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Matières à penser - Page 18

  • Le Malin

    Enfin tout de même : pourquoi Dieu avait-il créé Adam et Eve avec des sexes différents, aux temps innocents du Paradis, s'il ne voulait pas qu'ils s'en servent ? Qui est le premier tentateur, hein ?

  • Miserere

    La religion gagne du terrain paraît-il. Pourtant, elle était déjà bien installée partout. Les athées n'ont pas changé d'opinion. Alors ? C'est la hargne religieuse qui se répand et s'affirme. Juste au moment où il est urgent d'être lucide.

  • Le pourquoi

    C'est à l'obstination avec laquelle une idée s'impose que je dois la mise en chantier d'un manuscrit. C'est cette obsession que je veux faire taire par les moyens de l'écrit, car je n'en possède pas d'autre.

  • La fine équipe du 25

    Une salle de réunion visible depuis la rue. Quelques jours avant Noël. Je passe et m'arrête sur le spectacle d'une équipe attablée autour de son chef. Les salariés réunis sont coiffés de bonnets de lutin à grelots, et le patron est repérable grâce aux bois de rennes en feutrine qui ornent le sien. Je suis subjugué par la connerie du procédé. Ce côté fun obligatoire de l'entreprise moderne, qui n'empêche pas, apparemment, une sévère mise au point du chef. Derrière la vitre je ne peux rien entendre, mais je vois bien que le renne s'agite et s'agace, tandis que les lutins hochent tristement du bonnet. Grotesque.

     

     

  • Pensée intermédiaire

    Je ne sais pas si les philosophes nous révèlent vraiment une vérité que nous ne connaissions pas, ou si nous ne nous approchons pas simplement de ceux qui nous confortent dans la lecture que nous avons déjà de l'existence.

  • Injustice des injustices

    Les types bien sont condamnés à rester purs. On ne leur pardonnera pas la moindre faille, le moindre accroc du passé ou manquement à leurs propres principes. Par contre, il suffit aux fumiers, aux salauds, aux ordures, de faire une fois, une seule un acte généreux ou désintéressé, voire seulement d'être sympathique pendant quelques minutes, et il sera dit, pour toute éternité : « Au fond, il a un cœur d'or ».

  • Le fauve d'en face

    Certains éthologues estiment que les fauves sont en général déroutés par la position bizarre de l'homme, debout sur ses deux jambes, et que cette originalité lui vaut d'avoir survécu aux âges farouches. De son côté, l'homme -que rien n'étonne- lançait épieux et silex meurtriers.

  • Pince-moi

    Interview pour l'hebdo local qui avait censuré "J'habitais Roanne" lors de sa sortie. Non ? Si ! J'ai accepté, parce que la journaliste était gentille et sincèrement intéressée, et que j'y voyais le moyen de glisser ceci :
    "Il y a peu, j'étais censuré par ce journal pour avoir contesté un propos selon lequel on doit servir aux lecteurs ce qu'ils sont censés désirer lire. Le fait qu'on me laisse m'exprimer librement ici aujourd'hui est peut-être le signe que, finalement, comme dans mon roman, certains s'interrogent, comprennent qu'il y a de la place pour les idées abstraites, et qu'elles ne sont pas nécessairement des « prises de tête » d'intello."

    A votre avis ? ça va rester ? (oui, peut-être après tout, mais alors avec un commentaire assassin, j'imagine. Mais ça m'étonnerait)

    Ce qui est le plus surprenant dans cette affaire, c'est que la direction, en suspendant un boycott qui aura duré deux ans, estime donc que je n'ai pas eu vraiment tort de moquer les saillies affligeantes d'un de ses journalistes, ou alors faut-il en conclure que la solidarité dans la rédaction est périssable, sinon, pourquoi me contacter ? Personnellement, je n'ai rien demandé et je me fiche pas mal d'apparaître dans cet hebdo.

    Je vous tiens au courant (d'autant plus qu'une bonne âme va sans doute les alerter sur l'existence de ce petit mot). Ah oui : contrairement à eux, s'ils ont quelque chose à dire, l'espace de mon blog leur est ouvert.

    Une hypothèse de dernière minute : le journal a été racheté par un titre auvergnat. La direction de là-bas a peut-être fait taire les réticences du responsable roannais. Ce qui signifierait que la rédaction locale n'a plus vraiment son mot à dire. Si c'est le cas, je ne suis pas sûr de devoir m'en réjouir.

  • Presque une interview

    - Monsieur Chavassieux ?
    - Oui ?
    - Je suis Isabelle S. du journal LPR, je voulais vous interviewer au sujet de votre dernier livre.
    - Et bien écoutez je vous remercie de votre intérêt, mais je suis très surpris. En avez-vous parlé avec Frédéric T., votre rédacteur en chef ?
    - Et bien euh...
    - Parce que je suis interdit de colonnes chez vous. Je serais très étonné qu'il accepte un article me concernant. Vous devriez vous renseigner.
    - Ah oui, et bien, je n'étais pas au courant.
    - Oui, renseignez-vous, parce que pour ma part, je n'ai pas changé d'opinion sur Frédéric T., je pense que lui n'a pas changé d'opinion sur moi. Je suppose donc que je suis toujours boycotté par votre journal.
    - Effectivement, et bien...
    - Voilà. Tout de même, puisque vous avez reçu le livre en service de presse (pas par mes soins – ndla), lisez-le et puis dites-moi ce que vous en avez pensé, à titre personnel, ça me fera plaisir.

  • Funambule

    La difficulté est de pratiquer la discipline autiste de l'écriture et de tout de même prendre sa part des affres de l'extérieur. S'enfermer et être ouvert sur le monde. La vraie difficulté, oui, je crois que c’est ça, finalement.

  • Dans la limite des places disponibles

    A. : Par exemple, tu vas pas me dire le contraire : Picasso c'est pas beau, quoi.

    B. : Compliqué, le beau. Picasso disait toujours qu'à 14 ans, il savait peindre comme Raphaël, et qu'il a mis toute une vie de travail pour tenter de peindre comme un enfant...

    A. : Et c'est qui, Raphaël ?

    B. : Ah. Et bien, c'est l'un des plus grands peintres de la Renaissance, avec Léonard de Vinci ou Michel Ange.

    A. : Michel Ange, ça me dit quelque chose.

    B. : Bon. Je disais, pour Picasso, en fait, à 14 ans, il peignait vraiment comme Raphaël, c'était incroyable. Il faut voir ses premiers dessins, ses premiers tableaux, c'est éblouissant de maturité et de...

    A. : Et il est mort ?

    B. : Picasso ? Oui. Il est mort.

    A.: Et l'autre, Raphaël ?

    B. : Mais, tu as écouté ? C'est un peintre de la Renaissance. Bien sûr qu'il est mort.

    A. : ...

    B. : Quand on parle de la Renaissance... La Renaissance, c'était il y a plus de cinq cents ans, alors oui, il est mort, Raphaël.

    A.: J'y connais rien, moi. Mais en tout cas, y'a plus de bons peintres.

  • Bravo l'altruiste

    J’ai cru en la tolérance, mais je me demande à présent si l’indulgence n’est pas une vertu plus haute, moins rigoriste ou doctrinaire que la tolérance. J’ai souvent remarqué de l’intolérance tout près de la tolérance, voire accouplée à elle, comme une face et son revers. Soyons simplement indulgents. Nous ne sommes pas là pour si longtemps, et sûrement pas meilleurs que les autres.

  • Extrait

    "Il se peut que l’humanité se fatigue d’elle-même, s’ennuie de porter son grand projet, tu vois ? Son vaste corps n’en peut plus d’œuvrer sans cesse. Ses névroses l’emportent. Elle cherche à en finir. Le problème est qu’elle n’a qu’elle-même pour réaliser ce désir de mort."

    Pavel Khan, à Léo. Mausolées.

  • 0,1 %

    Mnémos est un des rares éditeurs de littérature de l'imaginaire à permettre à de nouveaux auteurs français de publier dans ce genre, généralement dominé par la culture anglo-saxonne. C'est risqué, c’est compliqué, c'est courageux. Les éditions Mnémos reçoivent chaque année environ 2000 manuscrits de langue française. Vous avez bien lu : 2000. Travail titanesque de sélection. Bien sûr, on s'en doute, plus de la moitié de ces fichiers (l'éditeur propose l'envoi par mail, ce qui est fort commode), est éliminé à la lecture de la première page ou de la note d'intention style « J'ai 15 ans et je suis fan du Seigneur des Anneaux que jai fai dans se roman un homage ». Il en reste cependant environ 1000. Pour ceux-là, un sondage plus consciencieux permet de faire un nouveau tri : thème rebattu, absence de style, dynamique de l'écriture. Un professionnel a vite fait de repérer s'il a à faire à un écrivain ou pas (l'éditeur d'ailleurs éliminera également les manuscrits d'auteurs paranoïaques assortis de l'avertissement : « Ce texte est protégé sous les N°s --- et --- de la SACD, ne vous avisez pas de le publier sans mon accord ou même de reprendre les idées qui y sont car je n'hésiterai pas à vous intenter un procès. » Il en reste donc encore 500 qu'une équipe d'une dizaine de lecteurs bénévoles vont se partager et pour lesquels une fiche de lecture argumentée est demandée. Là-dessus, les derniers choix sont effectués. Cette année, Mnémos publie deux nouveaux auteurs français dans ce genre de littérature. Si vous m'avez suivi jusque là, vous conclurez que Mausolées avait 0,1 % de chance d'émerger de la masse. Un survivant.

  • Au Clair de la lune

    L'incompréhension dans les relations amoureuses est lisible dans les relations de Pierrot et Colombine. Le blanchâtre Pierrot chante à la lune pour séduire sa belle. Qu'attend-t-il en réalité ? Sa complémentaire : une tigresse en cuissarde et guêpière prête à lui arracher sa collerette et à le démaquiller à grands coups de langue. Et Colombine ? Je parie que le fade et évanescent Pierrot la laisse de marbre et qu'elle ne descendra jamais de son balcon pour s'enticher d'un type habillé et maquillé comme une poule. En fait, sous prétexte de se ressembler, ces deux-là sont les plus affligeants exemples de liaison vouée à l'échec et le diable si j'arrive à me souvenir de ce qui m'a amené à cette puissante réflexion.

  • Parité

    On a réalisé à l'usage, qu'inviter les noirs à partager la place était plus efficace et plus pratique. Je veux parler des cases de l'échiquier.

     

    (à la relecture, je réalise que ce billet peut être mal compris. Tant pis, ceux qui me connaissent auront fait le tri)

    (à la lecture du commentaire ci-dessus, je me dis qu'on pourrait aussi mal l'interpréter et qu'il me faut peut-être être plus explicite)

    (en relisant la parenthèse qui précède, je crains que la succession de parenthèses n'améliore pas la compréhension des mal-comprenants)

    (et ça suffit comme ça)

  • Que d'émotions

    Daniel Damart est un jeune homme de 51 ans. Pour qui l'ignorait, Laurent et ses complices se chargent de le faire savoir, cadeau d'anniversaire à l'appui. Et voici le quatuor lancé dans un interprétation métaphysique de Poussin Piou. Œuvre symbolique du XXIe siècle naissant, anti-romantique et post-humaniste, martelant son phrasé régressif dans les oreilles des oisifs en sueur sur les pistes de danse de la perdition. Laurent prononce l'antienne avec une neutralité grand style et les musiciens tentent d'élever leur art à la hauteur de la virtuosité de cette pièce magistrale, écrite pour la postérité. Nos enfants ont bien de la chance, qui hériteront d'un tel manifeste. Après les applaudissements de circonstance, il est temps de revenir à des choses moins graves, moins solennelles, plus distrayantes bien sûr, mais on n'est pas en vie pour se prendre inconsidérément la tête, et le spectacle littérature et musique reprend.
    Tandis que Laurent distille des extraits de Ciao Bella (une nouvelle de son dernier recueil, dont la fin provoque, selon le lecteur, attendrissement ou colère), et de Tébessa 1956 (moment particulièrement émouvant), dans la ville, un couple anonyme sort du restaurant, les enfants sont repus et fatigués, tout le monde est heureux de retrouver la voiture. « C'est la vie, c'est écrit » chante Eric Hostettler. Après le passage bouleversant de Tébessa, premier roman de Laurent, les musiciens concluent la représentation par L'Embuscade. Je crois que nous sommes tous profondément remués. Personnellement, les premières minutes qui suivent, dans le brouhaha et les déplacements des invités, je ne peux émettre et répéter qu'un stupide « Que d'émotions », seule expression qui me vienne, capable d'exprimer ce que je ressens. Heureusement, d'autres ont plus de vocabulaire que moi, Daniel, les amis et parents venus de Lyon soutenir l'auteur, Fabienne Bergery (auteure qui il y a peu, lut ses textes courts et inédits sur la scène du cabaret poétique), que je découvre « en vrai » et qui a la gentillesse de me demander mes projets. La pauvre. Après vingt minutes d'énumération, je propose qu'on boive un verre parce que ça suffit comme ça. Je félicite les musiciens (c'est le truc le plus nécessaire et le plus débile, féliciter ceux qui nous ont donné tellement de bonheur, on ne sait jamais quoi dire, en général, ils sont entre eux, discutent boulot, on arrive comme des intrus : « Que d'émotions, merci. » voilà c’est fait, je suis définitivement un gros bouseux qui passe). J'avise Clara, la violoncelliste, la félicite pour la maîtrise avec laquelle elle joue de son « gros violon », mon humour tombe complètement à plat, il vaut mieux que je prenne un deuxième verre, et un morceau de tarte aux pralines apportée par l'adorable sœur de Laurent. Je ne fais pas connaissance avec la compagne de Laurent, dont je ne capte qu'un sourire (il avait qu'à nous présenter correctement, aussi), j'échange quelques mots émus avec madame Cachard, maman de l'auteur, je découvre le travail d'une artiste argentine et l'artiste elle-même, je me fais dédicacer un exemplaire de Valse, Claudel, par Laurent Cachard bien sûr et simultanément par David Foenkinos (mais oui ! C’est incompréhensible mais j'ai bel et bien un ouvrage dédicacé du parrain de la fête du livre, quelques mots inscrits directement sous la signature de Cachard : « je m'ai bien régaler », agrémenté d'une petite fleur.) Il est temps de prendre la route du retour. Je remercie Laurent, je remercie Daniel, je remercie tout le monde, que d'émotions, mais oui mais oui, on lui dira, je sors. La nuit est douce. Tout imbibé de musique et de mots, je dépasse les limites de Saint-Etienne, m'engage sur la voie expresse qui me conduira jusqu'aux bras de ma douce. Devant moi, à quelques kilomètres, je ne le sais pas encore, mais un couple anonyme avec ses enfants vient de croiser un vieillard qui a pris l'autoroute à contre-sens.
    Après une heure et demie bloqué dans la voiture, quand je croiserai enfin les lieux de l'accident, au milieu des gyrophares et des carcasses défoncées, j'aurai en tête le refrain entonné par Hostettler, « c’est la vie, c’est écrit ». Je ne sais pas, si je n'avais pas assommé Fabienne de mes projets pendant vingt minutes, ma douce ne m'aurait peut-être jamais retrouvé.
    Que d'émotions.

  • Pas encore

    Et puis tu apprendras que les cieux ne sont pas idéaux, que les hommes parfois sont plus morts que vivants, que la beauté des choses est éphémère. Tu apprendras que tout est important, que rien n'est important. Tu apprendras que l'honnêteté coûte cher et que la saloperie résiste à tout. Tu connaîtras des souffrances que tu n'imagines même pas. Mais pour l'instant, mon tout petit, je vais te bercer et te raconter de folles histoires de paix et de joie. Le reste c’est pour demain. Demain n'est pas venu. Laissons le soir nous caresser des ses rêves idiots.

  • ça va de mieux en mieux

    Il a fallu 50 ans, mais la société s'est drôlement attendrie. Mon grand-père balançait les chatons surnuméraires dans une lessiveuse culottée d'alcali, et moi je m'assieds sur un tabouret pour ne pas déranger nos hôtes qui dorment sur le fauteuil où je m'installe d'habitude pour travailler. 50 ans. Allez, on fait pareil pour les humains et nous voici tirés d'affaire.

  • Tout seuls

    L'enfance et l'adolescence que l'on croit souvent préoccupées d'elles seules, sont des périodes où la vie se soumet au regard, à l'opinion des parents et des amis. Ce sont des temps où se construire est à moitié la tâche des autres.

     

    Extrait d'un texte en cours d'écriture sur mon pote et néanmoins artiste, Jean-Marc Dublé.