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Travaux en cours - Page 15

  • Dernières retouches

    Ce week-end, c'est la dernière session avant de rendre ma copie. Un mois d'avance. J'ai énormément travaillé, je vous assure, pas laissé une phrase indemne, un mot qui ne soit réfléchi, une situation qui ne soit pesée. Mausolées, nouveau titre (en tout cas, celui qui émerge des propositions échangées entre l'éditeur et moi) de ce roman de (presque) jeunesse initialement intitulé A la droite du Diable est devenu, à force de repentirs et de réécriture, un texte dont je n'ai pas à rougir. La matière était là, mais la forme d'origine était démesurément verbeuse, prolixe, bavarde, inutilement riche en termes rares. Enflée, pour tout dire. Je dois à Frédéric Weil et à son équipe d'avoir eu envie de ce livre, assez pour que j'entreprenne un chantier que je n'aurais jamais accompli sans la perspective d'une édition. Mausolées est très différent des précédents, bien sûr : je ne crains pas d'y placer des scènes d'action et, parfois mais j'assume, un peu de mauvais goût, mais il me semble enfin à la hauteur de ce qu'un lecteur de mes livres actuels peut exiger. Je ne dis pas que mon niveau d'écriture ou que l'ambition de mes thèmes soient exceptionnels, entendons-nous bien, je dis que mes récits se situent à un certain degré et que, quel que soit ce degré, je ne veux pas descendre en dessous. C'est une sorte de contrat moral avec mes lecteurs. Je sais aussi qu'il va toucher un autre lectorat, peu habitué à cette forme de littérature. Le souhait de Mnémos est d'apporter à des lecteurs, fatigués de se voir proposer des combats de guerrières à forte poitrine et des récits immatures de mondes imaginaires, une forme plus adulte, peut-être plus littéraire. Je n'ai pas théorisé une telle démarche, c'est mon éditeur qui a cru reconnaître dans ce manuscrit une réponse aux désirs d'une partie de son lectorat. Nous allons donc savoir, dès la fin du mois d'août de cette année, si le pari est gagné. Je crois que c’est un gros risque pour Mnémos, et j'espère que les lecteurs seront au rendez-vous, malgré cette période peu propice aux récits sombres et désespérés (car, hélas, Mausolées n'est pas une bluette).

  • Anapurna

    Énorme chantier de réécriture en ce moment (en fait, depuis deux semaines). Après une entrevue avec mon nouvel éditeur, Frédéric Weil, de Mnémos, je me coltine une nouvelle ascension avec ce monstre de 600 pages (format édition) sur les épaules. Coupé, recomposé, retouché, repensé, refondu par endroits, re re re... J'espère enfin mettre un point final à ce manuscrit qui a attendu quinze ans pour trouver preneur. Un texte qui vient d'un temps où le monde du livre me semblait aussi accessible qu'une retraite à 50 ans. Un nouvel éditeur, oui, éditeur enthousiaste à qui je dois bien ce travail en profondeur de tout ce qui constitue le récit, forme et fond. A la droite du Diable sortira en septembre 2013. Il ne plaira sûrement qu'aux lecteurs d'une SF exigeante et hors norme (il y en a, je fus l'un d'eux, à l'époque), mais je suis tellement heureux que ce roman « inclassable » (dixit Frédéric Weil) parvienne enfin au jour, que je veux bien prendre le risque de déplaire ou de surprendre mes lecteurs fidèles. Aucun d'entre vous, qui m'avez lu jusque là, ne me reconnaîtra dans ce bouquin, je vous préviens, mais je sais qu'un certain public le recevra dans la jubilation. En 2014, retour aux récits « sérieux » si j'ose dire, et à l'écriture que vous savez. On peut bien s'octroyer quelque récréation, hein ?

  • Ecrire, c'est effacer

    Demain, séance de travail avec mon prochain éditeur. La première fois que je le rencontrerai. Pour préparer sa venue, depuis une semaine je m'immerge dans ce roman de mes débuts « sérieux », une première œuvre, monumentale, foisonnante, excessive, dont j'essaye de maîtriser le flux, que je tente de rendre plus nerveuse, moins lyrique, plus actuelle. J'ai fait ce travail mille fois depuis la première version, il y a plus de quinze ans, et je taille encore dans les mots, les phrases, les paragraphes, les chapitres, j'enlève, j'enlève, il en reste encore ! Ce livre demeurera un livre inscrit dans mon passé. Il en porte les stigmates, et je dois l'accepter. Je n'écris plus ainsi aujourd'hui, mais ma douce me rassure chaque jour : c'est son préféré. Alors...

  • Arya, Arya !

    Final de l'Hymne sablurien en VO sous-titrée. Extrait de la pièce Pasiphaé. Pour vous dire si on va s'amuser.

    Eïnev velan velesche
    Au dessus des oueds
    Lono evel velesche
    dans l'azur sec
    Laya-laya aarod choun Gé
    Le faucon même crie ton nom
    Arya El Mammouchi (bis)
    Hourra El Mammouchi

    Ez heim tac
    Tu es le signe de la vie
    Choun simaret ad remisk'l  komed
    Ta semence a le goût des pêches
    Choun soang'theim ad diolmein
    Tes organes sont de miel
    Meinheim Ghiomoun
    Gloire à toi, commandeur

    (ceux qui ont suivi auront reconnu des accents purement Ghioms)

  • Rétro

    Ce que je vais retenir de 2012, à part les problèmes de santé des proches, les inévitables deuils et les évitables naissances, à part les aléas de la vie et l'affirmation du bonheur que nous vivons à deux, c'est l'enchaînement de hasards qui m'amènent à porter désormais mon regard au delà de 2014, littérairement parlant. 2012, donc. Sortie de « J'habitais Roanne », avec des retours bienveillants et, malgré le boycott d'un journal local (dont je croyais le concours essentiel), un beau succès en librairie et par internet ; un manuscrit retenu chez Gaïa avant d'être retoqué en seconde lecture (mais pour moi, déjà, un petit triomphe), un manuscrit envoyé en pdf (rapide et économique, ce système) et retenu par Mnemos, puis contrat signé (sortie prévue courant 2013) ; un manuscrit présenté à Phébus et retenu pour sa collection de littérature française, puis contrat signé (sortie prévue pour la rentrée littéraire 2014) ; mes apparitions sporadiques sur ventscontraires, des publications dans « Microbe » et « Comme en poésie », une lecture sur la scène du cabaret poétique de Frédérick Houdaer, des textes pour Christine Muller et Jean-François Claustre, une commande de Corie Bizouard pour sa prochaine exposition (texte accepté par l'artiste, un soulagement). 2012 qui ouvre aussi sur 2013 avec : de petites émissions télé réalisées par MCA Prod, la mise en chantier de ma prochaine pièce par Nu compagnie, une préface pour une anthologie de textes sur Roanne et la perspective d'un nouvel opus avec Anne-Laure Héritier-Blanc (La petite fabrique), vous comprendrez que ce fut pour moi une année bénéfique, et porteuse de tant de promesses. Avoir l'automne 2014 pour horizon éditorial et donc 2015 pour horizon scripturaire (si vous me passez cette étrange expression) avec déjà des engagements plus lointains, est un confort que je n'ai jamais connu, une sécurité presque anxiogène (mais ça va passer). Confort qui va me permettre de me consacrer à quatre projets : deux romans, une pièce de théâtre et un essai.
    Du côté des échecs, il y a eu l'abandon par Delcourt d'une série de BD, dont le premier album, contrat signé et travail payé, scénarisé et dessiné entièrement, ne sera donc jamais publié. Il y a aussi la commande d'une nouvelle pour une revue qui n'a finalement pas vu le jour. Si j'étais mature et conscient, ces expériences m'apprendraient à ne pas me réjouir si vite des nouvelles que je vous livre plus haut mais, que voulez-vous, je suis d'un naturel confiant. J'ai remarqué qu'en général, les gens se tiennent à ce qui est convenu.

  • 1500

    Et voici la 1500ème note ! La première date de 2006 et n'était pas la première. Je m'explique : en réalité, Kronix a poussé ses premiers vagissements dès 2004. L'année de rédaction du Baiser de la Nourrice, et pour les mêmes raisons sans doute. Une profonde angoisse envers ce qui était en train de se passer dans ce pays et certains dangers de basculement politique, en tout cas de la société, angoisse prémonitoire hélas. Kronix était alors volontiers polémique, tapait sur tout, et très souvent se laissait aller à l'humour avec notamment Les fiches zoologiques du Professeur Coolidge. Cela me valait des statistiques de fréquentations jamais revues depuis (j'avais engorgé ma bande passante). Je mettais à l'époque beaucoup d'énergie et de temps à dialoguer avec d'autres blogueurs, cherchais le contact, attirais les internautes par des tags nombreux et ciblés. Kronix était également anonyme. Un jour, après plusieurs mois de silence, je décidai de supprimer toutes mes notes. J'ai cependant conservé le « label » Kronix, et, le 7 août 2006 donc, un nouveau billet est apparu. Intitulé « Analouê vorshê, gomoun ! », il déclarait : « Eg noul leis mo ghiom leised. Ent vorshê leiseré. »* D'après une langue imaginée par mes soins. Car alors, j'avais en tête de créer un blog lisible de moi seul mais visible de tous. Le goût du paradoxe et une réflexion sur l'outil internet qui adresse à l'univers des messages dont tout le monde se fiche. Autant être incompréhensible. Ça ne m'a pas amusé longtemps. Trop de travail pour construire les phrases à partir du dictionnaire que je m'étais construit (environ 600 mots et verbes, sans compter les déclinaisons. Encore n'utilisais-je que le Ghiom, l'une des deux langues élaborées pour un projet inédit. L'autre langue étant le Dalem). Plaisant, mais la futilité à ce degré frise le sacerdoce.
    Kronix n'a pas pris tout de suite sa vitesse de croisière. Je crois que le déclic a été la sortie de mon premier roman et le retour des lecteurs, venus sur mon blog, désormais signé de mon nom. Depuis plusieurs années donc, les billets sont systématiquement quotidiens, sans interruption sauf pour cause technique. Cette fréquence n'a pas de but en soi, elle me permet je crois de garder le contact entre deux livres (si tant est qu'il y en ait d'autres), et de m'imposer une discipline. C'est surtout un bon exercice d'écriture. Mais je suis bien conscient que tous ces mots rejoignent le verbiage planétaire. Disons que c’est une vanité peu nocive pour les autres. Analouê vorshê à tous, donc.



    * et pour la première fois, je vous offre la traduction :

    « Belle journée à tous, frères humains !

    Je viens parler avec l'humanité qui parle. Tous les jours je parlerai. »

    Pour ceux que ça amuse : Analouê : belle (ê, marque du féminin ; analou : beau, de ana : image avec le suffixe superlatif le, lo, lou : image réconfortante, d'où : belle) vorshê : journée (ê, idem ; Vor : de vors, la course (la course en train de se faire. La course passée, dont on se souvient : vorong, ce qui donne : vorongshê : hier, un jour passé ; Sh, de Shagma, le soleil) > vorshê : la course du soleil : la journée.

  • Incipit

    Je travaille sur mon prochain roman. Trop tôt évidemment pour vous en dire quoi que ce soit (à part vous révéler que le personnage principal est une héroïne, pour que vous ne soyez pas surpris à la lecture ci-dessous), mais je peux au moins vous faire partager certaines difficultés d'écrire. Le début, en ce qui me concerne, est souvent une évidence, les complications se font jour plutôt à partir de la deuxième moitié d'un livre, et encore. Pour celui-ci, exceptionnellement, j'ai du mal à trouver le bon angle pour débuter l'histoire. J'ai fait plusieurs tentatives. La dernière me convient, mais si ça vous amuse, je vous livre les tentatives précédentes. Donc, ça pourrait commencer comme ça :


    Je suis aujourd'hui dans le mitan de mon dernier roman. C'est la phase qui fait de vous une exilée. Plus rien ni personne ne compte. L'heure du repas, les drames sur le globe, les rendez-vous.

    Sauf celui-ci.

    La résidence dans l'abbaye de Richeterre, près de Touranges, est acceptée. Trois semaines d'écriture dans un cadre recueilli, magnifique au coeur de la campagne, loin de tout. Et en plus, payée pour vivre cet exil. La résidence m'est donc accordée enfin et je suis ennuyée. Trois semaines loin de mon bureau, de la routine organisée autour de mon écran, cela tombe mal. La routine est vitale à ce stade d'écriture. Elle garantit le rythme. Partir signifie abandonner mon roman. Je ne peux pas non plus refuser cette offre. J'ai peiné sur mon dossier, poussé pas mal de portes. Beaucoup de gens ont cru en moi. Je ne veux pas les décevoir. Si je loupe ce coche, on ne m'en proposera pas d'autres avant longtemps. J'ai besoin de sous, aussi, c'est la vérité. Les écrivains qui ne font pas d'ateliers d'écriture ou de biographies people ont besoin d'argent pour continuer d'écrire.
    Pas vraiment le choix.
    J'accepte.

    *

    J'accepte et me voici dans le train, direction Touranges.

     

    Reprenons, ça ne me va pas. Nouvelle version :


    Syrrha découvrit une nouvelle pièce. C'était une salle de bains étroite et sonore. La troisième. Et comme les deux précédentes, celle-ci n'avait pas été utilisée depuis des années. Il trainait une odeur fade. Entre salpêtre et poussière. Tout était recouvert d'une crasse noire. Sous les écailles d'une vieille peinture jaune, des lamelles de violet apparaissaient. Les débris de pellicule jaune étaient tombés dans la baignoire. Elle voulut tirer le plastique du rideau de douche mais il était cassant et il se brisa au niveau des attaches. Une lucarne donnait un peu de jour. Elle était couverte d'une pellicule grasse, à ce qu'elle put en juger car la lucarne était trop haute. Un ancien système avait permis de l'ouvrir mais le câble était rompu à l'amorce de la mécanique, hors de portée. Elle sortit de la pièce et referma. Elle saisit le crayon qu'elle gardait sur l'oreille et fit une petite croix sur la porte pour se souvenir qu'elle l'avait déjà explorée. Ensuite, elle renonça à aller plus loin dans le couloir et rebroussa chemin.
        Elle retrouva le grand escalier qui distribue les étages sur toute la hauteur de la maison. Passa sur chacun des quatre paliers devant une verrière à décor religieux en camaïeu verdâtre. Au pied de l'escalier, elle s'engagea dans le couloir qui s'ouvrait dans l'axe et le fit résonner sur toute sa longueur avant de pénétrer dans le vestibule, où frémissait une quantité de plantes vertes. Là, elle poussa la porte du salon qu'elle traversa pour atteindre la salle à manger, de l'autre côté d'un nouveau petit vestibule. On l'attendait.



    Toujours pas bon. Reprenons :

    Cela ne s'est pas passé comme prévu. Arrivée à la gare, la responsable devait venir me chercher. Elle a appelé pour me prévenir de son retard ; prenez un café à la brasserie de la gare, j'arrive. Un quart d'heure après, elle m'envoyait un texto. Il y avait un problème pour la résidence où je devais être accueillie, elle cherchait un endroit pour ce soir et surtout, pour le mois suivant. Enfin, je la vis débarquer dans la brasserie, échevelée, essoufflée (un peu trop ostensiblement), étole défaite, secouant la tête. Elle s'assura que j'étais bien la bonne personne (plutôt une façon de se présenter : elle connaissait parfaitement mon visage) et vint s’asseoir face à moi. « Syrrha, je suis désolée, il y a eu un incendie dans l'Abbaye de Crest où vous deviez être reçue. » Heureusement, rien de grave, des dégâts matériels. J'étais ennuyée : le lieu était superbe et je me faisais une joie de cette résidence d'artiste, la première de ma carrière d'écrivain. « Je pense avoir trouvé une solution pour vous héberger un mois. J'ai mis du temps, parce que je voulais vous recevoir dans un cadre au moins aussi beau que celui qu'on vous destinait. Tout sera prêt demain, je pense. » J'étais désolée de tous ces tracas et la remerciai de s'être ainsi démenée pour résoudre ce problème. Et ce soir ? « Si ça ne vous ennuie pas, vous dormirez chez moi. »



    De pire en pire. Ne nous démotivons pas. Reprenons :

        Par les vitres du train de nuit, Syrrha regardait l'incendie lointain et vaste, couché sur l'horizon. Sur les quais des gares traversées, le train stoppait plus longtemps que prévu. On avait d'abord accepté d'accueillir les fugitifs venus des régions les plus touchées et puis, le danger s'éloignant, on repoussait à présent les foules paniquées qui tentaient de se sauver du désastre. Un service d'ordre faisait barrage, des officiers hurlaient des consignes, les populations bâtées et sales s'agglutinaient en rugissant contre des barrières montées à la hâte. Depuis l'abri des voitures bondées, on voyait cette crue monter et refluer. Dans les gares suivantes le train ne s'arrêta plus, les vitres crasseuses filaient devant des visages gommés par la vitesse.

     

    Voilà qui est mieux. Et la suite ne m'ennuie pas (c'est ce qu'on recherche, finalement : un livre dont l'écriture tient en haleine). Pour le reste, et bien, rendez-vous dans quelques années, si jamais ce roman est édité.

  • Minotaure

    Depuis que j'ai ouvert les yeux
    Je cours dans ce monde
    sous le couvercle d'un grand feu sec
    ou sous la paume d'un vide givré de petits feux mourant.
    Je cours sous l'un ou l'autre, plus vastes que mon monde, je crois.
    Mon monde est une sente étroite coupée d'angles.
    J'y étouffe, je jette mes cornes aux parois,
    Elles font des traces brunes que je retrouve souvent.

    Hors de mon monde, il y a des créatures qui chantent,
    parfois elles sont sur mon chemin
    Je les accueille dans un grand mugissement.
    Elles tombent.
    Je n'aime pas qu'elles tombent. Là, elles ne chantent plus.
    Je cours seul ensuite entre les murs de mon monde,
    sous le grand feu sec puis sous la grande paume noire
    avec de temps en temps, un gros caillou blanc jeté contre ce vide, et qui ne tombe pas.

    J'ignore si je dois courir longtemps
    avant de chanter avec les créatures dehors.
    Dehors, je crois qu'elles ne tombent pas.
    Je frémis de toute ma grosse tête en pensant à ce moment.
    J'ai peur aussi.
    Je ne sais pas si je dois sortir de mon monde, mais je crois que c'est bien.
    Parfois, je crois que ce n'est pas possible et que je dois courir pour toujours.
    Alors, Je lance de longs mugissements.

    Et le caillou, là-haut, garde sa tête de caillou.

  • Avantage à l'amour.

    Ce qui m'émerveille depuis disons une bonne vingtaine d'années (je lance ce chiffre, il a ses raisons, mais trop longues ici à détailler), c'est la bienveillance des gens que j'ai rencontrés. Leur gentillesse à mon égard, leur générosité et leur faculté à pardonner mes petitesses et mes duretés. Tout cet amour m'a rendu meilleur, je l'espère, je le crois. En cela, il y a un peu de moi dans l'Ernest de mon dernier roman. On s'évertue aussi par la grâce de la douceur versée par les autres, sur nos têtes bénies. Élevés par une telle offrande, le moins que l'on puisse faire, c'est d'en redistribuer à son tour. Dans « Tree of Life », Malick montre un dinosaure qui renonce à dévorer sa proie et s'éloigne. Peut-être esquisse-t-il cette idée, que la douceur des caresses est née loin dans des temps immémoriaux, mais que son héritage se transmet depuis et se poursuit, jusqu'à la fin des temps. Comme des milliards d'autres, me voici un passeur de cette compassion héréditaire. Elle équilibre la cruauté du monde. Il ne faut pas négliger la force de notre bienveillance.

  • A ce titre...

    Discussion avec Daniel Arsand, l'autre jour, sur une terrasse ensoleillée. J'évoque ma difficulté à trouver un titre pour ma dernière production. Ma douce et moi étions arrivés à « Le Musée des âmes vides ». Daniel fait la moue, le titre ne l'emballe pas. Démodé, dit-il. Depuis le début de ce chantier, en 2009, les options se sont succédé sans rien apporter de probant. A chaque fois, je sais, foncièrement que ce n'est pas tout-à-fait ça. Trop long, trop compliqué, pas assez poétique, trop évident, dissonant... Un vrai cauchemar. Encore aujourd'hui, il me semble avoir trouvé enfin le bon titre, mais le doute déjà s'immisce. Daniel me raconte une expérience similaire, où le titre de son roman fut décidé la veille de la rencontre avec les commerciaux de la maison d'édition, en deux minutes. Je veux bien d'une telle grâce. En fait, nous relevons tous deux un effet maintes fois constaté : soit le titre apparaît comme une évidence immédiatement, avant même que la première ligne soit écrite, soit on ne l'a pas tout de suite, et c'est parti pour des mois de galère. Des années en l'occurrence, pour ce roman que j'apprivoise maintenant pleinement, dont je connais les tenants et aboutissants, dont je saisis toute l'architecture et les détails. Là, il serait temps de le trouver, ce titre. Nom de nom.

  • Handicap

    « de smilliers de mots pur chaquie livbr ezet cpour chaque liirve, copte tenuic de me scpacités de dcactylmon chaque mrit rtetapé terois ou auqatre fois.  Vous n'imagnienr aps le ttravail »


    Des milliers de mots pour chaque livre et, compte tenu de mes capacités de dactylo, chaque mot retapé trois ou quatre fois. Vous n'imaginez pas le travail.

  • Aux prises avec l'Histoire

    Tandis que je mets la dernière main à mon roman « historique » (la fin d'un chantier d'écriture est toujours longue, c'est parfois un long accouchement alors qu'on croit que tout est terminé), je pense à l'ami Cachard, qui est en pleine écriture et plongé dans les affres que j'ai connues : comment faire une histoire avec de l'Histoire ? Comment ne pas paraître distribuer des notices documentaires sur un costume ou un moyen de locomotion ? Comment vous faire voyager dans le temps, chers lecteurs, comme s'il s'agissait d'une aptitude tout à fait commune ? J'ai tenté ma solution ; j'attends avec impatience de découvrir celle d'un autre écrivain et néanmoins ami. Je pense à lui. Voilà.

     

    Hier, au restaurant, ma douce et moi avons travaillé sur ce titre qui nous a tellement donné de fil à retordre. Nous avons trouvé. J'attends un peu que des choses se dessinent sur ce livre, et puis vous saurez.

  • La fin

    Je ne sais comment l'évoquer sans en dire trop, mais voici que le dernier chapitre de mon roman lui donne enfin un sens. En tout cas, me révèle quel en était le sujet. Plusieurs années que j'accompagne ces personnages, que je les fais vivre dans un vaste décor qui déroule quelque 70 années d'histoire et qu'ils essayent de me dire quelque chose que je voulais, mais ne savais pas. Quelque chose que je devinais, qui était tout le socle de leurs vies, mais qui ne parvenait pas au niveau de ma propre compréhension. Tout s'est réalisé hier quand, prenant des notes pour préparer la scène que je vais écrire aujourd'hui (là, dès ce matin, après avoir posté ce billet), tout s'est révélé, emboîté,  cristallisé. Pourquoi avais-je choisi cette scène finale ? Et bien, le roman me le dit. Que dit le roman ? La scène finale me le dit. Hier, j'ai vécu un moment extraordinaire dans la fabrication de l'écriture. Je ne sais que faire de cette joie qui m'a bouleversé. Dans le chapitre précédent, des soldats sont emmenés loin du front. Ils regardent la mer et méditent : « Cela blessait l'âme d'une reconnaissance envers quelque chose qui les dépassait. » Me voici comme eux, reconnaissant envers cette chose qui me dépasse.
    Et pardon pour le retard du billet de ce matin, j'ai très mal dormi, remuant ce bouleversement toute la nuit.

  • En attendant la fin

    Je suis en train de finir mon dernier roman. Encore quelques pages, un chapitre, sans doute un épilogue, et voilà. La première version sera bouclée dans quelques jours. Ensuite, les retours de mes premiers lecteurs-tests m'aideront à reprendre des passages, en sacrifier certains, tenter d'améliorer l'ensemble. Quand je parviens ainsi à l'échéance, je reprends ma note d'intention initiale. Ici, je redécouvre que le chantier a débuté en janvier 2009. Bien sûr, il y a eu la coupure d'un an et demi de « J'habitais Roanne », des scenarii de BD, l'écriture des « chants plaintifs », et de deux pièces de théâtre pendant ce laps. Je n'ai pas chômé, mais la distance est grande entre ce qui a motivé le projet et les sentiments qui président à sa conclusion. J'ai changé, moi aussi, probablement. L'idée clairement établie dans ma note d'intention s'est modifiée. Les personnages ont bougé. Aujourd'hui que le texte trouve son terme, je ne sais toujours pas de quoi parle ce roman. L'une des missions de mes premiers lecteurs va être de m'en donner une idée. Les pauvres. Et de trouver un titre. Assez logiquement, aucun ne me convient.

  • Le nez dans les archives

    Demain, je me rends avec l'ami François à la Cinémathèque de Paris. Mais Peeeuuurquoidon ? Pour trouver dans les archives les petits détails vrais qui donneront la matière du dernier chapitre de mon prochain roman  qui ne sera jamais édité, et oui. Et peurquoâ je me donne tant de mal ? Pasque j'en sais rien du tout. Sauf que si : j'ai envie de savoir comment Abel Gance a tourné sa fameuse scène du film « J'accuse » (version 1918), quand un soldat se lève et appelle les morts à empêcher les vivants de refaire la guerre. C'est une problématique assez pointue, je l'admets, mais elle va me permettre de boucler en beauté ce foutu roman qui me rive au clavier depuis trois ans.

    Et si vous ne connaissez pas Abel Gance, ses films, et notamment ses deux versions de "J'accuse" et bien, croisez les doigts pour que mon bouquin trouve un éditeur parce que là, je vous dirai tout.

  • Roman en cours

    Le titre n'est pas encore trouvé (quelle affaire, trouver un titre ! S'il ne se présente pas tout de suite avec évidence, on met des années à chercher le bon), mais l'écriture est bien avancée. Elle devrait s'achever fin juillet, selon mes caculs. Il est très probable que ce gros roman restera inédit mais, sait-on jamais ? Peut-être que les trois ans passés sur ce texte produiront un livre publiable aux yeux d'un éditeur ?

    Les Feigne avaient invité le nouveau maire, Monsieur Mestrel, et son épouse. Amédée et Charlemagne préféraient nettement son prédécesseur, monsieur Plaisant, plus en accord avec leurs valeurs et en présence de qui on pouvait inviter leur curé, mais il fallait absolument cajoler celui-ci, considérer comme rien son affichage trop radical pour être honnête, et discuter avec lui certains aménagements de voirie, certaines souplesses de règlements, des exceptions à la règle, enfin toutes choses qui se négocient autour d'une bonne table. Alma et Charlemagne étaient descendus de leurs appartements pour rejoindre le salon avant le souper. Ernest était admis. On estimait que ses huit ans lui donnaient assez de maturité pour se tenir tranquille le long d'un repas de trois heures. C'était une première tentative dont on lui avait signifié l'importance. On avait beaucoup tergiversé. Dans le salon même, Hortense et Alma s'échauffèrent sur la meilleure place : ici, près de la porte en cas de besoin pressant, au milieu d'eux assis par terre (« mais tu déraisonnes ma fille »), sur la bergère entre ses parents... On lui fit tester toutes les stratégies. Ernest s'asseyait docilement, les femmes considéraient l'ensemble comme on juge la composition d'un tableau, hochaient la tête, faisaient « non », revenaient à une autre idée. Enfin, il était là, sagement à l'écart sur un tabouret tandis que les adultes devisaient autour d'un poiré frais, confortablement installés dans des fauteuils. Ernest observait cette vie, ces échanges incompréhensibles. Il oublierait cette première, n'en retiendrait que la sensation tenace de ne pas savoir quelle est sa place véritablement pour ne la gagner qu'en fin d'une théorie d'incertitudes, un peu par défaut.

    Autrement, hier, belle séance de signatures à l'Espace Culturel Leclerc de Riorges, des amis, pas mal de nouvelles têtes, des discussions intéressantes et d'étranges retrouvailles, venues du fond des âges. Prochaine signature à la librairie Ballansat, à Renaison, samedi 16 juin, de 10 heures à 12 heures. Au passage, je remercie les blogueurs qui se font en ce moment-même le relais de l'information, tentative de pallier le boycott d'une partie de la presse locale.

  • Belle journée

    Simultanément, tandis que je soupesais le beau livre réalisé par Thoba's, m'arrivait un courriel que j'attendais. Réponse d'un éditeur au sujet d'un roman remanié l'an dernier et à lui confié. Réponse positive, positive et enthousiaste. Le contact par téléphone qui a suivi a confirmé que cet enthousiasme n'était pas qu'une formule. Voilà ce qu'on attend d'un éditeur ; qu'il vous dise oui oh oui je le veux ton texte donne-moi ton texte oui ! Avec plus ou moins de sobriété bien sûr, mais qu'il vous dise : c'est ce texte que je veux. Je le veux absolument, pour moi, je ne veux le laisser à personne d'autre. S'il précise : « ça fait dix ans que j'attends ce texte » et bien, que voulez-vous, les écrivains sont des gamines comme les autres... ça se pâme et ça frétille, ça en redemande. Plus sérieusement, avec ce roman et cet éditeur, on va passer un cap. Je vous tiens au courant, les amis, comme d'habitude, mais vous devinez que, tandis que la sortie de « j'habitais Roanne », déjà, me comble de satisfaction, l'avènement d'une nouvelle édition pour un texte auquel je tiens particulièrement, qui est la souche de mon travail d'écriture depuis plus de dix ans, ajoute à la satisfaction un bonheur presque insupportable.

  • Principe de Heisenberg

    Écrivain, tu as une conscience aiguë du principe d'incertitude. Observant tes créatures, tu déranges l'ordre des choses, et le hasard s'invite pour te surprendre. Et ça, la surprise, tu aimes.

  • interruptus

    Après un an et demi de suspension pour l’écriture de « J’habitais Roanne », reprise le nez dans le guidon sur le manuscrit de mon prochain livre (je veux le finir pour juillet). Un roman dont l’action se déroule entre 1854 et 1918. Pour tout dire, je n’étais pas si sûr de vouloir replonger dans une histoire qui réclame autant de travail et de documentation (d’autant plus que l’essai sur Roanne m’avait demandé de prolonger sans l’arrêter un effort documentaire de même nature. Une cinquantaine de livres historiques à consulter en plus de la centaine pour ce livre… Je saturais). Et puis, à la relecture, je me suis dit que ce serait tout de même dommage de laisser tomber tout ce travail. Surtout, le délai de cette « vacance » m’a permis d’y revenir avec un œil neuf, des idées changées. Les personnages ont bougé, demandent d’autres choses, ont fait de nouveaux choix. Le roman a pris une direction imprévue.
    J’ai taillé, coupé, déplacé, remonté, retaillé tout le matériel déjà écrit, recousu l’ensemble d’une manière différente, repris de nombreux passages pour ajuster tout cela en fonction des nouvelles orientations. A l’origine, je voulais écrire deux volumes. Aujourd’hui, les deux livres seront deux parties d’un seul bouquin. Ce qui devait constituer le premier livre ayant été réduit dans l’opération de réécriture, ne justifie plus un opus indépendant. Il est davantage relié à ce qui suit, forme un équilibre dans cette configuration. Qu’auraient été ces deux livres s’il n’y avait pas eu l’interruption (salutaire, j’en suis persuadé maintenant) de « J’habitais Roanne » ? Je ne peux que le fantasmer. J’en retire une leçon, difficilement applicable cependant, par laquelle on devrait peut-être systématiquement abandonner un roman en cours, passer à autre chose (en commencer un autre par exemple, et ainsi de suite) puis reprendre l’objet interrompu de façon à en saisir une nouvelle approche.
    Non, laissez, c’est idiot.

  • Roanne en approche

    C'est donc Daniel Arsand qui signe la préface de mon prochain livre « J'habitais Roanne ». Je dois dire que c'est un parrainage qui m'honore. Surtout que, avant d'écrire la préface, cet auteur (dont j'ai beaucoup aimé au moins trois ouvrages : « La province des ténèbres », « Ivresses du fils » et « Un certain mois d'avril à Adana »), m'a adressé moult compliments en découvrant mon texte. « Vous êtes un écrivain, un vrai de vrai » étant la phrase qui dépasse les autres à mes yeux, vous vous en doutez (toujours cette hantise de l'imposture, vous savez...).
    La couverture est signée de Jean-Marc Dublé, mon ami mon frère mon poteau. Et elle est superbe. De son côté, Jean-Luc Rocher peaufine une mise en page de grande qualité (belle typo, belles grandes marges blanches, format opulent, lecture confortable). Enfin, ce livre qui a vocation a n'être lu que par des Roannais (et encore), sera sans doute un bel accomplissement. Et moi, et bien, ça me suffit.