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Ecrire - Page 18

  • MICA

       Au-delà de la route immuable, la campagne retenait son souffle. Marie quitta sa contemplation pour regarder devant elle. Les fauteuils lui cachaient les nuques de la conductrice et de son mari et elle distinguait juste le haut de leur visage, reflété déformé dans le verre du pare-brise. Ce sera une étrange journée pensa-t-elle. Elle arrêta sa réflexion sur l’idée de la souffrance de son compagnon. Ressentait-elle de la pitié ? Elle s’était habituée au mal, avec lui. La maladie était de ces plaies dont on doit s’accommoder avec la grêle, le gel précoce ou les grandes sécheresses. C’est terrible mais on apprend à supporter l’obstination du malheur. C’est ainsi. Le Dieu de Marie avait la férocité de la nature et, comme elle, souriait au printemps, dévorait son monde avec les mouches de l’été. Et le vieil Henri boitait vers sa mort. Marie s’était habituée à le voir mourir plusieurs fois par jour.
       Le mari que l’élan de la vie lui avait donné ; pas vraiment choisi, présenté comme indéniable, l’Henri. Un parent lointain. Un bon bougre, pas méchant, travailleur, il n’aimait pas trop boire et ne l’ennuyait pas avec des fatigues superflues, les soirs. Dur à la tâche, oui, mais pas si costaud que ça, toujours des petites plaintes, des ennuis aux reins ou aux jambes. Rien de grave, mais une gêne permanente. Elle, ne s’était jamais plaint, son corps la portait encore fidèlement malgré l’âge, juste ses jambes douloureuses à cause de son poids, mais le reste… Alors elle pouvait se permettre de faire attention à son homme, l’aider à mourir au mieux. Même l’aider à croire qu’il pouvait vivre encore. Il y avait un dernier espoir. Un seul, puisque le Bon Dieu se tournait les pouces, assis sur son trône, et puisque la médecine avait baissé les bras. Ensuite… Ils savaient tous les deux qu’un répit est ce qu’il est, rien de plus, juste une pose pour souffler avant de reprendre l’outil. Il n’y avait aucun mystère là-dessous, les hommes se crevaient dans la poussière des champs ou la manducation des machines, précipitaient la course avec le vin et le tabac, et les femmes, assises dès l'alliance au chevet des hommes agonisants, restaient pour faire un tour le dimanche désherber les tombes, discuter avec les autres veuves à la sortie de la messe.

     

    Extrait de "MICA", reprise d'un ancien manuscrit et dernier roman que je viens d'achever, ce jour.

  • Sur le métier...

    Séance de rattrapage pour un manuscrit déjà ancien. Dans la perspective de ma mise en disponibilité, j'avais programmé ce travail de révision cette année. Ce roman dont l'action se déroule en 2003 avait déjà connu plusieurs versions. Il a intrigué des éditeurs, mais n'a jamais passé le cap de la parution. Je l'ai donc repris, considérant qu'il y avait de bonnes choses, reprenant les critiques faites par plusieurs éditeurs et prêt à les suivre, impitoyablement. La relecture de cette semaine me l'a montré tel qu'il a dû leur apparaître : encombré, débordant de personnages et de monologues intérieurs un peu conventionnels. Pour commencer, j'ai viré une dizaine de personnages, supprimé les métaphores laborieuses, les envolées pleines de pathos et réduit le volume d'une quarantaine de pages. On commence à y voir plus clair. Les séances suivantes auront pour finalité une réécriture complète. Le procédé ne m'a pas mal réussi il y a peu. Et ce texte, en fait, dit des choses que j'ai envie de faire passer. Quand ce chantier sera fini, dans deux ou trois mois, et bien, j'aurai tenu mon pari de boucler trois romans cette année... avec six mois d'avance, ce que je n'espérais pas. Oui, travailler tous les jours a ce premier avantage, qu'on voit les projets avancer. Ça tombe bien, j'en ai deux autres sous le coude. Au moins.

  • Dommages collatéraux

    Depuis deux mois aujourd'hui que je me consacre exclusivement à l'écriture, je ne suis pas sûr d'avoir amélioré mon style, gagner ma vie je ne sais pas non plus, par contre, j'ai gagné bien trois kilos.

  • Haïku funèbre

    La vieille chienne sous le prunier
    empêchée de venir jouer
    trop de terre couchée sur son flanc droit

  • Ligne d'arrivée

    Il est difficile de décrire l'émotion qui naît pendant l'écriture des dernières phrases, les dernières lignes  d'un roman. Quand la fin est là, au bout de la page, quand tout se recoupe, que la perspective de toute l'architecture trouve sa place et s'organise enfin. Il y passe de la jubilation, des regrets, une tendresse, une fierté, un soulagement. Quelque chose qui doit ressembler à l'émotion du marathonien sur les derniers mètres.

  • Temps nouveau

    Kronix est mou du genou en ce moment, il lui arrive de manquer à ses rendez-vous, ce qui était impensable il y a quelques années. Le paradoxe est que j'ai tout le temps aujourd'hui, paradoxe doublé du fait que j'ai beaucoup de choses à dire, notamment sur le monde de l'édition parisienne, que je découvre. Mais je suppose que, tout simplement, mon cerveau doit s'adapter à cette configuration nouvelle. J'écris chaque jour, mais sur mes romans, de façon obsessionnelle. Ce qui devrait me permettre, si j'ai bien calculé, de boucler trois livres cette année. L'un d'eux est en passe d'être achevé, l'affaire de trois semaines tout au plus. Il sera publié sous pseudonyme (enfin, si un éditeur en veut, n'est-ce pas ?), les deux autres sont en partie écrits, ils appellent une réécriture, une refonte plus ou moins complète selon le manuscrit. J'ai hâte de finir mon caprice actuel (car c'en est un et, comme tous les caprices, il m'est apparu ennuyeux dès que j'ai entamé sa concrétisation) pour passer aux choses sérieuses.
    En attendant, ma douce et moi, nous apprenons le temps des journées déroulées sans autres repères que les nôtres, les matins sans réveil, les soirs paisibles. Nous apprenons aussi l'économie de la précarité, précarité choisie et voulue, et j'apprends que ne plus vivre l'inquiétude du travail n'empêche pas les insomnies, les angoisses nocturnes, les heures imparfaites. La différence est qu'il me suffit de regarder par la fenêtre, d'enlacer ma douce et de me dire « ce sera comme ça désormais » pour que tout désarroi soit relativisé. Quand tout est réuni pour être heureux, un type comme moi (je veux dire : un type dont les angoisses et le mal-être sont les moteurs de la création) doit faire l'effort de se dire qu'il n'a aucune raison de ne pas l'être.

  • Plonger - remonter

    [Ici, j'épanchais mes sentiments dans un billet paniqué, supprimé parce que les copains sont vigilants et que, je crois , ils ont raison. Allez, hop; n'en parlons plus.]

     

    (et du coup, pas de billet aujourd'hui) Aha.

  • Les eaux froides.

    Voyageur, ne t'aventure pas dans ces contrées maudites si aucune raison impérieuse ne t'y oblige. Pauvres enfants de Pangée, marcheurs sous le soleil, promeneurs qui lancent leurs chants parmi les vapeurs parfumées que l'humus exhale, combien vous regrettiez la douce haleine de la terre ! [...] Après le calme relatif des longues nuits, un vent pénétrant se levait avec le maigre jour et courait sur les flots noirs à l'assaut de nos ponts. En quelques instants, les cordages et les haubans, les pavois, les lisses, les voiles, les proues et jusqu'aux mécanismes des balistes et des gouvernails, tout se couvrait d'un lourd fourreau de glace, empêchant les manœuvres, ralentissant les mouvements et l'exécution des ordres. La mâture devenait roche et forêt blanche de givre, envahie, recouverte, dévorée par une masse toujours plus épaisse de cristaux piquants qu'il fallait continuellement briser à la hache pour l'en dégager. Tout se faisait dans la peine et la souffrance. Agripper un câble sans protection était comme saisir une barre de métal brûlant. La peau était immédiatement arrachée, la chair crevassée. Nous respirions prudemment, l'air entrait dans la gorge douloureuse et jusqu'à la poitrine avec la force et l'éclat d'une dague. Le froid poussait des larmes aux yeux, larmes qui se figeaient dans l'instant. Le ciel était livide, la mer noire et balancée lente, marbrée de bave blanchâtre.

     

    Extrait de Les nefs de Pangée.

  • Caran, l'ensorceleuse

    Voyageur, s'il m'était donné de te montrer les îles Caran dans la lumière exacte où nous les découvrîmes ! C'était le grand jour, l'éblouissement tombé du zénith, vaste clarté à l'aplomb de l'unique. Le monde, l'océan, le soleil, notre mât, l'île majeure et son sommet couronné de nuées de papillons, masses mouvantes, légères et silencieuses comme des nuages, tous alignés dans l'axe du même sortilège. Caran, triangle posé sur la mer, vert et dense comme une émeraude taillée traversée de scintillements, éclats dont la source imperceptible à distance se révèle en approchant, être une multiplication de cascades et de ruissellements d'eau douce. Vision majestueuse qui rassérène le marin, lui dit que le repos est proche, au milieu d'une nature bienveillante et généreuse.

     

    Extrait de Les nefs de Pangée

  • Après la tempête

    Sous un ciel sans étoiles, flottant sur une mer invisible, Le triomphe de Rama était seul dans la nuit survenue. Nous avions allumé la lanterne de proue et tous les lumignons disponibles, que nous avions suspendus aux lisses. Nous lancions à tour de rôle de longs appels de trompes, à en perdre le souffle. Nos regards désespérés scrutaient les ténèbres complètes autour de nous, espérant un écho, une réponse. Mais pas d'autres lumières, aucun témoignage d'une vie sur l'unique. La plus grande flotte jamais lancée sur les eaux semblait avoir été engloutie. De toutes nos forces, nous résistions à cette idée. Nous étions sur le pont autant de paires d'yeux concentrées au point de faire naître des mirages. Parfois une voix perçait la nuit, poignardait les cœurs : « Là-bas, un fanal ! », nous nous précipitions. Mais il s'agissait d'une étoile brusquement découverte par un caprice de nuage, et nous restions, incertains, voulant croire, à interroger cette flamme vacillante, cette âme bleutée vite estompée. Il n'y eut bien que l'abattement, la consommation ultime de toute énergie, qui nous contraignit à abandonner la veille et à nous effondrer, mon prince et moi, l'un contre l'autre, quelque part sur le navire. Les autres firent de même. Nous avions compté nos morts, estimé le saccage de la tempête sur notre nef. Cela, nous y étions préparés, cela nous pouvions le supporter, mais perdre tous nos pareils dépassait notre capacité à mesurer les contours du malheur.

     

    Extrait des "Nefs de Pangée"

  • En fuite

    J'étais sur l'océan, à bord du triomphe de Rama, parmi les nefs de Pangée lancées dans leur dixième chasse, en vue des îles Caran. Et puis la réalité s'est imposée. Il y a des choix à faire. Moi, je crois que je vais retourner, définitivement, sur l'océan unique de mon monde. Démerdez-vous avec le vôtre.

  • Que je vous dise

    Hier, vendredi, j'ai donné par téléphone à Agathe, la très gentille et patiente et sympathique assistante du directeur d'édition, les ultimes corrections de « L'Affaire des vivants ». Corrections orthographiques (très peu, j'avais bien travaillé) et typo (beaucoup, à cause d'un parti-pris assez inédit de code particulier pour les dialogues). Voilà. Bouclé, terminé. La prochaine étape, c’est l'impression. Puis les services de presse.
    Un quart d'heure après ce long échange téléphonique, j'écrivais à Agathe pour lui demander d'apporter deux petites et ultimes corrections. J'avais eu le malheur de relire les deux premières pages.
    Il faut savoir lâcher son bébé. C'est difficile.

  • Critique de Mausolées

    Une nouvelle critique de Mausolées, sur Bifrost, par un nommé Eric Gentile. Très bien, bien écrite, donnant quelques clés malignes sur les enjeux.

  • Le 15 à 15 heures

    1-28092012-_igp5238.jpgA l'invitation de son équipe, je serai à la bibliothèque de Fleury-la-Montagne (Saône-et-Loire), ce samedi 15 mars (aujourd'hui, donc) de 15 h. à 17 h.  J'y parlerai de chacun de mes livres et des auteurs que j'aime. Je suis très heureux de cette invitation : on n'a pas tous les jours la chance de se rendre dans une bibliothèque qui peut se prévaloir d'un nombre d'abonnés équivalant à un tiers de la population de sa commune.

  • Chez les fleurandins

    Samedi 15 mars, de 15 à 17 heures, je suis accueilli pour la première fois à la Bibliothèque de Fleury-la-Montagne. Je viendrai en voisin (je n'habite pas loin) pour évoquer mon travail. Je ne parlerai pas seulement de mon dernier roman, Mausolées, mais de mes autres livres, de certains inédits, de théâtre, de nouvelles, et de mes influences et de pas mal d’autres auteurs que je connais. C’est l’avantage d’avoir du temps et je ne peux que remercier Françoise Leroux, bénévole de l'équipe, à qui je dois cette initiative.
    Petit village du département de Saône-et-Loire dans la région de Bourgogne, Fleury-la-Montagne compte 649 habitants appelés les Fleurandins (source : site de la mairie). Ce qui signifie que je vais pouvoir mettre à l'épreuve, une fois de plus, la pertinence du principe de Cachard.

  • Dans les amplis

    Odyssée riche et barbare, Le Maître des Eaux, ce récit dont la forme me laissait craindre qu’on me catalogue à sa sortie comme un prosateur réactionnaire dix-neuviémiste, commence à trouver ses marques et à prendre de l’épaisseur. Je vois enfin le moyen d’y prendre plaisir. La vertu d’une écriture lyrique, voire emphatique, est de finir par créer une atmosphère, une ambiance. A condition de ne pas être dupe du procédé, de s'amuser avec les mots et leurs sonorités comme avec des instruments électriques. Disons qu'en ce moment, je fais de la "littérature amplifiée". Il y a des risques pour les tympans à cause du nombre de décibels envoyés, mais on reste bel et bien dans de la musique.

  • Parlons un peu de l'Odalim

    Odalim est un mot qui signifie « les temps de l’origine » . Cela vient de Odir, le premier, qui est également le surnom du premier chasseur, Ghiom, celui qui remplaça l'espèce ancienne sur Pangée. On peut rapprocher Odalim de Od, le chiffre un, qui fait aussi référence à l'océan unique où il vit. C’est sans doute pour cela qu'on ne parle pas des odalims, et qu'on désigne le Maître des eaux toujours ainsi, au singulier. Comme s'il n'y en n'avait qu'un. L'Odalim a d'autres surnoms, en plus de Maître des eaux (ce qu'il est, incontestablement). On l'appelle Sôanget, qui est caché ; Eïnmein, le plus grand, le grand parmi les grands ou encore Lancalis, le destin. Les familles de Basal ont chacune un nom pour le désigner. Pour les Anovia par exemple, c'est Eïnev, au dessus ; pour les mystiques deBor, c'est Emata, l’autre. L'Odalim est entré tard dans nos récits, quand les nefs de Pangée ont osé s'aventurer assez loin sur l'unique, mais il tient depuis ce temps une place primordiale dans notre imaginaire. Des conteurs et conteuses avant moi ont émis l'hypothèse que la défiance envers les Flottants et la peur de l'Odalim sont confondues dans nos légendes à cause de leur découverte simultanée. Voyageur, tu rencontreras peu d'Estonians ou de Memphites qui prête le moindre crédit à l'histoire de Nodan le maudit et à la supposée razzia des Flottants sur Pangée. Pour étranges et fourbes qu'ils soient, les Flottants se tiennent à l'écart des nefs de Basal et n'ont sans doute jamais abordé la côte. D'ailleurs, les chasses  sont autant d'occasions d'éradiquer systématiquement leur population. On peut même supposer que le véritable but de la chasse n'est pas le sacrifice de l'Odalim à l'âge nouveau, mais la suppression de toute ville de Flottants sur l'océan. Les marins rencontrent de moins en moins souvent leurs étonnantes îles à la dérive, et mon prince et moi n'avons pas eu l'occasion d'en croiser pendant nos deux ans de formation à la navigation. C'est un peuple qui disparaît.

  • A paraître

    Jackie Plaetevoet, auteure et éditrice (Sang d'Encre), met la dernière main à un petit livre de sa collection Opuscules. Il s'agit de deux textes réunis en un seul recueil : « Lucifer Elégie » et « Nos futurs ». Deux textes au propos et aux tonalités très éloignés voire antagonistes quoique parents, dont la genèse et la forme semblent si différentes qu'elles paraissent issues de deux auteurs. C’est le cas, d'une certaine façon : le premier a été écrit par le quadragénaire que je fus, le second par le quinqua que je suis. Ce doit être suffisant pour  créer des contours physiques autour des manières d'écrire.
    La poésie actuelle se préoccupe peu des grandes figures mythologiques. La poésie actuelle n'a pas tort. Les grandes figures mythologiques m'ont cependant toujours paru proches et touchantes, tangibles comme les membres de ma famille et mes amis. Je les sollicite souvent pour bénéficier du raccourci que permet leur caractère universel. « Lucifer Élégie » est une suite de confidences de la figure de Prométhée, confondue ici avec celle de Lucifer. Parce que, étymologiquement, Lucifer (lux, ferre) est le porteur de lumière, celui qui n'admet pas la décision injuste de(s) Dieu(x) d'abandonner l'humanité à son innocence. Lucifer et Prométhée sont des philanthropes. Mais une bonne action est toujours punie. Ces confidences sont émises depuis les lieux où le grand révolté est enterré, par volonté divine. Elles font écho bien sûr, aux colères enfouies chez chacun de nous par souci de conventions sociales, mais aussi aux regrets des défunts, quand il est trop tard pour exister. Ce sont des paroles de spectres.
    Ces paroles (à peu de choses près, car j'ai réécrit certains passages) ont été entendues une fois, une seule, lors d'une représentation de la pièce « Le Rire du Limule », où elles constituaient des parenthèses entre deux séquences. Il y était question de toutes les occasions de révolte et de tous les renoncements. Elles étaient restées inédites.

    « Nos Futurs » est une série de variations autour de l'idée de lendemain, de futur, d'avenir, autour de la notion du temps. Un embryon de cette série de textes courts avait été initiée après une première collaboration avec Jérôme Bodon-Clair, compositeur de la musique du « Rire du Limule », justement. Tout se tient. Laissé en jachère, « Nos Futurs » a trouvé sa forme définitive grâce à l'élan donné par Sang d'Encre. Il me semblait que c'était le texte inédit le plus adapté pour accompagner « Lucifer Élégie ». Jackie a approuvé ce choix, par goût littéraire bien sûr, mais aussi parce que des passages font écho à certains aspects de sa vie.

    Aujourd'hui, ces deux textes rassemblés bénéficient du travail de l'artiste Corie Bizouard, qui les a illustrés (n'ayons pas peur de parler d'illustrations, me disait-elle), prolongeant les peurs et les ténèbres, révélant des images à peine esquissées entre les lignes, maniant un certain humour parfois. Des images d'une grande intelligence et d'une grande force graphique, car nées dans la puissance de la spontanéité. Les corps y apparaissent en creux dans la texture de l'encre noire ou en surfaces pleines, contours déchirés par la sécheresse d'une brosse (et essayez de répéter dix fois très vite cette dernière partie de phrase). Plusieurs dessins ont été faits à la peinture rouge, ils apporteront des ruptures bienvenues. Corie a vraiment fait un travail de grande qualité, et c’est toujours intimidant, déstabilisant même, de se voir épauler par tant de talents. Pour cela, je dois beaucoup aux femmes, remarqué-je : Anne-Laure Héritier-Blanc (« Les chants plaintifs » édition La petite Fabrique) ; Yveline Loiseur (« Dans les plis sinueux des vieilles capitales » chez Huguet), et puis Christine Muller, et puis Catherine Chanteloube, Jackie et Corie enfin.

    J'ai tellement conscience de la chance que j'ai, que tout cela me paraît illégitime.

  • Trompe-l'oeil

    Ce billet n'existe pas. Il a été écrit ultérieurement à sa date de parution, paradoxe temporel permis par le web. Ce billet n'a d'ailleurs rien à dire, rien à prouver, il ne paraît aujourd'hui que par peur du vide laissé dans un calendrier autrement parfaitement comble. C'est fait, il ne sera pas dit que Kronix était épuisé au point de négliger cet aspect essentiel de sa forme : l'obstination du diariste. Enfin, tout de même, si : son style trahit la fatigue, je l'admets.

  • Pas rien

    Il ne se sera pas passé grand'chose entre la naissance des dinosaures et la fin des humains. A peine un tour de la planète autour du centre de sa galaxie. C'est frustrant. Mais tout de même, il y aura eu le bref éclat de la littérature.