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Ecrire - Page 27

  • La débandade

    Perdu la boîte à épices. Celle où sont rangés les rires et la bonne humeur. Du coup, tout ce que j'écris ne décolle pas, fait à peine sourire. Beau m'efforcer, me congestionner les boyaux de la cervelle, des nèfles ! Rien de marrant ne sort. Une sorte de panne, de détumescence de la rigolade. Une petite voix, grinçante, s'élève : « Parce que tu as déjà été drôle, toi ? »

     

    Suite demain.

  • Courrier (in)désirable

    Sur des charbons ardents, en ce moment. Récemment, tandis que je faisais un peu de ménage dans ma boîte mail, je me hasarde dans la rubrique « courrier indésirable », que je m’apprête à vider comme il se doit. Parmi les suppliques d’enfants malades, les loteries gagnantes et le tout-venant de l’e-trash, mon œil est arrêté par un objet singulier : le nom d’une personne que je ne connais pas... suivi du titre d’un de mes romans inédits ! Un peu abasourdi, j’ouvre le mail et je lis : "Bonjour, Votre manuscrit  "......" nous est parvenu par une voie un peu détournée – recommandé par un confrère éditeur. Une première lecture ayant suscité un intérêt, nous nous apprêtons à en effectuer une seconde. Pouvez-vous me confirmer que vous êtes toujours à la recherche d'un éditeur pour ce texte ?"


    Parmi les éditeurs qui ont refusé mon manuscrit, il y en a donc un qui l’a jugé assez intéressant pour le signaler à un confrère. Je ne sais pas lequel est-ce (enfin, j’ai mon idée, mais), ni si ce livre sera un jour enfin accouché, mais je trouve sa démarche belle et… j’en suis un peu retourné pour tout dire. En tout cas, la maison d’édition qui est aujourd’hui intéressée par ce texte est tout-à-fait dans l’esprit que j’aime. Une belle ligne éditoriale, une vraie valeur littéraire, une attention à l’objet-livre aussi, à la qualité du papier, etc. Si jamais je suis édité chez eux, aussi, c’est une marche significative dans la reconnaissance de mon travail, puisqu’il s’agit de sortir de l’édition confidentielle où des auteurs comme moi sont souvent confinés (ce qui a bien sûr de très bons côtés). Enfin, calmons-nous : rien n’est fait.

    Je vous tiens bien sûr au courant.

  • Reliefs

    Enfant, je tendais mes mains vers les étoiles, geste vain, qui m'apprenait pourtant à mesurer mon vertige.


    La trompette du soleil tournée vers nous claironne un jour heureux.



    Saisir d'un poing sa maigre intelligence, la jeter hors de soi. Petites questions, coutume intarissable. Le cerveau quémande, il veut penser. Tais-toi. Tais-toi enfin, laisse-moi, que veux-tu ? Tais-toi ! C'est la seule vertu à conquérir, le silence des roches.

  • ça commencerait comme ça

    "Le vieux s'est précipité le premier, à peine sa bru délivrée là-haut, à peine entendu la voisine constater « c'est un garçon », à peine le premier cri cueilli sous les solives, le voilà, plié, broyé par des générations de labeur mais jailli dans la bourrasque, négligeant l'hiver tant le jour est solennel, lancé aussi vite que son corps le lui autorise, vers la maison commune toute proche pour déclarer à l'univers fermé sur les huit-cents âmes de Saint-Elme que Charlemagne est venu (oui, ce sera Charlemagne, avec son cortège de pompes et d'or, ce nom et c'est ainsi, que les autres se plaignent !) et qu'il faudra compter désormais avec le dernier-né de la famille Persant, plus qu'avec tous ceux qui ont précédé, car il est le premier d'une nouvelle lignée."

     

    Quand on ne sait pas quoi poster, on colle le début du livre en cours (bien avancé : près de 130 pages de tapuscrit tout de même, soit le double en édition).

     

    A part ça, passez un bon réveillon.

  • La petite commande

    "les chants plaintifs" sont en ligne sur le site de la petite fabrique (aller dans la catégorie "livres d'artiste" puis "Livre pluriel")
    les photos donnent une idée de la qualité de l'objet.
    Il existe aussi en version édition courante, abordable (rubrique "édition courante"). La commande peut se faire en contactant directement la maison d'édition : contact@la-petite-fabrique.com ou de la main à la main, si vous habitez dans les villes où oeuvrent ces librairies :

    Le Square
    Square du Dr Martin, 38000 Grenoble    

    Tschann
    125 Boulevard Montparnasse, 75006 Paris    

    L’Odeur du Temps
    35 rue Pavillon, 13001 Marseille

     


     Et autrement, j'ai eu un écho enthousiasmant de l'écrivain réputé et fameux (et surtout excellent) qui signera la préface de "J'habitais Roanne", mais nous en parlerons en temps utile.

  • Correspondant de guère

    Je n'ai guère le temps d'en parler davantage (une surcharge de travail inopinée, ajoutée au retard pris pendant quelques jours de fièvre), mais je vous livre tout de même mes premières impressions : Entre Musso et Lévy, franchement, il y a une grosse différence. Musso sait écrire, il est consciencieux, respectueux de son lecteur et lui veut du bien. Lévy est un sagouin, il se fout de son lecteur et de ses personnages. Il bâcle ça, hop, doit avoir calculé son temps de travail à l'ordi en fonction d'une  rentabilité supposée du produit, en bon chef d'entreprise. Ça donne des passages tout à la fois affligeants et désopilants. Mais il paraît qu'en interview, le gars est plutôt pépère, ne la ramène pas, ne se réclame pas le titre d'écrivain. D'après ce que je lis, il fait bien.

    Et donc, Musso, non point la désolante syntaxe que je craignais, mais un récit pas mal fait, mieux écrit que pas mal d'autres choses, ma foi. Pas indécent, quoi. Je préfère cette fadeur, ce romantisme piqué de fantastique bon teint (bon, je n'ai pas fini, mais on s'y achemine) à certains écrivains proclamés tels par des lectrices pâmées qui braillent leur admiration pour de mièvres choses humides, baguées de pâte d'amande, où s'affiche une poésie de cour d'école avec des mots piqués dans le dictionnaire, au hasard, c'est pas grave, tant que ça sonne bien et que ça fait joli.

    Voilà, vite dit, de votre correspondant de guerre sur le front de la littérature de gare mais qui se vend super bien et qu'on aimerait bien être vendu pareil, et que tout ça, au fond, sûrement, c'est rien que des histoires de jalousie.


    Pour résumer, je n'ai pas tellement envie de parodier Musso (nous formions ce projet, un ami et moi), qui me fait l'impression d'être honnête et de quand même chercher à écrire des phrases qui se tiennent (d'ailleurs, ça doit l'agacer qu'on le mette dans le même panier que l'autre. je serais lui...), mais avec Lévy, on devrait bien s'amuser, hein, L. ? Je propose déjà un titre : « Et si c'était trop ? »

  • C'est pour quand ?

    Les aléas de l'édition donnent une image opposée de celle que nos lecteurs se font. Des auteurs de mon niveau (je veux dire : confidentiels), s'entendent souvent demander : « Alors, le prochain est pour quand ? » Mais c'est que cela ne dépend pas de nous, mon brave monsieur, ma bonne dame ! Nous ne faisons que produire des textes, les plus travaillés, les mieux construits, les plus pertinents possibles. Mais au-delà de cette limite, tout nous échappe. Il faut qu'un éditeur veuille bien publier les manifestations de notre égocentrisme, et prenne le risque financier qui va avec (même si, pour les auteurs auxquels je pense, et que je rejoints par la pensée, le risque n'est pas grand). Et là, aujourd'hui, rien n'est gagné. La preuve : En septembre, après treize mois de travail, je rendais le manuscrit de « J'habitais Roanne », à l'éditeur à qui je le destinais et qui le voualis. L'éditeur en question dut se désengager, pour cause de contentieux avec un autre éditeur chez qui il est aussi directeur de collection, tout cela est assez complexe. En tout cas je me retrouvais avec ma bizarre étude autobiographico-littérairo-géographico-érudite de ma ville sur les bras. J'en étais à me dire que, finalement, c'était peut-être aussi bien ainsi. Après tout, personne n'attend ou ne désire un travail de cette nature. Et puis, c'est un livre qui renferme un peu de ma honte, aussi. Cette dimension si nécessaire à la qualité de l'écriture. Alors, conserver les souvenirs, les failles, les faiblesses et les élans dans un tiroir, après tout... Et puis, j'ai osé le proposer tout de même à un éditeur qui fait depuis des années un beau travail au niveau local, et dont la réputation dépasse le petit royaume où nous sommes confinés. J'étais convaincu que ce texte était trop hors-norme, trop singulier pour trouver si vite un nouvel éditeur. Ce qui semblait l'évidence pour ma douce s'est réalisé la semaine dernière.
    Je peux annoncer aujourd'hui que ce livre sortira en mai-juin 2012. Je vais en profiter pour enrichir le propos, nourrir l'un des chapitres qui me pose problème depuis le début. Tel que je vous adresse cette nouvelle, là, vous me verriez heureux mais aussi stupéfait. Enfin, c'est ainsi. Maintenant, beaucoup parmi ceux qui savent me confient que c'est mieux ainsi. Je réalise que c'est vrai. « J'habitais Roanne » aura une vraie chance auprès du public, avec ce nouvel éditeur (j'en dirai plus l'an prochain). Il y a quelques jours, j'ai rencontré celui à qui ce livre était initialement destiné. Il ne m'a pas demandé si j'avais pu trouver une solution. Aucun regret, donc.

  • Microbe N°68+1

    Microbe_68etUn.jpgMicrobe existe sans subside institutionnel depuis plus de dix ans grâce à ses créateurs : Eric Dejaeger et Paul Guiot. Vaillant amibe sur papier que le corps assimile sans autre effet secondaire qu'un surcroît de vitalité et d'enthousiasme. Le dernier numéro de la minuscule revue belge a été concoctée par Marc Bonetto. Le garçon a exercé sa curiosité sur la planète web pour glaner les textes courts et percutants qui font la réputation de la revue. Il m'a fait le bonheur de choisir plusieurs phrases venues de Kronix, et je suis en bonne compagnie, lisez plutôt le sommaire de cet « opus névrotique » :


    « Pas de filouxeras, d'escroquants nazillards, de traficoteurs d'âmes, d'orfèvres en matières fécales, d'oncles désincarnés d'Amérique au sommaire de ca numéro 68 (+1), mais vous découvrirez les textes de Pierre Anselmet, Armand le Poête, Fernand Chocapic, Eric Dejaeger, Patrick Frégonara, Cathy Garcia, Carmelo Marchetta, Virignie Holaind, Hervé Merlot, Véra Mund, Emmanuel Régniez, Maria Semarre, Marlène Tissot & Thomas Vinau, Jac-Zap(?). » Ainsi que des photos de Corine Leridon.

    Tout ça dans ce format 10X15, avouez...

    L'abonnement pour 10 microbes est de 10 euros ; pour 15 : 17 euros.
    Renseignements : http://courttoujours.hautetfort.com

  • Garoth

    Après avoir dévoré « L'intranquille » de Gérard Garouste, je plonge dans « Le rabaissement » de Philip Roth. Quelques heures plus tard, en attendant le car, je reprends la lecture. Sans doute distrait, je lis le premier paragraphe qui se présente sans rien comprendre. Les lignes suivantes augmentent mon désarroi. Et je réalise soudain que je confondais les intrigues des deux livres. Quelques rapprochements rendaient la chose possible (le milieu artistique, les séjours en hôpital psychiatrique), mais enfin tout de même, rien à voir. J'ai vécu pendant quelques secondes une expérience assez étrange : la fabrication d'une histoire hybride, fusion de personnages et d'univers, de genres littéraires même. Si je parvenais à donner cette sensation dans l'écriture...

  • Prochaine sortie

    Je viens de retourner à la maison d'édition La petite Fabrique, les colophons signés des « chants plaintifs », ce livre d'artiste illustré des gravures de Anne-Laure Héritier-Blanc. Jeune peintre et graveuse délicieuse et sympathique en plus d'être talentueuse et exigeante. Anne-laure a aussi prévu, Ô joie, une édition courante de ce texte qui me tient à cœur (l'édition d'art limitée est à 450 euros). Dès que les livres seront visibles en ligne sur le site de la maison d'édition, je donnerai quelques clés à ce sujet. Je redirai alors ma fierté d'avoir bénéficié de tant d'attention de la part d'une éditrice-artiste aussi subtile et scrupuleuse.

  • Résister aux addictions

    Pour enfin me contraindre à travailler, à travailler efficacement, il m'a fallu agir contre moi-même. Me discipliner. J'ai donc résolu la coupure d'internet et la suppression des logiciels de jeux sur ma bécane. (principales sources de dispersion pendant le temps de l'écriture. Une véritable addiction, très dommageable). La moindre pause dans l'inspiration et hop, j'ouvrais presque inconsciemment un « spider » ou une partie de mah-jong (complot des Chinois), j'allais sur mes mails ou pire : me retrouvais sur Facebook. C'est terminé. Concentration. Ma seule évasion à présent est l'ouverture du fichier « Kronix » où j'ajoute un petit billet comme celui-là à la suite des autres. Il faut savoir ce qu'on veut à la fin. Premier résultat : dimanche matin, la première scène de Pasiphaé est bouclée. Non, mais.

  • Entretien avec Laurent Cachard

    Plutôt que de faire une critique littéraire de plus (et de peu de valeur, car j'ai peu de compétences dans le domaine), Kronix a proposé à Laurent Cachard de répondre à quelques questions à propos de son dernier ouvrage : « Le Poignet d'Alain Larrouquis ».
    C'est le troisième roman de cet auteur révélé par la sélection Lettres-frontière en 2009, après « Tébessa, 1956 » et « La partie de cache-cache » et selon moi, le plus ambitieux, le plus riche. J'ai voulu le faire parler ici de choses qui hantent son travail depuis le début : Paul Nizan, les étranges relations des hommes et des femmes, la grande Histoire au-dessus des histoires de l'intime et bien sûr, l'écriture.

    Un bref rappel : « le Poignet d'Alain Larrouquis » raconte le cheminement d'un journaliste, Paul Herfray, qui « jouait pas mal au basket » dans sa jeunesse, et qui prend pour lui le tir raté du basketteur professionnel Alain Larrouquis. L'image du duel qui a initié ce désastre existentiel, figée encadrée dans sa chambre, revient dans ses souvenirs avec autorité pour lui rappeler que femmes, amitié ou métier, tous les choix de la vie sont suspendus, tout le temps. La vie n'est qu'une incessante suite d'hésitations. Les décisions en sont-elles vraiment ? Il n'y a bien que la grâce, dans l'amour, l'écriture ou le geste du sportif, qui fasse le tri. Pour le reste, croire qu'on a le contrôle est un leurre. On ne choisit pas le ballon qu'on vous passe, on détermine à peine ce qu'on doit en faire ; il n'y a que le ballon arrivé dans le panier qui confirme que vous avez fait le bon choix. A condition de ne pas tirer contre son propre camp.

    Interview, donc :

    Kronix : Dans tous tes romans (l'exception de « la partie de cache-cache » est un leurre, puisqu'initialement l'histoire du pays y était développée je crois, avant que tu fasses le choix de resserrer l'intrigue sur les enfants), il y a un rapport à l'Histoire (et à l'effort documentaire qui en est le corolaire) et je sais que tes projets vont amplifier ce phénomène. Après tout, Paul Herfray aurait pu se contenter, au col de Somosierra, de « déterrer » à sa manière le manuscrit de Paul Nizan, mais il se confronte d'abord à l'histoire des nations. J'y vois une manière de ne pas laisser tes personnages dans un présent où manquent les repères, de les arrimer à une genèse. Sans l'Histoire, ils seraient plus perdus qu'ils ne le sont.

    Laurent Cachard : C’est vrai. Peut-être parce que la question de la pertinence d’un livre s’est très vite posée à moi, même si je dois concéder quelques manuscrits inutiles qui m’ont pourtant aidé à savoir ce qu’il ne fallait surtout pas faire. Quand je m’attaque (le mot est juste, quand il s’agit d’un pan de l’Histoire) à ce qui deviendra « Tébessa, 1956 », je sais que je dois faire preuve d’une rigueur morale et documentaire que je ne m’étais encore jamais fixée. C’est une façon, aussi, de libérer le lecteur du simple intérêt (ou pas) de la petite histoire puisqu’il peut l’inscrire dans la Grande. J’imagine que ça détermine les personnages… Quant à Paul Herfray, il n’aurait pas pu déterrer, même métaphoriquement, « la soirée de Somosierra », justement à cause du postulat éthique : puisqu’il n’a jamais été retrouvé, il ne doit pas l’être. C’est un impératif catégorique. Ce qui ne m’a pas empêché d’en écrire une, de « soirée à Somosierra ». Mais elle fait partie de ces manuscrits inutiles dont je parlais. Auxquels on s’attache mais qu’on ne livre pas à la lecture.

    Kronix : Sur les conseils de Margot, Paul écrit un livre. Elle sait peut-être une chose : les écrivains ont ce pouvoir -et peut-être est-ce là leur seule force ou leur unique fonction- celle de faire du deuil (des êtres et des illusions) de la littérature. Est-ce que la vie n'est utile, pour un écrivain, que pour servir à produire de la littérature ?

    Laurent Cachard : C’est une vraie question problématique : elle appelle davantage de questionnement qu’elle apportera de réponses… Je dirais comme ça que je ne sais pas plus ce que c’est qu’un écrivain que ce que c’est que la vie : ce sont deux trucs qui me sont un peu tombés dessus, à vrai dire. Paul écrit un livre par accident, au sens phénoménologique : il ne l’aurait pas fait s’il ne s’était pas passé cet enchaînement de circonstances. Il n’éprouve pas la nécessité que j’éprouve moi de le faire. Quant aux deuils auxquels la vie nous confronte, aux renoncements, je dois prendre ma revanche sur eux en suspendant le temps, en conscience, le temps d’un livre. Je sais qu’il va gagner, au final, mais c’est ma revanche, oui. Une vanité parmi d’autres, mais qui ne manque pas de panache.

    Kronix : Je note le surgissement de l'érotisme dans "le Poignet...". D'ailleurs, je trouve ton héros, Paul, singulièrement vivant quand il raconte la chair. Le reste de sa vie, les échecs (qui ne sont pas si patents à mon sens) ou les réussites me le font paraître autrement dans une sorte d'engourdissement, de cocon.

    Laurent Cachard : Ça a été un vrai point d’achoppement avec mon éditeur. Dans sa première version manuscrite, écrite – il faut le savoir – alors que j’avais arrêté, irrévocablement, l’écriture de « la partie de cache-cache », les scènes érotiques avaient marqué les premiers lecteurs, dont un m’avait dit, à l’époque, qu’elles étaient encore trop cérébrales. Je les ai donc densifiées : après tout, je lis des scènes de ce genre un peu partout, et le PAL était prévu, initialement, pour que j’écrive autrement que comme j’avais déjà écrit. A la relecture de travail, l’éditeur m’a demandé de les « euphémiser » - c’était son mot. Mais il fallait bien que le lecteur sache quelle bête de sexe était Solène, et quelle amoureuse était Margot, qu’il les distingue. On a retravaillé, jusqu’à l’équilibre. Pour ce qui est de Paul, cet engourdissement, le mot est juste, cette espèce d’abandon de soi, de nausée, vient de ce qu’il pense être une damnation. Le fil rouge de mes romans. Est-il un raté ? Pas tant que ça, effectivement. Il est comme Larrouquis, en fait, puisque c’est l’idée : un perdant magnifique qu’on destine à l’oubli.

    Kronix : Que penses-tu de Paul, en tant qu'homme ? Moi, je le vois se complaire dans un échec tout relatif, chercher des réponses auprès d'un psy fuyant, se laisser aller au désir d'une Solène et laisser à une autre, Margot, la démarche de l'édition et même la décision d'écrire. Est-ce que tu me comprends si je te dis qu'il m'agace ?

    Laurent cachard : La complaisance est un mot fort, auquel j’ai été confronté dans ma vie d’homme et que j’ai souvent récusé. Comme je suis pugnace, j’ai montré que l’état que je voulais restituer est un état au-delà de la complaisance, là où on n’aurait pas idée d’aller reprocher à Baudelaire d’avoir écrit « le Voyage ». C’est immodeste mais c’est l’idée. Même récemment, quelqu’un m’a écrit que les écrits sur mon blog la troublaient jusqu’à ce qu’elle en saisisse la clé, enfin une des clés. Que Paul t’agace, oui, je le comprends : de bonnes âmes diront qu’il tergiverse et qu’il s’écoute parler. Mais ces bonnes âmes ne sont pas toujours, et même rarement, à la hauteur des engagements qu’elles prennent. Comme le psy, à qui j’ai donné le nom du cinéaste qui a le mieux, pour moi, restitué l’univers de la bourgeoisie, Michel Deville. Dans les adaptations des romans de Belletto, notamment. Pour moi, Paul est au-delà, encore une fois. Sauf que c’est Margot qui lui permet de se sortir de sa condition. Il lui fallait un tuteur pour la vraie vie, après avoir soumis la sienne, très jeune, au tir et à l’image de Larrouquis. Et pour arriver jusqu’à Margot, il lui fallait passer par Solène, au risque de perdre Margot : de l’initiation simple. Bon, pour continuer dans le ciné, Melvil Poupaud qui joue au volley-ball en se tenant le menton dans « Conte d’été », ça doit t’agacer aussi. Autant que Jean-Pierre Léaud*** ?

    Kronix : C'est l'indécision (au basket ou dans les choix intimes) qui prépare les défaites ?

    Laurent Cachard : Je suis à la fois l’acteur de ma vie et son spectateur, parfois effaré. Les défaites, j’en ai connu, j’en vois d’autres arriver : dans l’édition, la reconnaissance de mon travail. Pourtant, je ne pense pas être indécis, en tout cas, je le suis beaucoup moins qu’avant. Mais j’ai le travers des vrais sceptiques : toute direction pour moi se prend dans la conscience de son contraire, c’est pour ça que j’avance lentement. Au basket-ball, les grands joueurs ne doutent jamais, c’est un cliché qu’on entend tout le temps. Le sport collectif est un bon miroir de la place qu’on aura dans une société, « le fils du père » dans le roman en est un meilleur exemple encore que Paul. Je sais juste qu’au basket comme dans ma vie, si j’ai réussi quelque chose, c’est sur un plan esthétique, encore une fois. Et à mon âge, on commence à se dire que c’est déjà pas mal.

    Kronix : Est-ce que tu as renoncé, un jour, à écrire « Les Amours de septembre » ? Et cette frustration n'est-elle pas la source de tes récits (mon côté romantique) ?

    Laurent Cachard : J’adore ouvrir ce roman et voir que j’y ai accolé pour ma propre éternité le nom de Paul Nizan et de cette partie disparue de son œuvre. Je suis un post-romantique dépité, selon mon éditeur, qui a pourtant édité « Ouessant », mon poème en huit tableaux. Septembre est un bon mois pour les amours d’auteur, par ailleurs, nous à qui la plage convient peu, il faut le dire. J’ai bien peur que la vie me réserve bien plus de frustrations à l’avenir que je n’en ai connu jusque là. J’ai vécu, j’ai aimé, en être si imparfait et si affreux. J’ai des facilités dans certains domaines qui m’ont fait briller un peu, jusqu’à ce que je me rende compte, heureusement, qu’il fallait que je les fuisse. Alors oui, dans le PAL, (abréviatioj pratique de "Le Poignet d'Alain Larrouquis" -note de Kronix) il y a des histoires que j’aurais voulu vivre dans la vraie vie, mais j’ai appris, par terreur autofictionnelle, à distinguer les deux, ou à en jouer sur le mode de la fausse piste. Je n’écrirai jamais les amours de septembre nizaniennes, j’ai déjà dit que je ne m’en sentais pas le droit. Mais je ne renonce pas à vivre les miennes : après tout, septembre, c’est le début de l’automne, c’est à peu près là où j’en suis dans ma vie. Quand j’aurai fini « Aurélia* » et que ma « Camille** » sera éditée, je pourrai affronter mon hiver. Un peu moins frustré, alors ?

    * « Aurelia Kreit », histoire de l’exil d’une famille ukrainienne en 1905, sa traversée de l’Europe en ébullition.
    ** « Valse-Claudel », une nouvelle doublée d’un morceau éléctro-poétique.

    *** Laurent fait ici référence à mon agacement viscéral pour Jean-Pierre Léaud, qui a inspiré ce billet, ainsi que son commentaire, à lire.

  • Son pré carré

    Avant la bonne action de soutenir une maison d'édition qui le mérite, la première motivation se trouve dans le plaisir de recevoir tous les trois mois environ, un magnifique petit carré de poésie "chic et pas chère" avec dedans des textes vivants, des mots de maintenant, de là, de ce temps. On sent l'ami RVB à deux doigts de laisser tomber, et qui lui en ferait le reproche ? tant la mode est à la mièvrerie (j'ai des noms, j'ai des noms !) et au "donnant-donnant" (je veux bien t'acheter tes trucs, mais faudrait d'abord me publier, hein ?), surtout que lui, il écrit, fichtrement. Et pas de ces préciosités pleines de "silence", "éclat", "nuées", "soupirs", "aube", "pépites de liberté" etc. (tous mots du poète qui m'énerve et que je ne peux pas nommer, étant l'ami d'une amie qui m'est très chère et que je m'en voudrais de fâcher) adressés à des silhouettes désincarnées, mais des mots qui heurtent et/ou qui caressent. Qui parlent des gens, quoi.

    Encore un motif pour s'abonner : le N°72 (à paraître en mars 2012) sera celui du bien-aimé Christian Degoutte.

    En tout cas, je vous conseille vivement de vous abonner cette année : le bulletin est sur son blog, ma foi très intéressant.

  • Nouveau départ

    Un mail, et brusquement, la perspective s'ouvre sur presque deux ans de travail : la Compagnie Nu présentera « Pasiphaé » au Théâtre de Roanne, avant une tournée inter...euh... régionale ?
    Bon, il va juste falloir que j'écrive cette pièce, cet opéra-bouffe, cette farce en musique comme vous voudrez. Sauf que, tout près, le conquistador Cortés réclame aussi mon attention pour un vaste projet de scénario sur la conquête du Mexique (finalement, contrairement à ce que je disais dans un billet précédent, nous allons proposer notre version des faits, sur un sujet que l'ami Mitton a déjà fouillé il y a peu. Autant dire qu'il faut que je m'organise.

  • Compliqué

    Pourtant, ça commençait bien avec ces frères siamois mariés à des soeurs siamoises. Après, leur goût pour l'échangisme compliquait vraiment la donne et puis, quand il s'est avéré qu'ils souffraient tous d'un dédoublement de personnalités, j'ai laissé tombé ce bouquin. Que j'étais en train d'écrire.

  • La chasse au sujet *

    A présent que « J'habitais Roanne » est achevé, et sans nouvelle de mon éditeur (sinon d'inquiétantes, indirectes), je prends de la distance avec ce livre qui m'a demandé plus d'un an de travail. On est toujours incertain par rapport à ce qu'on vient de finir. Est-ce si intéressant, est-ce que cela valait tous ces efforts ? Probablement non. Et s'il ne paraît pas ? Et bien, ce n'est rien. Je passe à autre chose. C'est tellement plus passionnant d'ouvrir de nouveaux chantiers. Alors, maintenant ? Le travail ne manque pas. Reprendre entièrement ce roman-monstre des mes premières velléités scripturaires, production pourtant encensée par au moins un auteur important et plusieurs bons lecteurs, mais qui méritera une réécriture plus cohérente avec la forme littéraire à laquelle je suis parvenu, 15 ou 20 ans après. Ensuite, un scénario de BD. On s'arrache les cheveux avec Rivera pour trouver un sujet. Rivera avait envie de raconter la conquête du Mexique par Cortés. Le projet m'enthousiasme d'abord, parce que j'avais eu cette envie moi aussi, après la lecture d'une courte BD sur un « Pilote » de ma jeunesse. Je trouve l'angle le plus original, il me semble : donner le point de vue de La Malinche, cette femme incroyable qui a aidé Cortès à renverser un empire aussi vaste et puissant que l'empire romain à son apogée. Et puis, patatras : nous découvrons que le grand Jean-Yves Mitton a eu exactement la même idée et en a fait une série de 7 albums chez Glénat, en 2008. Rideau. Je pense ensuite à un épisode peu connu de la France du Moyen-âge : « la Croisade des enfants ». Vlan : tous les scénaristes étant à l'affût de bons sujets, je découvre une série chez Soleil qui traite du sujet. Bon, pas de panique. Hier, j'ai eu une révélation. Je crois, je crois bien que j'ai trouvé. Compte tenu de la course aux projets qui dans les maisons d'édition, je ne peux vous en dire plus. Vous apprendrez cela en temps et heures. En tout ca,s Rivera et moi travaillons déjà sur un début de série. Je la signe sous pseudo, mais puisque nous sommes ici entre nous, je vous donnerais quelques informations au moment de la sortie.

     

    * prononcer 20 fois très vite.

  • Et maintenant

    Dans le bureau, tous les livres ont regagné leur place. Les aimables serviteurs, selon l'expression de mon cher Jean, ont accompli leur office. Ils m'ont livré le savoir que je voulais d'eux, sans rechigner, toujours disponibles. Maintenant, ils ne seront pas extraits des rayons avant quelques années. Mais tant d'autres veillent, espèrent, patientent, sûrs de m'émerveiller un jour d'une phrase, d'une anecdote, de la pensée qu'ils renferment et que j'ignore encore. Tant de livres documentaires, ici, dans lesquels je n'ai fait qu'un sondage.

    Et maintenant?

    Suite demain.

  • 10 minutes

    C'est le temps qu'il m'a fallu, dans mon prochain livre, pour supprimer toute allusion à quelque cinq années de ma vie. Et vous savez, d'un seul coup, je m'en sens libéré aussi, de ces cinq années et de leur bilan.

  • Houhou

    Si vous avez vu mon éditeur récemment, ça m'intéresse, et si vous le voyez prochainement, dites-lui que mine de rien, j'ai un manuscrit à lui rendre. On ne sait jamais, ça peut lui rappeler quelque chose.

  • Chants - contrechants

    Il y a deux ans, Anne-Laure, éditrice et artiste, fondatrice de « la petite fabrique » était venue au premier salon de l’édition créative à Roanne –qui ne s’appelait pas encore ainsi d’ailleurs- et ma douce et moi avions été très séduits par ses livres d’artiste, leurs formes et leur originalité, le choix de ses textes, son attitude par rapport au texte et la qualité de ses gravures. Je ne sais comment, nous avons parlé écriture et il me semblait que j’avais un texte pour elle : les chants plaintifs, écrit d’après la symphonie éponyme de Gorecki. Le sujet l’intéressait, on en discute un peu, elle repart avec une version de ce texte. Un peu plus tard, Anne-Laure m’écrit : elle a décidé d’illustrer et d’éditer les chants plaintifs. Je suis évidemment bouleversé de joie. Son travail est d’une telle exigence, ses livres si beaux, que je vois dans notre collaboration une sorte d’apogée de mon travail sur la forme poétique. Nous avons raté l’occasion de nous voir assez longuement lors de la dernière édition des Edites, mais je commence à mieux connaître Anne-Laure, après quelques échanges de courriels. Je vois une artiste aussi éprouvée par le doute que je peux l'être (alors qu’elle possède un talent !...), prête parfois à tout laisser tomber mais aussi capable de tout reconsidérer alors que son travail a bien avancé. Récemment, elle a relu mon texte, mais à haute voix. Re-découverte ! Elle reconsidère les gravures déjà faites, repense l’ensemble sous l’aspect d’une mélopée, bref : revois sa copie. La sortie des quelques exemplaires du livre est pour cette cause, ajournée. Nous n’avions pas d’échéance précise, cependant. J'aime l'idée de cette attente, de ce mûrissement. Pour l'heure, vous pouvez vous faire une idée de son travail sur le site de sa maison d'édition. Et puis, bien sûr, je vous tiens au courant.