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Livres - Page 24

  • Les choses sérieuses

    Une vente aux enchères. Un public d'habitués, la commissaire-priseur connaît tout le monde, l'ambiance est sympathique. La vente commence. On vend des livres par cartons entiers. Les cartons de beaux livres montent à 200, 400 euros. Etonnement des p'tits gars derrière moi, pour qui le livre est un objet bizarre, sans valeur. Qu'ils se rassurent, on arrive aux bouquins d'occasion, et là des séries de un, deux, puis trois gros cartons pleins se négocient à 3 ou 5 euros. Même pas le prix du papier. Enfin, le calvaire s'achève et le préposé aux cartons s'empare du premier objet de la suite de la vente aux enchères : un vieil escabeau. J'entends une voix, derrière, soulagée : "Ah, on passe aux choses sérieuses !" En effet.

  • Arsand parle de Que Tal

    J'avais aimé le livre de Daniel Arsand. Ici, son interview sur France Culture, pour aller plus loin.

  • Parole et pensée

    « La grammaire est un art qui enseigne à parler et à écrire correctement. Cet art, composé de différentes parties, a pour objet la parole, qui sert à énoncer la pensée.
    La grammaire admet deux sortes de principes : les uns sont d'une vérité immuable et d'un usage universel ; ils tiennent à la nature de la pensée même ; ils en suivent l'analyse, ils n'en sont que le résultat. Les autres n'ont qu'une vérité hypothétique et dépendante de conventions libres et variables, et ne sont d'usage que chez les peuples qui les ont adoptés librement, sans perdre le droit de les changer ou de les abandonner, quand il plaira à l'usage de les modifier ou de les proscrire. »

    Grammaire des grammaires, par Girault Duvivier, 1822.

    D'une époque où un traité de grammaire était aussi de la littérature. (Merci Jean).

  • Du Ghetto

    Nous attendons de vos nouvelles est le récit croisé des parents de l'auteur à partir des lettres qu'ils lui ont laissées. Cette correspondance, dont Michèle Goldstein-Narvaez a toujours su l'existence, mais qu'elle n'avait jamais osé lire avant la disparition de sa mère, est le point à partir duquel l'écrivain greffe ses propres souvenirs, son rapport avec ses parents, les récits de sa jeunesse à Lyon, des points de sa vie, enfin tout ce qui la constitue et qui, réalise-t-elle alors, est imprégné de ce passé.
    Janka, sa mère, et Stasio, son père, juifs polonais de Lodz, se sont évadés du ghetto de Varsovie et ont survécu aux bombardements, au siège, aux combats pour la prise de la ville à la fin de la seconde guerre mondiale.
    C'est un livre terrible et intelligent, précis, généreux. Le récit de juifs qui échapperont à la Shoah, avec tout ce que ce statut de survivant peut avoir d'heureux et d'inconfortable.
    La lecture de Nous attendons de vos nouvelles a été un temps suspendu. C'est un livre à plusieurs niveaux de lecture dont il n’est pas facile de parler succinctement. Il faut dire d'abord la qualité de son écriture. Ce n'est pas une surprise quand on a lu les moindres travaux de Michèle, mais c’est le viatique de tout le reste, et c'est essentiel. Pas de sophistication inutile, de virtuosités qui auraient amoindri l'hommage en jouant le pathos ou l'emphase. C'est l'élégance, une écriture intelligente et sobre, un phrasé sûr, de la force, la forme nécessaire.
    Le croisement des récits, l'organisation des histoires dans l'Histoire, chevauchements complexes, sont rendus fluides grâce à un travail que l'on devine énorme, à partir des lettres traduites, des ouvrages référents (de la grande histoire à Sept dans un bunker de Charles Goldstein en passant par le Karski de Haenel, etc.), de la voix des parents, de la mémoire collective. Tout cela est parfaitement tissé au long du livre. Le déroulement des faits est clairement exposé, le chapitrage est fait dans une volonté d'informer. Seule ma méconnaissance des lieux et la difficulté du français avec les patronymes juifs ou est-européens m'ont obligé parfois à des retours en arrière, des vérifications. Mais que l'auteur soit louée pour l'effort didactique qu'elle a privilégié en rédigeant. A la fin, avec la lecture des lettres, le peu de doutes s'éclaircit tout à fait.
    Il est très difficile, alors que je sors juste de ma lecture, de donner une vue en hauteur et pertinente de ce texte émouvant. La première chose qui me vient, sans aucune analyse, c'est cette scène où l'auteur est sur le quai de la gare (c'est dans l'introduction, je crois, véritable livre dans le livre, déjà un formidable morceau de littérature), quand un train de marchandises stoppe ses wagons vétustes devant elle et que, pendant quelques terribles secondes, Michèle sent comme une aspiration, ses pas attirés vers eux, vers un destin inéluctable. C'est magnifique, c'est vertigineux, je crois qu'on n'a jamais traduit de façon aussi puissante la force de ce traumatisme particulier, et aussi ce que c’est que d'en hériter. On n'en finit jamais, et le monde et ses visions sollicitent constamment le survivant avec l'éternelle question du pourquoi. Un wagon qui s'arrête et c'est l'incompréhensible qui vous saute à la figure.
    Survivante, petite Thérèse (Oui, son autre prénom est Thérèse, malgré les réticences de la famille, mais cette trouvaille trouve son explication dans le beau passage du bombardement et du garçon à qui Janka sauve la vie), miraculée parce que ses parents ont eu la chance de vivre (la chance, insiste Lipietz dans sa superbe postface, car l'argent, la volonté et le courage n'ont pas suffi pour la grande majorité, hélas), il y a donc cela que l'auteur doit supporter. Comme il faut supporter que l'humanité un jour, se révèle sous l'angle de sa plus néfaste nature. Je rejoins encore Lipietz quand il souligne cette scène où les domestiques polonaises, tout à leur joie carnassière, volent rideaux et objets, dans l'appartement et sous les yeux de leurs employeurs, avec la bénédiction des soldats allemands (quand je vois l'effet qu'ont sur moi les minuscules trahisons, les petits désordres de l'amitié, je me dis qu'être témoin de toutes ces bassesses doit être absolument dévastateur, et d'une dévastation durable). Avoir confiance en l'humanité après ça... Heureusement, comme toujours, il y a les exceptions. L'étonnante Jula, polonaise catholique, qui cache des juifs  en plein Varsovie, se brosse innocemment les cheveux tandis que les nazis fouillent son appartement, en est un merveilleux exemple. Quel courage !
    Les témoignages des parents seront livrés au fil des ans à leur fille avide de détails, livrés par bribes ou par distraction, avec de l'humour souvent. On saisit comment tout cela a construit l'identité de l'auteur. Et comment les lettres disent l'angoisse pour ceux dont on doit se séparer, malgré ou à cause de l'amour qu'on leur voue, les tracas quotidiens, les espoirs même dans les moments les plus sombres, et la façon dont la vie triomphe, au bout du compte. L'importance du quotidien est peut-être un des apports les plus importants de ce livre. Il n'est pas absent des grands textes exemplaires sur la Shoah ou le Ghetto de Varsovie, de Primo Levi ou de Martin Grey, il n'est pas oublié par Lanzmann, mais il est toujours livré sur le mode édifiant, pour expliquer la dureté de la vie, donner un détail significatif (ce pourrait être ici la façon de se laver dans un verre d'eau, par exemple). L'idée de citer les lettres in extenso ou presque, au cours et surtout à la fin du livre, renvoie à celle de l'impensable. Je m'explique. Au jour le jour, un cataclysme inédit est impossible à analyser, parce que le quotidien l'emporte. Se nourrir, se vêtir, trouver un travail, s'informer sur tel ou tel, sur une mère ou un fiancé, voilà ce qui importe. Les grandes colères des nations et les idéologies ont le caractère des éruptions volcaniques. S'en inquiéter ne changera rien et, de toutes façons, on le saura quand ça arrivera. C'est cela que les lettres disent. C'est pour cela que la mémoire est importante. C'est pour cela que, disant le quotidien, les lettres familiales, quelques objets, ce minuscule trésor tassé dans une enveloppe repliée ou dans une boîte métallique, disent aussi combien la litanie des jours est un danger. Un danger mais aussi la substance de la vie. La marque de son obstination. Que l'auteur aie, toute jeunette, dressé ses poings pendant mai 68, soutenu la résistance chilienne, n'est pas anodin. C'est qu'elle avait compris le désastre de l'autisme face aux mouvements idéologiques. C'est un autre héritage.
    Je trouve remarquable et significatif que Michèle Goldstein-Narvaez ait attendu la disparition de sa mère, dernière survivante, pour se lancer dans ce travail. Je comprends cet atermoiement. Je crois qu'il s'agit davantage d'une maturation nécessaire que d'une hésitation à se confronter au passé, aux événements trop durs, à la mémoire de ses parents, d'êtres trop proches pour qu'on leur substitue une traduction scripturaire, aussi respectueuse soit-elle. Il s'agit de transmettre, et je me dis là aussi que le  métier de l'auteur (elle est professeur) n'est pas venu par hasard, mais qu'il est bien le fruit de cette idée, née quelque part sur un coin de table, à la cuisine, quand Janka et Stasio lui racontaient, encore une fois, la survie dans les égouts.
    Michèle Goldstein-Narvaez a produit là une belle œuvre de transmission, importante, que je vous invite à découvrir.


    Nous attendons de vos nouvelles : voix du Ghetto de Varsovie.

    Michèle Goldstein-Narvaez. Editions Max Milo. 18 euros.

  • Espérant la réciproque

    Une part méconnue mais non négligeable du statut d'écrivain est la lecture des textes des amis écrivains, manuscrits ou achevés. D'où l'importance de sélectionner ses amis parmi les bons écrivains. J'avoue que j'ai cette chance.

  • Après un sondage

    Les statistiques le prouvent : les français écrivent beaucoup et lisent de moins en moins. Mais bon, ils écrivent plus de merde qu'ils n'en lisent. Ceux qui lisent de la merde écrivent beaucoup plus que ceux qui ne lisent rien, tandis que ceux qui lisent moins de merde qu'ils n'en écrivent, écrivent moins. Sans oublier ceux qui écrivent de la merde sur la merde de ceux qui en écrivent.

  • Que Tal, par Daniel Arsand

    Daniel Arsand, auteur de En silence, La province des Ténèbres et récemment du terrible Un certain mois d'avril à Adana, est de ces écrivains dont on dit qu'ils sont rares, parce que leur voix est singulière, véritablement. Arsand élabore des récits au style soigné, mêlant délicatesse et puissance. Son dernier ouvrage est un texte court, publié en début d'année (Kronix a plus d'un mois de retard, mais bon), un récit autobiographique dans la veine de L'ivresse du fils ou Lilly, mais absolument différent par le sujet, l'énergie, la vitesse, l’enchaînement des thèmes, qui ressort autant de la prose poétique que de l'essai. Le livre s'intitule Que Tal. C'est le nom d'un chat. Son chat.

    Qui est-il, ce chat, qu'on déposa un jour entre les bras de Daniel Arsand, ce chat au pelage blanc qui ne se soucie pas du temps qui passe, enseigne ainsi à qui veut bien l'observer, que le temps n'est que l'appréciation qu'on en fait ; une affaire personnelle ? Un animal, d'accord, mais c'est tellement réducteur, ce terme. Incompatible, pour l'humain borné, avec l'idée de l'amour. Et pourtant. Voici une histoire d'amour, placée d'emblée sous l'angle du deuil et de l'altérité, voire de la presque gémellité, entre un homme et son chat. C'est une tragédie.

    Entre eux, il y eut un apprivoisement réciproque. Long. Quand tout va bien, Que Tal rejoint son compagnon dans la nuit, les ténèbres qui « matelassent l'appartement ». L'auteur qui n'est pas encore écrivain alors, n'ose pas fumer, ce qui insupporterait l'Autre. La nuit, c’est leur domaine à tous les deux, ils y sont à l'aise. Que Tal et lui couchent ensemble, vraiment, et le chat aux amarres de son Autre, est source de sensualité, de phrases qui entretiennent un trouble malicieux.

    Il y a, prestement esquissée mais vite résolue, une crainte (plutôt un ennui) qu'on ne le saisisse pas, cet amour. La difficulté de faire comprendre cet absolu éprouvé pour un être d'habitudes, pour quelqu'un. Quelqu'un qui donne la paix et grâce à qui tout est limpide. Quelqu'un ET un animal.

    Dans l'obscurité, dans le désœuvrement, c'est l'éclatante lassitude d'un type qui parfois se déteste. Un corps qui ressasse ses pensées, la monotonie du corps. La lassitude telle une bête dans la nuit. Voulue, désirée, préservée. La part animale, qui est cette parcelle de sincérité et d'angoisse, confinée là, au creux du corps. La part animale, précieuse, c’est aussi ce qui permet de s'éveiller, de réagir. Solitude et lassitude prennent l'être incertain en tenaille, l'obligent à des contours et à des décisions : une posture d'homme, alors qu'il voudrait être flou, négligeable. Parmi toutes les lassitudes, il en existe une, impérieuse : celle de ressusciter ses morts. Mais le garçon voudrait oublier qu'ils le hantent. Alors Que Tal, qui s'allonge contre lui, l'accompagne sans poser de questions, semble une solution, permet une réponse. Il a l'avantage d'être là, tangible et discret. Il n'est pas tonitruant, ne réclame rien que de l'amour. Il l'apaise.

    A 42 ans, orphelin et célibataire, au chômage, peu content d'être lui, incapable d'écrire, infichu d'aimer, l'homme s'insulte, se traite de vieille carne rouspéteuse. Il comprend enfin l'autre solution, l'autre réponse : il lui faudra écrire, écrire dix mots pour en retrancher onze, écrire ce qu'il est, purin et or. Écrire enfin ses morts pour s'en désencombrer, écrire ce qu'ils ont été, les remettre à leur place. La place légitime qui est la leur, celle des fantômes. Que Tal ne le tolère que sain de corps et d'esprit. Ce qui oblige son compagnon à refuser les privilèges que revendiquent ses morts. Il le met au défi d'être écrivain, en somme.

    Lui est parti souvent, métier oblige. Il est souvent venu avec d'autres hommes, ivresse oblige. Le cœur de Que Tal s'est usé à l'attendre. « En sa compagnie, j'étais un orphelin, j'étais seul et veillé ». Vivre à deux, ce fut cela, écrire entre transe et sérénité. Quand l'écriture sonne faux, Que Tal apporte son aide, sans rien faire, il lui suffit de rester sous la caresse du regard de l'homme, d'exposer son animale sincérité. L'homme devient écrivain « avec ange gardien ».


    Après douze ans de vie commune, Que Tal meurt en 2005. D'une embolie. Le chagrin, cette érotisation de la mort, ne se discute pas. Incrédulité, stupéfaction, on le vit, point. Et ce deuil en rappelle d'autres, qui furent longtemps remisés pour mieux avancer. Des deuils qu'il n’est plus possible de négliger. La mort de ses parents qu'il lui avait fallu attendre pour révéler son homosexualité. Et les fantômes resurgissent. Sa mère, sa langue maternelle même, Arsand ferme les paupières à ces deux morts. Le français est trop proche du chagrin, insupportable. Le chômage est loin maintenant, il est éditeur de textes étrangers. Il lit en anglais. L'amour physique, l'illusion du contact des autres, est un piètre réconfort. Une griserie qui finalement, rappelle cruellement le manque. Et le fantôme du père, ramené des limbes par Que Tal, messager bénévole surgit dans un retour fulgurant, radical. Le père « revint et fut mis en mots, il existait pour une seconde fois ».

    La confrontation au deuil rend à l'auteur la conscience soudaine, à l'exemple de Que tal, que d'autres sont morts, que tout meurt, qu'il est mortel lui-même. C'est l'évidence, mais quand l'évidence prend corps, quand il devient manifeste qu'un corps recèle les cendres détestables... Il se produit un déclic. Au bout du compte, Que Tal a appris à son compagnon tout ce qui lui est essentiel : à vivre et à mourir, à écrire. On comprend alors quel vide il laisse. Une étrange transmission, rarement dite, s'est produite entre l'homme et l'animal. Celui qui nourrit l'autre n'est pas celui qu'on croit. Que Tal a nourri la part animale de l'auteur. Cette part animale, c’est l'authenticité, ce qui échappe à l'écriture, même la plus sincère, la plus obsessionnelle, toujours menacée de frôler le possible et le faux. Se moquer de ses affres, et s'en réjouir, en jouir, aller vite, écrire. Que Tal ? Comment ça va ? Il écrit. L'écrivain écrit, alors ça va.

    Je vous invite à découvrir ce texte fiévreux et noir. Une élégie qui mute en hymne frénétique, dans un superbe déferlement final.

    Que Tal. 88 pages. Phébus, littérature française.

  • Dernières retouches

    Ce week-end, c'est la dernière session avant de rendre ma copie. Un mois d'avance. J'ai énormément travaillé, je vous assure, pas laissé une phrase indemne, un mot qui ne soit réfléchi, une situation qui ne soit pesée. Mausolées, nouveau titre (en tout cas, celui qui émerge des propositions échangées entre l'éditeur et moi) de ce roman de (presque) jeunesse initialement intitulé A la droite du Diable est devenu, à force de repentirs et de réécriture, un texte dont je n'ai pas à rougir. La matière était là, mais la forme d'origine était démesurément verbeuse, prolixe, bavarde, inutilement riche en termes rares. Enflée, pour tout dire. Je dois à Frédéric Weil et à son équipe d'avoir eu envie de ce livre, assez pour que j'entreprenne un chantier que je n'aurais jamais accompli sans la perspective d'une édition. Mausolées est très différent des précédents, bien sûr : je ne crains pas d'y placer des scènes d'action et, parfois mais j'assume, un peu de mauvais goût, mais il me semble enfin à la hauteur de ce qu'un lecteur de mes livres actuels peut exiger. Je ne dis pas que mon niveau d'écriture ou que l'ambition de mes thèmes soient exceptionnels, entendons-nous bien, je dis que mes récits se situent à un certain degré et que, quel que soit ce degré, je ne veux pas descendre en dessous. C'est une sorte de contrat moral avec mes lecteurs. Je sais aussi qu'il va toucher un autre lectorat, peu habitué à cette forme de littérature. Le souhait de Mnémos est d'apporter à des lecteurs, fatigués de se voir proposer des combats de guerrières à forte poitrine et des récits immatures de mondes imaginaires, une forme plus adulte, peut-être plus littéraire. Je n'ai pas théorisé une telle démarche, c'est mon éditeur qui a cru reconnaître dans ce manuscrit une réponse aux désirs d'une partie de son lectorat. Nous allons donc savoir, dès la fin du mois d'août de cette année, si le pari est gagné. Je crois que c’est un gros risque pour Mnémos, et j'espère que les lecteurs seront au rendez-vous, malgré cette période peu propice aux récits sombres et désespérés (car, hélas, Mausolées n'est pas une bluette).

  • La chanson du chauffeur de car

    Je suis le chauffeur de car
    Je conduis les gens endormis
    Je suis le chauffeur de car
    Je les ai à ma merci

    Il y a les gamins qui vont à l'école
    Il y a des mamies
    Il y a les gamins qui rigolent
    Et un type qui lit

    Celui-là, je l'aime pas bien
    Alors pour l'emmerder
    Je mets RTL et Europe 1
    Zemmour et Ruquier

    Radio Scoop, NRJ,
    les grosses têtes et les grandes gueules
    Tout ce qui contre le livre agit
    Je lui mets à fond dans la gueule

    Je suis le chauffeur de car
    Je n'aime pas le type qui lit
    Je suis le chauffeur de car
    Je lui pourris la vie

  • Anapurna

    Énorme chantier de réécriture en ce moment (en fait, depuis deux semaines). Après une entrevue avec mon nouvel éditeur, Frédéric Weil, de Mnémos, je me coltine une nouvelle ascension avec ce monstre de 600 pages (format édition) sur les épaules. Coupé, recomposé, retouché, repensé, refondu par endroits, re re re... J'espère enfin mettre un point final à ce manuscrit qui a attendu quinze ans pour trouver preneur. Un texte qui vient d'un temps où le monde du livre me semblait aussi accessible qu'une retraite à 50 ans. Un nouvel éditeur, oui, éditeur enthousiaste à qui je dois bien ce travail en profondeur de tout ce qui constitue le récit, forme et fond. A la droite du Diable sortira en septembre 2013. Il ne plaira sûrement qu'aux lecteurs d'une SF exigeante et hors norme (il y en a, je fus l'un d'eux, à l'époque), mais je suis tellement heureux que ce roman « inclassable » (dixit Frédéric Weil) parvienne enfin au jour, que je veux bien prendre le risque de déplaire ou de surprendre mes lecteurs fidèles. Aucun d'entre vous, qui m'avez lu jusque là, ne me reconnaîtra dans ce bouquin, je vous préviens, mais je sais qu'un certain public le recevra dans la jubilation. En 2014, retour aux récits « sérieux » si j'ose dire, et à l'écriture que vous savez. On peut bien s'octroyer quelque récréation, hein ?

  • ALIROULU 2

    Notre dernier pilote pour l'émission Aliroulu (cliquer sur le texte en gras précédent. Je le dis, parce que certains ne savent pas. Et oui. Sur la page qui s'ouvre alors, descendre un peu : la vidéo est sous la bannière. Je le dis parce que certains ne descendent pas. Si, si.) Toujours les judicieux conseils du carnet à Spirales, à Charlieu, le conseil d'une lectrice (l'excellent Peste & Choléra de Patrick Deville), et l'interview de Dominique Iacovella des éditions La Rumeur Libre.

     

  • Rétro

    Ce que je vais retenir de 2012, à part les problèmes de santé des proches, les inévitables deuils et les évitables naissances, à part les aléas de la vie et l'affirmation du bonheur que nous vivons à deux, c'est l'enchaînement de hasards qui m'amènent à porter désormais mon regard au delà de 2014, littérairement parlant. 2012, donc. Sortie de « J'habitais Roanne », avec des retours bienveillants et, malgré le boycott d'un journal local (dont je croyais le concours essentiel), un beau succès en librairie et par internet ; un manuscrit retenu chez Gaïa avant d'être retoqué en seconde lecture (mais pour moi, déjà, un petit triomphe), un manuscrit envoyé en pdf (rapide et économique, ce système) et retenu par Mnemos, puis contrat signé (sortie prévue courant 2013) ; un manuscrit présenté à Phébus et retenu pour sa collection de littérature française, puis contrat signé (sortie prévue pour la rentrée littéraire 2014) ; mes apparitions sporadiques sur ventscontraires, des publications dans « Microbe » et « Comme en poésie », une lecture sur la scène du cabaret poétique de Frédérick Houdaer, des textes pour Christine Muller et Jean-François Claustre, une commande de Corie Bizouard pour sa prochaine exposition (texte accepté par l'artiste, un soulagement). 2012 qui ouvre aussi sur 2013 avec : de petites émissions télé réalisées par MCA Prod, la mise en chantier de ma prochaine pièce par Nu compagnie, une préface pour une anthologie de textes sur Roanne et la perspective d'un nouvel opus avec Anne-Laure Héritier-Blanc (La petite fabrique), vous comprendrez que ce fut pour moi une année bénéfique, et porteuse de tant de promesses. Avoir l'automne 2014 pour horizon éditorial et donc 2015 pour horizon scripturaire (si vous me passez cette étrange expression) avec déjà des engagements plus lointains, est un confort que je n'ai jamais connu, une sécurité presque anxiogène (mais ça va passer). Confort qui va me permettre de me consacrer à quatre projets : deux romans, une pièce de théâtre et un essai.
    Du côté des échecs, il y a eu l'abandon par Delcourt d'une série de BD, dont le premier album, contrat signé et travail payé, scénarisé et dessiné entièrement, ne sera donc jamais publié. Il y a aussi la commande d'une nouvelle pour une revue qui n'a finalement pas vu le jour. Si j'étais mature et conscient, ces expériences m'apprendraient à ne pas me réjouir si vite des nouvelles que je vous livre plus haut mais, que voulez-vous, je suis d'un naturel confiant. J'ai remarqué qu'en général, les gens se tiennent à ce qui est convenu.

  • A lire ou Lu (ALIROULU)

    Voici le premier pilote (il y en aura deux) d'une petite émission censée donner envie de lire. Yohann Subrin, réalisateur de MCA Production, m'a demandé de concevoir ce petit format. Je vous laisse découvrir. 15 minutes, guère plus, et un peu de légèreté pour parler de lecture avec bonheur. C'est simple. Aucune périodicité précise, mais peut-être 4 ou 6 numéros par an. Pour la petite histoire, je n'avais pas prévu que Jean-Luc Rocher (interview de fin), viendrait avec mon propre livre, je le jure.

    Bon visionnage.

  • Interlude

    C'est un ami écrivain qui, il y a des années, m'a initié au principe du feuilleton. Les lectures de Jean Ray ou Maurice Leblanc nous avaient inspiré l'écriture d'une série en hommage, située vers 1920 : Les aventures d'Adrien Destalles, chaque roman bénéficiait d'un titre grand style : « La forteresse maudite », « le sang de la momie », etc. Il s'agissait de pondre très vide un épisode chacun, systématiquement suspendu à une suite par un « cliffhanger » de folie, que l'autre reprenait en se frottant les mains, etc. L'occasion de jeter un roman sur la machine à écrire en une grosse journée, de l'aube au crépuscule. C'était crevant, stimulant, jouissif. Vous aurez sans doute remarqué que le radical Hennelier n'est pas d'une grande qualité littéraire ; je ne le renie pas pour autant, mais ce feuilleton est un petit exercice futile effectué pendant que mes chantiers plus sérieux prennent forme. C'est ma façon de me changer les idées, écrire vite, sans relecture, m'amuser à créer du suspens tous les deux paragraphes. Je dois vous le confier : ce mode de détente comporte certains dangers. Le goût de l'efficacité peut prendre le pas sur une certaine recherche, et obliger à une période d'adaptation pour corriger les mauvaises habitudes prises dans la précipitation, quand il s'agira de se mettre à écrire de façon plus pensée. Curieux interlude, n'est-ce pas ? Je voulais seulement rassurer les personnes qui suivent mon travail : l'idée d'offrir de la bonne littérature ne m'a pas quitté. C'est juste la récré, quoi, ce feuilleton. J'espère que vous vous amuserez autant à le lire que moi à le produire.

  • Côté lectures

    Je n'oublie pas que je suis le parrain du club de lecture de la Médiathèque de Gilly-sur-Isère. J'ai ressorti mes notes et je vous propose ici ce que je retiens de mes lectures en 2012 : Sida mental de Lionel Tran, L'art français de la guerre d'Alexis Jenni, L'idée fixe de Paul Valéry, L'Exilé de René Pons, Un certain mois d'avril à Adana de Daniel Arsand, De si jolis chevaux de Mac Carthy, des nouvelles de Borges, Degrés de Michel Butor, Sept façons de tuer un chat de Matias Nespolo, Engeances de Frédérick Houdaer, Marius Beyle de Laurent Cachard, L'interrogatoire de Jacques Chessex, Ce qui stimule ma racontouze entretien avec Georges Pérec, L'auteur et moi d'Eric Chevillard, un inédit de Christian Degoutte, deux inédits de Daniel Arsand, Dans ma maison sous terre et Le cri du sablier de Chloé Delaume, Rien ne s'oppose à la nuit de Delphine de Vigan, Passion simple et La place d'Annie Ernaux, Les Nuits d'Hitachi de Sylvie Gracia, Dans la lumière des saisons de Charles Juliet, Hurraman Scriptu de Jean-Luc Lavrille, Explication des oiseaux de Lobo Antunes, Voyage avec mes ânes en côte roannaise de Jean-Yves Loude, Loin d'eux de Laurent Mauvignier, Amère indienne, Pierres de folie et Un homme à la mer d'Emmanuel Merle, L'odeur de l'Inde de Pasolini, Les choses, Un homme qui dort, Quel vélo à guidon chromé au fond de la cour et La vie mode d'emploi de Georges Pérec, Errata de Georges Steiner, Hangars de José-Flor Tappy, L'urgence et la patience de Jean-Philippe Toussaint, La journée vide de Joël Vernet, Dr Haricot de Fabrice Vigne.

    Moins aimé : la trilogie new-yorkaise de Paul Auster (Cité de verre, Les revenants, La chambre dérobée), L'été du chien de Sylvie Gracia, La traversée de l'été de Truman Capote, Cour Nord d'Antoine Choplin, La horde du Contrevent de Damasio, Suites impériales de Easton Ellis, Excursion nocturne de Simon Narvaez, Les Revenentes de Georges Pérec, Le bagne de Jean Genet, Le grand homme de Philippe Soupault, pour ne parler que des plus intéressants (car je vous engage à les découvrir, c’est de la très bonne littérature tout cela, évidemment).

    Belles découvertes aussi : les revues Décapage, Le Tigre, Cabaret et Le Believer.

    Voilà. Bonnes lectures.

  • Hypnose collective

    Hier, une cinquantaine de personnes sont venues s'endormir au son de ma voix. Non, je vous assure : j'en ai vu, paupières tombées, épaules affaissées, se retenant de bailler. Je crois que je vais me reconvertir.

  • Rencontre de novembre

    Ce soir, à 18h30, nouvelle rencontre autour de mon livre "J'habitais Roanne", au musée Déchelette, à l'invitation des A2MR : les Amis du Musée et de la Médiathèque de Roanne.

    En attendant, une courte mais sympathique évocation de ce livre sur ce blog.

  • Cesser de lire, charmante Elvire

    Charles Juliet m'apprend « Dans la lumière des saisons », qu'il est possible d'abandonner la lecture, de ne plus s'inquiéter d'un livre qu'on laisse sans regret à lui-même, stérile et muet. Juliet a dans ce domaine une expérience que je n'ai pas. Je me révolte tout entier contre cette désinvolture. Mais la comprends. Ô, comme je la comprends !
    Arrêter la lecture, s'en réjouir -mais oui- être « moins encombré » et ainsi disposer « de plus de temps pour écrire ». C'est une tentation, c’est vrai, tant se produit à jet continu de choses à lire, de textes bien faits, tous défendables, intéressants. Renoncer à leur découverte ? Cela semble aussi impossible qu'espérer les connaître tous. « Il n'empêche que je suis étonné de ne pas vivre comme une petite tragédie le fléchissement de cette passion qui a tenu une telle place dans ma vie », avoue Juliet. Peut-être est-ce le destin de tout auteur : quitter le monde des livres, sans remords, sans angoisse, par la lecture d'abord, avant que l'écriture se tarisse, inéluctablement. Parce qu'il est temps. Bon sang, comme ça ressemble à une autre fin !

  • Négligent

    Pas très content de ma prestation, cet après-midi. Au cours d'une rencontre avec le public, je divague sur l'exigence, la littérature, etc. Et je me rends compte à présent, en repensant à ce que j'ai dit, à ma référence aux mots de Céline : "Si vous voulez des histoires, lisez les journaux", que mes propos ont pu être interprétés comme du mépris pour les autres auteurs présents. Ce n'était pas le cas. J'en suis assez contrarié pour me sentir le devoir de le dire ici. c'est idiot, ils ne le liront pas, mais ça me rassure.

  • Discret

    A partir de 15 heures, aujourd'hui, je serai quelque part avec des livres devant moi, (dont les derniers exemplaires du Baiser de la Nourrice). Le fait que je n'en dise pas plus ici me regarde, comme le constat vaguement triste qu'on accepte parfois des choses par amitié, par devoir, par courtoisie. C'est ainsi.