En ce moment, je tente le portrait d'un ami. D'un artiste et néanmoins ami. C'est extrêmement compliqué. Heureusement, j'ai de lui sa part des échanges que nous poursuivons depuis quinze ans. Le plus surprenant, à la relecture de ses lettres, est de constater combien, sur certaines choses, il est resté le même. Et notamment en ce qui concerne sa défiance par rapport au jeu social, son orgueil de peintre détaché des enjeux financiers mais aussi (c'est lié) sa dérision face au grand cirque de l'art. En tout cas, je peux confirmer ce que chacun peut pressentir : il est très très difficile d'écrire sur un vieil ami. De là l'idée que le romancier privilégie la fiction parce qu'il n’est question que d'inconnus.
Ecrire - Page 21
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Vieille canaille
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Au suivant
Le roman que je viens de terminer ne trouvera probablement pas sa voie avant longtemps. Fini un mois avant l'échéance que je m'étais fixée, il est destiné pour l'instant au tiroir et à au repos. Une relecture vers la fin de l'année me dira ce que je peux en faire, grâce au recul que le temps permet de prendre avec un texte. Là, je saurai si je le réécris, si je le réorganise, si je l'enrichis, si je le réduis encore ou si, finalement, il doit retourner dans sa boîte pour ne plus jamais en sortir. L'exemple de « L'Affaire des vivants » que vous pourrez lire, si tout se passe bien, l'an prochain chez un grand éditeur, me conforte dans l'idée qu'un manuscrit, quel qu'il soit, doit être laissé en jachère, remisé le temps de vivre un peu avec seulement son souvenir. C'est une période intéressante parce que vous n'êtes plus dans l'acharnement de l'écrit, vous tournez avec légèreté autour des personnages que vous avez créés, vous flânez parmi les situations et les décors, sans enjeu, sans impatience. C'est un temps de grâce où le livre continue de pousser sans qu'on se soucie de lui, par bribes, par notes, par petites pensées inspirées mises de côté en attendant (et parfois par grandes révélations : « Bon sang, mais oui ! »). Pour ce dernier roman, dès la première lecture de la sortie imprimante (passage obligé pour moi, après des mois d'écriture sur écran), déjà se sont imposées des idées qui pourraient approfondir certains thèmes abordés, leur donner plus de corps ; et des coupes à effectuer. Paradoxalement, après avoir lu cette première version avec un certain mépris, une sorte de lassitude, je devine le roman qui pourrait advenir, et qui serait, lui, acceptable. Laissons faire, laissons le temps patiner ces pages, et nous verrons comment tout cela résiste.
En attendant, comme vous êtes un peu habitués si vous me fréquentez, j'enchaîne avec un nouveau livre. Ce ne sera pas un roman, enfin pas tout à fait, ce sera un texte hybride. Celui-là devrait être terminé en mai 2014. Et j'ai un beau titre. Un très beau titre. Ça nous fait une page. Ehé. -
Chaque chose en son temps
Deux chatons exécutent leurs pirouettes insensées dans le bureau. Alors écrire...
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B. A. T.*
Pas de billet aujourd'hui. Travail de relecture finale sur le manuscrit de Mausolées.
L'occasion de réaliser que telle scène, très spectaculaire, lue des centaines de fois depuis sa fabrication, pourrait très bien disparaître, sans nuire au récit. Il est juste trop tard à présent. Pourquoi ne voit-on certaines choses qu'à ces moments critiques où tout retour en arrière n'est plus envisageable ? Cela dit, ma douce me rassure : c'est une scène superbe. Et puis je crois qu'elle intervient pour réveiller l'intérêt du lecteur à un moment un peu plus paisible du roman.
Ah oui, il faut que je vous dise : Mausolées sortira chez Mnemos le 17 octobre. J'en parlerai peu sur Kronix, sinon pour expliquer quel rapport ambigu j'entretiens avec ce roman. Plus que jamais, ce seront les lecteurs qui décideront ce que je dois en penser.
Et finalement, c'était un billet, ça.
*BAT : Bon à tirer, dernière étape d'un livre, formule du métier de l'imprimerie, document que l'on signe pour autoriser le tirage. Rien à voir avec une allusion machiste quelconque, comme une folle a cru pouvoir le faire via ce blog.
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Phrases de schiste
Sous ces fortes chaleurs, les taupes s'enfoncent instinctivement dans la terre. De plus en plus profondément. Ce faisant, elles tracent la voie aux futurs forages de gaz de schiste, inconscientes complices d'un drame écologique majeur. Parfois, la nature joue contre elle-même.
Et je n'imaginais pas sortir une vanne pareille quand j'ai commencé cette phrase. Sous ces fortes chaleurs, le blogueur s'enfonce instinctivement. De plus en plus profondément.
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Premier lecteur
Ce moucheron qui revient sans cesse sur mes phrases, se colle à l'écran, reprend la lecture plus haut, s'arrête sur un mot. Et là, que fait-il ? Il descend plus bas dans l'espace encore vierge. Je sens qu'il m'invite, me dit : « Dépêche-toi, écris la suite, vite, allez ! » Que c’est exigent un fan !
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Dans la bibliothèque d'Alexandre Cot
La bibliothèque d'Alexandre formait entre ses parois compactes un vaste quadrilatère et élevait ses registres de reliures multicolores sans interruption jusqu'au sommet, à quatre mètres de hauteur. Au milieu de la salle, plusieurs tables de travail fichées en leur centre de lampes à monture de cuivre et globes de verre et dans les angles, des lutrins supportant des ouvrages énormes, lourds comme des pierres. Il y régnait une odeur fanée un peu sucrée dont Syrrha se souviendrait toute sa vie. Le vieil homme entra en chantonnant, déposa ses livres et fit déposer à Syrrha ceux qu'elle avait portés, sur la longue table centrale. « Tout ce savoir mort, hein ? » dit-il. Syrrha ne sut que répondre, voulut dénier, ou sourire comme si Alexandre avait glissé une plaisanterie, mais elle ne put que rester inerte, traversée par l'idée qu'il disait vrai. Elle devina qu'il acceptait ce deuil, n'y trouvait pas matière à tristesse et n'aurait pas conçu qu'un tiers puisse s'en affliger plus que lui.
Extrait d'un roman en cours.
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Des gestes pour peindre
Ma paume suit la courbe des balançoires
L'ellipse des satellites
Mon coude et mon épaule enchaînent des arcs
Mes doigts égrènent les aspérités de l'horizon
Mon dos
Mes pieds
Mon bassin
Balancés tous, en cascade
Comme la cime de l'arbre dans la houle des nuées -
Pleine lune
Nos ombres percées arrêtées par l'angle
Ouvertes sur le cercle de la main
La nuit enfin roulée, coupée d'un arc blanc
La nuit et ses ocelles dispersées sur la peau. -
Action writing
Il devrait être dans l'action, dans l'écriture, mais l'auteur publié est dans une situation qu'il n'imaginait pas, et qui est tout le contraire de ce pour quoi il s'est engagé dans la littérature. Avant d'écrire, il redoute ce qu'on pensera de sa production. Entre deux publications, il doit parler souvent du livre précédent, mort pour lui, dépourvu d'intérêt puisqu'écrit, tandis que le roman qu'il veut écrire est retardé par la mise en route du livre en cours d'édition, qu'il corrige encore, amende, repense, dont il dispute la couverture et la diffusion, dont il attend la sortie, dont il ne sait plus quoi penser, cependant qu'un ou plusieurs autres manuscrits sont en lecture chez d'autres éditeurs, attente qui le préoccupe, obsède son esprit et le retient de se mettre au travail. En fait, il est constamment dans l'acte éditorial, qui dévore le temps de l'acte scripturaire.
Et puis, il se souvient du temps où être édité était un rêve impossible, espoir qu'il empoignait pour le noyer au fond de lui, ne plus l'entendre, le faire taire. Et il se fiche une calotte, un coup de pied au cul, et il se remet au boulot avec le sourire. -
A Gilly, Cachard, élu, est lu
Il faudrait, maintenant que le temps est venu
Et que je suis assis devant mon clavier
Revenir sur hier, conter par le menu
La rencontre à Gilly, par le monde enviée,
De Cachard, écrivain, et d'un lecteur ami :
Chavassieux, de son nom, un auteur lui aussi.
Je ne me souviens pas, pourtant, avoir promis
D'écrire un compte-rendu, mais enfin le voici :
C'était bien, c'était chouette, on y retournera
Chez Marielle à Gilly, où j'ai laissé Laurent
Parler, dire, expliquer et lire ce qui sera
La lecture désormais des nombreux adhérents
De la Médiathèque où nous étions reçus.
Je n'en dirai pas plus car je suis fatigué
Mais pour tous les absents et pour tous les déçus,
Sachez que sur son blog, Cachard a travaillé. -
Et de deux !
Ce soir, à partir de 18h30, la Médiathèque de Gilly-sur-Isère nous accueille, Laurent Cachard et moi, dans le cadre d'une première « carte blanche à Christian Chavassieux » (si si, ne prenez pas cet air surpris), événement qui devrait être reconduit chaque année, jusqu'à ce que, je ne sais pas, j'arrête d'écrire par exemple, ou que l'équipe de ce lieu change (choisissez en fonction des probabilités statistiques. Moi, je n'ai envie ni de l'un ni de l'autre). Une soirée qui débutera par la présentation de la nouvelle sélection Lettres-frontière. Sélection qui fut, en 2009, la cause de notre rencontre, Laurent et moi, et le début d'une amitié.
Les moments proposés par Marielle Gillard et son équipe sont toujours riches et intelligents, soigneusement organisés. La valeur ajoutée, ce qui les rend vraiment extraordinaires, c’est l'humanité et le bonheur qui se dégagent de ces instants. On a envie de les prolonger, de revenir. D'ailleurs, j'y reviens, chaque année, toujours émerveillé de bénéficier d'une telle attention, d'une telle gentillesse. Mon plaisir de partager ce bonheur avec Laurent multiplie si c’est possible, celui de retrouver Gilly.
La soirée sera consacrée ensuite à Laurent Cachard. Nous parlerons beaucoup de son dernier ouvrage, La troisième jouissance du Gros Robert, mais je veux aussi faire parler l'auteur sur son parcours, sur l'écriture, sur son engagement dans l'écriture et ses choix concernant cet engagement. Toute sa production sera évoquée, y compris ses textes de chansons. Et une lecture de la première nouvelle de son dernier recueil, sera produite par une troupe théâtrale. Personnellement, je pense que vous devriez venir.
Sur une idée de Laurent Cachard, nous avons commis ensemble une sorte de petit caprice, un recueil édité par Thoba's (qui publia « J'habitais Roanne »), intitulé Réversibilités, deux textes scrupuleusement équilibrés, calibrés à 1600 mots chacun, où nous parlons l'un de l'autre. L'idée est de les offrir aux auditeurs venus ce soir. Une raison de plus pour nous rejoindre.
Et puis, je me tâte encore (parce que je viens en train et que c’est lourd) : il se peut que j'apporte le dernier catalogue auquel j'ai participé. Il s'intitule « Venise au XIXe siècle, une ville entre deux histoires ». La commissaire de l'exposition, Camille Perez, a bien voulu me confier la rédaction de deux textes et de plusieurs notices. Elle a ensuite accepté que ces textes y figurent. Le catalogue est beau. Ce serait une façon, en donnant un exemplaire à la Médiathèque, d'un peu remercier de me faire cette confiance sans cesse renouvelée.A ce soir.
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Demain
Je vous en dis plus demain, mais notez déjà le rendez-vous, si vous êtes samedi soir du côté d'Albertville... ou à Gilly, carrément.
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Tenue de travail
En slip et en marcel à mon clavier. Je découvre que l'inspiration n’est pas liée à la décontraction de la tenue.
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Une étape
Pasiphaé, ma dernière pièce, sera donc programmée -au moins au théâtre de Roanne- dans la saison 2014-2015. Lointain rendez-vous mais enfin, l'enthousiasme du directeur du théâtre après la lecture que nous avons faite de la pièce récemment, sa promesse de nous aider à monter des dossiers, la révélation que notre prestation nous a fait à nous-mêmes, nous donnent des ailes. Aurore Pourteyron, Philippe Noël et François Podetti ont interprété avec une énergie incroyable et une extrême finesse les rôles respectifs de Pasiphaé, Dédale et Minos. Ce n'était qu'une lecture, enrichie des premiers morceaux de musique écrits par Jérôme Bodon-Clair, accompagnée par les premières images de Marc Bonnetin, mais cette seule lecture a stupéfié tout le monde. Il s'est passé quelque chose. Je crois que nous avons franchi un seuil.
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Filet de voix
Il avait d'abord passé son travail à l'épreuve du gueuloir, comme Flaubert, et puis, l'âge aidant, avait préféré le parloir. Les derniers temps, l'écrivain se contentait de confronter son écriture au murmuroir.
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LA Bibliothèque d'Alexandre
L'an dernier, Corie Bizouard m'avait commandé un texte pour l'insérer dans le parcours de son exposition autour de l'écriture. Un défi important pour moi. L'artiste est extrêmement exigeante et, passées les premières minutes d'excitation, l'angoisse est venue. Les contraintes étaient les suivantes : une fiction qui évoquerait -sans l'aborder directement- le thème de la bibilothèque d'Alexandrie, qui serait vocalisée, sur le mode de la confidence, et durerait environ 5 minutes. Je mets ici l'enregistrement effectué chez moi, dans l'atmosphère feutrée de mon bureau. Une tentative plus "pro", réalisée par l'ami Fabrice, de Calamités quotidiennes, a échoué : j'y étais très mauvais. L'exposition de Corie Bizouard à la Médiathèque de Roanne est en place aujourd'hui. J'en parlerai dès demain, j'espère.
Je vis ces jours-ci des moments inoubliables, mais qui me laissent peu de temps pour autre chose.
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Point final
Et il y a un jour, à force de travailler dessus, où votre roman vous devient odieux. Cela coïncide en général avec le moment où il est publié.
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En friche
Nouveau roman en chemin (je ne dis pas « en route », qui pourrait laisser croire à une raisonnable célérité). Une vingtaine de pages pour l'instant. Pas la gloire, mais un incipit encourageant. Pour une fois, je voudrais faire un texte court, ramasser l'écriture sur quelques mois, finir à la fin de l'été. Mais je vois déjà se multiplier les potentialités du récit, des thèmes abordés, des personnages, ça y est, ça fourmille, ça enfle, ça pousse, ça se répand ! Malédiction des friches où abondent les herbes folles. Surtout qu'après, le boulot pour enlever les ronces les plus grosses...
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Recours aux forêts
N'en a pas fini avec la tentation de s'abstenir de lire de nouveaux auteurs, s'abstenir d'écouter de la musique actuelle, d'aller voir des artistes contemporains et des films récents et de rester connecté à l'actualité. Parce que, à un certain moment, le cerveau se fatigue de n'être que médiocrement stimulé, ou découvre que toute cette soif de culture contribue, paradoxalement, à l'engourdir. Alors, reprendre les livres et les musiques, reconsidérer les œuvres qui nous ont déjà émerveillés, et celles-là seulement. Quant à l'actualité, son triste bégaiement rabâché par les échotiers assoupis, quelle nécessité ?
Et puis, soudain, une invention hallucinante, un livre remarquable, une musique inouïe, un tableau bouleversant... C'est désespérant, ce déferlement incessant de merveilles.
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