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Travaux en cours - Page 12

  • Aux Mots Doubs, le temps dure - 1

    Je suis à Besançon, au festival des Mots Doubs, devenue une institution en 13 ans d'existence. Comme toutes les fêtes du livre, c’est pour les auteurs l'occasion de montrer leur mufle aux passants qui n'en voient pas souvent et leur tâtent la croupe, les flattent, leur disent des gentillesses, s'étonnent de la taille de l'un, de l'âge de l'autre, qu'un tel soit encore vivant. L'occasion pour les visiteurs surtout, de voir en vrai les gens qu'ils ont vu à la télé. On y trouve aussi des écrivains et des lecteurs.

    Je rends d'abord visite à mon pote Bougel, tout gracieux et souriant (si si), tellement un salon avec des vraies gens et des écrivains qui ne se prennent pas pour des génies incompris, le change des cercles poétiques qu'il pratique depuis trop longtemps.

    Je prends ma place sur mon stand. Je suis entre, à ma gauche, un jeune auteur qui a commis un best-seller traduit en trente langues après avoir fait un stage pour apprendre à écrire un roman de 120 pages écrites en caractères 20 et, à ma droite, un malicieux et paisible auteur, éditeur et agent littéraire (la première fois que j'en rencontre un), tous gens de bonne compagnie par ailleurs.

    Je vois assez vite que j'aurai du temps devant moi et entame le synopsis d'une BD sur les pirates, demandé par un copain.

    A ma gauche, le futur Marc Lévy livre à ses lectrices une combinaison de platitudes qu'elles reçoivent en gloussant et en achetant. A ma droite, le malicieux auteur-éditeur-agent littéraire me glisse sa carte.

    Les piles de mes bouquins, devant moi, font sur la foule le même effet que la proue des brise-glace sur la banquise : elles semblent la partager régulièrement en deux, un flot se dirigeant à babord vers le type qui a produit un livre « qui fait du bien » et un flot vers tribord et les productions décentes de mon voisin.

    L'après-midi passe plus lentement que les badauds. Parfois, un visiteur bloqué dans la foule soulève un de mes bouquins pour se donner une contenance, puis reprend le fil de sa promenade. Inconsciemment ou pas, le staff de vendeuses ne propose un café qu'aux écrivains qui vendent. Pour me remonter le moral, je lis les lettres d'Alice Ferney et de Christian Degoutte, qui sont agrafées dans le calepin sur lequel, après le synopsis de mon histoire de pirates, j'écris quelques vers de « Voir Grandir », production future en collaboration avec Jérôme Bodon-Clair.

    En fin d'après-midi, mon éditeur vient me voir. Il habite dans la région, a eu la gentillesse de sacrifier son temps familial pour venir voir son auteur, non plus grincheux, mais assez déprimé. L'occasion de mieux se connaître, de parler de son parcours. Je me vois confirmer l'impression première que j'ai la chance d'être tombé sur un type bien.

    Sur le stand retrouvé, une dame qui fait partie d'un comité de lecture m'annonce que je fais partie de la sélection du Goncourt des Lycéens. Devant ma surprise, elle s'excuse en bredouillant qu'elle a dû me confondre avec quelqu'un d'autre. Je reviens à mon calepin où je griffonne des lames de couteaux et des viscères qui pendouillent.

    Le soir tombe enfin sur mes piles, absolument intègres. Je découvre mon hôtel, à 5 minutes à pied. Dans l'ascenseur, la voix féminine qui signale les étages est tellement torride qu'on cherche une serrure, un bout de moquette épaisse, un mouchoir, n'importe quoi pour vite se soulager.

    Tout le monde est invité à manger le soir au « restaurant des auteurs ». Docile, je m'y rends. C'est un pince-fesses avec Crémant et petits fours. Autour de moi, j'entends évoquer des succès de signatures impressionnants. Je saisis une coupe et me rencogne près d'un plateau apparemment négligé par la foule, grégarisée au centre du dispositif. Peut-être que quelqu'un a éternué sur le plateau, avant que j'arrive ? M'en fous, je meuble ma mauvaise humeur en raflant la moitié des toasts. Il y a de la viande, tant pis, rien n'a de sens, pas plus le fait de se casser le cul à peaufiner la moindre virgule d'un roman de 300 pages, que de tenir à rester végétarien. Le repas n'est toujours pas servi, je décide de partir.

    La marche est agréable dans la douceur des rues. J'avise une pizzeria qui n'a jamais entendu parler de l'Italie. Je m'installe dans une pénombre à peine désorganisée par des taches de lumière bleue, verte et rose. Tandis que le cuisinier s'active derrière une vitre, en retrait de la salle déserte, je regarde fixement le mur décoré façon Tahiti, en face de moi. Une chanson pop, diffusée par un ordinateur, devient dans le contexte, un magnifique cantique élégiaque discourant de la fin du monde et de la vanité des entreprises humaines. Le cuisinier apporte la pizza. Surprise : elle est merveilleusement bonne, et accompagnée d'une sauce-maison préparée avec amour. En voilà un qui doit se demander comment, malgré tout le soin qu'il met à travailler ses énormes pizzas, les gens peuvent leur préférer des surgelés insipides.

  • Tranquillou

    Moi, vendredi dernier : « La mise en musique des textes fonctionnait à merveille, ça donne envie de faire tout un album, non ? »
    Jérôme : « Allez, c’est parti, envoie les textes ! » (une formule plus élaborée mais vous avez le sens du propos, là)
    Oliv', la semaine dernière : « J'ai un projet de court animé avec toi et François costumés en guerriers barbares, ça te dit ? »
    Moi : « Ah ben ouais, super ! » (je m'exprime de façon assez triviale, parfois...)
    Cédric, tout à l'heure : « Je reprends les projets BD. Je me remets sur Cortés, il faut qu'on revoit le design des persos des Nefs de Pangée, il me faudrait un scénar sur une histoire de pirates, il faut qu'on se voit pour le projet jeunesse (top secret), et je vais reprendre le dossier Enthéide... »
    Moi : « Oui, ben tranquillou bilou, je vais bosser ce Week end, je suis en dédicaces mais je devrais pas être débordé » (mon langage devient de plus en plus trivial)
    François, la semaine dernière : « Pour Minotaure, il faudrait que ce soit une sorte de rêve suspendu, quelque chose d'abstrait... de musical et d'abstrait ; »
    Moi : « Oh, c'est une très bonne idée, ça, François ! Je m'y mets tout de suite. » Le même, le même jour : « J'ai un projet de série télé sur (sujet top secret), ça te dirait de bosser dessus ? »
    Moi : « Passionnant, ça ! je m'y mets. »
    Moi, avant-hier : « Daniel, laisse tomber pour le roman que je t'ai passé. Il faut que je le reprenne. A la réflexion, quelque chose ne va pas. Par contre, si tu peux me faire un retour de lecture... »
    Daniel : « D'accord, je vais le relire. Je te dis ça. »
    Frédéric, il y a un mois : « Les Nefs de Pangée, pas compliqué : J'adore. Je te rappelle pour en parler plus précisément. »
    Moi : « ... »
    Philippe, lundi : « Ne prends pas trois ans à écrire ton prochain roman, ne te laisse pas oublier par ton éditeur. Un conseil entre nous. »
    Moi (in petto)  « D'accord, il a raison, allez hop, je m'y mets. »
    Vincent, hier : « Je peux t'indiquer quelques éditeurs si tu veux, pour ce roman, là... »
    Moi : « Oui, je l'ai entièrement réécrit, je ne sais pas, merci, je vais peut-être le proposer, mais il faut quand même que je jette un nouveau coup d'œil... »


    mais vous savez, il m'arrive de refuser du travail, aussi.

  • Extrait

    On l'a cueilli sur le bord du chemin, pas loin des roues du carrosse, ou était-ce une calèche découverte, un de ces attelages légers qui prenaient de l'Angleterre le goût de la vitesse, ou encore une lourde berline, tonitruante, à trois paires de chevaux, énorme, de ces attelages que rien n'arrêtait, qui fonçaient dans les rues précédés de fantassins endurants ou de chiens immenses, jetés en avant-garde pour affoler la populace qui devrait s'écarter vite si elle voulait échapper à la mort aveugle lancée au galop derrière eux. C'était aux franges d'un petit bourg anonyme. Il y avait cet empressement de gueux accourus comme ils font à l'entour de toute pompe sait-on jamais, des fois qu'une bénédiction et quelques écus tomberaient des bourses, des fois que la manne fuserait parmi le crottin, semé avec une pareille désinvolture du cul des chevaux ou de la paume des dames – avec un soulagement moindre dans ce dernier cas – ou agglutinés là seulement pour voir, tant c'est beau, tant c'est un spectacle tout cet apparat, les cavaliers chamarrés, les postillons en livrées impeccables, la brillance des harnachements, le tonnerre des chevaux bien bouchonnés et des essieux bien graissés, des fers solides qui font gicler la caillasse.

     

    Extrait d'un roman (sans titre pour l'instant) en cours d'écriture.

  • Voir grandir

    On te rassasiera. On va t'en foutre, tu verras, jusqu'à la glotte. Tu vas en bouffer. Tu vas en crever. On va te goinfrer de tout ce qu'on fait, parce qu'on ne sait que faire. On ne sait que faire, depuis qu'on a décidé qu'on savait faire. On ne sait plus défaire, on ne sait plus refaire, on fait. On fait. On fait partout, beaucoup, on fait on fait, on fèque, on défèque, il faut tout le monde pour absorber tout ça, et tous ensemble, malgré tous nos efforts, on n'en peut plus, on est gavés, on est repus, on crie grâce, n'en jetez plus, ça va comme ça. Mais on ne sait pas faire, on s'affaire, on s'enferre, on s'enterre, on continue de faire.

  • Se sortir les doigts

    J'explique donc que pour moi , un roman est une longue stratification, que les personnages prennent relief et profondeur dans le temps de l'écriture, que mon prochain roman, à peine commencé, va me demander deux, trois, quatre ans. Mon interlocuteur, fin observateur de la vie littéraire depuis plus de trente ans me dit « méfie-toi que ton éditeur ne t'oublie pas, pendant ce temps-là ». La réflexion me frappe. Oui, finalement, maintenant que j'ai tout mon temps disponible et si je travaille à fond, il est bien possible que je le torche en un an, un an et demi, ce bouquin...

  • Voir grandir

    Tandis que tu m'enveloppes de bien, je sens monter l'engourdissement des haines. Je n'y peux rien. Je mesure ta force, toute de parfum et de calme, mais on accumule pour toi des orages vénéneux. Je vois grandir les choses qui nous emporteront. Des haines aux griffes tendues par la fenêtre. Mais je refuse de te penser comme une proie, tant que je suis là. Alors je te berce, rien n'est advenu. Tu as le temps. Reste endormi je te prie, sans autre souci qu'une faim qui mûrit.

    Tu serais dormant toujours, et moi sans inquiétude. Tu serais ma créature épargnée. Le monde aurait fait une pause. Le monde aurait fait une trêve. Je n'ai que le bouclier de ma tendresse. Aucune arme que ma prière. Laissez dormir mon enfant aux mains rondes et vides. Il n'a pas rejoint le camp des ogres. il n'a pas d'ambition, ses nuits ne sont pas hantées par la dévoration des autres. Il dort.

  • Le fait accompli

    Je me suis arrêté de travailler pour mieux travailler, nous sommes d'accord. Ces jours-ci confirment que, plutôt que considérer ma mise en disponibilité comme un choix, il faut avoir à l'esprit que les nombreuses sollicitations de rencontres et l'accélération des chantiers d'écriture actuels seraient incompatibles avec un emploi du temps de salarié. En fait, le choix, je ne l'avais pas. Ou alors si, un choix absurde : fermer la porte à la vie.

  • Œuvrer

    Pas fonder une œuvre maçonnée de pierres inaltérables, mais au moins architecturer brindille après brindille une forme aboutie, quelque chose qui dirait : le sens de son travail était cela, ce qu'il avait à dire c'était cela. Et puis le processus est si laborieux, encore alenti par les effets de la mélancolie et du manque de confiance, que je crains de ne laisser à la fin qu'une ébauche de nid ouvert aux vents, vite désarticulé, réduit à rien avant que de prendre sens.

  • Pause

    Je pars pendant quelques jours sur la piste des colonnes infernales de Nicolas Haxo. Kronix va se reposer pendant ce temps, je le sais bien, allez, mais il ne faut pas lui en vouloir. Si je ne le nourris plus, le bestiau dépérit. Je reviens. merci de votre patience.

  • Préhistoire

    Travaillant sur la période révolutionnaire, je découvre au fil de mes recherches que je fouille incidemment les vestiges du passé des protagonistes de mon « Affaire des Vivants », située un siècle plus tard. Ce qui les explique, en fin de compte, et que j'ignorais moi-même. C'est troublant.

    Et, une fois de plus, le bonheur incroyable de disposer d'une bonne bibliothèque domestique. Dans la minute, une vingtaine de livres, présents, dociles, offerts, sur le sujet. Une bénédiction.

  • Polysémie

    Le travail sur Pasiphaé est lancé, concrètement cette fois. Décors et costumes sont en cours de conception, le choix des comédiens sera confirmé en septembre et les répétitions pourront commencer à la fin de l'année pour les premières représentations en janvier 2015.
    C'est un étrange destin pour cette pièce, déjà vieille de quatre ans, dont l'écriture était alors imprégnée de l'écho du ou des printemps arabes, avec cet enthousiasme iréniste que fait naître toute aspiration populaire à plus de liberté, à plus de jeunesse, à plus d'oxygène. Puis sont survenues, plus proches, les manifestations « pour tous », le fourre-tout des bonnets rouges, etc. Un questionnement sur la légitimité des populations à réclamer tout et n'importe quoi, a peu à peu corrompu les teintes de mon tableau. Une autre lecture s'impose. Et je m'aperçois avec satisfaction que la pièce autorise de telles nuances, que le propos est entre les mains du metteur en scène qui pourra, selon le moment, la synthèse qu'il aura faite de l'histoire récente, traduire un sentiment actuel sur les revendications populaires. Aucune raison que ce ne soit plus le cas dans dix, ou vingt ans. Ce qui signifie, en ce qui me concerne, qu'au moins un des aspects de la pièce est réussi.

  • Aperçu

    "Ce n'est que cela, c’est cela tout de même, les dorures, c'est cela, des mots lui reviennent, qui disent l'endroit, les tapisseries, les meubles, les tentures, c'est cela mais est-ce bien ce grand pan à motifs de soldats qui s'enlacent, une tapisserie ? est-ce bien cette énorme image de roi juché en haut d'un escalier au milieu d'une foule chahutée de couleurs, un tableau ? Les échos de ses pas dans le palais, plus loin, le silence des lieux, le frottement de ses semelles sur le parquet, les vitres brisées, le vent qui entre. Personne. Et puis quelques fantômes dépoudrés, sans livrées, mal réveillés, blafards."

     

    Le reste, ce qui précède, ce qui suit, dans cinq ans. Ehé.

  • Le temps trouvé

    Quand j'ai quitté mon emploi, je pensais que j'aurai enfin du temps pour écrire. Je me trompais : j'ai enfin du temps pour ne pas écrire. C'est-à-dire du temps où rêver l'écriture.

  • Punctum

    Je n'aime pas l'histoire, je déteste le travail de la phase documentaire, je dois surmonter une paresse énorme pour compulser les dizaines d'ouvrages nécessaires pour me faire une petite idée du temps que j'explore. Moi, tout ce que je veux, bon sang, c'est écrire. Pourquoi alors une telle entreprise ? Peut-être que je sais ce qui se profile là-bas, au terme de la recherche : un plaisir démultiplié de me coltiner à une langue, un monde, un ailleurs qui m'oblige à penser, écrire de façon neuve. Oui, je suppose que c'est cela, l'enjeu véritable.

  • Panique

    Et d'ailleurs, comment on commence un roman, comment ça s'écrit, qu'est-ce qu'il faut faire ? C'est la première fois que je ne suis plus dans l'évidence de l'écriture, de la première phrase qui entraîne toutes les autres. C'est la première fois que je connais l'impuissance. C'est très désagréable.

  • La langue du temps

    J'ai commencé un voyage vers le XVIIIe siècle. Cadre d'un nouveau roman qui, comme « L'Affaire des vivants » (ou comme le livre tant attendu de certain confrère), va me demander quelques années de travail. Bien sûr, j'aimerais que d'autres romans soient publiés entre ces deux ouvrages pour ne pas être catalogué comme romancier « historique » mais, vous savez, les lois de l'édition...
    En attendant, j'ai imaginé approcher de ce passé par le seul moteur de la langue, des mots qui servaient à dire le monde à l'époque. Déjà, des petits bijoux s'exhaussent de la terre que je refouille. Quant au sujet, il est trop tôt pour l'évoquer, mais je peux vous assurer que jamais la Révolution française n'aura été décrite de cette manière. Le meilleur moyen d'être sûr de parvenir au bout d'une machine de cette ampleur, est encore d'être excité par l'enjeu littéraire qui l'a inspirée. C'est le cas. Dans un an, pas avant, je vous donnerai quelques clés de ce nouvel opus.

  • Question de temps

    J'ai retrouvé trace des premières notes de "L'Affaire des Vivants", et me suis aperçu que j'en parlais ici. La date de cette première occurrence permet d'apprécier le temps de l'écriture, auquel s'ajoute celui de l'édition : nous étions en décembre 2008. Je commençais donc à imaginer le parcours d'Ernest Persant il y a six ans. Ernest, oui. Vous entendrez beaucoup parler de Charlemagne, personnage énorme et dévorant, mais il faut avoir en tête que celui qui m'intéressait, celui qui a motivé l'écriture de ce livre, était Ernest, son fils.

    Six ans, donc. Soit environ deux ans entre la fin de l'écriture (disons d'une première phase de l'écriture) et la sortie du livre. Le temps de l'éditeur n'est pas celui de l'auteur. Soit qu'il voudrait plus de temps (il m'est arrivé qu'un éditeur m'arrache un roman qu'il me semblait ne pas avoir laissé mûrir suffisamment, pour le publier aussitôt), soit qu'il aimerait qu'un livre sorte vite (il se pourrait que l'an prochain et l'année suivante, aucun roman ne sorte sous mon nom, pour la première fois depuis 2008). A mon âge, on est impatient. Tandis que je ne m'occupais pas de ces aspects, plus jeune. Paradoxal.

    Mais ce sont de petites misères. De toutes petites misères.

  • La main sur le téléphone

    Trois manuscrits chez les éditeurs. Autant de fois l'attente et une sorte de dépression qui mord. Persuadé d'avoir osé proposer le pire, de ne pas avoir assez travaillé, qu'un retard d'une journée dans la réponse augure d'un refus embarrassé. Ça fait aussi partie du métier. Et c'est le plus pénible.

  • Avant, après

    Petit à petit, par cercles concentriques allant du plus large (la majorité de la population) au plus étroit (les fameux 0,001 % de possédants), la paupérisation gagnera avec l'accentuation de la pénurie des ressources. Le travail ne sera plus un droit, mais un luxe, exercé par des familles patriciennes. Le reste de la population sera une masse grandissante de survivants, en général désespérés, violents et suicidaires. Les États seront anémiés et relayés par des pouvoirs de baronnies. Après un pic démographique dans les années 2050 où la concentration urbaine aura connu son maximum, la baisse drastique de la natalité pour des raisons économiques et la stérilité humaine feront sentir leurs effets de façon de plus en plus patente. Les élites auront, un temps encore, la capacité de recourir à des procédés artificiels, mais cela concernera si peu de gens que la tendance générale ne s'en trouvera évidemment pas inversée. Tout sera pollué, l'air, les mers, les rivières, les plantes, absolument tout. Il ne sera plus possible de trouver de la nourriture saine, même pour les plus riches. Les grandes épidémies réapparaîtront et la majorité de la population sera atteinte d'une variété inédite de cancers. Les malades sans moyens, les handicapés, les vieux et les attardés seront rendus coupables de coûter cher et on les encouragera à l'euthanasie, dans un premier temps. Les crises économiques à répétition, les mafias, les grands mouvements migratoires et les guerres civiles auront eu raison des démocraties. Le totalitarisme sera la règle et l'on vivra dans une guerre permanente. Le post-humanisme triomphant donnera les clés théoriques pour autoriser de nouveaux génocides, des massacres préventifs, répercutés de cercle en cercle dans le même mouvement que la paupérisation, avec un léger décalage cependant. On tuera à l'arme blanche ou à la main, la pénurie rendant coûteux un armement plus efficace. Les espoirs qu'on avait placé dans les nanotechnologies, l'espace, l'intelligence artificielle, les énergies renouvelables, seront réduits à néant par les effets de la pénurie de ressources citée plus haut et dont l'ampleur n'aura été prise en compte par personne, par aveuglement ou peur peut-être, mais surtout parce qu'elle est inconcevable pour des esprits construits sur l'idée d'une flèche du progrès, aucun recyclage n'aura permis d'inverser la tendance.

    Ce qui nous fera un joli cadre pour planter l'action de la préquelle de Mausolées.

  • Inspirer

    Il est très rare que cela m'arrive. Même, je crois que la situation est unique. Je viens de finir un roman sans avoir attaqué le suivant. Non pas que les sujets manquent : j'ai au moins quatre projets qui ont dépassé la seule nébuleuse idée d'un « tiens, et si je faisais ça ? », mais j'attends la réponse d'un éditeur sur le premier volume d'une saga pour décider si j'attaque le deuxième volume ou si je me consacre, par exemple, à un énorme prochain chantier autour d'un thème historique. J'attends un peu car la deuxième option m'obligerait à m'y consacrer entièrement, et pour plusieurs années. Cette attente, c'est un peu la goulée d'air prise avant la plongée en apnée dans les abysses.