Pas seulement compter sur la bienveillance des caractères, mais construire le bonheur avec soin, patience et goût. Et puis descendre les poubelles ou changer la litière. On ne peut pas se complaire dans l'idéal.
Matières à penser - Page 19
-
Ce qu'il faut
-
En veille
Rêver, oui, pourquoi pas ? Rêver que les rêves se réalisent, ma foi, on peut toujours rêver.
-
Vieille canaille
En ce moment, je tente le portrait d'un ami. D'un artiste et néanmoins ami. C'est extrêmement compliqué. Heureusement, j'ai de lui sa part des échanges que nous poursuivons depuis quinze ans. Le plus surprenant, à la relecture de ses lettres, est de constater combien, sur certaines choses, il est resté le même. Et notamment en ce qui concerne sa défiance par rapport au jeu social, son orgueil de peintre détaché des enjeux financiers mais aussi (c'est lié) sa dérision face au grand cirque de l'art. En tout cas, je peux confirmer ce que chacun peut pressentir : il est très très difficile d'écrire sur un vieil ami. De là l'idée que le romancier privilégie la fiction parce qu'il n’est question que d'inconnus.
-
Des fois...
Brave vieille retraitée paisible au sourire amène et franc, le cœur sur la main. Et des messages haineux sur sa page Facebook appelant l'avènement de Marine Le Pen.
Soudain comme un coup de fatigue, un froid dans le cœur.Lien permanent Catégories : actu, choses vues, Matières à penser, Nouvelles/textes courts 0 commentaire -
Partir à la chasse, ou pas
Une assez longue expérience de la vie m'autorise à distinguer deux principaux types de toilettes à cuvettes équipées de chasse d'eau (nous parlerons des toilettes à la turque et des toilettes sèches à une autre occasion). Le premier type engloutit nos déjections sans faire d'histoire. Discrètes, avides, elles ne font qu'une bouchée de ce à quoi nous n'avons plus envie de penser, à peine en est-on séparé. Les secondes sont hésitantes, elles font tournoyer notre production dans un maelström du plus bel effet, nous invite à considérer une dernière fois les scories du jour, à méditer sur leur source et leur destin. Elles insistent, lanternent, temporisent, puis, dans un tressaillement de tuyauterie, comme se souvenant soudain qu'elles doivent achever l'opération, elles engloutissent l'essentiel, laissant sournoisement flotter quelques traces ignobles, pour vous faire regretter encore de les avoir si imprudemment utilisées.
Je hais les toilettes du deuxième type.
-
Vaticinons un peu
Peut-être avons-nous vécu une parenthèse dans l'histoire humaine, un âge d'or (relatif et pour une partie de l'humanité) d'une cinquantaine d'années, mais qui ne pouvait pas durer ? Peut-être que notre lot normal est le marasme, la pénurie, l'austérité ? Peut-être n'avions-nous pas droit à la prodigalité, l'abondance ? Les sociétés les moins prédatrices étaient pauvres par essence, matériellement (et relativement) pauvres, mais pas moins riches que les nôtres dans la culture et la sophistication des relations. Il faut peut-être que nous apprenions - non pas seulement la sobriété qui a paru une solution mais ne semble plus convenir à l'ampleur et l'urgence des enjeux- mais la relative pauvreté. Ce qui signifie de se désencombrer des addictions nourries par le système. Un sevrage coûteux et douloureux. Un renoncement. Et là, j'ai envie de dire : « OK mais sans moi. » Comme tout le monde, hélas. On n'est pas sorti du sable, moi je vous le dis.
-
Au suivant
Le roman que je viens de terminer ne trouvera probablement pas sa voie avant longtemps. Fini un mois avant l'échéance que je m'étais fixée, il est destiné pour l'instant au tiroir et à au repos. Une relecture vers la fin de l'année me dira ce que je peux en faire, grâce au recul que le temps permet de prendre avec un texte. Là, je saurai si je le réécris, si je le réorganise, si je l'enrichis, si je le réduis encore ou si, finalement, il doit retourner dans sa boîte pour ne plus jamais en sortir. L'exemple de « L'Affaire des vivants » que vous pourrez lire, si tout se passe bien, l'an prochain chez un grand éditeur, me conforte dans l'idée qu'un manuscrit, quel qu'il soit, doit être laissé en jachère, remisé le temps de vivre un peu avec seulement son souvenir. C'est une période intéressante parce que vous n'êtes plus dans l'acharnement de l'écrit, vous tournez avec légèreté autour des personnages que vous avez créés, vous flânez parmi les situations et les décors, sans enjeu, sans impatience. C'est un temps de grâce où le livre continue de pousser sans qu'on se soucie de lui, par bribes, par notes, par petites pensées inspirées mises de côté en attendant (et parfois par grandes révélations : « Bon sang, mais oui ! »). Pour ce dernier roman, dès la première lecture de la sortie imprimante (passage obligé pour moi, après des mois d'écriture sur écran), déjà se sont imposées des idées qui pourraient approfondir certains thèmes abordés, leur donner plus de corps ; et des coupes à effectuer. Paradoxalement, après avoir lu cette première version avec un certain mépris, une sorte de lassitude, je devine le roman qui pourrait advenir, et qui serait, lui, acceptable. Laissons faire, laissons le temps patiner ces pages, et nous verrons comment tout cela résiste.
En attendant, comme vous êtes un peu habitués si vous me fréquentez, j'enchaîne avec un nouveau livre. Ce ne sera pas un roman, enfin pas tout à fait, ce sera un texte hybride. Celui-là devrait être terminé en mai 2014. Et j'ai un beau titre. Un très beau titre. Ça nous fait une page. Ehé. -
Compte à rebours
C'était une belle journée, hein ? T'as aimé, c'était bien ? Ehé oui, une belle journée... Mais une de moins. 24 heures à déduire de ton compte, mon petit gars. Et tu sais, t'as déjà commencé le décompte de la suivante. Profite, profite...
-
Terraformation
On prolonge le monde et l'humanité telle qu'elle se découvre aujourd'hui : assez puissante pour transformer le monde. On pousse les curseurs de l'artifice au bout. Que voit-on ? Une sorte de terraformation négative. La planète n'est peut-être pas une forme aboutie et acceptable en l'état. On peut en finir avec toute la vie, hors les bactéries décidément trop résistantes. Ne garder que nous, entre nous, supportables à condition d'être rares. Une aristocratie de survivants. Sauf qu'on va s'emmerder, mais s'emmerder !
-
Un coup d'oeil dans le rétro
La fin du monde du 12 décembre 2012 est une des moins meurtrières de l'histoire de notre planète. Si l'on rapporte le nombre de décès ce jour-là, à celui de la moyenne des morts sur 24 heures, la différence - qui devrait exprimer la quantité de victimes de la catastrophe – est extraordinairement faible. Quasiment nulle, même. Ce constat a amené certains esprits forts à conclure que la fin du monde n'avait peut-être même pas eu lieu.
-
A force, on se demande...
Mais qu'est-ce qu'on leur veut aux femmes ? Pourquoi on s'acharne comme ça ? A les voiler, les cacher, les abrutir, les violer, les humilier, les encager, les enfermer, les menacer, les tuer à la naissance, les exciser, les réduire au silence, les découper, les harceler ? Mais qu'est-ce qu'elles nous ont fait, enfin ? Ah oui, crime impardonnable : elles nous ont faits. Voilà. Et on leur fait payer.
-
Allez-y, je vous regarde
Beaucoup de mâles de ma génération entretiennent leur corps ; j’entretiens mon isolement.
-
Et de deux !
Ce soir, à partir de 18h30, la Médiathèque de Gilly-sur-Isère nous accueille, Laurent Cachard et moi, dans le cadre d'une première « carte blanche à Christian Chavassieux » (si si, ne prenez pas cet air surpris), événement qui devrait être reconduit chaque année, jusqu'à ce que, je ne sais pas, j'arrête d'écrire par exemple, ou que l'équipe de ce lieu change (choisissez en fonction des probabilités statistiques. Moi, je n'ai envie ni de l'un ni de l'autre). Une soirée qui débutera par la présentation de la nouvelle sélection Lettres-frontière. Sélection qui fut, en 2009, la cause de notre rencontre, Laurent et moi, et le début d'une amitié.
Les moments proposés par Marielle Gillard et son équipe sont toujours riches et intelligents, soigneusement organisés. La valeur ajoutée, ce qui les rend vraiment extraordinaires, c’est l'humanité et le bonheur qui se dégagent de ces instants. On a envie de les prolonger, de revenir. D'ailleurs, j'y reviens, chaque année, toujours émerveillé de bénéficier d'une telle attention, d'une telle gentillesse. Mon plaisir de partager ce bonheur avec Laurent multiplie si c’est possible, celui de retrouver Gilly.
La soirée sera consacrée ensuite à Laurent Cachard. Nous parlerons beaucoup de son dernier ouvrage, La troisième jouissance du Gros Robert, mais je veux aussi faire parler l'auteur sur son parcours, sur l'écriture, sur son engagement dans l'écriture et ses choix concernant cet engagement. Toute sa production sera évoquée, y compris ses textes de chansons. Et une lecture de la première nouvelle de son dernier recueil, sera produite par une troupe théâtrale. Personnellement, je pense que vous devriez venir.
Sur une idée de Laurent Cachard, nous avons commis ensemble une sorte de petit caprice, un recueil édité par Thoba's (qui publia « J'habitais Roanne »), intitulé Réversibilités, deux textes scrupuleusement équilibrés, calibrés à 1600 mots chacun, où nous parlons l'un de l'autre. L'idée est de les offrir aux auditeurs venus ce soir. Une raison de plus pour nous rejoindre.
Et puis, je me tâte encore (parce que je viens en train et que c’est lourd) : il se peut que j'apporte le dernier catalogue auquel j'ai participé. Il s'intitule « Venise au XIXe siècle, une ville entre deux histoires ». La commissaire de l'exposition, Camille Perez, a bien voulu me confier la rédaction de deux textes et de plusieurs notices. Elle a ensuite accepté que ces textes y figurent. Le catalogue est beau. Ce serait une façon, en donnant un exemplaire à la Médiathèque, d'un peu remercier de me faire cette confiance sans cesse renouvelée.A ce soir.
-
Note 1770
Etait-ce la tonsure du bidasse ? L'accoutumance à l'humour de chambrée ? Ce film, vu entre camarades de régiment, m'avait fait éclater de rire. J'en avais mal aux côtes, j'avais été asphyxié de rigolade pendant toute la projection. A la première perm', je me hâte d'emmener ma fiancée de l'époque voir ce bijou. Et je me retrouve, consterné, devant un film indigent, stupide, grossier, affligeant, insupportable. Je n'ai jamais aussi bien ressenti et compris le phénomène d'abrutissement généré par un groupe.
-
Tenue de travail
En slip et en marcel à mon clavier. Je découvre que l'inspiration n’est pas liée à la décontraction de la tenue.
Lien permanent Catégories : choses vues, Ecrire, Matières à penser, Nouvelles/textes courts 0 commentaire -
Comme un camion
Avons-nous appris à trouver les volcans beaux ou le sont-ils, intrinsèquement ?
-
Changer de chaîne
En Grèce, ils ont peut-être déjà fermé les bibliothèques, mais personne ne s'en est ému ?
Lien permanent Catégories : actu, Bois-en mieux, Livres, Matières à penser, Nouvelles/textes courts 0 commentaire -
Le long terme
La tendance n’est pas celle qu'on croit. Nos vies seront de plus en plus courtes. De façon à ne pas percevoir les blessures infligées à notre planète. Vivre longtemps nous obligerait à en avoir une conscience, une appréciation. Ce serait insupportable.
(Oui, je suis d'humeur guillerette en ce moment).
-
Prédiction
L'eau du robinet ne sera plus potable, celle qu'on pourra acheter sera rationnée, il faudra sortir avec un masque, les enfants ne pourront pas jouer dehors sans protection contre le soleil et nous ne pourrons plus manger les légumes et les fruits du jardin. Et on nous dira que c'est ça, la normalité. Et vous savez, effectivement, après quelques années, nous trouverons que c'est une vie normale.
-
Recours aux forêts
N'en a pas fini avec la tentation de s'abstenir de lire de nouveaux auteurs, s'abstenir d'écouter de la musique actuelle, d'aller voir des artistes contemporains et des films récents et de rester connecté à l'actualité. Parce que, à un certain moment, le cerveau se fatigue de n'être que médiocrement stimulé, ou découvre que toute cette soif de culture contribue, paradoxalement, à l'engourdir. Alors, reprendre les livres et les musiques, reconsidérer les œuvres qui nous ont déjà émerveillés, et celles-là seulement. Quant à l'actualité, son triste bégaiement rabâché par les échotiers assoupis, quelle nécessité ?
Et puis, soudain, une invention hallucinante, un livre remarquable, une musique inouïe, un tableau bouleversant... C'est désespérant, ce déferlement incessant de merveilles.
Lien permanent Catégories : actu, Art, Au fil de l'Histoire, choses vues, Cinéma, Ecrire, Livres, Loisirs, Matières à penser, Musique, Nouvelles/textes courts 4 commentaires