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Matières à penser - Page 9

  • 3009

    Nous ne sommes peut-être que les formes immatures de créatures à venir plus élaborées ? Sinon, pourquoi ce goût pour le bruit et l'agitation, cette inconséquence dans les attitudes ? Pourquoi nos caprices et nos rires idiots ? 

  • 3005

    Dès le XIIe siècle, les papes se succédèrent pour interdire, sous peine d'excommunication, l'usage de l'arbalète dans la guerre. Les rois firent « oui, oui, c'est ça » et les champs de bataille furent aussitôt hérissés de carreaux. Le pape François propose de répartir mieux les richesses, de ne pas polluer, de cesser les bombardements, etc. Je vous fais grâce des ricanements émis par les contrevenants.

  • 2999

    C'est une chose assez incroyable, quand on y pense, d'inspirer de l'amour. Nous savons bien tous quelle est notre valeur, au fond, et qu'elle n’est pas si grande. Nous savons tous que nous ne méritons pas d'être aimés. Je me suis toujours senti plus petit que l'amour que j'inspirais. De la même façon, j'ai toujours pensé que j'aimais mal ou pas assez. Parce que tout l'amour qu'on me donnait dépassait mes moyens de paiement. J'ai une sacrée ardoise depuis le temps.

  • 2996

    Je ne dis pas que je ne suis pas ambitieux. Je dis que les effets de ma possible ambition sont annulés par ceux de ma tangible paresse.

  • 2986

    "Voler avec des machines plus lourdes que l'air ne présente aucun intérêt, et d'ailleurs c'est totalement impossible". Simon Newcomb (1835-1909)

    "Les voyages en chemin de fer à grande vitesse sont impossibles, car les passagers, incapables de respirer, mourraient promptement d'asphyxie." Dr. Dionysys Lardner (1793-1859), professeur d'histoire naturelle et d'astronomie à l'University College de Londres.

    "Aucun paquebot ne pourra jamais traverser l'Atlantique, puisqu'il lui faudrait consommer plus de charbon qu'il n'en pourrait transporter." Le même.

    "La terre n'a ni membres, ni muscles, elle ne peut donc effectuer aucun mouvement." Scipio Chiaramonti.

    "Beaucoup trop bruyant, mon cher Mozart, beaucoup trop de notes !" Ferdinand d'Autriche, après la première de l'enlèvement au Sérail.

    "Je n'accepte pas plus la théorie de la relativité que je ne peux admettre l'existence d'atomes et autres billevesées". Ernest March (1836-1916), professeur de physique à l'Université de Vienne.

    "Rembrandt ne saurait en aucun cas être comparé, en tant que portraitiste, à notre merveilleux artiste anglais Rippingille." John Hunt (1775-1848).

    "L'énergie produite par la fission de l'atome est ridiculement faible. Ceux qui s'attendent à une nouvelle source d'énergie atomique prennent des vessies pour des lanternes." Ernest Rutherford (1817-1937), après avoir réussi la toute première fission atomique.

    "J'irai chercher la croissance avec les dents." Nicolas Sarkozy.

    "Je vais écrire un blog. J'aurai plus de lecteurs, comme ça." Christian Chavassieux.

    N.B. : Toutes les phrases (sauf les deux dernières) sont extraites de l'excellent "Livre des bides" de Stephen Pile. Livre épuisé, jamais réédité, dont la lecture est pourtant conseillée pour la santé.

  • 2983

    Les trois hirondelles étaient blotties l'une contre l'autre, sous un vieil établi, non loin de leur nid qui s'était écrasé au sol. Trop lourd, mal accroché à un simple fil électrique, il n'avait pas résisté aux derniers rehauts apportés par les parents, ce printemps. Chez nous, les hirondelles comptent beaucoup. Il y a deux remises orientées de façon opposée, qui abritent une demi-douzaine de nids variablement occupés selon les années. Avec la clarté augmentée des jours, avril qui rayonne, nous ouvrons grand les portes, nous les attendons avec une impatience inquiète. Les voir fidèlement reprendre leur résidence est une joie. Nous nous considérons chaque fois comme honorés par leur présence.
    C'était une désolation de découvrir ce nid explosé par terre ; une consolation de retrouver en vie ses occupantes. Il ne faut pas les laisser à la merci des chats du voisinage. Elles commencent à se couvrir de plumes, c'est bon signe. Une semaine, deux tout au plus, et elles pourront s'envoler et chasser par elles-mêmes. J'ai déjà soigné des oiseaux, j'ai sauvé un martinet autrement plus jeune, à peine couvert de duvet, je sais comment faire. Dans ma main (ma douce n'ose pas les toucher de peur de leur faire mal), les petites ne réagissent pas. Le choc peut-être, ou plus redoutable : l'immédiat désintérêt à vivre de ces créatures, dès lors qu'un accident les a arrachées à leur cocon.
    Dans la maison, nous les installons dans la salle à manger. Nos chats miaulent, impuissants, derrière la porte vitrée. Ils s'insurgent contre la cruauté de leurs maîtres qui leur interdit d'accueillir nos pensionnaires à leur façon. Nous aménageons un creux de terre, paille et plumes avec les débris du nid, où nous déposons les petites hirondelles. Elles sont inertes, yeux fermés, anéanties. De quoi se mêlent les hommes ? Pourquoi s'acharner à réparer un malheur dont ils ne sont pas coupables ? Elles refusent d'ouvrir le bec, nous les forçons donc à manger. L'aliment le plus simple est du jaune d’œuf, je sais que ça peut marcher. Cinq à six séances par jour. Le troisième jour, un tournant important s'opère : il est inutile de les contraindre. Elles se précipitent sur le bout de bois que j'ai spécialement taillé pour le nourrissage. Bec grand ouvert, elles reçoivent avec gourmandise la manne offerte. Elles se renforcent, sont toniques. Laissées seules, elles piaillent, volettent même dans la pièce, on les retrouve perchées parfois. Même la plus faible des trois, recueillie toute chétive, parasitée et très mal en point, semble revivre. J'annonce fièrement sur Facebook que les trois hirondelles vont « manifestement » survivre.
    Le soir-même, ma douce découvre deux hirondelles collées l'une à l'autre. Elles ont laissé la troisième à part. Elle est morte. C'est décevant mais nous ne sommes pourtant pas surpris. Elle mangeait moins que ses sœurs, était nettement moins vive, malade sûrement. Tout de même, juste au moment où nous pensions…
    Le lendemain, les deux survivantes refusent la nourriture, cette fois. Elles ne volent plus, ou bien juste la distance nécessaire pour aller se cacher sous un meuble, se rencogner dans une partie plus sombre. Elles ne piaillent plus. La plus costaude veut bien, parfois, avaler la mixture que nous lui servons mais elle le fait sans énergie, sans appétit. En quelques heures, tout s'est inversé. Visiblement, inexplicablement, elles ont abandonné. Forcer ne sert à rien, elles déglutissent à peine. Un peu plus tard s'éteint la seconde hirondelle. La troisième reproduit l'attitude des deux autres. Il devient évident qu'elle se laisse mourir, elle aussi. La mort dans l'âme, déçus et en colère, nous acceptons.
    Hier, en fin d'après-midi, je trouve la dernière, respirant encore faiblement, vers la porte-fenêtre. La troisième fois qu'elle rampe littéralement jusqu'à cet endroit, à bout de force, vers cette illusion de lointain. Je la prends dans ma main, je sors. Il fait tellement beau. Le jardin est une splendeur à cette heure-là. Je m'assieds sur l'herbe, dos contre le plus grand cerisier. Ma douce apparaît sur la terrasse. Je ne dis rien ; elle comprend, s'excuse de ne pouvoir me rejoindre. Elle n'a pas le courage. Je sens dans ma main le cœur de l'hirondelle. Quand on est concentré sur cet événement minuscule, c'est incroyablement puissant, les battements de cœur d'un oiseau. Je reste là, le temps est ralenti. L'hirondelle est immobile entre mes doigts. Elle se repose. Il y a autour de nous un ruissellement de lumière, une douceur et une douleur tendre, une patience. Nous avons le temps, prends ton temps. Une vie contre ma paume. Tout va bien. Les choses rentrent dans l'ordre. Pas de nourriture forcée, pas de bruits domestiques, pas de murs. Mais pas non plus la mâchoire d'un prédateur. Le nid de ma peau, la chaleur de ma main, la lumière incroyable de cet instant à travers la voûte de feuillage. Une heure passe, peut-être plus, je ne sais pas. Et puis je sens un frémissement. Le petit corps vibre et se raidit. La tête minuscule s'incline dans un relâchement ultime. J'ouvre ma main, tachée par l'effet du dernier spasme. C'est bien fini.

    Il nous a paru tellement important de sauver ces hirondelles. Nous aimons tant les voir revenir chaque année, traverser l'air en échangeant leurs cris. Portées par l'énergie que nous avons mise dans ce projet, les trois petites hirondelles y ont cru, elles aussi, le temps d'une journée. Notre évolution nous a à ce point détaché de la nature, que nous sommes incapables de concevoir qu'une créature puisse trouver négligeable de vivre. Comment sont-elles passées de ces heures vives, avides, toniques, où il nous semblait avoir réussi, pour aussitôt après, lâcher prise et s'abandonner à la mort ? Nous avons été rappelés à l'ordre. Il y a ce qui veut vivre et ce qui veut mourir. L'homme n'a rien à voir là-dedans.

  • 2980

    Écrire, quel bonheur. Ne plus écrire, quel soulagement. Entre les deux, une sorte d'enfer.

  • 2972

    Les souvenirs des autres nous sont parfaitement intelligibles. Comme si toute l'humanité ressassait éternellement le même destin individuel, seulement nuancé d'incidents fournis par l'époque.

  • 2963

    C'est une guerre étrange en ce que les batailles s'organisent ainsi : d'éventuelles victoires se déroulent là-bas, tandis que toutes les défaites ont lieu ici.

  • 2937

    Soit le texte sacré de Râlur, loi directement transcrite de la pensée du dieu et donc, littérature sacrée, intouchable pour ses fidèles. On ne saurait porter atteinte au livre sous peine de subir les foudres (non pas divines mais) bigotes : le texte est une entité intègre.
    Soit à présent, un hiver glaciaire, pénétrant jusque dans la maison d'un fidèle lambda. Le fidèle dispose du texte sacré de Râlur en deux volumes. Il ne lui reste plus que cela pour allumer un feu vital mais, on le comprend, il rechigne devant un tel sacrilège. Heureusement, il  découvre que son édition comporte un défaut de fabrication : une page du deuxième volume est mal imprimée et un mot est effacé ! Si le texte n'est pas intégral, se dit-il, je ne suis pas véritablement en possession du texte sacré, je peux donc sacrifier cette page, et sûrement, par la suite, ce volume défectueux. Une voix au fond de lui suggère que le volume subsistant ne pouvant être alors considéré comme le texte intégral, il pourra donc brûler celui-là également.
    Tout de même, inquiet d'un tel geste, il contacte le prêtre du culte de Râlur le plus proche pour lui demander conseil avant de commettre l'irréparable.
    Que lui dit le prêtre ?

  • 2933

    Homosexualité ou hétérosexualité, le monde s'en fout, le monde veut une isosexualité, soit un comportement conforme aux normes industrielles.

  • 2922

    A force de louer l'abnégation des policiers, de caresser les gendarmes dans le sens du poil, de prendre prétexte de l'état d'urgence pour déclarer l'amour du peuple à ses soldats, on installe les forces d'autorité sur un piédestal qu'elles n'ont pas pour habitude de quitter facilement, et même, ont une certaine aptitude à se trouver bien sur ces sommets, à y prendre goût, à ne plus se préoccuper d'en redescendre et éventuellement à demander plus de place pour mieux s'y installer, pour enfin trouver légitime de l'occuper tout à fait. On devrait commencer à s'en inquiéter sérieusement.

  • 2913

    Demain, à la bibliothèque de Saint-Haon-le-Châtel (Loire), j'aurai le redoutable honneur de clore une série de causeries autour de l'art. Pour chacun des conférenciers amateurs qui m'ont précédé, une fois par mois, il s'est agi de proposer au regard des personnes présentes, une sélection de ses dix tableaux préférés. Bien sûr, je n'ai pas fait comme tout le monde (pour des raisons que j'expliquerai sur place demain) et j'ai l'intention de montrer dix œuvres choisies, nuance. Pas forcément des tableaux, pas forcément des œuvres que j'aime. Alors,choisies en fonction de quoi ?

    Un indice, dans ce texte déjà ancien :

    A1_eclipse.jpg"Le jour de l’éclipse, j’étais face à la mer.
    Le moment venu, quand la lune a finalement avalé le soleil après sa longue étreinte, le vent frais s’est levé, l’air a brusquement changé de timbre. La terre a basculé dans l’ambre et le cuivre, des couleurs étrangères. Puis l'obscurité s'est répandue, d'un trait. Une impulsion a jeté des étoiles dans la nuit neuve.
        Fasciné, j’étais ailleurs, j’étais autrement. Au bout de mes doigts : mes enfants, ma femme. Plus loin : des touristes, des inconnus. Tous saisis.
        Aussitôt, chancelant encore, je m’interrogeai. Il m’avait semblé retrouver dans l’émotion qui m’avait emporté une minute auparavant, une émotion connue. Je cherchai. Quand avais-je ressenti pareil éblouissement, pareil abandon de la raison ? L’éclipse était achevée, la fête finie, les touristes et notre famille rejoignaient à regret les voitures. La lune avait libéré le soleil, la terre avait recouvré ses couleurs.
        Pendant le trajet qui nous ramenait au camping, pendant le temps de l'endormissement ce soir-là, pendant les jours qui suivirent, je remuai le souvenir de cette sensation extraordinaire, mais que j'étais convaincu d'avoir éprouvé déjà. Cela ressemblait à l'émotion ressentie devant la beauté d'un paysage. Cela avait à voir avec le dépassement, la spiritualité, une notion qui échappe à la compréhension humaine ou que l'Homme peine à définir.
        Et soudain, cela me revint.
        B1_St-jean-baptiste-de-leonard-de-vinci-va-etre-restaure,M293825.jpgC'était au Louvre, visité dix ans plus tôt sans parcours établi. Au détour d'un couloir, je me plantai devant le Saint Jean-Baptiste de Vinci. Les larmes aux yeux, le souffle coupé, j'essayai de comprendre ce que mon corps et mon âme tentaient d'organiser, sous le choc, et sans ma volonté. Voilà : c'était cela, cette sensation. Cette impression d'être confronté à une œuvre surhumaine, de jouir d'une beauté qui dépasse la pensée commune, de contempler un artefact pourvu des forces incontrôlables et indifférentes de la nature. Le même élan, le même dérèglement de l'esprit, la même paralysie face à cette évidence. La révélation que de l'Homme, naît ce qui peut l'élever hors de lui-même. En quelque sorte, le vertige qui nous saisit quand nous sommes à la frontière du concevable."

     

    C'est à 17 heures, entrée libre. L'ambiance est agréable. Vous venez ?

  • 2912

    Comparativement au sérieux des fauves, nous savons bien que nous ne sommes que des enfants capricieux. Nous passons notre vie à nous étourdir d'amour, de guerre et de foi, pour tenter d'oublier cette immaturité consubstantielle.

  • 2903

    Le gouffre est fascinant. Pourquoi l'est-il ? Le fond de l'abîme aimante le regard et envoûte l'esprit. La pensée s'y étonne car elle ne peut rien atteindre que le concept d'espace, qui frustre par ce qu'il renvoie de pauvreté de la langue à le dire entièrement. Accoudé au parapet, le touriste ne prononce que des phrases idiotes. « C'est profond », « C’est haut » (variantes : qu'est-ce que c’est profond ! Qu'est-ce que c’est haut ! Accompagnées de sifflements, de pets pulsés entre les lèvres ou d'exclamations admiratives).
    (...)
    Qu'allaient chercher les bâtisseurs de Babel, en élevant leur tour vers les nuages ? Pas tant une concurrence avec le divin que la distance suffisante d'avec la terre nourricière, sommet depuis lequel ils seraient en capacité de frôler les parages de la fin. Le défi des habitants de Shinéar suivait une intuition selon laquelle la lumière du ciel disait mieux que les trous en terre, la nature secrète de la mort. On sait que la parabole de la tour de Babel est utilisée dans la Genèse pour expliquer la dispersion des langues. Yavhé, courroucé de l'aplomb des hommes à se croire en mesure de s'élever jusqu'aux cieux (« c’est le début (…) maintenant, aucun dessein ne sera irréalisable pour eux »), les punit en confondant leur langage « pour qu'ils ne s'entendent plus les uns les autres ». Ce faisant, il les condamne à ne pouvoir dire autre chose, confrontés au gouffre, que « C'est profond. »

     

    Extrait de Le Promeneur quantique. En cours d'écriture.

  • 2891

    Si dur de rester droit dans un monde tordu

  • 2888

    Harcelez-moi, harcelez-moi ! Clame le harceleur qui fait à autrui ce qu'on aimerait qu'on lui fasse et, désespérément, ne peut que constater qu'il indiffère.

  • 2773

    - Comment l'authentifier ?

    - Autant t'y fier...

  • 2769

    Chers lecteurs de Kronix. Je ne vous ai pas prévenus parce que j'en fais seulement le constat : Kronix a sournoisement abandonné sa discipline quotidienne. Voyez le nombre de billets ci-dessus et comprenez que je fatigue.

    Cette pause (en tout cas, ce ralentissement dans la fréquence) sera l'occasion de réfléchir à la fonction et à la pertinence d'un blog.

    Merci de votre fidélité et de votre compréhension.

    A bientôt.

  • 2767

    Khan fixait le jeune homme avec une intensité inhabituelle, où se lisait un désir d’adhésion totale. Kargo ne la lui refusa pas. Il promit de continuer l’œuvre, dans la mesure de ses moyens. Il renonça à tricher, à dire : « mais nous n’en sommes pas encore là, tu as de nombreuses années devant toi, tu poursuivras toi-même ce travail, et toi seul… », toutes ces formules qui seraient ridicules à cet instant. Lui revinrent les mots de Jhilat, quelque chose d’étrange à propos des hirondelles et du sens de l’Odyssée. Un propos autour « du sens des choses et du sens des livres… » Khan opina, il connaissait l’histoire : « Je me souviens, oui. À la fin de l’Odyssée, Ulysse, déguisé en mendiant, caché même à sa femme, participe à l’épreuve que Pénélope a imposée à ses prétendants. Il s’agit de bander son arc. Aucun prétendant n’y parvient. Ils font chauffer le bois au feu, ils essayent chacun leur tour, impossible. Il faut être un héros de l’Iliade pour réussir, apparemment. Quand le mendiant propose d’essayer on le moque d’abord, mais finalement on le laisse faire. C’est Ulysse, il a assez de force pour courber le bois à sa volonté et parvient à placer la corde (il mima les gestes). Ainsi fait, pour vérifier la tension de la corde, Ulysse la fait vibrer. Dis-moi, Léo, as-tu déjà entendu le cri d’une hirondelle ? » Kargo rappela qu’elles avaient disparu bien avant sa naissance, et Pavel conclut : « Voilà. La corde de l’arc d’Ulysse répond à la tension en émettant le cri de l’hirondelle, dit Homère. Nous ne savons donc plus, aujourd’hui, quel son faisait la corde de l’arc d’Ulysse. Si les choses qui donnent le sens d’un livre disparaissent, l’une après l’autre, est-ce que ce livre a encore un sens ? Voilà ce qui obsédait Iradj, et qui le rendait insensible à mon amour des livres. »

     

    Extrait de Mausolées. Editions Mnémos, 2013.