C'était le but. Je ne suis pas mécontent. Un enregistrement a été fait qui, j'espère, pourra être mis en ligne, et qui permettra de suivre complètement l'entretien.

    Littérature et musique est cette expérience peu commune ou plutôt unique (j'en avais fait une description lors d'une représentation stéphanoise à lire ici), constituée à partir de l'œuvre de notre invité. Laurent, je l'ai dit, est un personnage autour de qui s'agrège avec naturel les amitiés durables. Ce n'est pas une chance, pas seulement, c'est son talent. Pendant plus d'une heure, les amis musiciens de l'auteur ont accompagné les musiques écrites par Eric Hostettler sur les paroles de Laurent, et soutenu parfois, ou laissé le silence nécessaire, aux lectures d'extraits des livres de Laurent par lui-même. Courts extraits, significatifs, de chaque roman ou recueil de nouvelles, un prolongement bienvenu de notre rencontre. Et chaque fois, les chansons ad hoc, parfaitement écrites et interprétées. Celles inspirées de « Tébessa, 1956 » ou de « La partie de cache-cache », sont des moments inoubliables, émouvants, forts. Autre moment assez estomaquant, l'interprétation de la jeune Clara Védèche (18 ans), violoncelliste, d'une pièce contemporaine virtuose. Rien que pour ça...

    Dans la dernière partie de notre entretien, celle qui na pas eu lieu faute de temps, nous voulions d'un commun accord, aborder la question de l'assèchement littéraire. Car Laurent subit comme nous tous, parfois, l'angoisse du vide, du « à quoi bon ». Il me semble que la séance à deux détentes d'hier devait lui donner de bonnes, d'excellentes raisons, de ne pas baisser les bras, et lui faire la démonstration, s'il en était besoin, que tout ce travail n'est pas inutile, qu'il a un public, un lectorat, attentif à la suite de ses productions, et du coup, un devoir envers eux.

     

    NB : Je connais Laurent. Il aurait pu évidemment rédiger avec l'aisance qui le caractérise, le compte-rendu de cette rencontre dès son retour à Lyon hier, dans la nuit, mais je crois qu'il m'en a laissé la primeur, par élégance, malgré ma rédaction tardive. C'est bien lui, ça.

  • En voiture

    J'ai une trentaine d'années. J’attends un copain devant chez moi, dans la nuit et sous la pluie. Aucun abri, je commence à être trempé. J’ai dans un sac de quoi travailler : nous devons rejoindre un troisième larron. Ensemble, nous formons un trio brièvement connu dans notre ville sous le pseudonyme collectif de Chris FrankEr. Chris FrankEr écrit des films à budget zéro, les réalise et les diffuse. Mon pote tarde un peu, je trépigne, j’ai froid. Enfin, la voiture s’arrête de l’autre côté de la rue. Je fonce ; assis côté passager, je pose mon sac et vérifie que mes notes sont sèches en pestant contre le mauvais temps et les conducteurs qui sont en retard. Alors, j’entends « Ah. Il doit y avoir une erreur… » Je lève le regard : ce n’est pas mon pote. Nous nous considérons, très surpris l’un et l’autre. Je me confonds en excuses, ressors puis reprends ma place, secoué par un fou-rire bizarre, qui éclate sporadiquement, pendant les longues minutes de mon attente renouvelée. De l’autre côté de la rue, une vieille dame, surgie d’une maison de retraite, pénètre dans la voiture qui lui était, donc, destinée. Je suppose que son chauffeur va avoir de quoi lui raconter.

  • Pottier pris aux mots

    Cet acharnement qui va jusqu'à la démolition des ruines, et tout ça sans connaître le couplet « Du passé faisons table rase »... ça force le respect, cette internationale de la colère.

  • Salut Patrick !

    Et bien oui, il faut se faire à cette idée : le contrepet n'est pas exclusif au génie Français. En même temps, je vois dans cette découverte un heureux signe d'accord universel toujours possible. Ah, si tous les contrepétistes voulaient de donner la main !

    La contrepèterie english s'appelle un spoonerism et j'en ai trouvé des preuves sur ce forum.

    Par exemple : The nun has got hope in her soul.
    Il y a aussi une chanson dénommée "The Pheasant plucker" (celui qui plume les faisans).

    Nous voici rassurés. Et vous pouvez me remercier de passer du temps à me renseigner sur des questions qui, a priori, ne vous empêchaient pas de dormir.

  • Rien

    - Tu n'as toujours pas fait ton billet du jour sur Kronix ?
    - Ah non, tiens, c'est vrai. Il se fait tard. Je ne sais pas quoi mettre. J'avais un truc sur ma spasmophilie : « Ces étouffements dans la nuit qui parviennent à me faire prononcer involontairement : 'pitié' », mais tout le monde s'en fout, surtout, personne ne va comprendre. Et puis ça fait mélodramatique.
    - Tu ne vas pas leur refaire le coup du billet qui raconte que tu n'arrives pas à écrire un billet, hein ?
    - Non, non, bien sûr que non. Je l'ai déjà fait, comme tu dis. Je ne veux pas paraître comme ça, paresseux.
    - Tu n'es pas paresseux
    - Je ne sais pas. Parfois, si, quand même. En ce moment, même au niveau fiction, ce n'est pas ça. Je me traîne.
    - Tu as préparé l'interview de Laurent, le 14 ?
    - Bien sûr. J'ai tout relu, noté des choses. C'est fait. Je vais essayer de faire mieux qu'à Gilly, où je n'avais pas pris de notes, confiant dans ma relative bonne connaissance de son travail.
    - Oui, ce serait bien. Et le colloque, le 10 avril ?
    - Le colloque ? Oui, oui, j'ai même répété. Je tiens une heure facile. C'est un peu long.
    - Tu peux parler de Minotaure, de La Grande Sauvage... Je ne sais pas, tes chantiers en cours.
    - Ils sont à peine amorcés. Je peux parler de mon impuissance à les poursuivre.
    - Tes lectures ?
    - Oui, en effet, mais je ne sais pas faire de vraies critiques littéraires. Et puis ça demande vraiment beaucoup de travail pour écrire quelque chose de soutenu, d'argumenter, de respectueux. Tu vois, je suis quand même paresseux.
    - Faut pas dire ça. Tu as des priorités, c'est tout
    - Bôh, en ce moment...
    - Et la BD ? Tu peux parler de Cédric, qui relance vos dossiers : Cortés, Les nefs de Pangée (version BD), Le Petit Jules, Complainte des Terres du Nord, l'Enthéide, et j'en oublie...
    - Moi aussi, j'en oublie, on en a tellement sous le coude... Une dizaine, une vingtaine, je ne sais plus. Sans compter les nouveaux projets.
    - Et la dame que tu as dépannée ce matin, qui est venue sonner à la porte alors que tu étais encore en pyjama ? Et que tu es allé prendre froid, mon pauvre amour, pour réparer une roue sur un terrain tout boueux.
    - Oui, ça, peut-être...
    - Est-ce que tu as parlé de Voir Grandir, du travail musical de Jérôme, des projets de concerts ?
    Un peu, mais c’est encore loin, c'est prématuré
    - Des lectures de Nos Futurs avec Emmanuel Merle ? Des rencontres à Versailles ? De tes autres projets de romans ? De l'anthologie sur l'Utopie, qui revient au jour ? De la revue Brasiko Folio ? de la sortie des Nefs de Pangée chez Mnémos en septembre ? De tes enfants, de moi ?
    - Le problème, tu vois, c'est qu'il ne se passe pas grand chose dans ma vie.

  • L'infatigable maillet contre l'infatigable burin

    D'autres religions ont abattu les idoles des précédentes. Que reste-t-il des dieux gaulois, des sites aztèques, des statues de Médine ? Les générations d'iconoclastes sont spontanées et sans cesse renouvelées. Ne change que l'ampleur de leur tâche, car leurs efforts font face à une spiritualité infatigable, créative, prolifique, accumulée par les siècles et pareillement régénérée que leur haine. 

    Mais enfin, il serait prudent d'enterrer Lascaux.

  • Sur la scène de la vie

    L'étau se resserre. Chez le boulanger, au supermarché, à la mutuelle, et même chez le docteur à présent. Les mêmes propos, unanimes : salauds de pauvres. Pas dits de cette manière, mais enfin, chacun, du haut de ses compétences économiques pointe le vrai problème qui plombe notre bonne société : le coût des pauvres et des étrangers. Parallèlement, notre dégoût s'épaissit, la sensation de notre impuissance, d'être cernés par une bêtise galopante. Comment ça se termine, déjà, « Rhinocéros » de Ionesco ?

  • Les nécrophages

    Sur le catalogue de l'entreprise de Pompes Funèbres, le cercueil le moins cher est carrément baptisé « Indigent », écrit en grosses lettres à la fin de la plaquette. Indigent. Histoire de foutre la honte à celui ou celle qui, infâme crotte dégénérée, aurait caressé l'idée de ne pas se ruiner pour un parent dont le corps, aussi adoré qu'il fut naguère, va irrémédiablement fondre dans la terre. Et le cercueil « Indigent » est à... 700 euros. Indigent, 700 euros. Vous entendez bien ? In-di-gent : sept-cent euros.

  • L'affût

    Le chat observe l'oiseau dans la cage. Il rêve. C'est inatteignable, c'est une utopie. Mais il patiente, s'enferre dans sa patience, et la patience devient l'objet de son attente, lui donne sons sens. Il me semble en le regardant, après avoir dit au chat, encore une fois : « C'est pas la peine de t'exciter, tu l'auras jamais », que l'obstination du chat à croire que la cage pourrait s'ouvrir un jour, dit quelque chose de notre condition.

  • Respect

    "Moi, je n'y connais rien, mais il avait des arguments tout à fait pertinents."

  • Puisque j'te dis qu'c'est lui !

    La bizarrerie des gens... Il m'est arrivé plusieurs fois que, pendant une dédicace, une personne fasse la queue, se plante enfin devant moi : « Vous ne seriez pas le Christian Chavassieux qui était à telle école, à tel endroit à tel moment ? » Oui, réponds-je, heureux que, de si loin, on se souvienne de moi, qu'on soit curieux de ce que je fais, etc. « Merci, je voulais être sûr(e) » et la personne se retire, sans un mot de plus. Simple vérification, on peut cocher la case, c’est bien lui, bon qu'est-ce qu'on mange ce soir ? Voilà. J'en suis toujours un peu interloqué.
    Il y a un mois, je reçois lettre et documentation jointe d'un « emboucheur et affineur de charolaises ». La plaquette présente l'entreprise du monsieur et la lettre, très chaleureuse, évoque un lointain passé commun, tel collège, etc. Sur le même ton amical, voire empressé, le monsieur poursuit en disant tout le plaisir qu'il a eu à lire mon dernier bouquin, qu'il est très heureux de voir ma « médiatisation » (oui) et que ce serait très chouette de se revoir. Il a manuscrit soigneusement son adresse mail pour que je lui réponde, au moins, par ce biais. Ce que je m'empresse de faire dans les minutes qui suivent, par politesse, par égard pour son gentil mot, en le félicitant pour sa réussite, sa belle plaquette et en lui disant que, bien sûr, s'il veut qu'on se revoie, il y a telle ou telle disponibilité, à lui de voir. Les jours, les semaines passent. Pas de retour. Bon. Peut-être n'a-t-il pas reçu le mail. L'actualité, Pasiphaé, l'écriture intense, je laisse cela au second plan. Et puis, tout de même, il faut bien que je lui dise, s'il n'a pas reçu mon message, que je n'ai absolument pas dédaigné ses souvenirs et son gentil courrier. Je téléphone. Il décroche, je me présente, « Ah salut » me dit l'emboucheur. Je commence par « Je suppose que tu n'as pas dû recevoir mon mail... » et j'entends l'affineur : « Si si, bien sûr, je l'ai lu deux fois. » Il n'ajoute rien. Mais rien. Je reste sans voix (sauf intérieurement : Putain, mais tu pouvais pas me répondre en retour : bien reçu, pas le temps, trop de boulot, je t'appelle... Enfin, donner un signe de vie ?). Après quelques minutes d'échanges absolument désincarnés, je raccroche. Abasourdi. Et je réalise qu'en fait, je viens d'être confronté au même phénomène que les personnes qui viennent s'assurer que le type qu'ils ont vu dans le journal, oui, c'est bien celui qu'ils ont connu il y a longtemps. Vraiment, vraiment bizarre, non ?

  • La première f(a)ille

    Lors de mon passage au concours d'entrée à l'Ecole des Beaux-Arts de Saint-Etienne (je vous parle d'un temps...), j'étais un garçon pataud et complexé. M'intimidaient surtout les filles, toutes plus belles et sérieuses les unes que les autres. Sérieuses, oui. Belles mais glaçantes. Les impétrantes ne souriaient pas, le sourire devait avoir quelque chose de l'ordre de la soumission, de l'allégeance au système, enfin une idée comme ça. Bref, les filles étaient engagées, militantes, hautaines et austères. L'une des épreuves était la présentation d'un dossier. J'avais honte de mes petits dessins, mais enfin, le jury ne fut pas l'assemblée sarcastique et cruelle qu'on m'avait préparé à voir.
    Tout se passe bien. Je n'en mène pas large pour autant. En fin de journée, je revois une fille avec qui j'avais échangé quelques mots le matin. Belle brune, sévère, austère, etc. Vous avez compris. Elle vient de passer l'épreuve, je lui demande comment ça s'est passé. Elle ricane : « Ces cons ! Je leur ai montré des dessins politiques. Y'en a un qui m'a demandé ce que ça voulait dire ! Le con ! Je lui ai dit que s'il était pas capable de comprendre un dessin politique, fallait qu'il s'interroge, lui, pas moi. Ah, le con ! » J'étais très admiratif d'une telle force de caractère. Je n'osais rien ajouter, de peur qu'elle me montre les dessins et que je sois moi aussi, (si peu politisé à l'époque) rangé dans la même catégorie que le prof qui avait osé contrarier la jeune femme.
    Finalement, je fus reçu. Pas revu la fille. Les cons avaient renoncé à lui infliger leur ignorance crasse. J'ai commencé à questionner mes préjugés. Est-ce que quelqu'un qui a une grande gueule est forcément plus intelligent que moi ?

  • Incarner une quête de l'âme

    Winfried Veit est un artiste qui s'interroge. Il est artiste dans ce but, probablement. En tout cas, sa nature lui dicte d'incessants questionnements que ses dessins, toiles ou sculptures tentent, au moins, d'exprimer. Les réponses ne sont pas de ce monde, ce n'est pourtant pas échouer que de parvenir à les donner à lire. Le temps ne fait rien à l'affaire, l'expérience ne résout rien, mais apporte des fragments de réflexion, fragments offerts aux autres, aux heureux visiteurs de la Galerie Le Réalgar, à Saint-Etienne, par exemple.
    « Hommes sans âme ? » se demande l'artiste. Quelle âme ? Ce qui est permanent en nous, qui nous dépasse, qui nous survit, qui nous relie à l'univers. Une mystique sans divinité, mais une foi du peintre en une parcelle, un scintillement précieux qui, issu de nous, est plus grand que nous. Sur chaque tableau, les corps se courbent, se penchent, exhibent des croupes ou des dos, mais aussi s'écartèlent, ouvrent les bras, crucifient l'espace de gestes mystérieux, d'appels énigmatiques. On va à la rencontre de femmes monumentales, de piétas où l'érotisme ne se voile plus, d'humains à qui l'on a greffé des ailes et qui en semblent encombrés comme on l'est parfois d'un cadeau immérité, trop beau, trop grand pour nous. Winfried Veit a travaillé obstinément, concentré, vif, acharné, pour cette exposition, pour aboutir à ce moment, avec en tête cette expression obsédante à la forme interrogative « Hommes sans âme ? ». Les anatomies réalistes, les muscles et les courbes se déploient dans l'espace rectangulaire et blanc du papier, s'expriment en crayon ou fusain dilué de jus clair, rehaussé de couleurs qui enrichissent les ombres, soulignent des contours. Autant de gestes nerveux et sûrs venus par addition épaissir la chair des figures représentées. Elle est certainement par là, entre les lignes, dans la superposition des glacis, l'âme que cherche Winfried, comme certain cynique cherchait un homme. Diogène s'était armé d'une lampe pour tenter d'approcher l'humain ; Winfried fait un pas vers lui, sa lumière se dépose, ébauche un contour, ses pinceaux détaillent la pénombre, quelque chose survient, qui n'est pas si loin de l'Homme, aussi proche que possible de cette âme qu'il ne renoncera jamais à vouloir cerner. Et ce ne sont pas les matérialistes obtus qui le détourneront de cette quête. Pour le plus grand bonheur de tous.

    Hommes sans âme ? Winfried Veit, Galerie Le Réalgar, rue Blanqui, Saint-Etienne, jusqu'au 20 Février 2015

  • Reprenons

    Les quelques jours passés à Saint-Etienne, au contact de gens merveilleux : la troupe de NU compagnie, mais aussi l'équipe du Chok théâtre, celle de l'émission « A plus d'un titre » de RCF, les libraires qui défendent mon livre, Daniel de la galerie Le Réalgar, Winfried Veit qu'il exposait, son épouse Olga, tous les visiteurs curieux, les amis venus nous soutenir, la personne qui nous hébergeait, enfin, tous ces gens passionnés, subtils, pertinents, toutes ces personnalités qui privilégient l'être à l'avoir, en cette période, m'ont fait un bien fou. A partir d'aujourd'hui, Kronix reprend son activité quotidienne.

  • Se faire éditer : la formule imparable

    Écrire est le problème, mais écrire n'est pas un problème, si vous voyez ce que je veux dire. J'ai une certaine réputation de prolixité et si tous mes manuscrits étaient édités, ma foi, je pourrais me poser une demi-douzaine d'années avant de proposer un nouvel opus (donc, oui, vous avez bien calculé : il y a environ six romans non publiés dans mes tiroirs). Mais ça ne marche pas comme ça. D'abord, tout n'est pas publiable. Certains romans sont même dépassés une fois terminés, ils ne sont plus à faire, un autre s'en est occupé, en mille fois mieux. Ensuite (et voilà où je voulais en venir), pour répondre à la traditionnelle question : « Et après, vous publiez quoi ? » Il faut que tu saches, cher lecteur, que ce n'est pas l'auteur qui décide, mais l'éditeur et que, même quand tu es déjà publié depuis longtemps, même si tes livres ont été honorablement reçus, même si tu tiens dans la main une promesse écrite, c'est l'éditeur, ce partenaire fascinant, qui décide du sort de l'auteur et de son manuscrit.

    Il y a peu, je lisais dans un journal local, un article censé informer ses lecteurs sur les relations auteurs-éditeurs, et je lis, concernant les écrivains de ma région (je résume) : « Certains auteurs préfèrent une meilleure diffusion et choisissent un grand éditeur. » Donc, tu ponds le récit de la vie du boulanger de ton village, tu téléphones à Gallimard : « Bon, maintenant, j'en ai marre de diffuser mes plaquettes auprès de ma famille et de mes amis, alors, je vous envoie mon manuscrit. Démerdez-vous, faites-moi ça bien et envoyez-le dans tout le pays, OK ? »
    Je vous conseille de pratiquer comme ça. Surtout, après, vous me dites comment vous avez été reçus.

  • Le plein, s'il vous plaît

    L'année 2015 va commencer avec un mois de janvier chargé, en ce qui me concerne.
    Bien sûr, les répétitions pour Pasiphaé s'accélèrent puisque la première représentation de cette « farce du désir » assez risquée se déroulera le 9 janvier à 20h30. Cette production est un tournant pour la compagnie NU. Je sais que François Podetti, le metteur en scène, est sous pression comme rarement. Tant de choses inédites pour nous ont été imaginées pour cette pièce, que sa représentation relève de la gageure constante pour Jérôme Bodon-Clair à l'univers musical et Marc Bonnetin à l'univers visuel. Personnellement, je rencontrerai les élèves d'un lycée roannais le 12 janvier. Ils auront assisté à la pièce. L'échange devrait être passionnant. Les 15 et 16 janvier, Aurore Pourteyron (Pasiphaé), François Frapier (Dédale) et François Podetti (Minos) endosseront à nouveau les costumes d'Odile Gantier pour jouer notre pièce sur la scène du Chok Théâtre, à Saint-Etienne, à 20h30. Le vendredi 16 janvier, sur ce même plateau, dans les décors d'Yves Perey, mais à 18 heures, j'aurai l'immense plaisir d'être interviewé par Jean-Claude Duverger dans le cadre de l'émission « A plus d'un titre » sur RCF. Il s'agira surtout d'évoquer « L'Affaire des Vivants », paru chez Phébus cette année. Les spectateurs venus pour l'émission pourront enchaîner - je le leur conseille - avec la représentation de Pasiphaé. Restons à Saint-Etienne où, le lendemain, samedi 17 janvier à 18 heures, la Galerie Le Réalgar (par ailleurs éditrice de « La Joyeuse »), ouvre l'exposition « Hommes sans âme ? » consacrée à WinfExpo_WV.jpgried Veit, artiste puissant et merveilleusement humain, qui a justement illustré ma nouvelle. J'y serai pour dédicacer notre petit ouvrage.

    Le 23 janvier, c'est l'ami Christian Degoutte, dont le « Sous les feuilles » a été un de mes éblouissements l'an dernier (déjà?), qui animera une rencontre à la Bibliothèque de Commelle-Vernay. Christian est du coin, c'est un auteur magnifique, quelqu'un que, que... Bref, je me suis permis de lui demander ce grand service et pour mon bonheur, il a accepté. Ce sera à 18 heures.
    Le 30 janvier, c'est le cercle de lecture « Parole et plumes » qui m'accueille à Saint-Germain-en-Laye pour parler de « L'Affaire des Vivants », sujet également de la rencontre du lendemain, plus près de chez moi cette fois, à Saint-Haon-le-Châtel, dans la bibliothèque municipale à partir de 17 heures.

    Pour l'instant, je n'ai qu'une seule date en février. Sensation étrange d'un grand vide. Heureusement, mars et avril commencent à se remplir. Me voilà rassuré. Après, le vrai problème est d'insérer l'écriture et la lecture au milieu de tout ça. On ne va pas se plaindre, c'est très bon d'être sollicité.

  • Reprise (ici aussi) *

    Elle avait dix ans, onze ans, pas plus. Ses parents, redoutant de la voir isolée des autres enfants du village, car elle était une des rares élèves de l'école publique, l'avaient tout de même inscrite au catéchisme. Consciencieuse comme toujours, elle y apprit la vie du petit Jésus et ses merveilleuses aventures. Elle excellait. Le catéchisme conduisait logiquement au cérémonial de quelque communion, solennelle ou autre. Un curé lui fit passer sa première confession. Il fallait donc qu'elle confesse ses péchés. La petite ne comprenait pas : quel mal avait-elle bien pu faire ? Le curé se porta à son secours : tu as bien volé un bonbon, mal répondu à tes parents un jour, fais du mal à un petit camarade, mal appris tes leçons ? Non, non, rien de tout ça. Elle aimait doucement tout le monde, adorait apprendre, il ne lui serait jamais venu à l'idée de voler quelque chose, et sûrement pas d'élever la voix contre ses chers parents. Elle avait beau chercher, la petite était dans la plus grande confusion : elle n'avait jamais péché, à sa connaissance. Pourtant, elle faisait preuve de bonne volonté, se torturait l'esprit pour faire plaisir au bonhomme noir qui lui répétait : « mais si, enfin, cherche, tu as forcément péché ! » Rien à faire. Le curé lui imposa donc d'avouer n'importe quel forfait, pourvu qu'il puisse lui octroyer le pardon de Dieu qui, là-haut, guette les faux-pas des innocents. Elle avoua donc, mortifiée, ulcérée, un acte qu'elle n'avait pas commis. Le curé bénit son mensonge, satisfait d'avoir bien œuvré pour cette âme déjà pervertie par l'enseignement public.
    Cette âme pervertie est celle de ma douce, restée confiante malgré tout dans le genre humain, et toujours aussi incapable de faire du mal.

     

    * private joke