L'exaltation que procure la musique, sa capacité à désinhiber tout sens du ridicule, est particulièrement lisible dans le sourire des majorettes.
choses vues - Page 34
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Lancer de bâton
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Santons sous la pluie
Pour cette nouvelle crèche, le santonier s’était amusé à fabriquer des bergers dubitatifs ou indifférents et un qui bâillait ostensiblement, il avait ajouté -en pouffant- un roi mage qui repartait avec les cadeaux.
Pas de réaction.
Il réalisa alors une vierge-Marie en train d’accoucher dans le sang et les douleurs.
Les paroissiens trouvèrent ça très bien.
Déçu, il se mit aux figurines de wargames, où il y avait encore des gens un peu dogmatiques. -
Jet lag
Chaque année, les fruits sont plus précoces. Le goût, quant à lui, arrive plus tard.
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Un peu de poésie
Poète jusqu'au bout des ongles, il lui arrivait de versifier ses lettres de délation.
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Volatiles
Le printemps. Les cigognes arpentent les prés, bec pensif, grandes pattes lentes et précautionneuses ; les hirondelles traversent le ciel comme des bolides étourdissant. Nous sommes les seuls à leur concéder une parenté. Elles, s'ignorent.
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Nuance
Dans notre ville accablée par le chômage et la précarité (30% de la population vit au dessous du seuil de pauvreté), il y a paradoxalement une grande concentration de propriétaires de Ferrari (125 personnes sont soumises à l'ISF). Mais comme ils ont honte – ou peur- ils ne les sortent que la nuit tombée, et même bien avancée. Vers trois heures du matin, en semaine, il n’est pas rare de voir deux Ferrari se croiser en klaxonnant. Dans leur lit, les pauvres sourient sur des rêves de viande hebdomadaire. Tous les deux ans à peu près, les Ferraristes, dans un surcroît de remords -qui leur permet aussi de montrer enfin leur réussite sans en éprouver de gêne-, organisent une exposition de leurs machines, dont les bénéfices vont aux associations caritatives locales (environ mille euros sur le week-end soit 400 euros pour chaque association). Cet argent aboutit peut-être dans les poches des plus miséreux sous la forme d’un centime chacun à peu près. Ce qui n’est pas suffisant pour assister à l’exposition suivante, qu’ils regardent par-delà les grilles. Pour l’heure, aucune amertume ne les pousse à sauter les barrières, à jeter un pavé sur les bolides. Parfois, un conducteur, dans la nuit propice, écrase un de ces pauvres. Cela mêle deux rouges à peine différenciés, mais l’automobiliste râle. Le ferrariste est très sensible aux nuances.
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Qui triche ?
En invalidité depuis des années, on exige de lui qu'il se présente à un rendez-vous pour -tout de même- chercher une piste de travail. Bonne pâte, parce qu'il se dit qu'il faut faire preuve de bonne volonté, il se débrouille, fait l'effort, vient au rendez-vous. Une fois, deux fois, malgré le manque de mobilité, la souffrance. Enfin, on remarque : « dites-moi, mais vous n'êtes pas si invalide que ça, vous ? Puisque vous pouvez venir à nos rendez-vous, vous pouvez aller bosser n'importe où, non ?» Allez hop : valide. Pas compliqué.
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Môssieur l'écrivain...
Pour qui est-ce que je me prends ? Je me morfonds depuis qu'une innocente plaisanterie m'a profondément bouleversé.
Dans une rédaction que je connais bien pour y avoir travaillé et que je visite parfois, une jeune femme arrose son départ vers d'autres cieux professionnels. Ses collègues lui font les traditionnels cadeaux et quelques surprises plaisantes, dont une parodie du journal auquel elle participe. Au hasard, je saisis ce faux amusant, lis quelques articles très drôles et tombe sur une liste des moments les plus affligeants de sa carrière de rédactrice. Et je découvre notamment « les interviews d'auteurs qui se prennent pour Houellebecq ». La jeune journaliste m'a interviewé, lors de la sortie du « Psychopompe ». Je ne pense pas être paranoïaque en prenant le trait pour mon compte ; je sens même une certaine gêne autour de ma lecture.
Mince alors ! Je donne donc cette image ? Celle d'un type qui « se prend pour » ? Moi qui n'ai accepté le titre d'écrivain qu'après l'édition de mon cinquième ou sixième roman, à plus de quarante ans, et encore : en baissant la voix et le regard. Peut-être ai-je parlé avec trop de sérieux de ce livre-là, peut-être ai-je cru devoir convaincre que c'était « bien », et dans cet exercice, me suis-je montré trop sûr de moi, prétentieux. La prétention, en fait, nous y sommes, petits auteurs, un peu conduits. C'est que l'on nous l'autorise, malgré notre modeste statut. On nous donne la parole, soudain, parce que nous avons écrit. Et nous voici pontifiant, discourant, donnant notre avis, à la demande d'un public qui écoute. Pourtant, nous ne sommes pas plus renseignés du monde que les autres, pas plus subtils, pas plus cultivés mais voilà : nous prenons l'habitude de cette autorité artificielle. J'ai dû semblé tellement sûr de moi...
Une dure leçon d'humilité en tout cas. -
Qu'est-ce qu'elles veulent ?
Il faut supporter de vivre dans un monde où une gamine qui se fait cogner dessus par son père au point d’être soignée aux urgences est tenue pour une emmerdeuse qui exagère son traumatisme et sa mère qui demande le divorce, pour une dépressive incurable. Le père va bien. Il est entouré d’amis, qui essayent de le consoler.
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Optimistes
Le Figaro.fr fait une liste de 30 raisons d'être optimistes. Je vous passe les détails, il n'est question que de déco, de superficiel, de futilités à la mode et parmi elles, on peut lire ça : "Plus d'attente au cinéma : Le ciné sans guichet, c'est comme le supermarché sans caissière..."
L'inconséquence de ces gens...
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Gilet serré
Mon travail me permet de dénicher de ces petites merveilles. Ici, un menu. Un menu de banquet d'accord. Impressionnant, mais comme le souligne ma douce : "y'a pas de fromages ?". Non, y'avait pas de fromages.
GRAND CERCLE DU PROGRES
BANQUET ANNUEL
13 DECEMBRE 1903
MENU
Pâté de chasse en Bellevue
Turbot Normande
Filet de Dinde à la Maintenon
Cuissot de Chevreuil à la Russe
Macédoine au velouté
Faisans truffés rôtis
Salade de Langouste
Glace Pralinée
Dessert
CaféLiqueurs
Fleurie Moet
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Sous le soleil
L'année commence mal, avec une disparition supplémentaire. Ma douce veut aujourd'hui revoir ce visage fermé qu'elle a connu rieur et complice. Un aller-retour sous le soleil de cette belle journée, pour considérer ce masque, qui s'apprête à fondre dans la nuit. Permettez-moi une pensée pour la femme seule, pour les amis pétrifiés, pour toutes les douleurs égarées qui voudraient un sens à tout cela. Je parle de tous les deuils, dont 2010 fut déjà riche. Priant le néant qu'il n'en soit pas ainsi pour 2011.
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Les convoyeurs attendent
Les chauffeurs de car attendent, agglutinés derrière la banque de renseignements de la gare routière. Par ces frimas, le lieu est un refuge, une bulle de verre, chauffée, salle d'attente pour un public calme, où je vais d'ailleurs bouquiner en attendant l'heure ; Les chauffeurs ne bouquinent pas ; ils rigolent. Surtout, ils s'harmonisent, s'entrainent, se relaient, emploient tous les moyens pour faire rire l'hôtesse. C'est une petite dame brune, fluette, dont le rire ressemble à celui de madame Mim dans le Merlin l'enchanteur de Disney, en moins sardonique et en beaucoup, beaucoup plus aigu. La petite dame est une bonne cliente de l'humour bite-con-couilles de ses collègues masculins qui, ainsi tenus de surenchérir, dépassent tout ce que « les grosses têtes » peuvent déployer de vulgarité. Et la petite dame de s'esclaffer, d'accélérer le rythme de ses éclats jusqu'à ululer une sorte de cri de sirène continu et dangereux pour les oreilles. Les gars multiplient les jeux de mots, les bourrades, les rires gras, les imitations, pour la consternation des voyageurs innocents, venus se réchauffer dans un abri serein et se retrouvent dans une taverne irlandaise le soir de la saint-Patrick.
Je ne suis pas bégueule, je n'ai rien contre le fait que les gens s'amusent et rigolent au travail. Mais si on essayait de la faire rire avec, je ne sais pas moi : Desproges ? Non, j'ai rien dit. -
Oh, Johnny, si tu savais...
Sur un affichage de presse people, sur le trottoir, je capte au passage un titre hallucinant : « Johnny : terrible arnaque ! » illustré d'un portrait déceptif du plus invraisemblable chanteur de variétés qui soit. Je sursaute en me disant : « Enfin ! La presse a décidé de déciller son public. Noble cause. » Et puis non, une relecture instantanée me décille, moi : "Johnny : terrible attaque !" il s'agit d'une bien commune alerte sur l'état de santé de l'artiste francophone le plus bidon depuis que Cloclo s'est tout seul éliminé de la course. Tant pis, me dis-je.
J'espère que ce billet va déplaire. -
Une journée particulière
Pour deux raisons absolument opposées, ce samedi est une journée spéciale. Pour ma douce, dont c'est l'anniversaire ; pour Annie qui pleure son compagnon. Comment célébrer l'un et l'autre sans se médire ? En faisant confiance à l'ordre de la vie, qui est de prendre le dessus.
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Encore un adieu
Une calotte de plus cette année, qui en aura compté beaucoup. Nous nous sentons complètement cernés par les deuils achevés et les deuils à venir. Triste, déprimante perspective. A cet égard, 2010 aura été une année de malédictions.
C'est une nouvelle qui assomme, malgré l'imminence que nous savions. Quelle illusion nous fait croire à la permanence du jour tandis que le crépuscule s'engage ?
Nous avions vu B. la dernière fois à la lecture du Psychopompe, il avait fait l'effort de venir, un moment, au bras de sa femme, la noble A. J'appelle involontairement ces images, et par elles, il me semble que je commence à réaliser, et l'angoisse monte.
Il n'y a pas de justice, personne n'est épargné. On va essayer de survivre, quoi, en attendant notre tour. Bien obligé de considérer les choses comme ça.
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Son compte est bon
Je vois cet homme sortir en souriant de la banque. Derrière la vitre, je vois aussi le banquier lever les bras, sortir le champagne, appeler ses collègues. Je me demande si le client va sourire longtemps.
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Le sens de l'essentiel
Un grand ménage dans greniers et caves est l'occasion de repenser une époque révolue, pourtant pas si lointaine. Sans parler d'amélioration de nos comportements, on peut juger d'un déplacement dans les objets du désir de consommation. Voici que surgissent des cartons quantité d'appareils imbéciles, utilisés trois fois maximum et remisés dès la fête finie. Vous vous souvenez des ouvre-boîtes, des couteaux, des ramasse-miettes, des moulins à café, des presse-citrons électriques, des chauffe-plats ? Ces machins forcément pratiques qu'on mettait un quart d'heure à mettre en place quand on parvenait à remettre la main dessus, et dont on découvrait à chaque usage qu'un tour de main suffisait. Que d'énergie, que de matière grise, que d'argent, perdus dans cet amoncellement technologique qui tache d'orange et de beige les étals des brocantes miteuses, aujourd'hui !
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La vigilance, toujours...
Je reprends ici un communiqué du Parti Ouvrier indépendant qui soulève un problème important (un de plus, oui je sais)
"Les centres d’IVG ferment les uns après les autres dans la région parisienne : Saint-Antoine, Broussais, Tenon, Saint-Germain à Poissy, Avicenne à Bobigny, Jean-Rostand à Ivry, et aussi en province : Chalon-sur-Saône, Nevers, Lyon, Thiers, Moissac, etc.
Cette politique est la conséquence de la mise en œuvre, par les agences régionales de santé, de la loi Bachelot (loi HPST) qui, en regroupant les établissements hospitaliers, supprime des services, des maternités et des centres d’IVG.
Par ailleurs la tarification à l’acte (T2A) incite les hôpitaux à ne plus pratiquer des IVG, qui sont considérées comme « non rentables ».
Cette politique remet en cause le droit à l’IVG, c’est-à-dire le droit fondamental des femmes au libre choix.
Le POI condamne cette politique de régression, il dit non à la fermeture des centres pratiquant les IVG et exige :
La réouverture des centres fermés ;
Le droit à l’IVG sans aucune restriction ;
L’abrogation de la loi Bachelot de démantèlement de l’hôpital public, mise en œuvre par les ARS.
Ce sont ces mots d’ordre que le POI (Parti Ouvrier Indépendant) fera connaître lors des initiatives prises en défense de l’IVG, notamment le 6 novembre ." -
La douce et le goujat
Ma douce m'avoue l'autre soir la manière dont elle a morigéné un goujat en 4X4 qui trouvait malin de menacer sa twingo d'un pare-choc rutilant et massif pour l'obliger à aller plus vite. Mauvais calcul. Ma douce perd toute sa douceur instantanément, dans de tels cas. Elle est submergée alors par toute une colère où entrent pêle-mêle revendications sociales, environnementales, culturelles et sociétales qui motivent au quotidien ses nombreux agacements. Furieuse, elle descend de voiture et se colle sous la fenêtre du conducteur. Le type récolte donc le produit de mois de frustrations cumulées et, s'il échappe de peu à la menace de finir, avec ses congénères, pendu par ses propres boyaux, c'est qu'un restant de civilisation retient ma douce juste avant cet ultime anathème. Ensuite, et bien, elle a honte d'elle. Y'a vraiment pas de quoi. Surtout, j'aimerai bien avoir une vidéo de la diatribe. Pour servir de modèle.