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Ecrire - Page 26

  • Il arrive !

    Cet après-midi, bref passage à Roanne... Pour aller chercher MON BOUQUIN !!!
    La diffusion devrait suivre dans la semaine (je vais caler ça avec l'éditeur). Premier rendez-vous : le 26 mai, 18h00 à Gilly sur Isère, dans le cadre d'une table ronde sur Rousseau et l'autobiographie, Premier rendez-vous roannais : Galerie Pikinasso, dimanche 3 juin à partir de 16 heures, dans le cadre d'une exposition spéciale Roanne. Rendez-vous suivants : le 8 juin chez Mayol à partir de 15 heures, le 9 juin espace Culture Leclerc à partir de 16 heures, le 16 juin de 10 h à 12 heures : chez Ballansat (Renaison), le 23 juin à partir de 9 heures librairie Le carnet à Spirales, Charlieu. D'autres dates à confirmer : fin juin (Rencontres Dialogues en humanité), en septembre (Médiathèque de Roanne), en octobre (Livres au Lycée : Albert Thomas), plus tard lectures à Saint-Haon le Châtel, salon de l'écrit... Je vous tiens au courant. Merci de votre soutien.

  • Muser

    Tu tapes deux ou trois mots sur le clavier dans l'espoir que, comme les pas de la marche, ils finiront par trouver une direction et révéler un sens. Et voici que tiens, comme en ce moment, ça se met à fonctionner et que, allez, la phrase poursuit son chemin et te guide, laisse-toi faire, laisse aller, tu verras, aucun risque, ça ne peut pas faire de mal. Et en effet, tu passes quelques lignes, tu évites un paysage ou un portrait, tu files la métaphore de l'écrit et de la promenade. La balade est finie, ma foi, elle fut courte mais agréable, tu as dégourdi le clavier, tu arrives au point final, tu réalises que mine de rien, tu viens de pondre un billet pour demain. Tu as bien fait de remuer les touches, c'est bon pour la circulation.

  • Principe de Heisenberg

    Écrivain, tu as une conscience aiguë du principe d'incertitude. Observant tes créatures, tu déranges l'ordre des choses, et le hasard s'invite pour te surprendre. Et ça, la surprise, tu aimes.

  • Si ça continue, vous allez le lire entièrement et gratuitement sur Kronix...

    "Roanne a accueilli nombre de championnats, de rencontres internationales dans de nombreux domaines, et je suppose qu'il faut s'en féliciter. Roanne a aussi accueilli le Tour de France. Qui se souvient de l'acmé brusque et bref qu'il provoqua, admettra que tant d'agitation suivie de tant de silence laisse un goût d'hébétude. On objectera le sens de la fête, le prestige, le gain en terme d'image médiatique... Comment le solitaire, rétif aux glorioles sponsorisées, peut-il expliquer aux foules enthousiastes son incapacité à frémir aux exploits d’athlètes rémunérés ? A y bien réfléchir, tout ça n’est peut-être qu’un problème de vérité. A celui pour qui importe avant tout de ne pas mentir, ou à tout le moins, de ne pas être dupe des mensonges des autres, l’immense foire bariolée qui bouscula la quiétude de nos rues paraît une synthèse de tout ce que la société peut générer de superficialité. Sueur médicamentée et bicyclettes incroyablement sophistiquées, vertige publicitaire, klaxons multi-tons, triomphes, défaites et jusqu’au corps des athlètes aux mollets hypertrophiés : tout est déformation, artifice, mythologie factice d’une société qui paye ses héros. S’il reste une vérité, miraculeusement indemne au milieu de cette tempête abrutissante, c’est l’enthousiasme des spectateurs, sincèrement émus d’une chute, réjouis d’une victoire. Concédons à l’épreuve cet unique éblouissement : deux rives d’émotion vraie que traverse un fleuve de cynisme acidulé. J'ai bien encore quelques flèches susceptibles de filer contre la pratique du sport collectif en général mais à quoi bon ? Et puis j'avais promis d'être court."

  • J'habitais Roanne - Nouvel extrait (pour patienter)

    Tapon-Fougas ! le poète invraisemblable naquit déjà vieux probablement à Thiers en 1810 mais vint vivre les dernières de ses 83 années à Roanne, où il a enfin trouvé un imprimeur « honorable et sérieux qui a mis ses presses à [sa] disposition, pour tous [ses] ouvrages ». Le « Lamartine de l'Auvergne » comme il se nommait lui-même, est entré dans la postérité grâce au dictionnaire des fous littéraires d'André Blavier (...). Tapon-Fougas fut comptable, pion, secrétaire de diverses administrations mais, toujours écrivant, accumulera des milliers de vers mis en pièces (ou de pièces mises en vers si l'on veut), de grands drames, de projets fous, de diatribes et de pamphlets. Sa prolixité enviable ne lui permettra pas de dépasser la subtilité scripturaire de « Je préfère acheter du radis noir aux halles ; que l'étrange français des Belles Cannibales » ou ne le retiendra pas de faire rimer « anthropophage » avec « œsophage » (...). Une plongée dans les archives Coste à la bibliothèque du Musée Déchelette réjouit le cœur en même temps que l'on se sent traversé de tristesse à la lecture de ces délires maladifs. Tapon-Fougas (...) se plaint constamment de son absence de succès. Ses livres peinent à trouver plus d'un acheteur, ses revues plus d'un abonné. Une telle injustice faite à tant de talent ne peut s'expliquer que par un complot international ! Découvrant tardivement Rousseau, il est aussitôt pris en chasse par les voltairiens, les d'holbachiens et leurs épigones, tels que Victor Hugo, à qui il voue une haine tenace (...). Persuadé que Hugo l'a caricaturé dans Les misérables sous les traits de Thénardier, il prend la plume pour se venger et pond Les anti-misérables. Et toc. Poursuivi par la vindicte des franc-maçons et les intrigues de « l'école jésuito-dynastico-gréco-littéraire » qui voulait le « pousser à se suicider », il fuit en Suisse où il organise des lectures désespérément solitaires. Devant cet échec renouvelé, il accuse la presse d'avoir rejoint le complot qui tente de bâillonner sa voix, pourtant nécessaire au redressement national. Le journal reproduit in extenso la protestation du poète et s'excuse ensuite de façon un rien sarcastique et très savoureuse. Les titres de ses satires ou grands poèmes lyriques sont aussi stupéfiants que leur contenu : La lumière électrique par un vrai Diogène Au feu la fausse Némésis ; la Pétronéide, Pour relever et régénérer la France ; la Washingtonéide... La préface de ce dernier texte, grand poème lyrique écrit en hommage au premier président des États-Unis et à son pays, est adressée par ses soins (évidemment : par qui d'autre ?) aux organisateurs de l'exposition universelle de Lyon en 1872, « pour servir de prospectus au livre d'or de l'exposition lyonnaise ». Il explique sans fausse-modestie : « Ce doit être le véritable prix d'honneur de votre grande et si belle exposition universelle, à laquelle il manquait une grande œuvre littéraire et morale à produire à la grande lumière... Je vous l'apporte ! ».

  • J'habitais Roanne - Extrait

    "Nous nous éloignons donc du centre en même temps que s'efface le jeune adulte que j'étais. La trentaine, âge où se révèle que nous ne serons plus immortels désormais, est dépassée, on n'y revient pas sans régression stérile. Je grossis les statistiques impitoyables du mâle français moyen (je grossis tout court, d'ailleurs) et me voici quadragénaire, entamant un divorce, jetant dans l'incertitude mes chers enfants, éradiquant d'un coup des années de vie commune. Isolé, remué par la honte de faire tout ce mal, je tente de trouver un centre, un projet de vie. Je reviendrai à la fin de ce livre sur les éléments mêlés qui y ont contribué mais disons simplement qu'à ce moment-là de ma vie, je prends la décision de me consacrer à l'écriture. J'arrête toutes mes activités associatives (festival de SF, articles de presse, cours de dessins, émissions de radio, bénévolats divers), je cesse de pratiquer d'autres formes de création (illustration, vidéo, peinture) que je considère soudain comme des évasions chronophages. J'ai besoin de temps, du moindre quart-d'heure interstitiel récupéré le soir, le matin, à midi. J'écris encore à la main, sur des feuilles volantes, dans la cuisine, avant que les enfants se lèvent, quand la famille est couchée. Tout le temps."

  • "j'habitais Roanne" - Nouvel extrait

    « Pourquoi fais-tu du théâtre ? »
        « Parce que j'ai peur de la mort » me répond François, sur le ton de l'évidence. Nous prenons une pause méritée avant la seconde représentation de Peindre au théâtre de Roanne. François est assis un rang derrière moi, dans la salle vide. Depuis la scène plongée dans l'ombre nous devons ressembler à des balises flottant sur la crête des vagues de fauteuils. Le théâtre est silencieux, la coupole déploie au dessus de nous un ciel d'allégories naïves et dans le registre immédiatement inférieur, des cartouches ornent les noms d'auteurs dramatiques et de musiciens qu'on considérait comme des modèles en 1885, lors de l'inauguration de ce petit bijou architectural. Certains noms sont restés dans les mémoires (Hugo, Dumas, Molière, Corneille, Massenet, Chopin, Rossini...), d'autres (Auber, Sardou, Boïeldieu...) sont presque oubliés du grand public. Je repense à l'ironie d'un passage de Cyrano de Bergerac, quand un bourgeois énonce une liste des premiers académiciens « Boudu, Boissat, et Cureau de la Chambre ; Porchères, Colomby, Bourzeys, Bourdon, Arbaudé » et conclut avec admiration : « Tous ces noms dont pas un ne mourra... ». Des auteurs inconnus aujourd'hui. Souvenez-vous de la phrase qu'un esclave répétait à l'homme qu'on portait en triomphe, dans la Rome impériale : « N'oublie pas que tu vas mourir », souvenez-vous du nostalgique « Et in Arcadia ego » des bergers de Poussin, et encore de l'avertissement des Vanités du XVIIème siècle, ou du « tout est vanité et poursuite de vent » de l'Ecclésiaste. Passant ! les sagesses de toutes les époques ne cessent de te mettre en garde : toute réussite supposée ne change rien à ta postérité, tu disparaîtras et on t'oubliera. Pour un écrivain, l'avertissement se cristallise dans les grandes bibliothèques et leurs monstrueux alignements de reliures. Tout cela est dérisoire. Il faut s'en convaincre. Tout cela n'est rien et pourtant. Pourtant nous nous dévouons à la vanité de cette tâche. Pourquoi ? Pourquoi est-ce que j'écris ? « Pourquoi fais-tu du théâtre ? » « Parce que j'ai peur de la mort ».

  • J'habitais Roanne - extrait

    Dans le chapitre qui concerne le faubourg Clermont.

    "Le mouvement, voilà ce que je retiens de ma vie ici. Le mouvement, la conscience physique du mouvement, car le faubourg s'est construit sur l'axe d'une pente forte qui culmine vers Saint-Clair. Je suis un sédentaire, j'aime l'alanguissement et l'attente, la méditation et la sensation du temps qui s'égrène ; mais un pas dehors dans ce quartier, et tout semblait se mobiliser pour m'extraire de ma fixité, m'amener bénévolement à la noria de la vie. Descendre, monter, le tout à pieds bien souvent, comme les trajets de nos enfants pour l'école. Eux ne connaîtraient pas le déroulement immobile de mon enfance à Mulsant avec ses trottoirs aplatis sous les yeux, mais la dégringolade ou l'escalade, la vitesse de l'aller et l'essoufflement du retour. Tous les deux se tenant la main, ils allaient vite, saluaient les commerçants, sortis sur le seuil pour le recevoir, d'un « bonjour » rituel, lancé comme un coup de clairon. Le dimanche, s'ajoutait à cela l'agitation tourbillonnante du marché le matin, sur l'ancienne « Place du Peuple », devenue place Gabriel Péri en 1945."

  • Bon, parlons d'autre chose

    Couverture_Jhabitais-Roanne_Basdef.jpg « J'habitais Roanne », mon prochain livre, sort la semaine prochaine. Vous ne le trouverez qu'à Roanne, c'est logique : il est écrit pour cette ville, pour ses habitants. La première critique parue dans La Muse n'est pas enthousiasmante, même si elle est plutôt positive. Que voulez-vous, on aimerait chaque fois emporter l'adhésion la plus complète. Et puis, on pense à l'éditeur, aux risques qu'il prend, au travail effectué par toute une équipe, aux treize mois passés sur l'écriture, aux sacrifices demandés à l'entourage pour obtenir ce résultat.  Je mets ICI le lien de l'article de Franck Guigue pour la Muse (lire pages 24-25). Même si, comme dit un copain « ça donne pas envie de le lire », je soutiens la liberté critique.

  • interruptus

    Après un an et demi de suspension pour l’écriture de « J’habitais Roanne », reprise le nez dans le guidon sur le manuscrit de mon prochain livre (je veux le finir pour juillet). Un roman dont l’action se déroule entre 1854 et 1918. Pour tout dire, je n’étais pas si sûr de vouloir replonger dans une histoire qui réclame autant de travail et de documentation (d’autant plus que l’essai sur Roanne m’avait demandé de prolonger sans l’arrêter un effort documentaire de même nature. Une cinquantaine de livres historiques à consulter en plus de la centaine pour ce livre… Je saturais). Et puis, à la relecture, je me suis dit que ce serait tout de même dommage de laisser tomber tout ce travail. Surtout, le délai de cette « vacance » m’a permis d’y revenir avec un œil neuf, des idées changées. Les personnages ont bougé, demandent d’autres choses, ont fait de nouveaux choix. Le roman a pris une direction imprévue.
    J’ai taillé, coupé, déplacé, remonté, retaillé tout le matériel déjà écrit, recousu l’ensemble d’une manière différente, repris de nombreux passages pour ajuster tout cela en fonction des nouvelles orientations. A l’origine, je voulais écrire deux volumes. Aujourd’hui, les deux livres seront deux parties d’un seul bouquin. Ce qui devait constituer le premier livre ayant été réduit dans l’opération de réécriture, ne justifie plus un opus indépendant. Il est davantage relié à ce qui suit, forme un équilibre dans cette configuration. Qu’auraient été ces deux livres s’il n’y avait pas eu l’interruption (salutaire, j’en suis persuadé maintenant) de « J’habitais Roanne » ? Je ne peux que le fantasmer. J’en retire une leçon, difficilement applicable cependant, par laquelle on devrait peut-être systématiquement abandonner un roman en cours, passer à autre chose (en commencer un autre par exemple, et ainsi de suite) puis reprendre l’objet interrompu de façon à en saisir une nouvelle approche.
    Non, laissez, c’est idiot.

  • Marre

    Est-ce que quelqu'un voudrait finir mon roman à ma place ? C'est beaucoup de travail sans garantie de publication et de rémunération. Rémunération excessivement faible, de toute manière. Mais enfin, je pourrais -je ne sais pas- vous emmener à Dysneyland Paris, par exemple (une journée). Non ? Bon, laissez, je vais le faire, alors.

     

    Et c'était la 1300 ème note.

     

    Et elle vaut pas cher, d'accord.

  • Kronix muet ?

    Une nuance : muet mais il n'a pas fermé sa gueule. Une panne internet l'a privé de parole pendant quelques jours. Le revoici. Comme toujours, Kronix n'a pas grand'chose à dire, enfin rien qui mérite vraiment d'être lu, Kronix ne sait pas s'exprimer sur les livres que lit son auteur, sur les arcanes économiques qui, semble-t-il, dirigent ce monde, sur la nature du boson de Higgs ou sur certains aspects sociologiques de comportement des bonobos, comparés à celui de nous autres pauvres de nous. N'empêche, Kronix est prolixe, son blog est bavard, son auteur est têtu. Donc, dès demain, Kronix reprend la parole. Avec ses excuses pour l'interruption momentanée indépendante de, mais je suis sûr, allez, que ça vous a fait des vacances.

  • Christian Degoutte à l'écritoire d'Estieugues

    Au centre de Cours-la-Ville (Rhône), où je m'arrête pour demander mon chemin, un panneau avertit que « la ville est sous vidéo-surveillance ». La taille de la commune le permet je suppose. Quant au Syndicat d'initiative où j'espère un renseignement, il est sécurisé par un sas à ouverture électrique commandée depuis le bureau, à l'intérieur, comme une banque. Je me dis qu'on a vraiment le sens de l'accueil dans ce patelin. Du coup, l'existence de « L'écritoire d'Estieugue », association dédiée à la poésie, prend un sens particulier. On défendrait ici une poésie de résistance à la bêtise et à la frilosité, une poésie de l'ouverture et de la générosité, que ça ne me surprendrait pas. En tout cas, les amis de l'écritoire (Gilles Cherbut et Anne Vaucanson en tête) honorent le printemps de la poésie par plusieurs rencontres et lectures. Ce samedi 17 mars au matin, c'est Christian Degoutte qui était l'invité du « conversatoire de poésie ».

    La voix de ce poète est rare malgré le nombre et la qualité de ses publications. Nous étions une trentaine à avoir tenté de ne pas louper ce rendez-vous. Christian est comme ces animaux rares, furtifs, rayonnants, qui s'effraient de la lumière et sous l'haleine des ténèbres... Merde, voilà que je me mets à écrire comme Bobin. Non : Christian Degoutte est d'abord un insatiable lecteur de poésie, un guide bienveillant, s'amusant à décontenancer : « c'est bien, la mièvrerie, moi j'aime bien les trucs mièvres. Pourquoi ce serait mal, la mièvrerie, le pathos ? » et qui, deux minutes après, vous cisaillent le cœur et les tripes en lisant des extraits de « Il y a des abeilles », texte sensuel et désarmé, apaisé mais traversé par une colère, loin très loin de toute mièvrerie. Son intervention alternera pendant deux heures, lecture de ses textes et des textes des autres. Les parentés, les influences, les complicités et les allusions sont constamment rappelées. Christian nous propose d'emblée de distinguer une poésie « d'estrade », Jaccottet, Ponge..., éditée dans de grandes maisons et reconnue (une poésie qu'il aime lire mais pas celle vers laquelle il va naturellement, en tant qu'auteur) et une poésie que pour faire vite il qualifiera d'underground. Disons, confidentielle. Enfin, encore plus confidentielle que la poésie d'estrade, c'est dire. Sans un guide comme lui, qui en une matinée nous défriche quarante ans de littérature faite « au cordeau », un piètre lecteur comme moi (pas assez curieux, voilà le drame) n'aurait jamais eu vent de l'existence de poétesses actuelles comme Ariane Dreyfus, Sophie Lucas ou Amandine Marembert.

    Un poète n'écrit rien qui ne soit rattaché à la littérature qui est sa famille. Ses premiers textes, « Sybilles ocres », « l'homme de septembre », repris à l'envi dans des anthologies, reflètent la manière de René Char, dont la densité des textes lui est toujours une énigme. On sait que le travail d'un artiste est de se déprendre de l'empreinte de ses maîtres. Lire beaucoup, beaucoup d'auteurs exigeants, c'est-à-dire multiplier les influences en fait, aide assurément à trouver sa voix. La lecture et le silence qu'impose cette avide fréquentation des autres textes. La plume de Christian se tait pendant vingt ans, après ses publications des années 70. « C'est comme ça, dit-il pudiquement, je n'écrivais rien, enfin rien d'utile. » Rien d'utile... Que les écrivaillons ruminent cette notion (je la prends pour moi aussi, d'ailleurs : ma prolixité (surtout mon peu de réticence à partager la moindre ligne), me fatigue moi-même. 'f'rais mieux de savoir si j'écris quelque chose « d'utile » parfois. Mais passons.)

    Retour à l'écriture dans les années 90 (je n'ai pas saisi, car Christian digressait, s'égarait, revenait, si « 34 cordeaux » écrit en hommage à Apollinaire, se situe dans cette phase de regain mais qu'importe), les années 90 donc, avec de « faux » poèmes. De faux poèmes, comment ça ? C'est que pour leur auteur, ces textes n'avaient pas grand chose à voir avec la poésie. Il se pense « incapable d'écrire un poème », alors il fait « fictionner » la poésie. Par exemple avec cette merveilleuse idée du recueil « paroles cuites ». les paroles cuites, ce sont des textes fragmentaires, exhumés de la terre des jardins et des talus, des signes vitrifiés sur des bouts de faïence que les naïfs croient être d'anodins morceaux de vaisselle cassée mais que le poète reconnaît comme les vestiges d'une civilisation nomade disparue. Il a suffi de traduire leur langue, « l'archaïque », pour produire un recueil, illustré de dessins scientifiques. Christian fait encore des fictions de poésie à partir des catalogues de la Redoute, où il a remarqué que les lingeries étaient assorties de textes aux teintes « poétiques », pour convaincre les clientes d'acheter tels bas, telle nuisette, telle culotte. Dans ce cas, « faire fictionner la poésie », c'est pousser les curseurs un peu plus loin, mener la tentative au terme. Appuyer sur les curseurs est question de dosage. Christian rappelle la frontière imperceptible qui sépare un bon poème d'un poème ridicule. Enfin, « comme on ne peut pas toujours faire semblant... » Christian accepte d'écrire vraiment des poèmes. Il ne s'agit plus de fictionner, il s'agit de se confronter à la genèse de cette forme. C'est très risqué : « La seule volonté d'écrire un poème suffit à tuer le poème », principe d'incertitude appliqué à l'écriture. Une source pourtant est utilisable : cueillir dans sa prose quotidienne les éclats qui sont l'amorce de textes. En revenant sur ces phrases, livrées sans ordre aux carnets, dans le flot des notes « on est éclairé à rebours par ses propres formules ».


    Et la poésie, qu'est-ce que c'est ? Personne n'a posé la question, mais on sait bien qu'elle va surgir. Apprendre de lui comment il a pensé la chose. Il devance l'interrogation, sûrement parce que, à force de réflexion, Christian est en mesure de définir la poésie comme « ce qui nous conduit au langage à l'intérieur de nous » et l'écriture ? « une érotisation du langage ». Je me souviens que Pierre Michon voulait écrire avec le Français comme s'il s'agissait d'une langue morte. J'ai eu le sentiment que les deux approches n'étaient pas si éloignées. Écrire, enchanter le langage. Érotiser, oui, comme sont sûrement érotiques les courbes surhumaines du sculpteur Henri Moore qui lui inspira le superbe « Henri Moore à Nantes », que mon ami Jean a saisi le premier. Il n'y avait qu'un exemplaire. Mais je sais bien qu'il va me le prêter...

    Lire les textes de Christian Degoutte : Le Pré#carré éditeur (Il y a des abeilles notamment, deux éditions différentes dont la plus récente est bilingue, français et allemand).
    Son premier roman Trois jours en été, chez l'Escarbille.
    On le trouve aussi dans des anthologies : le recueil III de « Poésie d'aujourd'hui en Rhône-Alpes » et dans « La poésie de A à Z » de Jacques Morin.
    Christian tient aussi une rubrique dans la revue Verso, où il chronique les revues de poésie.

  • Touch d clavi r

    A force d'écrire et d'écrire, les lettres du clavier s'estompent. La première à disparaître étant la voyelle la plus usitée dans la langue française : le « e ». Je me demande si ce n'est pas à partir d'un constat aussi anodin que Georges Pérec a imaginé La disparition. Du coup, je cherche une seconde vérité dans mon clavier, dans ceux que j'ai usés avant lui. Je vois que la lettre « s » est en partie mutilée. Un livre sans pluriel -ou sans sexe ?

  • Roanne en approche

    C'est donc Daniel Arsand qui signe la préface de mon prochain livre « J'habitais Roanne ». Je dois dire que c'est un parrainage qui m'honore. Surtout que, avant d'écrire la préface, cet auteur (dont j'ai beaucoup aimé au moins trois ouvrages : « La province des ténèbres », « Ivresses du fils » et « Un certain mois d'avril à Adana »), m'a adressé moult compliments en découvrant mon texte. « Vous êtes un écrivain, un vrai de vrai » étant la phrase qui dépasse les autres à mes yeux, vous vous en doutez (toujours cette hantise de l'imposture, vous savez...).
    La couverture est signée de Jean-Marc Dublé, mon ami mon frère mon poteau. Et elle est superbe. De son côté, Jean-Luc Rocher peaufine une mise en page de grande qualité (belle typo, belles grandes marges blanches, format opulent, lecture confortable). Enfin, ce livre qui a vocation a n'être lu que par des Roannais (et encore), sera sans doute un bel accomplissement. Et moi, et bien, ça me suffit.

  • Essaye encore

    Oui, j'avais promis de vous tenir au courant : un de mes textes avait été sélectionné en première lecture chez un éditeur dont je peux maintenant révéler le nom : Gaïa. Un mail récent m'a annoncé que, finalement, il ne sera pas retenu. La directrice de collection a eu la gentillesse d'argumenter son refus et je dois dire que, plutôt que de me désespérer, les suggestions qu'elle fait me donnent envie de reprendre le propos et d'opérer les coupes nécessaires. Car il y a de bonnes choses et, après tout, je me dis qu'on peut réinventer, « réenchanter » dirait un autre, une version mal en point. J'attends d'autres réponses, d'autres romans. Toutes les révélations ne se feront pas ici, pour certaines raisons (il y a du pseudo dans l'air). Enfin, malgré cet échec relatif, ça va pas mal pour moi, merci.

  • Le talisman

    Pourquoi une préface ? Le post-scriptum d'un récent billet de l'ami Cachard m'a imposé à moi-même une réflexion sur ce mode, qui a ma préférence (et puis aussi, ça me donnait un sujet de billet, en ces temps de disette je vous assure, c'est pas du luxe). Pour l'instant, chaque livre, et il en sera ainsi du prochain (sortie en avril, attention, préparez-vous), est préfacé -voire préfacé doublement comme ce fut le cas du « Baiser. » Pourquoi ? qu'est-ce qui me pousse à aller solliciter mes amis mais aussi un auteur que je connais à peine (Jean-Pierre Andrevon) ou pas du tout (Daniel Arsand -personnellement veux-je dire, je connaissais les livres, et pour cause) pour qu'il se donne la peine de dire « quelque  chose » à propos de mes petits machins ? D'abord, justement, il faut distinguer ces deux types de demandes. En ce qui concerne les amis : Jean Mathieu avait eu assez d'enthousiasme pour le manuscrit du « Baiser... » pour me donner le courage d'oser le présenter à des éditeurs. D'une certaine manière, il était responsable en partie de la publication du livre. Quant à Jean-Marc Dublé, je lui devais carrément le sujet du Psychopompe. Pour ceux-là donc, les inviter entre les pages du livre était comme les inviter chez moi, les accueillir, leur faire partager un bon moment. Juste une histoire d'amitié, donc. Quant aux autres préfaciers, et notamment Daniel Arsand, il y a d'abord une logique de complicité : je cite plusieurs fois l'auteur du terrible « un certain mois d'avril à Adana », parce qu'il a habité Roanne et y revient, illustrant idéalement mon petit concept du jokari (lire « J'habitais Roanne » pour comprendre) et que ses propos font parfaitement écho au texte. Mais ça c'est : pourquoi cet auteur ? La vraie question est : pourquoi une préface ? Je pense que ça a à voir avec mon peu d'assurance, ma réticence à me considérer comme écrivain, malgré tout. Il me semble que le préfacier (quelqu'un que j'estime, dont j'apprécie le travail, la culture et le rapport à la littérature de façon générale) ajoute une couche à ma cuirasse, me donne de l'assurance, me dit : « Mais oui, allons, tu es bien un écrivain, tu peux présenter ce livre, ça vaut la peine, tu as mon assentiment. » Quelque chose de cet ordre. Un talisman.

  • N.

    Je ne l'avais vue que deux ou trois fois, beaucoup appréciée parce qu'elle était le symbole d'une exigence dans l'écriture, j'avais lu ses textes impeccables et inspirés. Mais je n'étais pas un proche. Quand un ami à elle (presque un parent tellement ils se connaissaient bien), nous a appris la mort de N. dans un mail laconique, hébété, assommé, j'étais sous le choc. J'ai appelé cet ami, redoutant les précisions qu'il allait me donner, et en effet : N. s'était suicidée. Submergé d'émotion, j'ai fondu en larmes incontrôlables, malheureux de cette démonstration, tandis qu'à l'autre bout du fil, un de ses amis les plus proches serrait les dents et affrontait sa douleur avec dignité.
    J'ai mal dormi ensuite, enfin encore plus mal que d'habitude je veux dire. Remuant les souvenirs de N., le peu de souvenirs que j'avais, le visage de N. souriant, N. lisant un texte, etc., mais surtout, mêlé à l'émotion que je ressentais, le sentiment que ma souffrance était illégitime. Que moi, qui l'avais si peu connue, je n'avais pas le droit de sembler plus accablé que ses amis intimes. Je voyais ma peine comme une indécence et m'insultais intérieurement d'une telle obscénité.
    J'ai longtemps hésité à me rendre aux funérailles, pour la même raison. Finalement, in extremis, j'ai décidé de m'y rendre, ma douce m'a accompagnée. Elle connaissait bien N. aussi. Nous sommes restés au fond pour ne pas être vus. Je n'ai pas pleuré, cette fois. Comme un qui a compris ce qu'est la vraie douleur.

  • Incipit

    Début d'une nouvelle, acceptée par les éditions "La muse galante", (non) publiée dans la vagissante revue "Canicule". Pourquoi "non" publiée ? Parce qu'il s'agit d'un numéro zéro. Mais après tout, on peut imaginer que du numéro zéro au numéro 1, il n'y a qu'un pas. Ah oui, précision importante en ce qui me concerne, essentielle même : ce texte est une commande. Le bonheur d'être sollicité (pour un type comme moi, miné par un doute permanent), alors que je ne connais absolument personne, je vous assure...

    "Si je ferme les yeux, je retourne sans effort près de ce fleuve. Voici ses eaux, tranquilles sous la lune. Et parmi les gazelles venues s'abreuver, trois fois plus haut que leurs échines, te voici,  Enkidu. Enkidu, je te devine dans la nuit, massif comme un roc, vif pourtant, ramassé dans un geste au milieu des roseaux, la chevelure hirsute tombée sur ton visage, ta bouche qui lampe à grand bruit l'eau du Tigre. Le jour, les bergers effrayés fuient ta silhouette immense, ton regard fauve, tes muscles couverts de pelage. Le soir, ils redoutent tes cris sauvages, ta folie, ton mystère. Tu chasses leur gibier, tu mènes ta harde, impunie, au milieu de leurs champs. Et contre toi, les chiens sont impuissants.

        Alors, les bergers désespérés sont allés à Uruk chercher secours auprès du puissant Gilgamesh. Ils ont enlevé la poussière de leurs pieds, se sont inclinés devant le fils de Ninsuna et ils ont raconté tes rugissements, ta force, la steppe qui gémit sous tes pas. Gilgamesh a écouté. Il a reconnu dans leur récit des mots qui pourraient le décrire, lui, le roi aux deux-tiers divin. Il a noté l'envergure de leurs bras pour mesurer ta carrure, la hauteur de leur houlette pour dire la taille de tes jambes, l'image des braises pour définir ton regard. En tout cela, étrangement, il se retrouvait. Gilgamesh a réfléchi. Il a appelé sa courtisane, Shamat, et il l'a présentée aux bergers. « Voyez Shamat, la Joyeuse. Elle est attachée à mes pas, nulle femme ne lui est comparée. Elle prend la route avec vous, dès ce soir. Son escorte montera la tente sur les berges du Tigre. Là, elle attendra le monstre que vous craignez. » Les bergers considérèrent la courtisane, sa chair précieuse et son port de reine, avec étonnement et mépris : que ferait-elle que nos chiens n'ont pas fait ? Que pourrait-elle que nos fléaux n'ont pas pu ? Le géant la mettra en pièces, il la dévorera ! Elle tourna son visage vers son roi. Ils échangèrent un sourire. Gilgamesh dit : « Ayez confiance, allez ! » "

  • Si bon de rire, parfois.

    Comment faire rire ? Voyons... Je prends une idée, au hasard. Au hasard. Voyons. Bon, déjà : trouver une idée. Une idée. Une i-dée... Si pas d'idée, poser le regard n'importe où et chercher à partir de là. Tiens, mon trousseau de clés, là, sur le bureau. Les clés du boulot ; Ah oui, bien : les clés du boulot. Aha. Je ris d'avance, attends, tu vas voir, je vais te trouver une saillie maligne à propos de l'accès à l'emploi que tout le monde cherche mais que c'est moi qui ait les clés... Mais non, décidément, il faut aussi être d'humeur. Oui, commençons par l'humeur. J'aurais dû y penser. Être de bonne humeur, bien sûr. Zut, ça ne vient pas comme ça, sur commande. Ou alors, non : pour être drôle souvent, il vaut mieux être complètement désespéré. Les grands mots d'esprit livrés sur un lit de mort. Oui, c'est ça le secret : le désespoir le plus total. D'accord, on fait comme ça : je me suicide avec un poison assez lent pour me permettre d'écrire un très très bon jeu de mots, une phrase définitive sur la dérision de la vie, un truc cinglant.


    Glup. Pas bon.


    Je sens que ça fait effet.

    Argglll... Vite ! Argh...

    Tip tip tip. « Allo, passez-moi le centre anti-poison, je crois que j'ai fait une bêtise. Faites vite. Hein ? Non, c'est pas une blague, je n'ai pas du tout envie de rire ! »