Au cours de son enquête, il avait vu s'étendre le complot qui visait à lui pourrir la vie, à l'ensemble de l'humanité. Bientôt 7 milliards d'emmerdeurs. Il s'arma de courage.
Matières à penser - Page 25
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L'ultime complot
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Lucide
L'autre jour, un titre de magazine accroche mon regard : "12 000 lucides par an".
Surpris, je relis : "12 000 suicides par an." Quelle manipulation a commis mon cerveau pour interpréter ainsi le mot "suicide" ? Je continue ma promenade en mâchouillant les deux mots, leurs possibles connexions. Je sais que l'expression "se suicider" est un pléonasme étymologique, que le mot lucide vient de lux, la lumière, que Lucifer est le "porteur de lumière" (je revois Prométhée – sûrement le modèle de Lucifer – sur son rocher), je questionne sans arrêt le paradoxe de la lumière du lucide et des ténèbres du suicide. Un bref éclair de conscience vous projette dans la nuit. Je repense à la phrase de Beckett dans "en attendant Godot" (de mémoire) : Les femmes accouchent à cheval au-dessus des tombes, il y a un bref éclat de lumière et puis ce sont les ténèbres *…
Je me dis que les lucides passent par le suicide pour retrouver leur pote Lucifer, le premier lucide. Cela me donne de quoi ruminer pendant deux bonnes heures de marche ininterrompue.
Penser, c'est faire du sport.
* Vérification faite : " Elles accouchent à cheval sur une tombe, le jour brille un instant, puis c'est la nuit à nouveau." -
fast and not furious
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ça va me revenir
J'ai croisé, vous savez, ah zut, voyons, ce garçon tellement doué, peintre excellent, un ami de, comment déjà ? ce grand échalas un peu froid ? Enfin, ce n'est pas grave, je croise donc ce charmant jeune homme l'autre jour, ce devait être mardi, ou peut-être mercredi qu'importe. Et comme nous regardions la perspective de la rue du, du, allons, un maréchal, un général enfin un militaire vainqueur de la bataille, d'une bataille en Afrique, ou en Asie enfin loin de chez nous, vous voyez de qui je veux parler, bref ce n'est pas la question. Comme nous regardions cette rue, nous vîmes approcher un couple assez étrange. J'ai cru d'abord qu'il s'agissait de ces personnes si bien mises, les, les. Vous voyez ? ce couple de vieille noblesse germanique ou Finlandaise ou norvégienne, que nous avions connu à l'anniversaire de votre amie, cette chère madame truc ou machin et bien voilà que j'ai perdu son nom, mais vous l'aurez reconnue, n'est-ce pas ? Alors que pas du tout, nous avions devant nous, arrivant tout souriant ce bon De, Du quelque chose, j'ai oublié, avec sa femme -ou sa compagne je ne sais plus s'ils sont mariés- nous les saluons bien agréablement et je vois ce monsieur pâlir au moment de me présenter à sa dame : figurez-vous qu'il ne me remettait pas !
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Résister aux addictions
Pour enfin me contraindre à travailler, à travailler efficacement, il m'a fallu agir contre moi-même. Me discipliner. J'ai donc résolu la coupure d'internet et la suppression des logiciels de jeux sur ma bécane. (principales sources de dispersion pendant le temps de l'écriture. Une véritable addiction, très dommageable). La moindre pause dans l'inspiration et hop, j'ouvrais presque inconsciemment un « spider » ou une partie de mah-jong (complot des Chinois), j'allais sur mes mails ou pire : me retrouvais sur Facebook. C'est terminé. Concentration. Ma seule évasion à présent est l'ouverture du fichier « Kronix » où j'ajoute un petit billet comme celui-là à la suite des autres. Il faut savoir ce qu'on veut à la fin. Premier résultat : dimanche matin, la première scène de Pasiphaé est bouclée. Non, mais.
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La Seine était rouge
Il semble que le temps est venu pour les hommes de bonne volonté d'évoquer ce sinistre anniversaire. La France qui s'autoflagelle, vomie par notre futur ex-Kayser, est juste celle qui l'aime dans sa droiture et sa générosité, mais la déteste quand elle tue et et se couvre de honte.
Le site Mediapart rappelle qu'au lendemain de la tragédie du 17 octobre 1961, Kateb Yacine (1929-1989), immense poète algérien, s'adressait à nous tous, le peuple français :
Peuple français, tu as tout vu
Oui, tout vu de tes propres yeux.
Tu as vu notre sang couler
Tu as vu la police
Assommer les manifestants
Et les jeter dans la Seine.
La Seine rougissante
N'a pas cessé les jours suivants
De vomir à la face
Du peuple de la Commune
Ces corps martyrisés
Qui rappelaient aux Parisiens
Leurs propres révolutions
Leur propre résistance.
Peuple français, tu as tout vu,
Oui, tout vu de tes propres yeux,
Et maintenant vas-tu parler ?
Et maintenant vas-tu te taire ?A lire aussi, le livre de Leïla Sebbar : La Seine était rouge, Paris Octobre 1961 (Thierry Magnier, 1999 ; Babel, Actes Sud, 2009),
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Ils tournèrent leur carabine
Je voulais te dire enfin, toi que j'ai chahuté, que je n'avais pas compris ton courage. Ton projet. Nous étions des gamins ineptes, obtus, aveugles, nous étions abrutis par un ordre poussiéreux qui confinait l'étincelle jaillie sous notre enfance. Et toi, prof de musique, intrus dans cette institution religieuse, tandis que le cours de catéchisme tout près résonnait d'alléluias, tu nous apprenais Jean Ferrat. Et on beuglait « Potemkiiineuu » de l'autre côté de la cloison. Je voulais te dire qu'il a fallu du temps, que le polisson, le cancre, le revêche, était devenu autre et qu'enfin, enfin, il avait compris. Je voulais te dire que tu nous fus utile.
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Chinois
Tiens, je vais manger chinois aujourd'hui (et soudain, je réalise que j'appartiens à une génération qui peut se lancer cette injonction, in petto, sans avoir à mobiliser des armées, des navires, les moyens extravagants d'une expédition, soudoyer des mandarins, enchaîner un cuisinier innocent et le faire revenir, après moult dangers et péripéties, pour me donner satisfaction ; mais simplement traverser la rue. Et puis m'apparais, à la suite de cette première révélation, que tout cela a été fait par des chefs d'entreprise sans que j'en sois alerté, mais bel et bien fait, et j'en éprouve d'inquiétants remords.)
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Comme en flânant
Revenir sous cet arbre, dans cet été où tu me souriais, ou bien, sans plus de nostalgie, attendre le suivant.
Ma vie présente est une patience entre deux périodes heureuses. Et dans ce laps de temps, dans ce creux, je réfléchis à ce que je vais écrire. On annonce de sombres perspectives, notamment économiques (censées conditionner l'essence de nos vies), et finalement, si je suis inquiet pour mes enfants, je dois dire qu'en ce qui me concerne -puisque la vie m'est bonne entre la tendresse de ma douce et un peu de papier, un stylo, les milliers de bouquins qui nous entourent et qui n'intéressent personne- et bien on ne pourra pas me prendre grand chose. Alors...
A la maison, les plus intolérants, les plus égoïstes et malpolis sont les oiseaux, le poney, les chats et la chienne. Au milieu de cette famille à poils et à plumes, les humains font ce qu'ils peuvent pour satisfaire les uns et les autres. Ma douce notamment, qui court, achète, nourrit, s'empresse, panse et abreuve, n'omet pas de caresser et de flatter, de discuter un peu même. Quand je vois l'air blasé de nos chats, repus sur la banquette que nous désirions mais qu'ils ont investie, quand j'écoute dehors le hennissement du poney et son sabot qui frappe le sol dans l'impatience d'être servi et que je tente de manipuler la énième télécommande que la chienne a mordue, je me demande tout de même si nous méritons une telle expiation divine, ainsi donnée par l'entremise familière des bêtes qui voient les humains s'activer pour leur complaire. C'est en cela qu'on peut croire en un pacte secret conclu depuis les temps immémoriaux entre les animaux pour venger l'un des leurs : le serpent. -
A titre de comparaison
Une bonne initiative du site "LeMonde.fr", pour se donner une idée de la dette grecque, comparer sa masse avec d'autres vastes enjeux financiers : guerre en Irak, revenus pétroliers de l'OPEP, etc.
Juste nous permettre de jauger (cliquer ICI), c'est pédagogique, quoi. j'aime assez.
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Sus aux oisifs
Les autorités commencèrent à trouver très exagéré que les hommes puissent se permettre de ne rien faire pendant tout l'hiver. On mit sur pied une religion qui exigeait qu'on dressât des menhirs. Des gros menhirs, de quoi occuper toutes les périodes d'oisiveté.
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Les autorités commencèrent à trouver très exagéré que les hommes puissent se permettre de ne rien faire pendant que le Nil inondait les champs. On mit sur pied une religion qui exigeait qu'on élevât des pyramides. Des grosses pyramides, de quoi occuper toutes les périodes d'oisiveté.***
Les autorités commencèrent à trouver très exagéré que les hommes puissent se permettre de ne rien faire pendant leur chômage. On mit sur pied une politique qui exigeait qu'on subisse des emmerdements. Des gros emmerdements, de quoi pourrir toutes les périodes d'oisiveté. -
Les bienfaits du cartilage de requin*
Dans la revue de "la boutique du bien-vivre", Marcel Amont témoigne : « Tous les jours, je ressens des améliorations depuis que je prends votre cartilage de requin... » et Jean-Paul Rouland renchérit : « Quand j'ai reçu le Biopiezo, je souffrais, après quelques applications, mes douleurs ont commencé à s'atténuer, jusqu'à disparaître complètement ! », affirmations assorties de leurs trombines et des photos des machins, bien sûr. Je veux vivre encore assez pour connaître les produits que nous conseilleront Claire Chazal ou Benjamin Biolay.
* ce titre putassier n'a pour seule ambition que de faire grimper le nombre de pages lues de ce blog.
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Rire agricole
J'imagine le vieux malade solitaire qui paye ses courses avec un chèque du Crédit Agricole, illustré de la photo d'un beau couple qui se bécote. Bien que tremblante, la griffe s'élargit plus que de coutume, et passe rageusement sur la dentition éclatante des deux jeunes effrontés.
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Biffé
Sur le calendrier, des jours biffés, des semaines barrées, grillagées de feutre. Rendez-vous effectués, anniversaires fêtés, voyages dont nous sommes revenus. Des souvenirs enfoncés sous les ratures, comme des vestiges sous les pelletées de terre. Et puis, là-bas, dans la prochaine colonne, les espaces surlignés de bleu ou d'orange, les vacances à venir, les gens à rencontrer, les fêtes, les repas, les cinoches, les dédicaces des copains, les petits bonheurs en prévision.
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Vaticination
Et donc, à l'enfant que j'étais, rien de l'avenir ne fut dévoilé. Il n'apparut pas que je trouverai un travail, inespéré, mêlant ma passion de l'époque pour l'image et le graphisme ; il n'apparut pas que j'aimerai assez une femme et que j'aimerai en concevoir des enfants ; il ne m'apparut pas que j'aimerai encore et que je trouverai, comme au terme d'un voyage en perdition, l'escale finale où se construire autrement ; il n'apparut pas qu'on pourrait me croire intéressant il n'apparut pas que je serai tel que je suis maintenant. Je ne m'étais fait que des promesses impossibles. Je m'étais entendu avec celui que je serai pour qu'il ne sache rien de plus sur son futur que l'enfant avec lequel il pactisait. « T'inquiète, gamin : je serai toujours un imbécile heureux ». Merci à cet enfant de n'avoir rien compris, merci au jeune adulte de n'avoir pas désespéré, merci à l'homme mûr de ne pas savoir percer l'opacité des lendemains. Mais de leur accorder sa confiance.
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Coup de foudre
C'est qu'il m'arrive d'être absolument, tout d'un bloc, tout surpris de l'être, amoureux des gens ! Parce que l'un d'eux, parce que l'une d'elles, révèle l'excellence de notre condition, élève d'un geste ou d'une parole la médiocrité de tous. Parce que d'un coup, sans prévenir, l'une ou l'un rachète toute la famille humaine. Et là, je suis comme un fou transi, un amant incapable de dire quoi et combien ; un amoureux émerveillé de sa maîtresse et qui en oublie, un instant, tout le mal qu'elle a pu lui faire.
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Pipotron
Des pâtissières rêvaient de neurones.
Un meurtrier psychopathe se tortille.
Jennifer Lopez accédera aux cristaux.Je ne sais pas si vous me trouverez particulièrement en forme avec des phrases de cet acabit, ou si vous vous demanderez ce qui peut bien m'arriver soudain mais en fait, vous venez de lire trois phrases générées automatiquement par un générateur de phrases.
Toi aussi, amuse-toi à créer les textes de Christian Bobin avec ce merveilleux outil informatique. Tu devras tout de même, ensuite, ajouter quelques formules de ton cru. Faisons un essai avec deux nouvelles phrases (je clique deux fois) :
Le potier se force à laver une veste. Tu t'enorgueillissais de mes fourchettes.
J'ai de la chance, ce n'est pas très difficile. Je propose :
On attend jusqu'à ce que l'attente se délivre de son attente, jusqu'à l'équivalence d'attendre et de dormir. On attend que le potier se force à laver une veste. Que la veste soit veste pour le potier et qu'il la lave, qu'il soit forcé à la laver, car le potier attend et veut qu'on le force.
Avec le regard simple, revient la force pure.
Je te reconnaissais. Tu étais celle qui dort tout au fond du printemps, sous les feuillages jamais éteints du rêve. Tu te rêvais feuillage, tu te rêvais rêve, tu te rêvais éveil, repas, grand livre et froissé de robes, abat-jour et fourchettes. Tu t'enorgueillissais de mes fourchettes.
Et oui, vous voilà rassurés ; l'ordinateur ne fait pas tout, il y a tout de même un peu de travail : Il s'agit d'aller piquer de vraies phrases du vrai Bobin et de les mélanger au générateur et hop, ni vu ni connu.
Voilà. A vous de jouer. Vous pouvez générer du Maxence Fermine selon la même technique, à condition de coller le mot "neige" tous les cinq mots. -
Coup de sang
Tiens, tant qu'on est dans l'agacement : marre de cette littérature française allégée, avec toujours moins de passion, d'ambition, de contenu, de style, d'ampleur. Mais que veulent les lecteurs (les lectrices en fait, de plus en plus -et malheureusement dirais-je, pardonnez-moi) à la fin ? Des jérémiades à la Philippe Claudel ou à la Christian Bobin ? Des petites gentillesses asphyxiées et précieuses à la Maxence Fermine ? Des récits au format téléfilm à la Véronique Ovaldé ? De vagues perversités rompues à la mièvrerie parisianiste, façon Pascal Bruckner ? Bon sang de foutre, mais plongez un peu le nez dans Michon, Chevillard, Volodine, Jourde, Laupin, Houellebecq même tiens ! Et aussi allez faire un tour du côté des Roth et Ellis, des Ellroy et autres ricains qui vous troussent 600 pages d'un souffle et vous renvoient, naufragés sur la plage, hors d'haleine, fourbus, mais vivants nom d'un chien, vivants ! Ayant vécu quelque chose ! Pas de ces petites prudences de salon qui osent à peine effleurer la blancheur du papier, mais de ces solitudes qui vont tâter du cambouis de la littérature. Car ça s'appelle de la littérature, oui ! Et on en a sacrément besoin. Merde à la fin, quoi.
(Vite écrit avant de reprendre le boulot, un jour qui précéda notre départ en vacances. Je dis ça parce que j'en ai oublié, évidemment. Et d'ailleurs, je pourrais évoquer le prix des libraires, donné par des commerçants qui ne sont plus -justement- des libraires, à des livres qui -ben tiens- sont calibrés comme des succès de librairies).
Et puis, bon, par pudeur, je n'ai pas parlé des copains, mais les Laurent, les Christian, les Hervé, les Jean, etc. me pardonneront.
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Immémorial
Cesse avec cette logorrhée, dit le sage. Que vas-tu encombrer le monde de tes opinions, déjà pensées par d'autres, mieux que toi, et mille ans auparavant ? Je sais bien, répond le fou, mais c'est l'héritage du fou de répéter sans cesse ce que les fous avant lui ont enseigné. C'est que les sages ont la mémoire courte.
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Du fond du coeur, merci.
(Sur une idée de Petelus) Il saluait, remerciait, embrassait avec chaleur tous les barbouilleurs de pavés, les peintres ratés, les portraitistes du dimanche qu'il croisait. Au moins ceux-là, disait-il, certes rejetés par les écoles d'art, n'étaient-ils pas devenus dictateurs pour autant.